Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 11:32

Lors des élections législatives du 10 avril 2024 en République de Corée (Corée du Sud), la chanteuse Kim Jae-won - plus connue sous son nom de scène RIAA - a été élue députée : elle figurait en 7e place sur la liste de l'ancien ministre démocrate Cho Kuk, fondateur du parti Reconstruire la Corée qui a obtenu 12 sièges. Alors qu'il est rare que les vedettes du showbiz coréen s'engagent en politique (à la différence de l'Inde et, dans une moindre mesure, du Japon), cette figure de la scène rock alternatif coréenne a mis en avant la lutte contre un système judiciaire qu'elle estime corrompu pour justifier de devenir une actrice de la scène politique.

Kim Jae-won (RIAA)

Kim Jae-won (RIAA)

Née en 1975, Kim Jae-won, fille d'un père alpiniste, a grandi au Népal. Interprète de pansori lors de ses études, elle est aussi une admiratrice de Simon et Garfunkel, ce qui l'a guidée dans son choix de devenir chanteuse en ayant commencé par interpréter des titres de Whitney Houston, notamment la chanson phare The greatest love of all à l'antenne de MBC. En activité depuis 1994, ses titres Tears et Personality l'ont propulsée sur le devant de la scène musicale en mêlant les styles rock moderne et pop. Tout en étant professeur de chant à l'Université des arts de Baekje, elle mène en parallèle une carrière de pilote de course : elle a remporté en mars 2010 le championnat de Corée de courses de dragsters à bord d'un modèle Hyundai Genesis Coupé.

Touche à tout, RIAA est entrée en politique à l'occasion d'un concert donné en 2012 pour la campagne de la candidate conservatrice Park Geun-hye. Ayant ensuite regretté ce choix qui selon elle ne correspondait pas à ses opinions politiques, mais était guidé par la recherche d'une rémunération, elle rejoint le camp démocrate en 2017 en entendant un discours de son candidat Moon Jae-in, qui succède à Park Geun-hye, destituée quelques mois plus tôt, à la présidence de la République. Indignée par le scandale de manipulation de cours boursiers impliquant l'épouse de l'actuel chef de l'Etat, Kim Jae-won a mené campagne aux côtés de Cho Kuk pour dénoncer l'influence des procureurs et l'instrumentalisation politique de la justice. Le chef des démocrates vainqueurs du scrutin du 10 avril 2024, Lee Jae-myung, avait d'ailleurs engagé une grève de faim pour protester contre ce qu'il considérait comme un acharnement judiciaire à son encontre. 

Sources : 

Partager cet article
Repost0
10 avril 2024 3 10 /04 /avril /2024 22:04

Alors que les sondages avaient un temps laissé entrevoir une possible victoire du parti Pouvoir au peuple du président conservateur Yoon Seok-yeol, permettant à ce dernier d'espérer ainsi pouvoir mener son programme, les élections générales du 10 avril 2024 en République de Corée (Corée du Sud) ont finalement conforté la majorité démocrate qui détenait déjà l'opposition dans le Parlement sortant - sans toutefois atteindre le seuil des deux tiers des sièges qui aurait permis de mener une révision constitutionnelle sans consensus bipartisan, de passer outre les vetos du chef de l'Etat, voire d'engager à son encontre une procédure de destitution, à l'instar de celle ayant frappé son prédécesseur Park Geun-hye.  [Article mis à jour le 11 avril 2024 avec les résultats définitifs]

 

Cho Kuk, ancien ministre démocrate de la justice (au centre), réagit à l'annonce des premiers résultats

Cho Kuk, ancien ministre démocrate de la justice (au centre), réagit à l'annonce des premiers résultats

Le parti Pouvoir au peuple (conservateur) et ses alliés n'ont obtenu que 108 sièges sur les 300 du Parlement. Les démocrates et leurs alliés (dont le Parti du revenu de base et le Parti progressiste, marqué à gauche et qui a finalement conclu un accord électoral) sont crédités de 176 sièges, auxquels il faut ajouter les 12 sièges qu'a remportés Reconstruire la Corée, qui ne concourait que pour les 54 sièges attribués au scrutin proportionnel, et qui était mené par l'ancien ministre de la justice Cho Kuk. Ayant pratiquement fait jeu égal avec les démocrates pour les sièges attribués à la proportionnelle (24,25 % contre 26,69 %), Reconstruire la Corée est un des grands vainqueurs du scrutin, toujours proche de l'opposition démocrate. Poursuivi par la justice, Cho Kuk a dénoncé le pouvoir des procureurs, réputés conservateurs - Yoon Seok-yeol étant lui-même un ancien procureur, par ailleurs mis en cause pour le manquement supposé à la probité de son épouse Kim Keon-hee, éclaboussée par un possible scandale de manipulation de cours boursiers.  L'instrumentalisation manifestement de la justice à des fins politiques est un sujet de préoccupation pour les droits de l'homme en Corée du Sud.  

