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11 mai 2023 4 11 /05 /mai /2023 11:14

Bénéficiant de la venue au nord de la péninsule, après la Libération, de nombreux réalisateurs et acteurs qui s'étaient engagés dans la résistance antijaponaise, le cinéma nord-coréen définit de nouveaux canons esthétiques, fondés sur le réalisme socialiste, et s'emploie à magnifier la lutte victorieuse menée contre le colonisateur. C'est dans cette veine que s'inscrit le film My Home Village (connu sous ce titre anglais, même si une traduction plus fidèle serait Mon village natal), de Kang Hong-sik, sorti en 1949, devenu un classique du film de guerre - et plus largement du cinéma de la République populaire démocratique de Corée. 

En s'ouvrant sur une vue du Mont Paektu, point culminant de la Corée d'où Kim Il-sung et ses partisans ont mené la guérilla selon l'historiographie nord-coréenne, My Home Village est le premier des longs métrages à mettre en scène le combat des partisans antijaponais - incarnés par Gwan Pil (joué par Yoo Won-jun), paysan sans terre en butte à l'oppression du colonisateur nippon (Choi Jusa, dont le rôle est porté par Tae Ul-min), et un résistant que Gwan Pil rencontre en prison et qui le conduit à rejoindre la guérilla. L'un des faits d'armes, spectaculaire, est l'explosion d'un train japonais alors qu'il franchissait un pont. Gwan Pil épousera finalement sa fiancée, Ok Dan (Moon Ye-bong), et le film s'achève par les perspectives de la construction du socialisme. 

Dans ce long métrage fondateur du cinéma nord-coréen, on retrouve plusieurs de ses caractéristiques : l'importance des scènes chantées (dans la tradition coréenne du pansori), des rebondissements rapides et une intensité dramatique poussée à son paroxysme - ainsi que le choix que la résistance s'incarne dans des héros du quotidien auxquels le spectateur s'identifie pour poursuivre, à son tour, l'édification d'un nouveau pays. On retrouve aussi l'idée d'un message que doit porter l'artiste, qu'il soit écrivain ou réalisateur, conformément au rôle social qui lui incombe dans la culture coréenne - que celle-ci soit désormais identifiée au nord ou au sud de la péninsule. 

La réalisation de My Home Village a été soutenue par Kim Il-sung, accompagné par Kim Jong-il, alors âgé de 7 ans, lors d'une projection en avant-première. Le choix non seulement de jeunes acteurs, mais aussi de jeunes réalisateur et scénariste, s'inscrit par ailleurs dans une volonté d'édifier une société nouvelle, à contre-courant des traditions confucéennes accordant la primauté aux plus anciens.

Sources : 

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19 avril 2023 3 19 /04 /avril /2023 17:55

Le 17 avril 2023, la Cinémathèque diffusait en avant-première le premier long métrage de Lee Jung-jae, Hunt, diffusé à la 75e édition du festival de Cannes. Si l'acteur a une longue carrière - il a notamment tenu le rôle principal dans la série Squid Game, multi-primée - c'est en effet la première fois qu'il dirige un film - tout en jouant également l'un des principaux rôles. Un film d'espionnage et un thriller haletant - que la Cinémathèque a présenté sur plein écran, alors qu'en France le choix a été fait d'une diffusion seulement en DVD.

"Hunt" de Lee Jung-jae en avant-première à la Cinémathèque

L'intrigue peut sembler simple : une rivalité entre deux hommes de deux agences de renseignement (Park Pyong-ho, joué par Lee Jung-jae, et Kim Jung-do, joué par Jung Woo-sung), dans la Corée du Sud autoritaire des années 1980, et qui s'accusent mutuellement de servir les intérêts du Nord ennemi. Sauf qu'au final le manichéisme cède le pas à des positionnements infiniment plus complexes, qui font toute la beauté des portraits psychologiques brossés par Lee Jung-jae, sur fond de références implicites à des événements réels (notamment, l'assassinat du Président Park Chung-hee et l'attentat de Rangoun en 1983). Selon la formule de Nietzsche, les Etats sont les plus froids des monstres froids - et ajoutons que les services de renseignement sont au coeur du fonctionnement des Etats. 

