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19 avril 2023 3 19 /04 /avril /2023 17:55

Le 17 avril 2023, la Cinémathèque diffusait en avant-première le premier long métrage de Lee Jung-jae, Hunt, diffusé à la 75e édition du festival de Cannes. Si l'acteur a une longue carrière - il a notamment tenu le rôle principal dans la série Squid Game, multi-primée - c'est en effet la première fois qu'il dirige un film - tout en jouant également l'un des principaux rôles. Un film d'espionnage et un thriller haletant - que la Cinémathèque a présenté sur plein écran, alors qu'en France le choix a été fait d'une diffusion seulement en DVD.

"Hunt" de Lee Jung-jae en avant-première à la Cinémathèque

L'intrigue peut sembler simple : une rivalité entre deux hommes de deux agences de renseignement (Park Pyong-ho, joué par Lee Jung-jae, et Kim Jung-do, joué par Jung Woo-sung), dans la Corée du Sud autoritaire des années 1980, et qui s'accusent mutuellement de servir les intérêts du Nord ennemi. Sauf qu'au final le manichéisme cède le pas à des positionnements infiniment plus complexes, qui font toute la beauté des portraits psychologiques brossés par Lee Jung-jae, sur fond de références implicites à des événements réels (notamment, l'assassinat du Président Park Chung-hee et l'attentat de Rangoun en 1983). Selon la formule de Nietzsche, les Etats sont les plus froids des monstres froids - et ajoutons que les services de renseignement sont au coeur du fonctionnement des Etats. 

Les amateurs de Squid Game retrouveront dans une certaine mesure l'ambiance de la série - une violence portée à son paroxysme prenant ici sa forme la plus éclatante dans l'usage ignominieux de la torture comme moyen d'extorquer des aveux. Mais comme dans le roman noir, il n'y a ni bons, ni méchants. La puissance des scènes d'action, dans un film au rythme effréné, font quitter Hunt des rivages du film d'espionnage pour en faire un thriller magnifique, où les fantômes des massacres de Gwangju hantent les étudiants animant les luttes démocratiques.  

Les scènes surplombantes de paysages tant urbains que ruraux nous invitent à prendre de la hauteur, traduisant le calme avant la tempête, alors que les destins des individus sont broyés par une raison d'Etat implacable. 

Sources : 

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6 mars 2023 1 06 /03 /mars /2023 11:13

Lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 6 mars 2023, Park Jin, ministre des Affaires étrangères de la République de Corée (Corée du Sud), a annoncé la création prochaine d'une fondation pour indemniser des Coréens victimes de travail forcé pendant l'occupation japonaise de la péninsule (1910-1945). Même si des discussions avaient éte engagées sur le sujet entre les deux parties, cette décision manifestement unilatérale, prise sans contrepartie immédiate du Japon, a été vivement saluée à Tokyo - mais a déjà engendré des critiques parmi des victimes, alors que les stigmates de la colonisation japonaise restent un sujet très sensible dans l'opinion publique coréenne.

Le ministre des Affaires étrangères Park Jin peut avoir le sourire : partisan résolu d'un front renforcé Washington-Tokyo-Séoul contre la Corée du Nord, il a satisfait les deux alliés de la République de Corée au-delà de leurs espérances en annonçant la création d'un fonds d'indemnisation des Coréens victimes du travail forcé pendant la colonisation japonaise

Le ministre des Affaires étrangères Park Jin peut avoir le sourire : partisan résolu d'un front renforcé Washington-Tokyo-Séoul contre la Corée du Nord, il a satisfait les deux alliés de la République de Corée au-delà de leurs espérances en annonçant la création d'un fonds d'indemnisation des Coréens victimes du travail forcé pendant la colonisation japonaise

Alors que des décisions de justice de tribunaux sud-coréens, en 2018, avaient prévu l'indemnisation de victimes coréennes de travail forcé pendant la colonisation japonaise, la question du versement des compensations était devenue un point de désaccord majeur entre Tokyo et Séoul. En effet, pour le Japon, l'accord de 1965 établissant les relations diplomatiques avec la République de Corée a réglé les contentieux historiques - dont l'indemnisation des travailleurs forcés - et ce n'est pas aux entreprises japonaises ni au gouvernement japonais de procéder à des versements décidés par la justice sud-coréenne. Finalement, selon l'annonce faite par le ministre Park Jin ce lundi 6 mars 2023, c'est une tierce partie - aux acteurs japonais et au gouvernement sud-coréen - qui procèdera à l'indemnisation : une fondation spécifiquement mise en place, dont les modalités de mise en place restent à établir.