Dans ce contexte, les autres formations n'ont réalisé que de très faibles scores. En dehors des deux principaux blocs, et de la formation Reconstruction de la Corée, seul le Nouveau parti de la réforme, centriste qui n'est aligné sur aucune des deux principales coalitions, a franchi la barre des 3 % (3,61 %) pour obtenir des sièges au scrutin proportionnel (2 sièges), auxquels s'ajoute un siège obtenu dans les circonscriptions. Le Parti du nouveau futur (1,70 % au scrutin de liste) a aussi remporté un siège au scrutin majoritaire. Pour sa part, le Parti de la Justice (social-démocrate), allié pour la première fois aux écologistes, n'a obtenu que 2,14 % des voix au scrutin proportionnel et n'est plus représenté au Gukhoe. Toujours à gauche, le Parti du travail (0,09 %) et le Parti du futur (0,04 %), mené par un ancien objecteur de conscience, Oh Tae-yang, concouraient sous leurs propres couleurs. Les seuls députés de gauche au Parlement, 3 membres du Parti progressiste, ont été élus en coalition avec les démocrates. Les chrétiens évangélistes, ultra-conservateurs, ont une nouvelle fois échoué à faire élire des députés au scrutin de liste (2,26 %).

Le scrutin majoritaire tend toutefois à amplifier les mouvements électoraux. Si les conservateurs sont lourdement défaits en nombre de sièges, ils remportent encore 36,67 % des voix au scrutin proportionnel et restent la seule alternative aux démocrates susceptible de devenir majoritaire.

Mais le président Yoo Seok-yeol, issu de leurs rangs et que la Constitution n'autorise pas à se représenter immédiatement à l'issue de son mandat, en 2027, apparaît d'ores et déjà marginalisé. Il lui reste le pouvoir de continuer à opposer son veto aux réformes que continuera d'adopter la majorité démocrate au Parlement, aucun dispositif institutionnel ne l'obligeant à choisir un Premier ministre issu de l'opposition. Il devrait en tout cas rester dans les annales politiques comme le premier président sud-coréen à n'avoir pas eu de majorité parlementaire pendant tout son mandat.

Sources : 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2024 7 10 /03 /mars /2024 14:18

Le 10 avril 2024, les Sud-Coréens renouvelleront les 300 sièges du Parlement monocaméral - attribués suivant un mode de scrutin mixte (254 sièges répartis au scrutin majoritaire à un tour, et 46 sièges au scrutin proportionnel pour les formations ayant recueilli plus de 3 % des voix au scrutin de liste). Alors que, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les démocrates avaient remporté une large victoire en 2020, le président conservateur Yoon Seok-yeol, entré en fonctions en 2022, compte obtenir une majorité parlementaire pour pouvoir mettre en oeuvre le programme sur lequel il a été élu. 

Intentions de vote selon un sondage de l'Institut Realmeter réalisé les 28 et 29 février 2024. En bleu à gauche : les démocrates, immédiatement sur leur droite en rouge : les conservateurs.

Intentions de vote selon un sondage de l'Institut Realmeter réalisé les 28 et 29 février 2024. En bleu à gauche : les démocrates, immédiatement sur leur droite en rouge : les conservateurs.

Avec une majorité de 163 sièges sur 300 (contre 113 pour les conservateurs), le Parti démocratique de Corée a non seulement mis en échec les projets du président Yoon mais a également utilisé ses pouvoirs de contrôle - en particulier, en adoptant un projet de loi tendant à désigner un procureur spécial pour enquêter sur une possible manipulation du cours de l'action de Deutsch Motors au profit de Kim Keon-hee, épouse du chef de l'Etat. Peu après le début de son mandat, ce dernier avait été affaibli par la bousculade mortelle survenue à Itaewon en octobre 2022. Le Président de la République a opposé son veto à de multiples reprises, devenant le chef de l'Etat à y recourir le plus fréquemment depuis la présidence de Syngman Rhee.


Alors que les démocrates dominaient largement les conservateurs dans les sondages jusqu'en janvier 2024, et ont bénéficié d'un courant de sympathie après la tentative d'assassinat au poignard, en janvier 2024, contre le chef de l'opposition Lee Jae-myung qui a dénoncé une cabale judiciaire à son encontre, la situation s'est retournée en février et a depuis lors globalement tourné à l'avantage des conservateurs. Les démocrates (39,1 %) sont distancés de 7 points par les conservateurs de Pouvoir au peuple (PPP), crédités de 46,7 % des intentions de vote, dans le dernier sondage de Realmeter réalisé fin février 2024.