Les amateurs de Squid Game retrouveront dans une certaine mesure l'ambiance de la série - une violence portée à son paroxysme prenant ici sa forme la plus éclatante dans l'usage ignominieux de la torture comme moyen d'extorquer des aveux. Mais comme dans le roman noir, il n'y a ni bons, ni méchants. La puissance des scènes d'action, dans un film au rythme effréné, font quitter Hunt des rivages du film d'espionnage pour en faire un thriller magnifique, où les fantômes des massacres de Gwangju hantent les étudiants animant les luttes démocratiques.  

Les scènes surplombantes de paysages tant urbains que ruraux nous invitent à prendre de la hauteur, traduisant le calme avant la tempête, alors que les destins des individus sont broyés par une raison d'Etat implacable. 

Sources : 

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13 février 2023 1 13 /02 /février /2023 23:09

Le pansori (littéralement, chant du lieu public), est l'art coréen du récit chanté, accompagné d'un tambour (le janggu), inscrit au patrimoine immatériel de l'Unesco. Il trouve son expression la plus aboutie dans Le chant de Chunhyang (appelé aussi Chunhyangga). Cette œuvre, dont les origines sont difficiles à établir - remontant au moins au XVIIe siècle, sous la dynastie Choseon (1392-1910), conjugue les arts de la littérature, du chant et de la scène. Les artistes itinérants du pansori accompagnaient à l'origine les chamans, ce qui a marqué leur style, imprégné de mystère. Le chant de Chunhyang a inspiré nombre de créations postérieures dans l'ensemble de la péninsule coréenne, jusqu'à l'époque contemporaine. 

Peinture de la période Choseon, illustrant l'histoire de Chunhyang

Peinture de la période Choseon, illustrant l'histoire de Chunhyang

Par son intrigue, l'histoire de Chunhyang a une portée universelle - mais elle trouve une résonance toute particulière dans une culture coréenne ancrée dans le néo-confucianisme, en illustrant les valeurs traditionnelles de loyauté, de fidélité et de justice. 

A Namwon (dans le Jeolla) vit Chunhyang, qui est la fille d'une kisaeng - du nom des courtisanes de l'ancienne société coréenne apparues sous la dynastie Koryo (918-1392). Chunhyang et Yi Mongryong, fils d'un magistrat, tombent amoureux. C'est, hélas, un amour impossible à cause des barrières sociales. Après le départ de Yi Mongryong parti étudier à Séoul, Byeon, un magistrat tyrannique de Namwon, décide de faire de la belle Chunhyang sa concubine. Mais fidèle à Mongryong, la jeune fille refuse ses avances et Byeon l'emprisonne et la fait condamner à mort. Ayant remporté la première place à l'examen d'Etat, Mongryong revient comme inspecteur royal secret. Il punit Byeon, et libère et épouse Chunhyang. 

Si la légende de Chunhyang est attestée dans plusieurs ouvrages de la dynastie Choseon, Le chant de Chunhyang est composé, dans sa forme actuelle, par Shin Jae-yo dans les années 1870 - en France, il a été traduit par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet et publié aux éditions Zulma en 2008. Dès le XIXe siècle, le pansori constituait un genre qui avait gagné ses lettres de noblesse parmi les lettrés, avant de décliner pendant la colonisation japonaise. Nombre de ses artistes gagnent le nord de la péninsule après 1945, notamment Pak Tong-sil (1897-1968) qui l'adapte à des thèmes patriotiques et révolutionnaires. Un des classiques du cinéma nord-coréen, La légende de Chunhyang, de Yun Ryong-gu et Yu Won-jun (1980), s'inscrit dans la tradition du pansori en alternant les scènes jouées et chantées. 

