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5 février 2024 1 05 /02 /février /2024 11:13

Le 15 janvier 2024, le dirigeant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a déclaré que la Corée du Nord et la Corée du Sud étaient désormais deux États hostiles en situation de belligérance, et non les deux parties d'un pays divisé mais dont les habitants appartiennent à une même nation et à un même peuple, tout en imputant cette situation à une Corée du Sud décrite comme inféodée à une puissance étrangère, en l’occurrence les États-Unis d’Amérique.

De fait, les Corée du Nord et du Sud sont « techniquement » en guerre depuis l’armistice du 27 juillet 1953, lequel n’est qu’un cessez-le-feu le long de la ligne de front. En revanche, les annonces de la dissolution des organisations de RPDC traitant des relations inter-coréennes et de la révision de la constitution de la RPDC pour remettre en cause les références à une seule nation, ainsi que l’affirmation que la République de Corée (du Sud) est « l'ennemi principal » de la RPDC, peuvent inquiéter ceux qui à travers le monde, à l’instar de l’Association d’amitié franco-coréenne, soutiennent le dialogue inter-coréen qui a abouti aux historiques déclarations Nord-Sud des 15 juin 20004 octobre 200727 avril 2018 et 19 septembre 2018.

Sur un plan plus symbolique, la destruction du Monument aux Trois Chartes pour la réunification de la Corée, édifié en 2001 à Pyongyang à l’entrée de la route menant en Corée du Sud, touche particulièrement l’Association d’amitié franco-coréenne qui a choisi de faire figurer sur son logo ce monument représentant deux femmes, une du Nord et une du Sud, se tendant les bras.

Les « Trois Chartes » qui guidaient jusqu’à une période récente la politique inter-coréenne de la RPDC sont les trois principes de la réunification  de la Coréele projet de fondation de la République fédérale démocratique du Koryo et le programme en dix points pour une grande union de la nation coréenneS’agissant des trois principes de la réunification de la Corée, ils ont été définis dès 1972 lors de rencontres entre officiels du Nord et du Sud : une réunification de la Corée en toute indépendance sans recours aux forces extérieures, ni ingérence étrangère ; une grande union nationale transcendant les différences d’idéologie, d’idéal et de régime ; une réunification pacifique, excluant tout recours à la force des armes. Ainsi, au plus fort de la guerre froide, alors que les tensions entre les deux parties de la Corée divisée étaient déjà très élevées, des perspectives d’avenir ont quand même pu être tracéedans l’intérêt de tous les Coréens, du Nord, du Sud et d’outre-mer.

Après 2022, les exercices militaires conjoints de la Corée du Sud et des États-Unis ont atteint une ampleur sans précédent et ont mobilisé, entre autres, porte-avions, sous-marins et bombardiers embarquant des bombes nucléaires. Ces exercices visent ouvertement la RPDC, et les préoccupations sécuritaires de cette dernière peuvent se comprendre, comme est compréhensible son refus de traiter avec un partenaire, fût-il du même peuple, prônant sa destruction et une réunification « par absorption ». Mais tout aussi compréhensible est l’engagement de femmes et d’hommes pour que prenne fin, dans l’indépendance et dans la paix, une division injuste imposée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à un pays héritier d’une civilisation pluri-millénaire. Les gouvernements passent, le peuple coréen reste.

Cette réunification de la Corée, indépendante, pacifique et transcendant les différences, apparaît aujourd’hui comme une perspective plus lointaine que jamais, mais elle reste un objectif souhaitable vers lequel doivent converger les efforts de toutes les personnes de bonne volonté. Il est aussi souhaitable que le dialogue inter-coréen se poursuive pour atténuer les tensions dans un des principaux « points chauds » du monde où se font face des armées équipées des moyens les plus destructeurs, car une nouvelle guerre en Corée affecterait le monde entier.

L’Association d’amitié franco-coréenne prendra toute sa part pour que vivent le dialogue inter-coréen et la possibilité d’une réunification en Corée. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.

 

Paris, le 3 février 2024

Déclaration du comité national de l'AAFC du 3 février 2024

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21 janvier 2024 7 21 /01 /janvier /2024 16:27

Le 15 janvier 2024, le dirigeant suprême de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), Kim Jong-un, a prononcé un discours à l'occasion de la 10e session de la 14e mandature de l'Assemblée populaire suprême (APS). Dans son discours, Kim Jong-un remet en cause le principe de réunification pacifique de la Corée dans les relations avec la République de Corée (Corée du Sud), à contre-courant notamment du communiqué conjoint Nord-Sud du 4 juin 1972, de l'accord de base intercoréen du 13 décembre 1991, de la déclaration conjointe Nord-Sud du 15 juin 2000 et de la déclaration du 4 octobre 2007. Il renonce ainsi aux principes de la politique intercoréenne définis et suivis, au moins depuis 1972, par ses prédécesseurs à la tête de la RPDC, y compris quand la Corée du Sud était une dictature militaire féroce. Ce n'est pas la première fois que la RPDC fait table rase, comme l'a montré très concrètement la destruction du bureau de coopération intercoréen à Kaesong, et change radicalement de cap. Si on peut penser à une manoeuvre tactique plus qu'à une nouvelle orientation stratégique, les déclarations du dirigeant suprême de la RPDC n'en méritent pas moins un examen approfondi quant à leur portée. 