Pour le Président Yoon Seok-yeol, un échec aux législatives le placerait, comme nombre de ses prédécesseurs, dans une situation de canard boîteux jusqu'à la fin de son mandat - d'autant qu'en Corée du Sud, le chef de l'Etat n'est pas immédiatement rééligible. Ses projets de réformes libérales portent sur la santé, l'éducation, le travail et les pensions - ainsi qu'une relance de l'économie. Sa fermeté face à la grève des médecins, qui en Corée du Sud bénéficient de salaires plus élevés et sont relativement peu nombreux, a joué en sa faveur. En effet, une majorité de l'opinion considèrent que les praticiens veulent préserver un statu quo qui leur est favorable en maintenant une rareté de l'offre médicale par une opposition à une hausse de la population médicale, cette situation leur permettant de disposer de rémunérations plus fortes que dans les autres pays industrialisés.

Si le mode de scrutin essentiellement majoritaire laisse peu de places aux autres formations politiques, celles-ci seraient dans une position charnière dans l'hypothèse où les élections conduiraient à une absence de majorité absolue pour l'un des deux principaux partis. Ceux-ci ont d'ailleurs récemment subi des scissions, comme souvent à l'approche des élections. Issu du PPP du chef de l'Etat, le nouveau Parti de la réforme (NPR) de l'ancien Premier ministre Lee Nak-yon a organisé son congrès fondateur le 20 janvier 2024 puis a fusionné quatre jours plus tard avec la formation Espoir de la Corée de Yang Hyang-ja, suscitant un certain élan lui permettant d'espérer occuper à nouveau l'espace du centre (jusqu'à 6 % des intentions de vote). Mais un mois plus tard, le 20 février 2024, Lee Nak-yon a quitté la coalition en formant avec d'anciens démocrates le Parti du nouveau futur (PNF). Le NPR (2 à 3 % des intentions de vote) et le PNF (1 à 2 % des intentions de vote) ont chacun 4 sièges dans l'assemblée sortante. En revanche, le Parti du revenu de base (1 siège) a annoncé reconduire sa coalition électorale avec les démocrates. Toutefois, la principale formation tierce - en dehors de la gauche, sur laquelle nous reviendrons - devrait être le Parti de l'innovation de la patrie (1 siège), constitué le 3 mars 2024 par l'ancien ministre démocrate de la Justice Cho Kuk, et qui dénonce une dictature judiciaire conduite par le président Yoon Seok-yeol, lui-même ancien procureur : pour le scrutin de liste désignant les 46 sièges attribués à la proportionnelle, la nouvelle formation était créditée, début mars, de 13 % à 15 % des intentions de vote, ce qui lui assurerait ainsi une représentation parlementaire si elle confirme sa popularité dans les urnes jusqu'au 10 avril.

Tel n'est pas le cas en revanche de la gauche, qui n'a jamais abordé les élections législatives dans une telle situation de faiblesse. Le Parti de la justice (6 sièges) a formé une alliance avec le Parti vert de Corée, qui jusqu'ici n'a jamais élu d'élus, tant localement que nationalement. Le parti Vert-Justice obtient de 0,5 % à 2 % des intentions de vote. Son rival à gauche, le Parti progressiste, revenu au Parlement à l'occasion d'une législative partielle en avril 2023, est crédité de 1 % à 2 % des intentions de vote, alors qu'il faut au moins 3 % des voix pour obtenir une partie des sièges répartis au scrutin proportionnel. 

Les élections législatives n'ont de réelle portée que pour les mesures de politique intérieure. Il ne semble pas que la situation internationale - qu'il s'agisse des tensions avec le Nord ou de la guerre entre Israël et le Hamas, la guerre en Ukraine étant ici perçue comme lointaine - puisse avoir un impact décisif. Le temps où soufflait "le vent du Nord" (les démocrates étant favorables au dialogue intercoréen, à la différence des conservateurs) semble bien loin. Même si certains observateurs estiment que Pyongyang préfèrerait une majorité démocrate au Gukhoe sud-coréen, la convergence objective d'intérêts entre les "faucons" du Nord et du Sud de la péninsule permet d'en douter. 

Sources : 

Partager cet article
Repost1
31 octobre 2023 2 31 /10 /octobre /2023 17:44

Alors que le paysage politique de la République de Corée (Corée du Sud) était dominé depuis près de dix ans, à gauche, par le Parti de la justice à la suite de l'interdiction (dans des conditions fortement critiquées) du Parti progressiste unifié (PPU), l'émergence dans les sondages du Parti progressiste, depuis sa victoire dans une législative partielle le 5 avril 2023, rebat les cartes - alors que le Parti progressiste s'affiche plus à gauche que le Parti de la justice et est, à ce titre, la cible de violentes critiques à droite et à l'extrême-droite, au motif qu'il s'agirait d'une résurgence du PPU, allant jusqu'à plaider pour l'interdiction du parti. Pour leur part, les démocrates, soumis à cette pression de la droite, ont refusé jusqu'à présent toute alliance électorale avec le Parti progressiste et son prédécesseur, le Parti Minjung.