Au sud, si Pak Tong-jin (1916-2003) réalise dès 1969 une interprétation de l'histoire de Chunhyang pendant huit heures (enrichissant ainsi le scénario de base), le récit connaît un important renouveau avec Le chant de la fidèle Chunhyang d'Im Kwon-taek en 2000, où le rôle de Chunhyang est interprété par Yi Hyo-jeong et celui de Yi Mongryong par Cho Seung-woo, alors révélé. Comme Yun Ryong-gu et Yu Won-jun, il situe également l'histoire au XVIIIe siècle. Son film a valu à Im Kwon-taek la palme d'or au festival de Cannes en 2000. Les dramas coréens ont ensuite repris et adapté Le chant de Chunhyang.

La popularité du récit a même gagné le Japon, où un manga de CLAMP, Shin Sunkaden,  publié en 1992, reprend la légende de Chunhyang. 

Namwon, où les faits sont censés s'être déroulés, organise chaque printemps un festival consacré à Chunhyang. 

Sources : 

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3 février 2023 5 03 /02 /février /2023 18:50

Elle avait été l'une des actrices vedettes du cinéma sud-coréen des années 1960 et 1970, et sa carrière s'était poursuivie sans interruption jusqu'en 1982. Elle avait ensuite tourné dans cinq long métrages, et pour la dernière fois dans Poetry de Lee Chang-dong en 2010.  Née le 30 juillet 1944 à Pusan, puis ayant grandi à Gwangju, Son Mi-ja avait accédé à la célébrité sous son nom de scène, Yun Jung-hee. Elle s'est éteinte le 19 janvier 2023 à Paris, alors qu'elle s'était établie en France avec son mari, le pianiste Paik Kun-woo, depuis le milieu des années 1990. Elle laisse derrière elle deux filles, dont la violoniste Paik Jin-hee. L'Association d'amitié franco-coréenne présente ses condoléances et à la famille et aux proches de cette artiste exceptionnelle. 

Un dernier hommage à Yun Jung-hee

Elles étaient trois - trois actrices concurrentes qui avaient crevé l'écran de l'encore jeune cinéma sud-coréen, qui à cette date n'avait pas conquis la planète : la "troïka" de stars était formée de Yun Jung-hee, Moon Hee (née en 1947, en activité depuis 1965) et Nam Jeong-im (1945-1992, en activité de 1966 à 1978). 

Ayant tourné dans quelque 300 films, notamment comme partenaire de Shin Seong-il, Yun Jung-hee avait débuté sa carrière en 1967 dans Un épéiste au crépuscule, et la même année elle avait été récompensée comme nouvelle actrice aux Grand Bell Awards et comme meilleure actrice aux Blue Dragon Film Awards. Elle conservera ces titres de longues années durant. L'Association coréenne des artistes de cinéma lui avait remis en 1992 le prix de meilleure actrice en activité, et en 2018 un prix pour l'ensemble son oeuvre. Pour son rôle de Yang Mi-ja dans Poetry, elle avait reçu pas moins de six prix nationaux et internationaux, dont le prix de l'Association des critiques de cinéma de Los Angeles et celui de la meilleure performance pour une actrice de l'Asia Pacific Screen Awards

Elle souffrait depuis dix ans de la maladie d'Alzheimer, à l'instar de l'héroïne qu'elle incarnait dans Poetry.

Lee Chang-dong, réalisateur de Poetry et ancien ministre de la Culture de la République de Corée, était présent à la cérémonie catholique qui lui a rendu hommage. Ses cendres reposent désormais dans le columbarium du cimetière de Vincennes.

Un dernier hommage à Yun Jung-hee
Yun Jung-hee en 2010, dans Poetry

Yun Jung-hee en 2010, dans Poetry

Principales sources : 

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28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 17:05

Le 28 janvier 2023, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a célébré à Paris le nouvel an lunaire (que les Coréens appellent Seollal) - correspondant au premier jour de l'année selon le calendrier lunaire, et qui tombait cette année le 22 janvier. Après des manifestations culturelles, la cérémonie s'est poursuivie autour d'un buffet coréen. 