La 10e session de la 14e mandature de l'Assemblée populaire suprême

La 10e session de la 14e mandature de l'Assemblée populaire suprême

La Corée du Sud est mentionnée à dix reprises dans le discours du 15 janvier 2024. Il est d'abord fait référence au cadre légal, selon lequel c'est l'APS qui a remis en cause les principes des relations intercoréennes depuis "près de 80 ans", sans préciser si le point de départ de cette période est la libération de la Corée (en 1945) ou la création de deux Etats (en 1948) : 

Aujourd'hui, l'Assemblée populaire suprême a légalisé de nouveau la politique de notre République envers le Sud en mettant fin à près de 80 ans d'histoire des relations intercoréennes et de la reconnaissance des deux États existant tous deux dans la péninsule coréenne.

Les relations entre la Corée du Nord et la Corée du Sud sont désormais décrites comme celles entre deux Etats hostiles en situation de belligérance, et plus comme celles entre les deux parties d'un pays divisé mais dont les habitants appartiennent tous à une même nation et à un même peuple, la Corée, tout en imputant cette situation à une Corée du Sud décrite comme inféodée à des intérêts étrangers :

Les relations nord-sud ont été complètement figées dans les relations entre deux États hostiles l'un à l'autre et dans les relations entre deux États belligérants, et non plus dans les relations consanguines ou homogènes. Telle est la situation actuelle des relations entre le Nord et le Sud aujourd'hui, causée par les manœuvres de confrontation odieuses et autodestructrices de la République de Corée, un groupe de larbins étrangers de premier plan, et par la véritable image de la péninsule coréenne qui vient désormais d'être dévoilée au monde entier.

Il est rappelé que les différentes organisations traitant des relations intercoréennes ont été dissoutes : 

Nous avons formulé une nouvelle position sur les relations Nord-Sud et la politique de réunification et nous avons démantelé toutes les organisations que nous avions créées comme organismes de solidarité pour la réunification pacifique lors de la session actuelle de l'Assemblée populaire suprême qui discute des lois de la RPDC. On peut dire qu’il s’agit d’un processus indispensable qui doit se dérouler sans faute.

Il est réaffirmé que la Ligne de limite nord, frontière maritime de facto entre les deux Etats coréens, n'est pas reconnue par la RPDC qui entend ainsi défendre tout son territoire, ce qui, pour certains observateurs étrangers, laisse craindre de nouveaux affrontements Nord-Sud dans cette zone :

Comme la frontière sud de notre pays a été clairement tracée, la « ligne de démarcation nord » illégale et toute autre frontière ne peuvent jamais être tolérées, et si la République de Corée viole ne serait-ce que 0,001 mm de notre territoire, de notre air et de nos eaux, cela sera considéré comme une provocation à la guerre.

Il est ensuite annoncé une révision de la Constitution pour remettre en cause les références à une seule nation de 80 millions de membres sur un territoire de près de 220 000 km2, et affirmer que la République de Corée est "l'ennemi principal" de la RPDC : 

Et je pense qu'il est juste de préciser dans le paragraphe pertinent de notre Constitution que de tels vestiges linguistiques interprétant à tort le Nord et le Sud comme des compatriotes comme « une terre semblable à une tapisserie de 3 000 ri » et « 80 millions de compatriotes » ne sont pas utilisés dans la vie politique, idéologique, intellectuelle et culturelle de notre peuple, et que l'éducation devrait être intensifiée pour lui inculquer la ferme idée que la République de Corée est son premier ennemi et invariablement son principal ennemi.

La révision constitutionnelle devrait être suivie de mesures pratiques adéquates pour se débarrasser des vestiges de l'époque passée qui peuvent être considérés comme des symboles de la « Corée du Nord et la Corée du Sud, pays homogène partageant un même sang », les formules « par notre nation elle-même » et « la réunification pacifique ».

L'annonce de la fermeture des canaux de communication Nord-Sud fait passer en la matière d'une situation de facto à une situation de jure : 

Pour le moment, nous devons prendre des mesures strictes et progressives pour bloquer complètement tous les canaux de communication Nord-Sud le long de la frontière, y compris la coupure physique et complète des voies ferrées de notre côté, qui constituaient un symbole de la relation Nord-Sud. l'échange et la coopération, à un niveau irréversible.

Enfin, un certain nombre de symboles doivent disparaître, tels que le Monument aux Trois Chartes pour la réunification, construit en 2001 pour marquer le premier anniversaire du premier sommet intercoréen : 

Nous devons également supprimer complètement le "Monument aux Trois Chartes pour la réunification nationale" qui se dresse à l'entrée sud de la capitale Pyongyang et prendre d'autres mesures pour éliminer complètement les concepts tels que "réunification", "réconciliation" et "compatriotes" de l'histoire nationale de notre République.