Kang Seong-hee, après sa victoire dans la législative partielle du deuxième district de Jeonju, en avril 2023

Kang Seong-hee, après sa victoire dans la législative partielle du deuxième district de Jeonju, en avril 2023

Formé en 2017, le Parti progressiste (qui s'appelait jusqu'en juin 2020 Parti Minjung, qu'on peut traduire par Parti populaire) avait fait élire deux députés à Ulsan, bastion ouvrier, aux législatives de 2016. L'un d'eux avait été déchu de son mandat en décembre 2017 au motif d'une méconnaissance de la loi électorale, et l'unique siège sortant avait été perdu aux élections législatives du 15 avril 2020. Lors de ce scrutin, le Parti Minjung avait recueilli 1,06 % des voix au scrutin de liste, en-deçà du seuil de 3 % pour obtenir des députés à la proportionnelle. Par comparaison, le Parti de la justice avait réuni 9,67 % des voix au scrutin de liste et fait élire 6 députés, dont 5 au scrutin proportionnel et 1 au scrutin majoritaire. Toujours à gauche de l'échiquier politique, au scrutin de liste le Parti Vert de Corée avait alors rassemblé 0,21 % des voix et le Parti du travail, formation socialiste très critique vis-à-vis de la Corée du Nord, 0,12 %. Lors de l'élection présidentielle de 2022, la candidate du Parti progressiste, l'ancienne syndicaliste étudiante puis députée Kim Jae-yeon, n'avait recueilli que 0,12 % des voix, en portant l'ambition de devenir une présidente féministe - alors que le féminisme est très actif en Corée. 

Fort d'une base militante solide (estimée à 95 000 membres en mars 2023 ; par comparaison, le Parti de la justice comptait 53 000 adhérents en décembre 2020), le Parti progressiste a obtenu des succès aux élections locales : il compte dans ses rangs 1 maire (sur les 226 du pays), 3 députés régionaux (sur 872) et 17 conseillers municipaux (sur 2 988). 

A la différence du Parti de la justice, le Parti progressiste se revendique anti-impérialiste et a dénoncé la livraison d'armes létales à l'Ukraine dans le conflit qui l'oppose à la Russie. Se définissant comme "progressiste" plutôt que comme "socialiste" (un qualificatif souvent associé à la Corée du Nord en Corée du Sud), il est opposé au pouvoir des conglomérats (les chaebols) et se prononce pour un taux marginal d'imposition de 90 % sur les plus hauts revenus. Il défend les droits des travailleurs, des migrants, des femmes et des personnes LGBT. Plus ouvert au dialogue intercoréen que les démocrates, il s'oppose aux sanctions contre la Corée du Nord.

Le 5 avril 2023, Kang Seong-hee a été élu lors d'une législative partielle organisée dans le deuxième district de Jeonju, un bastion de l'opposition progressiste, en obtenant 39,07 % des suffrages contre 32,11 % à un indépendant proche des démocrates, permettant ainsi au Parti progressiste de revenir au Parlement. Kang Seong-hee avait obtenu le soutien du Parti Vert de Corée de la province du Jeolla du Nord mais pas du Parti de la Justice, et fait campagne sur une opposition résolue au Président Yoon Seok-yeol (conservateur). Au Parlement, une troisième formation à gauche est aussi représentée, le Parti pour un revenu de base : ancienne membre du Parti du travail,  Yong Hye-in a été élue sur la liste proportionnelle du Parti démocrate avant de rejoindre le Parti pour un revenu de base, dont le nom reflète les propositions mono-thématiques.

Le succès à la législative partielle de Jeonju-2 a redonné une certaine visibilité nationale au Parti progressiste, proposé dans les sondages par l'institut Realmeter depuis octobre 2023. Si les intentions de vote restent modestes (avec un pic à 1,8 % pour la troisième semaine d'octobre 2023), elles doivent être comparées avec celles du Parti de la justice, seulement crédité de 2 % à 4 % depuis juillet 2023, et dont le monopole électoral à la gauche du Parti démocrate pour les élections nationales apparaît ainsi entamé. Alors que le scrutin législatif est prévu en avril 2024, les démocrates conservent dans les sondages une large avance sur les conservateurs (jusqu'à 12 points), ce qui laisserait aux électeurs progressistes la possibilité de faire entrer au Parlement des candidats plus à gauche, soit en les soutenant au scrutin proportionnel s'ils ont une chance raisonnable de franchir le seuil de 3 % des voix, soit en choisissant entre plusieurs candidats progressistes dans les circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire, dans les provinces - comme le Jeolla - où les conservateurs sont hors course, dépassant rarement 10 % des suffrages. 