L'AAFC a célébré le nouvel an lunaire

La culture était à l'honneur lors de ce moment de convivialité. Après qu'un des convives, chanteur d'opéra, a ravi les participants en entonnant plusieurs airs a cappella, la projection du film Le journal d'une jeune Nord-Coréenne a offert une plongée dans la société nord-coréenne des années 2000. Les discussions autour du long métrage de Jang In-hak, produit en 2006 et sorti en France en 2007, avec Pak Mi-hyang dans le rôle principal, se sont poursuivies autour d'autres projets culturels que mènera ou soutiendra l'AAFC - notamment une exposition de peintures et d'affiches nord-coréennes, ce qui serait une première en France, et pour laquelle plusieurs lieux (musées, galeries) sont à l'étude.

Les échanges ont continué autour d'un buffet coréen - alors que l'inscription récente des nouilles froides au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO rappelle que la cuisine du Pays du matin calme est réputée bien au-delà des frontières de la péninsule.

L'AAFC souhaite à toutes et à tous une très bonne année du lapin. 

L'AAFC a célébré le nouvel an lunaire
L'AAFC a célébré le nouvel an lunaire
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24 décembre 2022 6 24 /12 /décembre /2022 14:39

Une fois n'est pas coutume, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) propose un divertissement familial pour les fêtes de fin d'année : Les aventuriers du système solaire est un film sud-coréen (dont la plus grande partie relève du film d'animation) écrit et réalisé par Park Seung-cheol, sorti en 1985. Il divertira grands et petits - mais sans doute pas pour les mêmes raisons. Attention : ce film s'adresse à un public averti.

"Chef d'oeuvre incompris", "du génie à l'état pur"... le sarcasme le dispute à la jubilation parmi les commentateurs de Youtube. Il est vrai que Les aventuriers du système solaire relève d'un genre daté dont les effets ont mal vieilli - ce film de propagande anticommuniste avait eu les honneurs de la quatrième édition de La Nuit Nanarland au Grand Rex, en 2019, faisant beaucoup rire les 2000 spectateurs. Ce n'est certes pas la seule production de ce type alors produite par le régime militaire sud-coréen des années 1980, mais toutefois l'une des rares à avoir été (mal) doublée en français - ce qui n'est pas l'un des moindres ressorts comiques (involontaires) de ce long métrage, qui brille aussi par ses fines réparties comme cet axiome selon lequel on ne peut pas avoir confiance dans les communistes car "ils mentent tout le temps et sont tous cruels" (c'est la maîtresse d'école du petit garçon qui le lui a dit). Le film a été distribué à l'international par le Hong-Kongais Joseph Lai.

Le synopsis est simple, évoquant en ces temps éprouvés de peur extraterrestre une improbable alliance entre les Nord-Coréens et des envahisseurs hostiles (quoiqu'un peu bêtes) venus d'une autre planète, qui apportent aux méchants communistes des armes surpuissantes devant leur procurer la victoire. Mais de gentils extraterrestres préviennent les Sud-Coréens du danger qui les menace. Les vilains extraterrestres apprendront aussi, à leurs dépens, qu'il ne fallait pas avoir confiance dans les fourbes communistes. Le film s'achève par la victoire finale du camp du Bien qui bénéficie de sa supériorité morale et technologique.

Les films d'animation japonais des années 1970 et 1980 ne brillaient pas forcément plus par la subtilité du scénario, basé sur une dichotomie simpliste entre les bons et les méchants, avec force robots et monstres venus de l'espace intersidéral - et d'ailleurs les spectateurs amateurs du genre trouveront des réminiscences des film d'animation de l'époque dans Les aventuriers du système solaire (à 10'10'', la même musique est utilisée dans Les Chevaliers du Zodiaque !) - mais le dessin animé pour enfants n'avait pas de visée politique, ou du moins pas explicitement de visée politique (car d'aucuns nous rétorqueront, non sans de bonnes raisons, que tout est politique). Sans doute Les aventuriers du système solaire avait-il alors un public d'amateurs (enfants, et peut-être adultes ?), en Corée du Sud et à l'international. Aujourd'hui, l'écart culturel est tel que film prête facilement à l'hilarité du public. Mais, au-delà du rire, c'est aussi tout le reflet d'une époque que donne à voir ce film d'animation sud-coréen. La propagande n'a certes aujourd'hui pas disparu, mais ses voies sont moins pénétrables.