Le Monument aux Trois Chartes pour la réunification

Le Monument aux Trois Chartes pour la réunification

Rappelons que les Trois Chartes pour la réunification de la Corée, définies par le Président Kim Il-sung, sont :

- les trois principes de la réunification (indépendance, grande union nationale et paix),
- le projet de fondation de la République fédérale démocratique du Koryo,
- le programme en dix points pour une grande union de la nation coréenne.


Par ailleurs, le Monument aux Trois Chartes pour la réunification figure sur le logo de l'Association d'amitié franco-coréenne ainsi que sur la page d'accueil de son site Internet, pour rappeler l'engagement de l'AAFC en faveur de la réunification de la Corée tel que rappelé dans l'article 3 de ses statuts

Source : 

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10 janvier 2024 3 10 /01 /janvier /2024 17:13

L'agence officielle nord-coréenne KCNA a rapporté que Kim Jong-un avait visité des usines d'armement les 8 et 9 janvier 2024. Alors que l'escalade des tensions se poursuit dangereusement dans la péninsule coréenne, l'appréciation portée lors de ces visites par KCNA sur les autorités de la République de Corée (Corée du Sud) montre que les relations intercoréennes ont atteint l'un de leurs plus bas niveaux depuis des décennies - au point que certains analystes considèrent désormais que les deux Etats coréens seraient désormais ennemis. Qu'en est-il exactement ? 

Kim Jong-un visitant des usines d'armement

Kim Jong-un visitant des usines d'armement

A l'occasion d'une réunion du comité central du Parti du travail de Corée (PTC) qui s'est tenue en fin d'année 2023, Kim Jong-un a considéré que la rhétorique hostile de la Corée du Sud rendait à présent inapproprié - et relevant même d'une appréciation erronée - tout dialogue tendant à la réconciliation et à la réunification avec les actuelles autorités sud-coréennes : 

Je pense que c'est une erreur que nous ne devrions plus commettre que de considérer les personnes qui nous qualifient de 'pire ennemi' (...) comme quelqu'un avec qui chercher la réconciliation et l'unification.

Lors de la visite des usines d'armement des 8 et 9 janvier 2024, selon l'agence KCNA ce n'est pas tant la Corée du Sud qui est mise en cause comme "principal ennemi" que le "clan" qui la dirige, cette situation justifiant, toujours d'après KCNA, la priorité donnée aux efforts militaires pour faire face à "une posture de confrontation" : 

Prédisant que le clan de la République de Corée est notre principal ennemi, il a déclaré que la priorité de la RPDC dans ses relations avec l'État hostile qui connaît une forte fièvre d'accumulation d'armes tout en incitant à une posture de confrontation avec le premier est de renforcer les capacités militaires d'autodéfense et la dissuasion nucléaire en premier lieu.

Il est habituel que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) prétende être dans une posture d'autodéfense pour se tenir prête si les forces qu'elle qualifie d'hostiles déclenchaient une guerre, en excluant d'attaquer la première. A cet égard, la Corée du Nord à d'ailleurs récemment procédé à des tirs d'artillerie à munitions réelles près de la frontière maritime contestée, objet par le passé d'affrontements qui ont été meurtriers, en réaction aux manoeuvres conjointes des Etats-Unis et de leurs alliés.

En revanche, il est nouveau de déclarer que l'ennemi principal puisse se trouver à Séoul et pas à Washington. Si la Corée du Sud peut considérer le Nord comme son ennemi lorsque les conservateurs sont au pouvoir à la Maison bleue, le discours nord-coréen est traditionnellement de voir les Etats-Unis comme la principale menace pour Pyongyang - et la Corée du Sud comme un allié des Américains. Par des déclarations ciblées sur les autorités sud-coréennes, la sémantique a son importance : elle exclut toute perspective de dialogue ou d'échanges intercoréens sans modification de l'équipe dirigeante à Séoul - même si, par le passé, un changement de politique intercoréenne au Sud a pu s'opérer sous une même présidence. Sans surprise, les relations intercoréennes font malheureusement les frais de l'escalade des tensions qui dure depuis désormais près de deux ans. 