Sources : 

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 20:21

Il y a un an, le soir du 29 octobre 2022, dans le cadre des cérémonies d'Halloween, une bousculade dans le quartier d'Itaewon, à Séoul, virait au drame : 159 personnes - pour la plupart des jeunes, dont deux tiers de femmes - ont péri, étouffées et piétinées. Alors que des manifestations d'ampleur ont critiqué la gestion de la crise par le gouvernement, appelant à la démission du Président Yoon Seok-yeol, les procédures judiciaires restent en cours. 

Recueillement sur le lieu du drame, un an plus tard

Recueillement sur le lieu du drame, un an plus tard

Les familles pleurent leurs morts et les survivants restent affectés par un traumatisme qui ne disparaîtra jamais. La fête d'Halloween a viré au drame dans le quartier branché d'Itaewon : parmi les 159 victimes, 26 n'étaient pas coréennes - dont une française. Le chanteur et acteur Lee Jihan figure parmi les victimes.  

Le chanteur et acteur Lee Jihan est mort dans la bousculade d'Itaewon

Le chanteur et acteur Lee Jihan est mort dans la bousculade d'Itaewon

Comme souvent dans ces tragédies, les causes sont multiples et les responsabilités complexes : l'enquête a montré que des appels avaient été donnés aux autorités pour signaler le trop grand nombre de personnes rassemblées dans la ruelles étroites de la capitale sud-coréenne. En vain. 

Mis en cause, le ministre de l'intérieur et de la sécurité Lee Sang-min a fait l'objet, le 11 décembre 2022, d'un vote de défiance par l'Assemblée nationale, où l'opposition est majoritaire. Le Président Yoon Seok-yeol s'y est opposé. Une motion de destitution contre Lee Sang-min a finalement été adoptée par les députés le 9 février 2023, mais elle a été rejetée par la Cour constitutionnelle le 25 juillet 2023 : les juges constitutionnels ont estimé que la catastrophe ne s'explique pas par l'action d'une seule personne mais relève d'une multitude de causes. Quant à elles, les procédures judiciaires restent en cours.

En avril 2023, un projet de loi a été déposé pour indemniser les victimes, approfondir l'enquête sur les causes du drame et empêcher que de telles tragédies ne se reproduisent. Le texte n'a pas été adopté, la majorité présidentielle (conservatrice) s'y opposant en redoutant des conséquences comparables à celle du naufrage du Sewol, ayant engendré un mouvement de protestation de masse qui a conduit in fine à la destitution de la présidente Park Geun-hye

Mais la société coréenne a, elle, retenu les leçons : des cours de réanimation cardiorespiratoire (RCR) et pour prodiguer les premiers soins sont désormais donnés dans les établissements d'enseignement, tandis que les citoyens sont sensibilisés aux phénomènes de foule pour procéder à des signalements préalables. Des caméras de vidéosurveillance ont aussi été installées, y compris sur les lieux de la bousculade tragique. 

Pour la mémoire des victimes innocentes fauchées dans la fleur de l'âge, il incombe à nous, survivants, d'empêcher que l'inimaginable ne se reproduise. C'est notre devoir en tant que citoyens responsables et solidaires.

Principale source : 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2023 6 23 /09 /septembre /2023 09:58

Le 21 septembre 2023, l'Assemblée nationale sud-coréenne a levé l'immunité parlementaire de Lee Jae-myung, qui dirige la principale formation d'opposition, le Parti démocrate (centre-gauche). Le vote survenu a une assez nette majorité (149 voix pour la destitution, 136 contre) a été une surprise dans la mesure où les démocrates disposent d'une majorité parlementaire de 168 sièges (sur 298). Battu d'une courte tête par le président Yoon Seok-yeol à l'élection présidentielle de 2022, Lee Jae-myung est hospitalisé depuis le 18 septembre après avoir engagé une grève de la faim il y a plus de trois semaines. Il dénonce une cabale politico-judiciaire. 