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16 décembre 2022 5 16 /12 /décembre /2022 00:14

Il y a 11 ans, le 17 décembre 2011, disparaissait Kim Jong-il, le deuxième dirigeant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). A cette occasion, nous avons souhaité revenir sur son implication tout d'abord, à partir de 1964, dans la création culturelle et artistique, qui s'est manifestée par un intérêt plus particulièrement pour le cinéma sur lequel il a personnellement beaucoup écrit. Tout en jugeant nécessaire d'élever la qualité de la production (ce qu'il appelle "la régularisation de la production et/ou de la création"), Kim Jong-il a souligné l'importance selon lui d'un travail collectif et de stimuler la créativité - conformément à la conception des idées du Juche insistant sur l'autonomie créatrice des masses, tout en mettant également en exergue le message que doivent délivrer les oeuvres de l'esprit. Ce dernier principe, qu'on retrouve aussi dans le sud de la péninsule (le créateur a un rôle d'éducateur), est qualifié au nord de qualité idéologique de l'oeuvre. Nous reproduisons ci-après des extraits de son adresse aux cadres du secteur cinématographique, prononcée le 28 avril 1971, et intitulée "Pour mettre sur pied un système original de production cinématographique révolutionnaire".

"La jeune bouquetière", de Pak Hak et Choe Ik-Kyu (1972)

"La jeune bouquetière", de Pak Hak et Choe Ik-Kyu (1972)

"Un film n'est pas produit par une seule personne mais grâce à l'effort de tous les membres d'une équipe. La mise à contribution de l'intelligence de la collectivité garantit la qualité du film.

Dans cette perspective, il importe de multiplier les discussions entre les réalisateurs et les autres créateurs. Comme le dit le proverbe, un général à lui seul ne peut rien faire. Un réalisateur, aussi intelligent soit-il, n'est pas capable de créer un film à lui seul. Il peut concevoir un projet original de création, mais une fois soumis à la discussion de la collectivité, ce projet peut être encore perfectionné. C'est pourquoi les réalisateurs ne doivent pas être entêtés et entiers dans leurs idées. Ils doivent au contraire s'appuyer sur la collectivité et apprendre humblement auprès d'elle. Tel doit être leur style de travail.

Seul un réalisateur qui sait s'appuyer sur la collectivité et conduire la création grâce à la canalisation de son intelligence peut réussir.

Pour stimuler l'intelligence de la collectivité, il faut resserrer les liens entre tous les secteurs et tous les centres de création cinématographique et organiser leur coopération (...).

Il ne faudrait pas prendre prétexte de mon insistance sur la régularisation de la production cinématographique pour sous-estimer la personnalité des acteurs et des artistes, leur ardeur ou leur imagination. Une oeuvre est le produit d'une passion. L'enthousiasme et l'énergie sont la source de l'imagination d'un réalisateur. S'il est enthousiaste et s'il réfléchit, il peut découvrir en plein tournage ou au moment du mixage un moyen de représentation qu'il ne pouvait imaginer lors de la rédaction du texte de mise en scène. Il y a plus encore : il peut découvrir, au cours du tournage, une lacune qu'il n'a pu apercevoir lors de la rédaction de son texte. Quelle serait la conséquence si on le cachait ou si on passait à l'étape suivante sous prétexte de respecter l'ordre de priorité ? L'ordre serait observé, mais la valeur idéologique et la qualité esthétique de l'oeuvre diminueraient.