 

Sources : 

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16 décembre 2023 6 16 /12 /décembre /2023 20:58

Disparu il y a douze ans, le 17 décembre 2011, Kim Jong-il a été le premier dirigeant nord-coréen à rencontrer son homologue du Sud : le Président Kim Dae-jung en juin 2000, puis le Président Roh Moo-hyun en octobre 2007. Des déclarations intercoréennes ont été signées lors de chacun des sommets : celles du 15 juin 2000 mentionne l'existence de "points communs entre le projet de fédération dans son étape inférieure présenté par [le Nord] et le projet de commonwealth avancé par [le Sud]", les cosignataires ayant "décidé d'orienter dans ce sens la réunification".  La formule du Nord - telle que traduite par les sites officiels nord-coréens - nécessite des explications : elle fait référence à une "confédération" (entendue comme moins intégrée qu'une fédération). En droit, une confédération d'Etats a été définie par le professeur Louis Delbez (1895-1972) comme une "union durable, reposant sur un traité, conclue entre Etats indépendants et souverains et comportant une organisation permanente, qui devient elle-même personne internationale". De fait, Kim Jong-il a apporté des précisions sur la forme confédérale que devrait prendre selon lui une Corée réunifiée dans un discours prononcé le 4 août 1997, intitulé "Appliquons à fond les recommandations du camarade Kim Il Sung, Grand Leader, en matière de réunification du pays", et dont nous reproduisons ci-après des extraits.  

Déclaration intercoréenne du 15 juin 2000

Déclaration intercoréenne du 15 juin 2000

Le moyen le plus rationnel pour réaliser sans accroc la réunification du pays est d'obtenir l'unité nationale sous forme de confédération.

Notre nation souhaite que la réunification de la patrie aboutisse au plus tôt par un moyen rationnel acceptable pour tous. Si, aujourd'hui, alors qu'un demi-siècle s'est écoulé depuis l'instauration de régimes différents respectivement dans le Nord et le Sud, on veut réaliser la réunification selon le régime de l'une des deux parties, cela risquera, loin d'obtenir l'unité nationale, d'approfondir la division et d'entraîner dans la nation des calamités irrémédiables.

A la lumière de l'exigence impérieuse de notre nation et de la réalité de notre pays, le meilleur moyen de réaliser rapidement la réunification de la patrie est de fonder un Etat unifié national sous forme de confédération basée sur le principe : une nation et un Etat, deux régimes et deux gouvernements.

La forme de la confédération est la voie rationnelle, juste et équitable pour la réunification, car elle s'oppose à la poursuite de la prépondérance et des intérêts d'une seule partie et ne porte préjudice à personne. Elle contribuera également à dissiper le danger de guerre qui pèse en permanence sur la péninsule coréenne et à assurer la paix et la sécurité dans le monde.

Son aboutissement permettra à notre nation d'établir sa souveraineté sur toute l'étendue du pays et de réaliser sa grande union en tant que nation homogène ; il permettra également à notre pays de devenir un Etat unifié national souverain, attaché à la paix et neutre. Cet Etat confédéral unifié ne nuira pas aux intérêts des pays voisins ni ne les menacera.

Source : Editions en langues étrangères, Pyongyang.

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22 novembre 2023 3 22 /11 /novembre /2023 11:04

La République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a annoncé avoir réussi le lancement d'un satellite de reconnaissance militaire : selon KCNA, le 21 novembre 2023 le lanceur Cheollima-1 a décollé de la base de Sohae à 22h42 et le satellite Malligyeong-1 a été mis en orbite avec succès à 22h54, sous la supervision du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Les Etats-Unis et leurs alliés ont dénoncé un lancement effectué en violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.  

Le lancement opéré dans la soirée du 21 novembre 2023

Le lancement opéré dans la soirée du 21 novembre 2023

Présenté par Pyongyang comme relevant de son droit à l'auto-défense face aux manoeuvres militaires hostiles de ses ennemis, la mise en orbite du satellite militaire a été vivement dénoncée par les Etats-Unis, la République de Corée (Corée du Sud) et le Japon, car utilisant une technologie de missiles balistiques à laquelle les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies interdisent la RPDC de recourir. Le Japon avait été prévenu en amont par la RPDC du prochain lancement d'un satellite, ce qui avait entraîné un bref ordre de mise à l'abri des habitants de la région d'Okinawa lors de l'annonce du lancement. Séoul a annoncé la suspension partielle de l'accord intercoréen de septembre 2018, visant à réduire les tensions le long de la DMZ. L'arrivée au pouvoir à Séoul du conservateur Yoon Seok-yeol, en 2022, avait toutefois déjà entraîné, un rapprochement avec les Etats-Unis (conduisant à l'adoption de la déclaration de Washington) et le Japon, une profonde détérioration des relations Nord-Sud et l'interruption des lignes de communication entre les deux Etats coréens.

Deux précédentes tentatives de mise sur orbite d'un satellite militaire, en mai et en août 2023, avaient échoué, les fusées ayant explosé en vol. Si d'aucuns estiment que l'aide de la Russie aurait été décisive pour le récent lancement, une éventuelle coopération mise en place après la rencontre entre Vladimir Poutine et Kim Jong-un serait trop récente, comme l'a observé le professeur Jeffrey Lewis du Middlebury Institute, pour expliquer le succès (qui reste d'ailleurs à confirmer par Washington, Séoul et Tokyo) de la mise en orbite, pour la première fois, d'un satellite militaire.