Lee Jae-myung sur son lit d'hôpital, le 21 septembre 2023

Lee Jae-myung sur son lit d'hôpital, le 21 septembre 2023

S'il y a un pays démocratique où le concept de guerre du droit (lawfare) a un sens, c'est bien la République de Corée (Corée du Sud). Alors que les juges penchent nettement du côté conservateur de l'échiquier politique, les anciens présidents - conservateurs ou démocrates - sont presque systématiquement visés par la justice à la fin de leur mandat, directement ou via leurs proches. L'ancienne présidente Park Geun-hye a ainsi écopé d'une très lourde peine qui dépassait manifestement les griefs de corruption lui étant imputés. Depuis, l'ancienne chef de l'Etat a été libérée. Signe du rapport ambigu entre justice et politique en Corée du Sud, le procureur général qui avait joué un rôle important dans son emprisonnement, Yoon Seok-yeol, a ensuite choisi de s'engager en politique du côté de l'opposition conservatrice (et du parti sous les couleurs duquel avait été élue la présidente Park), alors qu'il était jusqu'alors réputé indépendant, ce qui avait favorisé sa carrière sous des administrations démocrates. Born again comme conservateur assumé, Yoon Seok-yeol a accédé à la magistrature suprême en mai 2022. Et il a choisi, sept mois plus tard, de gracier son prédécesseur (conservateur) Lee Myung-bak (président de 2008 à 2013), qu'il avait lui-même fait envoyer en prison comme procureur...

Dans ce contexte, Lee Jae-myung dénonce une instrumentalisation de la justice à des fins politiques, alors que les procédures s'accumulent contre l'ancien avocat, défenseur des droits de l'homme et des minorités, notamment pour des faits supposés de corruption remontant à l'époque où il était maire de Seongnam, avant 2018. 

Lee Jae-myung justifie sa grève de la faim par la dégradation de l'économie sud-coréenne, la gestion par l'Etat du rejet des eaux radioactives de la centrale nucléaire de Fukushima ou encore la dégradation des relations intercoréennes qu'il impute aux choix diplomatiques du Président Yoon.  

Le vote surprise de levée de l'immunité parlementaire de Lee Jae-myung a suscité la stupeur et la colère parmi ses partisans. il révèle les divisions chroniques du Parti démocrate, où les luttes de factions l'ont souvent emporté sur l'intérêt du camp progressiste, et s'inscrit dans la préparation des élections législatives d'avril 2024, pour lesquelles les démocrates sont favoris. Si l'état de santé de Lee Jae-myung le permet, il pourrait être arrêté dès la semaine prochaine, le 27 septembre 2023. 

Presque en même temps, un autre vote du Parlement a censuré - pour des motifs politiques - le Premier ministre Han Duck-soo, indépendant proche des conservateurs. Mais dans le régime présidentiel sud-coréen, le chef de l'Etat n'est nullement tenu de nommer un chef de gouvernement issu de la majorité parlementaire et ayant la confiance de l'Assemblée nationale. De fait, aucun observateur ne s'attend, à Séoul, à ce que le président Yoon tire les conséquences de ce vote de défiance en procédant à la destitution de son Premier ministre : il a le droit de s'y opposer.


MAJ : le 27 septembre 2023, la Cour centrale du district de Séoul a rejeté la demande du parquet de placer en détention provisoire Lee Jae-myung.

Sources : 

Partager cet article
Repost0
10 juin 2023 6 10 /06 /juin /2023 20:20

Du 8 au 11 juin 2023, le Congrès mondial des Verts se réunit à Séoul, en République de Corée (Corée du Sud), avec comme mot d'ordre : "unir et responsabiliser le mouvement vert mondial". Réseau international des mouvements et partis politiques adhérents de la Charte des Verts mondiaux (soit 87 partis politiques et 9 organisations), le Congrès mondial des Verts (en anglais, Global Greens) organise sa cinquième réunion mondiale - et la première en Asie - après celles de Canberra en 2001, Sao Paulo en 2008, Dakar en 2012 et Liverpool en 2017. Le choix de la République de Corée rend compte du dynamisme du parti écologiste au pays du Matin calme, alors que l'implantation politique des Verts reste plus lente en Asie que sur les continents européen et américain. 

Le Parti Vert de Corée souhaite la bienvenue au Congrès mondial

Le Parti Vert de Corée souhaite la bienvenue au Congrès mondial

Les six principes de la Charte des Verts mondiaux, dont la signature en 2001 à Canberra a conduit à la création du Congrès mondial des Verts, sont la sagesse écologique, la justice sociale, la démocratie participative, la non-violence, le développement durable et le respect de la diversité. Il s'agit d'une structure internationale flexible, visant à fédérer les actions menées par les signataires de la Charte. Le réchauffement climatique et le nucléaire se sont affirmés comme deux des thèmes majeurs des rencontres internationales.

Hôte du Congrès, le Parti Vert de Corée, fort de plus de 10 000 membres (soit un nombre d'adhérents comparable à celui d'Europe Ecologie les Verts), a été constitué, sous sa forme actuelle, en mars 2012 - peu après la catastrophe de Fukushima, qui avait déclenché une vague de solidarité dans toute la Corée. 