Quand à la régularisation de la création, elle vise à produire des films de meilleure qualité aussi bien au point de vue idéologique qu'esthétique, mais pas du tout à contrarier l'originalité des créateurs. Evidemment, un créateur doit se garder d'appliquer hâtivement la nouvelle méthode de représentation découverte. Il est tenu de réfléchir à ce qu'elle peut apporter et à son adoption, puis, sa résolution prise, il la soumettra à une discussion collective et se soumettre aux formalités nécessaires pour la faire adopter (...)
"

Source : Kim Djeung Il, Pour achever l'oeuvre révolutionnaire juchéenne, Editions en langue étrangères de Pyongyang, Corée, 1990. Extraits cités p. 332 et pp. 336-337. 

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22 octobre 2022 6 22 /10 /octobre /2022 23:10

Cela fait partie de ces clips vidéos qui interpellent : la chanson de 2004 "I Want More" du groupe de musique électronique britannique Faithless est illustrée par des images de Corée du Nord. Mais ce sont bien de "vraies" images qui illustrent l'un des deux clips de ce titre musical. Explications.

La synchronisation entre le rythme électro, rapide, saccadé, et celui des spectacles du vidéo clip laisse de prime abord penser à un habile montage. Mais, de fait, il n'y a pas eu de montage - ou si peu. Les images du clip sont tirées du film documentaire de Daniel Gordon, A State of Mind, qui suit la préparation de deux jeunes gymnastes de Corée du Nord à une compétition - sur fond d'images des jeux de gymnastique de masse organisés à Pyongyang. Daniel Gordon est britannique, comme Faithless, et le film date de 2004 - à l'instar de la chanson "I Want More". Si mise en scène il y a, c'est dans la (seule) sélection des extraits du film - pour en retenir une version extrêmement dynamique, qui fait penser à un trailer... qui serait celui de A State of Mind

La plupart des commentaires laissés sur les sites web d'hébergement de vidéos, comme YouTube, traduisent une certaine admiration devant le tour de force ayant consisté à associer habilement les images et la musique - qui n'est pas si étrangère aux évolutions musicale au nord de la péninsule, où les rythmes électroniques ont été intégrés dans les compositions plus récentes, comme l'illustre par exemple le morceau "Mon Pays est le Meilleur" du girls band Moranbong, formé en 2012. 

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17 juillet 2018 2 17 /07 /juillet /2018 12:39

Le 16 juillet 2018, la Filmothèque du Quartier Latin - qui avait déjà proposé en novembre 2008 une des plus importantes rétrospectives du cinéma (sud-)coréen en France - a organisé une projection-débat de JSA de Park Chan-wook, suivie d'un débat animé par Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne. Le premier long métrage qui a véritablement fait connaître Park Chan-wook - sorti en salles en Corée en 2000 - a dû attendre juin 2018 pour être projeté en salle dans notre pays (hormis des projections plus ponctuelles dans le cadre de festivals). Un chef d'oeuvre à découvrir ou à redécouvrir.

"Joint security area" : un récit de fraternisation par delà la frontière

En réalisant JSA - récit d'une improbable fraternisation entre soldats sud et nord-coréens le long de la zone démilitarisée (mais qui se terminera par un affrontement mortel, qui servira de trame au thriller qui caractérise toute la première partie du film) - Park Chan-wook a opéré un tournant dans la représentation des Nord-Coréens dans le cinéma sud-coréen : ayant fait le choix de s'intéresser aux hommes et non aux systèmes politiques, il a humanisé les traits des Nord-Coréens, qui se démarquent (enfin) des brutes épaisses, assommées par l'idéologie, que l'on retrouve dans tant d'autres films sud-coréens de l'époque (ou antérieurs) consacrés aux relations Nord-Sud. Il est vrai également que l'élection du Sud-Coréen Kim Dae-jung à la présidence de la République en Corée du Sud, en 1998, a permis d'engager un rapprochement Nord-Sud qui a desserré l'étau de la censure, héritée de l'époque de la junte militaire. Park Chan-wook reconnaît lui-même qu'il n'aurait pas pu tourner ce film, qui a connu un immense succès en salles en Corée du Sud, dix ans plus tôt.