En effet par le passé la RPDC avait déjà mis en orbite des satellites d'observation de la Terre, mais à des fins civiles, en 2012 et 2016, qui auraient ensuite cessé d'émettre. Les éléments alors recueillis par d'autres pays que la RPDC avaient conduit les experts à estimer le matériel basique, compte tenu de la faible résolution des images. Par ailleurs, une surveillance militaire efficace, comparable à celle de ses adversaires, suppose que la RPDC mette en orbite des dizaines de satellites. D'autres lancements sont ainsi attendus.

Dans le contexte de nouvelle guerre froide, il est improbable qu'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies renforce les sanctions contre la RPDC, compte tenu des vetos attendus de la Russie et de la Chine. Pyongyang a pris position pour la Russie dans la guerre en Ukraine, étant l'un des rares Etats à reconnaître les républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk, ensuite intégrées à la Russie à la suite de référendums non reconnus par la communauté internationale. De même, Pyongyang a accentué ses critiques contre Taïwan en soutenant la position de Pékin, tandis que le président sud-coréen a également établi un parallèle entre les situations à Taïwan et dans la péninsule coréenne. La Russie et la Chine ont ainsi dénoncé la responsabilité, selon elles, des Etats-Unis dans la montée des tensions autour de la péninsule coréenne pour s'opposer à de nouvelles mesures de sanctions contre la RPDC. 

Alors que malheureusement la perspective d'un dialogue vers la paix s'éloigne en Asie du Nord-Est, la nouvelle donne diplomatique a conduit, depuis 2022, à rendre caduque la perspective d'une normalisation des relations entre Washington et Pyongyang dans le cadre d'une dénucléarisation - qui constituaient l'objet des discussions depuis les années 1990, comme l'a observé l'officier et chercheur Rémy Hémez. Ce dernier formule également la proposition de discuter, à court terme, d'une réduction des risques, ce qui permettrait de réamorcer un dialogue et de prévenir la poursuite, de part et d'autre, d'une escalade lourde de risques : 

A court terme, une voie de négociation possible pourrait être de mettre en place des mesures de réduction des risques, qui contribuerait à l'avancée progressive vers une dénucléarisation de plus long terme. Dans le cas contraire, sans une approche repensée pour faire face à une Corée du Nord enhardie; la tendance à l'escalade risque de devenir la nouvelle normalité.

Sources :

- Rémy Hémez, "Péninsule coréenne : tensions nucléaires", in Thierry de Montbrial et Dominique David (sous la direction de), Ramsès 2024, Dunod, 2023, pp. 264-267 (dont citation). 

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3 novembre 2023 5 03 /11 /novembre /2023 13:34

Le 23 octobre 2023, à l'occasion de la 141e assemblée générale du Comité international olympique (CIO) qui s'est tenue à Bombay en Inde, le Nord-Coréen Jang Ung a reçu l'Ordre olympique au titre de sa contribution à avoir renforcé les liens d'amitié et de compréhension par le sport et pour avoir développé le mouvement olympique. De fait, Jang Ung, qui a été membre du CIO de 1996 à 2018, a également présidé la Fédération internationale de Taekwon-Do de 2002 à 2015 et a joué un rôle déterminant pour le rapprochement intercoréen via le sport. Il a été récompensé à une période où les relations entre les deux Etats coréens sont particulièrement dégradées, ce qui doit s'interpréter comme un signal donné par le CIO pour promouvoir la paix dans le monde. 

Jang Ung

Jang Ung

L'histoire du Taekwon-Do, le principal sport martial coréen, rejoint celle de la péninsule : divisée, à l'image également de celle du général Choi Chong-hi, Sud-Coréen considéré comme le fondateur de la discipline et ayant rejoint le Nord. Lors de sa disparition en 2002, c'est Jang Ung qui lui succède à la tête de la Fédération internationale de Taekwon-Do (acronyme anglais : ITF) à l'issue - comme un témoin l'avait alors déclaré à l'auteur de cet article - d'une élection respectant pour une fois "à peu près" les standards démocratiques (ce qui n'empêchera d'ailleurs pas l'éclatement de l'ITF en plusieurs chapelles rivales). 

Jang Ung est né le 5 juillet 1938 à Pyongyang. En 2002, il avait déjà été l'un des artisans du défilé en commun des athlètes nord et sud-coréens lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Sydney en 2000. Lors des Jeux olympiques de Pyeongchang, il plaidera - en vain - pour une organisation conjointe par le Nord et le Sud de la Corée. La présence à cette occasion au Sud, au début de l'année 2018, d'une délégation officielle nord-coréenne constituait toutefois un événement sans précédent dans l'histoire des relations intercoréennes, alors que la République de Corée était dirigée par le président démocrate Moon Jae-in. Jang Ung étant l'un des membres de la délégation nord-coréenne.

Jang Ung a enfin plaidé inlassablement pour un rapprochement avec la Fédération mondiale de taekwondo(*) (acronyme anglais : WTF), proche des autorités sud-coréennes. Là encore, ses efforts ont payé : en 2015 un accord historique entre l'ITF et la WTF a permis désormais aux athlètes affiliés à l'ITF de participer aux compétitions de la WTF, et vice versa. Si l'unification des règles entre les deux branches du Taekwon-Do est encore loin, c'est un premier pas dans cette direction. 

