La tradition désormais bien établie aux Jeux olympiques de Paris est que les médaillés prennent un selfie ensemble. Mais elle est chargée d'un poids symbolique d'autant plus fort lorsqu'elle réunit ensemble, le temps d'un cliché, des athlètes des deux Etats coréens - alors que les relations intercoréennes sont au plus bas.
Le 30 juillet 2024, les pongistes Ri Jong-sik et Kim Kum-yong de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) se sont inclinés vaillamment en finale face à leurs rivaux chinois Wang Chuqin et Sun Yingsha - alors que la République populaire de Chine surclasse ses rivaux dans la discipline. L'incroyable parcours de la paire nord-coréenne, dans un combat digne de David contre Goliath, a fait vibrer Jean-Loup Delmas de 20 minutes :
La glorieuse incertitude ayant ses limites, la paire nord-coréenne s’est inclinée en finale mixte de tennis de table face aux ultrafavoris chinois, large numéro 1 mondial et composés de deux multichampions du monde en simple. Mais on se sera surpris à vibrer, lorsque les deux comparses de Pyongyang ont arraché le deuxième set. Ou qu’ils ont mené 4-0 dans le quatrième, se sont fait petit à petit rattraper, puis ont sorti deux, trois masterclass pour revenir à 2 sets à 3. Ou ce moment au cinquième set, lorsque distancés 2-0 d'emblée face à des adversaires remontés, ils ont mené 7-5.
Alors, oui, on se confesse, nous les pongix que nous sommes, dont notre seule connaissance de ce joli sport se résume aux Frères Lebrun et à des souvenirs globalement pas ouf de l’EPS au collège, on a non seulement vibré, mais on s’est aussi mis à souhaiter une victoire nord-coréenne. Juste pour voir une improbable remontada, un renversement de la table digne de Rocky version raquette, une victoire du petit poucet face aux puissants, en bon français romantique que nous sommes. Difficile de voir plus grande opposition : la 322e et 509e places mondiales affrontant les numéros un.
Mais le plus émouvant a sans doute été les gestes échangés avec la paire sud-coréenne, formée de Lim Jong-hoon et Shin Yu-bin, montés sur la troisième marche du podium. Après une poignée de main entre Lim Jong-hoon et Ri Jong-sik, c'est encore Lim Jong-hoon qui a pris le selfie historique entre les six médaillés olympiques - dans une image rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux, symbolisant l'esprit olympique de paix et de fraternité. Le cliché a d'ailleurs été pris par un téléphone de l'emblématique marque sud-coréenne Samsung, et les deux drapeaux nord et sud-coréens figurent sur la photo qui a fait le tour du monde.
Les compétitions internationales apparaissent comme un baromètre des relations intercoréennes : les athlètes de toute la Corée avaient défilé ensemble à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'été en 2000 et 2004, et à nouveau lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux d'hiver de Pyeongchang, en République de Corée (Corée du Sud), en 2018 - la Corée formant alors une équipe unifiée en hockey féminin. Plus encore, une délégation de la RPDC d'un niveau sans précédent s'est rendue en République de Corée à cette occasion.
Les gestes entre les athlètes du Nord et du Sud lors du podium de l'épreuve de double mixte en tennis témoignent aussi que - conformément aux valeurs internationalistes ancrées dans la culture des démocraties populaires - la RPDC distingue les peuples de leurs gouvernements : l'hostilité actuelle entre les régimes de la RPDC et de la République de Corée n'interdit nullement la sympathie des Nord-Coréens pour les Sud-Coréens.
Par ailleurs, à mi-chemin du parcours de Jeux olympiques de Paris, les délégations des deux Etats coréens ont déjà rempli leur contrat.
Largement éloignée des compétitions internationales depuis plusieurs années, dans le contexte notamment de la pandémie de Covid-19 qui l'avait conduite à ne pas participer au JO de Tokyo, la RPDC a remporté pour l'heure deux médailles d'argent : outre la deuxième place de Ri Jong-sik et Kim Kum-yong, les nageuses Jo Jin-mi et Kim Mi-rae sont vice-championnes olympiques en haut-vol à 10 mètres synchronisé féminin. En gymnastique artistique, An Chang-ok, double championne du monde, a terminé en revanche au pied du podium, à la quatrième place, en saut de cheval.
Provisoirement sixième au tableau des médailles (neuf médailles d'or, sept médailles d'argent et cinq médailles de bronze, soit déjà trois médailles d'or de plus que lors des Jeux de Tokyo), la République de Corée - malencontreusement confondue avec la RPDC lors de la cérémonie d'ouverture - dominant à nouveau les épreuves de tir à l'arc avec quatre médailles d'or, auxquelles s'ajoutent trois médailles d'or en tir et deux médailles d'or en escrime. Double médaillée d'or (en individuel et par équipe), Lim Si-hyeon a battu le 25 juillet 2024 le record du monde féminin de la discipline (jusqu'alors détenue, depuis 2019, par sa compatriote Kang Chae-young), obtenant 694 points (sur 720), 48 de ses 72 flèches parvenant au centre de la cible. Les trois autres médailles d'or en tir à l'arc ont été décrochées dans des épreuves collectives par équipes (hommes, femmes et mixte).
Un autre doublé en or (individuel et par équipe) a été réalisé par l'escrimeur, pratiquant le sabre, Oh Sang-uk, quintuple champion du monde, triple médaillé d'or olympique et neuf fois vainqueur de la Coupe du monde.
En tir, trois Sud-Coréennes ont décroché l'or : Ban Hyo-jin (carabine à air comprimé 10 m), Oh Ye-jin (pistolet à air comprimé 10 m) et Yang Ji-in (25 m pistolet).
Sources :
On s'est surpris à vibrer pour les nord-coréens en finale de ping-pong
Désolé pour le sens moral ou la logique, mais la fibre sportive a ses raisons que la raison ignore
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