Les héritages de Quentin Taratino et du film noir américain sont très prégnants dans ce long métrage palpitant, qui brosse avec subtilité les portraits de personnages complexes, loin des héros positifs qui peuplent la création artistique - commune à l'ensemble de la Corée - où l'artiste se doit avant tout d'être pédagogue et éducateur. Non que le film soit exempt d'un message que l'on considèrera comme politique (d'ailleurs, les seuls véritables héros, si l'on veut en trouver, sont un sergent nord-coréen et une Suissesse d'origine coréenne qui découvre qu'elle est la fille d'un général nord-coréen, ce qui est en soi une révolution conceptuelle), mais Park Chan-wook s'est intéressé à la beauté de la fraternisation entre Coréens du Nord et du Sud, dans une ode à la réconciliation et à la réunification qui résonnait fortement, après le premier sommet intercoréen du 15 juin 2000, et qui a - à ce titre - marqué des générations de Sud-Coréens dans leurs représentations des "frères ennemis" du Nord. A cet égard, le réalisme est servi par une série de références historiques exactes.

Le débat qui a suivi la projection a aussi mis en avant d'autres traits originaux du film : une représentation de la femme émancipée sous les traits de l'inspectrice suisse, un message homosexuel peu évident à nos yeux mais qui a soulevé l'intérêt de la critique française en 2018, et plus nettement une critique de l'institution militaire sud-coréenne au moment où la fin annoncée de la criminalisation des objecteurs de conscience en Corée du Sud rappelle que le service militaire reste un instrument privilégié du bourrage de crâne anti-Corée du Nord dans la très conservatrice société sud-coréenne.

"Joint security area" : un récit de fraternisation par delà la frontière
"Joint security area" : un récit de fraternisation par delà la frontière
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10 juillet 2018 2 10 /07 /juillet /2018 20:53

Le 10 juillet 2018, les organisateurs du Festival international du film fantastique de Bucheon (BiFan) - créé en 1997 et dont la programmation s'est élargie à d'autres genres (film d'horreur, thriller, film d'animation...) - ont annoncé que la prochaine édition du festival, à partir du 12 juillet et jusqu'au 22 juillet, comporterait la projection de neuf films nord-coréens, dont trois longs métrages et six courts métrages. Un choix de programmation exceptionnel et courageux, alors que la simple détention et a fortiori la diffusion de créations culturelles de la République populaire démocratique de Corée (RPD de Corée) reste interdite et punie en République de Corée (du Sud), sauf autorisation, en application de la loi de sécurité nationale

Neuf films nord-coréens à l'affiche au Festival international du film fantastique de Bucheon

Les organisateurs du festival ont entendu s'inscrire dans le climat de détente des relations Nord-Sud depuis les deux sommets intercoréens du printemps 2018 (le 27 avril et le 26 mai), et qui se traduisent également par l'organisation en commun d'événements sportifs

Le Festival international du film fantastique de Bucheon va organiser une projection spéciale de films nord-coréens pour refléter l'atmosphère de paix grandissante sur la péninsule coréenne et a récemment obtenu l'autorisation du gouvernement pour les projeter.

Les films nord-coréens projetés, qui datent de 1980 à 2016, comportent notamment The Story of Our Home, comédie primée au Festival international du film de Pyongyang (PIFF) lors de sa sortie en 2016, et Comrade Kim Goes Flying, comédie romantique retraçant le récit d'une trapéziste de la troupe de cirque de Pyongyang, et co-production du Belge Anja Daelemans, du Coréen Kim Gwang-hun et du Britannique Nicholas Bonner, diffusé notamment - lors de sa sortie en 2012 - au Festival international du film de Toronto et au Festival international du film de Busan. 

Image de "The Story of our Home"

Image de "The Story of our Home"

Sources : StraitsTimes, Yonhap

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