Jang Ung fait partie des hommes qui construisent la paix, en semant les graines du rapprochement entre les peuples. C'est tout cela qu'honore la distinction que lui a remise le CIO : puisse son exemple inspirer toutes celles et tous ceux sincèrement épris de paix, pour mener l'indispensable combat afin de construire la fraternité humaine. 

(*) Selon la graphie du nom du sport utilisée au Sud et par la WTF.

Principales sources : 

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8 octobre 2023 7 08 /10 /octobre /2023 12:46

Si la Corée constituait une seule nation sportive, elle aurait terminé deuxième au tableau des médailles à l'issue des Jeux asiatiques organisés à Hangzhou du 23 septembre au 8 octobre 2023, avec 53 médailles d'or (contre 52 pour le Japon). La seule République de Corée (RdC, Corée du Sud) a terminé troisième au classement officiel des médailles (42 médailles d'or, 59 médailles d'argent et 89 médailles de bronze, soit un total de 190 médailles). Pour sa part, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a fini dixième (11 médailles d'or, 18 médailles d'argent et 10 médailles de bronze, soit un total de 39 médailles) - alors que la RPDC a été absente des compétitions internationales depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19 en 2020, en n'ayant réouvert ses frontières que récemment

Une image touchante des Jeux asiatiques : à l'invitation des Sud-Coréennes Jeon Ji-hee et Shin Yu-bin ayant remporté l'or en tennis de table (doubles féminins), les Nord-Coréennes Cha Su-yong et Pak Su-gyong (deuxièmes) sont montées sur la plus haute marche du podium

Une image touchante des Jeux asiatiques : à l'invitation des Sud-Coréennes Jeon Ji-hee et Shin Yu-bin ayant remporté l'or en tennis de table (doubles féminins), les Nord-Coréennes Cha Su-yong et Pak Su-gyong (deuxièmes) sont montées sur la plus haute marche du podium

La médaille d'or la plus commentée à Séoul a certainement été celle obtenue en football masculin par les Sud-Coréens, confirmant que les guerriers Taeguk figurent aux tout premiers rangs des nations asiatiques en football. C'est la sixième fois qu'ils remportent l'or dans la discipline aux Jeux asiatiques. Le 7 octobre, ils ont vaincu le Japon en finale à l'issue d'un match disputé : alors que les Japonais ont ouvert le score sur un but d'Uchino à la deuxième minute, les Coréens sont revenus à égalité grâce à Jeong Woo-yeong (27') puis ont pris la tête du match à la suite d'un but de Cho Young-wook (56'). Cette victoire a été célébrée par les supporters du PSG, l'équipe parisienne comptant dans ses rangs le médaillé d'or Lee Kang-in. Comme tous les Sud-Coréens médaillés d'or aux Jeux asiatiques, il sera également exempté d'un service militaire d'une durée de 18 mois - alors que les obligations militaires ont lourdement pesé sur la carrière sportive de plus d'un joueur en Corée du Sud. 

Image du compte X (ex-Twitter) de Ligue 1 English, avec la légende ASIAN GAMES GOLD MEDAL FOR KANG-IN LEE

Image du compte X (ex-Twitter) de Ligue 1 English, avec la légende ASIAN GAMES GOLD MEDAL FOR KANG-IN LEE

La République de Corée a obtenu six médailles d'or en escrime, six médailles d'or en natation, cinq médailles d'or en Taekwondo, quatre médailles d'or en tir à l'arc. Elle a aussi remporté la compétition masculine de baseball masculin. Elle a également décroché deux médailles d'or en Esport : outre la victoire dans la compétition par équipes pour League of legends, Kim Gwan-woo a fini premier pour Street Fighter V : Champion Edition

La République populaire démocratique de Corée a décroché six médailles d'or en haltérophilie, la discipline suscitant un réel engouement depuis la première place des Nord-Coréens aux championnats du monde d'Almaty en 2014.  La jeune An Chang-ok (20 ans) a réussi un doublé en or en gymnastique artistique, en saut de cheval et aux barres asymétriques. Enfin, l'équipe nord-coréenne a obtenu l'argent en football féminin.

Sources : 

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20 août 2023 7 20 /08 /août /2023 16:55

A la veille des exercices de guerre Ulchi Freedom Shield, qui se dérouleront du 21 au 30 août 2023 en associant principalement des militaires américains et sud-coréens, des hackeurs qui seraient liés à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) sont accusés d'avoir lancé des attaques contre le personnel du centre de simulation de guerre de Séoul et Washington. Alors que Pyongyang dénonce les manoeuvres militaires américano-sud-coréennes comme des préparatifs d'invasion de son territoire, les accusations réciproques des différentes parties témoignent d'un climat de tensions toujours croissant dans la péninsule coréenne.  Pour l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), plus que jamais il est urgent d'oeuvrer pour la paix, le dialogue et la suspension des manoeuvres militaires afin de restaurer un climat de confiance propice à une nécessaire désescalade. 