Le mode de scrutin propre à la Corée, presque exclusivement majoritaire (une partie des sièges à l'Assemblée nationale sont toutefois attribués au scrutin proportionnel de liste, avec un seuil à 3 %), a entravé le développement du Parti Vert de Corée, qui jusqu'à présent n'a pas obtenu d'élus aux scrutins nationaux ni locaux. Le meilleur résultat aux élections législatives a été enregistré en 2016, avec 182 000 voix (0,77 %) pour la liste nationale qui était conduite par la réalisatrice Hwang Yoon, plaçant le parti au huitième rang national. En 2020, 59 000 voix ont été recueillies (0,21 %). Ces résultats sont toutefois loin de refléter le degré d'adhésion à l'écologie dans l'opinion publique sud-coréenne.

Outre les questions environnementales et le pacifisme, conduisant à une critique du colonialisme et de l'impérialisme occidentaux, le Parti Vert de Corée met aussi l'accent sur les droits des femmes et des minorités LGBTQIA+, ainsi que l'instauration du revenu universel de base, traduisant l'inscription des écologistes sud-coréens dans les débats qui animent la société.

Sources : 

Partager cet article
Repost0
3 mars 2023 5 03 /03 /mars /2023 23:05

La pasteure Lim Bora nous a quittés à l'âge de 55 ans. Dans une société sud-coréenne toujours très conservatrice, elle s'était engagée avec courage, bravant l'hostilité viscérale des chrétiens conservateurs qui lui avait valu d'être la cible de très nombreux messages de haine. Si elle avait défendu les droits des personnes handicapées, le bien-être animal ou encore s'était encore opposée à la construction de la base navale militaire sur l'île de Jeju, c'est son combat en faveur des droits des personnes LGBT qui l'avait distinguée comme une Juste au sein des églises protestantes. Nous saluons la mémoire d'une militante exemplaire des droits de l'homme et pour la justice sociale, en adressant nos condoléances à sa famille, ses amis et ses proches.

La pasteure Lim Bora (photo Yang Chien-hao)

La pasteure Lim Bora (photo Yang Chien-hao)

Le combat pour la démocratie et les droits de l'homme a été une constante des engagements de Lim Bora. Dans les années 1980, alors qu'elle étudiait la théologie, elle n'hésitait déjà pas à affronter avec courage et détermination les forces de l'ordre dans des batailles de rue où succombèrent des militants pour la démocratie, tels que Yi Han-yeol

Elle considérait que son devoir pastoral devait la conduire aux côtés des opprimés et des délaissés. L'église Soemdol Hyangrin, qu'elle a fondée à Séoul en 2013, offre un refuge aux personnes LGBT rejetées par leurs familles et leurs proches. C'est au sein de la communauté sud-coréenne LGBT que les messages les plus émouvants de condoléances ont été écrits pour saluer la pasteure Lim Bora, trop tôt disparue, et qui reste un modèle. Mentionnons notamment sa condamnation des discriminations contre les personnes LGBT dans l'armée sud-coréenne, qui n'hésite pas à piéger les soldats pour découvrir leur orientation sexuelle, ou encore son engagement en mars 2021, après le suicide de la sergente Byun Hee-soo, qui avait été révoquée de l'armée car transgenre. La pasteure Lim Bora nous a montré le chemin pour la construction d'une société plus juste, plus tolérante, plus fraternelle.

Sources : 

Partager cet article
Repost0
25 janvier 2023 3 25 /01 /janvier /2023 21:37

Les 18 et 19 janvier 2023, des raids policiers ont visé les locaux de la Confédération coréenne des syndicats (acronyme anglais, KCTU) et du Syndicat coréen de la santé et des travailleurs médicaux. Alors que la liberté syndicale n'a été consacrée en République de Corée (Corée du Sud) que tardivement, la KCTU n'ayant été autorisée qu'après l'entrée de la Corée du Sud à l'OCDE en 1997, les atteintes à la liberté syndicale restent trop nombreuses, tout particulièrement lorsque les conservateurs sont au pouvoir à Séoul : à l'AAFC, nous avions déjà dénoncé un raid policier au siège de la KCTU en novembre 2015, alors que le président de la KCTU Han Sang-gyun était arrêté en décembre 2015 pour "sédition" (sic). Nous avions aussi relayé en 2014 l'appel d'Amnesty international à la libération de Kim Jeong-woo. Toujours solidaires du combat des syndicalistes coréens pour la justice sociale et la liberté, nous reproduisons ci-après, traduit de l'anglais, un article publié par la Confédération syndicale internationale (CSI), à laquelle est affiliée la KCTU, sur les raids policiers des 18 et 19 janvier 2023.

Photo KCTU

Photo KCTU

Corée du Sud : les raids du Gouvernement contre les syndicats sont des attaques contre la démocratie

La CSI condamne les raids contre les locaux de syndicats coréens par les services de renseignement comme une attaque ouverte contre la démocratie et le mouvement du travail.