Les exercices militaires prennent part dans un contexte de renforcement des alliances autour des Etats-Unis en Asie du nord-est. Sur cette image, manifestation de militants sud-coréens de Solidarity for Peace and Reunification of Korea, le 17 août 2023, contre le rapprochement militaire de Séoul et de Tokyo

Les exercices militaires prennent part dans un contexte de renforcement des alliances autour des Etats-Unis en Asie du nord-est. Sur cette image, manifestation de militants sud-coréens de Solidarity for Peace and Reunification of Korea, le 17 août 2023, contre le rapprochement militaire de Séoul et de Tokyo

L'édition été 2023 des manoeuvres Ulchi Freedom Guardian comporte un exercice de commandement basé sur des simulations informatiques ainsi que des exercices militaires et civils sur le terrain - au nombre d'une trentaine cette année (contre 13 en août 2022 et 25 pour l'exercice Freedom Shield du printemps 2023) - impliquant les différentes forces (air, terre, mer).  Elles sont présentées par Washington et Séoul comme défensives, face à la Corée du Nord. Comme en début d'année, la RPD de Corée pourrait réagir à ces manoeuvres en lançant un missile balistique intercontinental (ICBM). 

Outre la République de Corée (Corée du Sud) et les Etats-Unis, neuf autres pays doivent participer à Ulchi Freedom Guardian : l'Australie, le Canada, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, l'Italie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et la Thaïlande - tous membres du commandement des Nations unies en Corée, ce qui nourrit les accusations de la RPD de Corée contre le rôle selon elle non neutre des Nations unies (parallèlement aux critiques de personnalités sur l'utilisation du drapeau des Nations unies) - alors que la Commission de supervision des nations neutres est aussi associée aux exercices militaires. La participation française s'inscrit pour sa part dans un renforcement de l'alliance militaire entre Paris et Séoul, fortement critiqué par Pyongyang le 2 août 2023.

Même si ces manoeuvres militaires gagnent à nouveau en intensité, ce qui a retenu l'attention des médias internationaux cette année est surtout les accusations de piratage par la RPD de Corée d'adresses email de personnels sud-coréens du centre de simulation de guerre de Séoul et Washington. Les attaques, consistant en l'envoi de emails malveillants, ont été attribuées par la police sud-coréenne au groupe Kimsuky supposément lié à Pyongyang. Le choix des cibles et la date des attaques conduisent à incriminer la Corée du Nord, qui disposent de capacités offensives dans le domaine cybernétique.

En matière de cyberattaques, qui ne sont par ailleurs pas l'apanage des adversaires des Occidentaux, il est toujours difficile d'identifier de manière certaine les commanditaires, qui s'avèrent être des Etats dans la moitié des cas - lesquels ne revendiquent qu'exceptionnellement les actions menées : nous nous trouvons ici dans le domaine de la zone grise des conflits. Les pays des cibles visées ne réagissent généralement pas par des moyens conventionnels, en l'absence par ailleurs de régulation du cyberespace par le droit international public. Le déplacement des conflits traditionnels sur le terrain cyber traduit la diversification des modes d'affrontement - certes sur un mode non létal s'agissant des cyberattaques - mais s'inscrivant dans une logique de confrontation asymétrique aux effets d'entraînement tout aussi délétères quant aux risques d'escalade. 

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19 avril 2023 3 19 /04 /avril /2023 17:55

Le 17 avril 2023, la Cinémathèque diffusait en avant-première le premier long métrage de Lee Jung-jae, Hunt, diffusé à la 75e édition du festival de Cannes. Si l'acteur a une longue carrière - il a notamment tenu le rôle principal dans la série Squid Game, multi-primée - c'est en effet la première fois qu'il dirige un film - tout en jouant également l'un des principaux rôles. Un film d'espionnage et un thriller haletant - que la Cinémathèque a présenté sur plein écran, alors qu'en France le choix a été fait d'une diffusion seulement en DVD.

"Hunt" de Lee Jung-jae en avant-première à la Cinémathèque

L'intrigue peut sembler simple : une rivalité entre deux hommes de deux agences de renseignement (Park Pyong-ho, joué par Lee Jung-jae, et Kim Jung-do, joué par Jung Woo-sung), dans la Corée du Sud autoritaire des années 1980, et qui s'accusent mutuellement de servir les intérêts du Nord ennemi. Sauf qu'au final le manichéisme cède le pas à des positionnements infiniment plus complexes, qui font toute la beauté des portraits psychologiques brossés par Lee Jung-jae, sur fond de références implicites à des événements réels (notamment, l'assassinat du Président Park Chung-hee et l'attentat de Rangoun en 1983). Selon la formule de Nietzsche, les Etats sont les plus froids des monstres froids - et ajoutons que les services de renseignement sont au coeur du fonctionnement des Etats. 

Les amateurs de Squid Game retrouveront dans une certaine mesure l'ambiance de la série - une violence portée à son paroxysme prenant ici sa forme la plus éclatante dans l'usage ignominieux de la torture comme moyen d'extorquer des aveux. Mais comme dans le roman noir, il n'y a ni bons, ni méchants. La puissance des scènes d'action, dans un film au rythme effréné, font quitter Hunt des rivages du film d'espionnage pour en faire un thriller magnifique, où les fantômes des massacres de Gwangju hantent les étudiants animant les luttes démocratiques.  

Les scènes surplombantes de paysages tant urbains que ruraux nous invitent à prendre de la hauteur, traduisant le calme avant la tempête, alors que les destins des individus sont broyés par une raison d'Etat implacable. 

Sources : 

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6 mars 2023 1 06 /03 /mars /2023 11:13

Lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 6 mars 2023, Park Jin, ministre des Affaires étrangères de la République de Corée (Corée du Sud), a annoncé la création prochaine d'une fondation pour indemniser des Coréens victimes de travail forcé pendant l'occupation japonaise de la péninsule (1910-1945). Même si des discussions avaient éte engagées sur le sujet entre les deux parties, cette décision manifestement unilatérale, prise sans contrepartie immédiate du Japon, a été vivement saluée à Tokyo - mais a déjà engendré des critiques parmi des victimes, alors que les stigmates de la colonisation japonaise restent un sujet très sensible dans l'opinion publique coréenne.

Le ministre des Affaires étrangères Park Jin peut avoir le sourire : partisan résolu d'un front renforcé Washington-Tokyo-Séoul contre la Corée du Nord, il a satisfait les deux alliés de la République de Corée au-delà de leurs espérances en annonçant la création d'un fonds d'indemnisation des Coréens victimes du travail forcé pendant la colonisation japonaise

Le ministre des Affaires étrangères Park Jin peut avoir le sourire : partisan résolu d'un front renforcé Washington-Tokyo-Séoul contre la Corée du Nord, il a satisfait les deux alliés de la République de Corée au-delà de leurs espérances en annonçant la création d'un fonds d'indemnisation des Coréens victimes du travail forcé pendant la colonisation japonaise

Alors que des décisions de justice de tribunaux sud-coréens, en 2018, avaient prévu l'indemnisation de victimes coréennes de travail forcé pendant la colonisation japonaise, la question du versement des compensations était devenue un point de désaccord majeur entre Tokyo et Séoul. En effet, pour le Japon, l'accord de 1965 établissant les relations diplomatiques avec la République de Corée a réglé les contentieux historiques - dont l'indemnisation des travailleurs forcés - et ce n'est pas aux entreprises japonaises ni au gouvernement japonais de procéder à des versements décidés par la justice sud-coréenne. Finalement, selon l'annonce faite par le ministre Park Jin ce lundi 6 mars 2023, c'est une tierce partie - aux acteurs japonais et au gouvernement sud-coréen - qui procèdera à l'indemnisation : une fondation spécifiquement mise en place, dont les modalités de mise en place restent à établir.

Plus que les montants en jeu (si 780 000 Coréens ont été victimes de travail forcé, les décisions de justice ne concernent que quelques dizaines de personnes), la symbolique est forte, au moment où les tensions dans la péninsule coréenne imposent, selon Tokyo et Washington, de régler les différends entre alliés pour opposer un front commun face à Pyongyang.

Park Jin a d'ailleurs reconnu que tel était le sens de son annonce : 

La coopération entre la Corée et le Japon est très importante dans tous les domaines de la diplomatie, de l’économie et de la sécurité, dans le contexte actuel de grave situation internationale et de difficile crise mondiale (...) Je crois que le cercle vicieux doit être brisé pour le bien [des] peuples au niveau de l’intérêt national, plutôt que de laisser [nos] relations [ainsi] distendues pendant longtemps.

Séoul espère des excuses du Japon, ainsi qu'une contribution des entreprises nippones. Mais le gouvernement nationaliste japonais estime s'être déjà suffisamment excusé. La Corée du Sud a manifestement cédé sans contrepartie à une demande pressante du Japon - et des milieux d'affaires des deux pays - ainsi que des Etats-Unis, soucieux que les contentieux nippo-sud-coréens soient réglés face à la Corée du Nord et à la Chine. 

La décision prise risque d'être d'autant plus mal acceptée dans l'opinion publique sud-coréenne que le Japon accélère sa remilitarisation, en ayant décidé de porter de 1 % à 2 % la part de son PIB consacrée aux dépenses militaires. Si la création d'une fondation permet à quelques-unes des victimes, toutes très âgées, d'espérer une indemnisation, était-il pertinent de céder aussi facilement à un gouvernement japonais animé de sentiments fortement nationalistes et tenté par le révisionnisme historique ? L'escalade des tensions, qui accroît les risques de guerre, est aussi encouragée par des décisions telles que celle du gouvernement du Président Yoon Seok-yeol, défenseur du resserrement des liens avec le Japon - quoi qu'il en coûte.

Sources :  

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