Les bureaux de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et du Syndicat coréen de la santé et des travailleurs médicaux (KHMU) ont été ciblés par l'agence de renseignement sud-coréenne tôt dans la journée du 18 janvier. Selon les comptes rendus des médias, les raids se sont poursuivis le 19 janvier alors que la police ciblait les syndicats de la construction affiliés à la KCTU et à la Fédération des syndicats coréens (KFTU) [Note de la traduction : la KFTU est le plus ancien syndicat coréen, autorisé antérieurement à la KCTU, de tradition réformiste].

Dans une déclaration, la KHMU a dit que les forces gouvernementales avaient fouillé ses bureaux pendant plusieurs heures malgré son intention de coopérer : "Nous condamnons fermement la suppression du mouvement du travail par la sécurité publique. Nous allons combattre fermement contre cela... Nous ne cèderons jamais à la campagne de sécurité publique ciblée du Gouvernement".

Le secrétaire général adjoint de la CSI, Owen Tudor, a dénoncé les raids : "Nous soutenons fermement le mouvement du travail coréen face à cette agression ouverte et cette intimidation du Gouvernement.

C'est une attaque honteuse contre les syndicats et, en tant que telle, une attaque contre la démocratie en Corée du Sud. En tant que membre de l'OIT, le gouvernement coréen a le devoir de respecter les normes de l'OIT sur la liberté d'association. Cela implique de respecter les droits humains et les droits syndicaux et garantir que les syndicats puissent fonctionner à l'abri de la peur et de la persécution.

Les syndicats en Corée du Sud peuvent être fiers de leur histoire de lutte pour la justice sociale et de leurs victoires pour les travailleurs. Je sais qu'ils ne seront pas réduits au silence, qu'ils continueront leur travail malgré les intimidations, et qu'ils peuvent compter sur le soutien et la solidarité de toute la CSI.
"

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement coréen réprime les syndicats. En 2021, le président de la KCTU avait été arrêté et en décembre les policiers avaient tenté de mener un raid contre les locaux syndicaux pour briser une grève des camionneurs.

Traduction de l'anglais de l'article publié le 20 janvier 2023 sur le site de la CSI : 

Partager cet article
Repost0
12 décembre 2022 1 12 /12 /décembre /2022 23:53

Alors que la mobilisation se poursuit après la bousculade mortelle ayant causé 158 morts à Itaewon le 29 octobre 2022, l'Assemblée nationale - où l'opposition est majoritaire - a voté le 11 décembre 2022 une motion visant à la révocation du ministre de l'Intérieur Lee Sang-min. Le président conservateur Yoon Seok-yeol s'y est de facto opposé, en appelant à ce que prenne d'abord fin l'enquête de police sur les origines de la tragédie.

Itaewon, le soir du drame

Itaewon, le soir du drame

Les députés conservateurs (minoritaires) avaient quitté l'hémicycle au moment du vote, où la motion a ainsi été adoptée par 182 voix "pour" et un vote invalidé - l'Assemblée nationale comptant 300 sièges. 

Les parlementaires proches du chef de l'Etat avaient brandi auparavant des pancartes où ils mettaient en cause Lee Jae-myung, l'adversaire malheureux (battu d'une courte tête : 47,83 % contre 48,56 %) de Yoon Seok-yeol à l'élection présidentielle du 9 mars 2022, L'un des proches de Lee Jae-myung, Jeong Jin-sang, est impliqué dans une affaire de corruption. Les démocrates ont dénoncé une manoeuvre pour éviter que toutes les conséquences ne soient tirées de la bousculade mortelle survenue à Itaewon, où les familles des victimes demandent que les responsables soient sanctionnés.

La position des conservateurs - et du président Yoon - est qu'il convient d'attendre la fin de l'enquête de police - ainsi que d'une enquête parlementaire - avant de se prononcer sur le maintien à son poste du ministre de l'intérieur. L'administration présidentielle considère ainsi que ce n'est pas à proprement parler un veto du chef de l'Etat.

Alors que les prochaines élections législatives sont prévues en avril 2024, Yoon Seok-yeol est devenu le président le plus rapidement impopulaire de la Corée du Sud, et la perte de confiance de l'opinion publique a encore grandi après la catastrophe d'Itaewon. Lors de la deuxième semaine de décembre 2022, il est crédité de 38 % d'opinions favorables et de 59 % d'opinions défavorables selon l'institut de sondages Realmeter. En cas d'élections législatives, et d'après le même institut, les démocrates (principale formation d'opposition) obtiendraient 45 % des voix et les conservateurs 39 %.

Sources :

Partager cet article
Repost0

Recherche

D'où venez-vous?