Plus que les montants en jeu (si 780 000 Coréens ont été victimes de travail forcé, les décisions de justice ne concernent que quelques dizaines de personnes), la symbolique est forte, au moment où les tensions dans la péninsule coréenne imposent, selon Tokyo et Washington, de régler les différends entre alliés pour opposer un front commun face à Pyongyang.

Park Jin a d'ailleurs reconnu que tel était le sens de son annonce : 

La coopération entre la Corée et le Japon est très importante dans tous les domaines de la diplomatie, de l’économie et de la sécurité, dans le contexte actuel de grave situation internationale et de difficile crise mondiale (...) Je crois que le cercle vicieux doit être brisé pour le bien [des] peuples au niveau de l’intérêt national, plutôt que de laisser [nos] relations [ainsi] distendues pendant longtemps.

Séoul espère des excuses du Japon, ainsi qu'une contribution des entreprises nippones. Mais le gouvernement nationaliste japonais estime s'être déjà suffisamment excusé. La Corée du Sud a manifestement cédé sans contrepartie à une demande pressante du Japon - et des milieux d'affaires des deux pays - ainsi que des Etats-Unis, soucieux que les contentieux nippo-sud-coréens soient réglés face à la Corée du Nord et à la Chine. 

La décision prise risque d'être d'autant plus mal acceptée dans l'opinion publique sud-coréenne que le Japon accélère sa remilitarisation, en ayant décidé de porter de 1 % à 2 % la part de son PIB consacrée aux dépenses militaires. Si la création d'une fondation permet à quelques-unes des victimes, toutes très âgées, d'espérer une indemnisation, était-il pertinent de céder aussi facilement à un gouvernement japonais animé de sentiments fortement nationalistes et tenté par le révisionnisme historique ? L'escalade des tensions, qui accroît les risques de guerre, est aussi encouragée par des décisions telles que celle du gouvernement du Président Yoon Seok-yeol, défenseur du resserrement des liens avec le Japon - quoi qu'il en coûte.

Sources :  

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16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 21:10

Alors que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) célèbre ce 16 février 2023 la naissance de Kim Jong-il, président du Comité de la défense nationale de la RPD de Corée, nous publions ci-après des extraits d'un discours qu'il avait adressé le 5 septembre 2008 au Rodong Sinmun, organe du Comité central du Parti du travail de Corée, et au Minju Choson, organe du gouvernement de la RPDC. Les extraits choisis insistent sur l'importance des déclarations conjointes Nord-Sud du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007 pour une réunification pacifique et indépendante de la Corée, alors que l'accession au pouvoir en République de Corée (Corée du Sud) du conservateur Lee Myung-bak, élu en décembre 2007, avait assombri les perspectives de dialogue inter-coréen. Malgré ce nouveau contexte, le président Kim Jong-il, à l'origine des premières rencontres au plus haut niveau Nord-Sud en 2000 et 2007, continuait de plaider pour surmonter la division de la Corée, imposée par les puissances extérieures dans le contexte de la guerre froide. La question de la réconciliation et du dialogue, sur la base des deux textes fondamentaux du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007, reste plus que jamais d'actualité, alors que la montée des tensions, en Corée et dans le monde, exige de s'engager dans un autre chemin pour la paix et la réunification.

Signature de la déclaration conjointe Nord-Sud à Pyongyang, le 4 octobre 2007, par les présidents Roh Moo-hyun (à gauche) et Kim Jong-il (à droite)

Signature de la déclaration conjointe Nord-Sud à Pyongyang, le 4 octobre 2007, par les présidents Roh Moo-hyun (à gauche) et Kim Jong-il (à droite)

La réunification du pays est une tâche nationale suprême pressante. La nation coréenne qui a pourtant une longue tradition d'homogénéité reste divisée en deux, par les forces étrangères, depuis plus de soixante ans. Il nous incombe de réunifier au plus tôt le Nord et le Sud et de mettre fin à cette tragédie et d'ouvrir la voie au développement unifié et à la prospérité de la patrie et de la nation. Pour parvenir à la réunification du pays dans l'indépendance, notre nation doit porter bien haut comme bannière la Déclaration commune Nord-Sud du 15 Juin et la Déclaration du 4 Octobre, lesquelles sont des déclarations d'indépendance nationale, d'union nationale, et constituent un grand programme de réunification.

L'attitude à l'égard de ces deux déclarations est la pierre de touche permettant de distinguer les partisans de la réconciliation et ceux de la confrontation, les partisans de la réunification et ceux de la division entre le Nord et le Sud. Quiconque aspire sincèrement à la réunification du pays doit soutenir et appliquer loyalement la Déclaration commune Nord-Sud et la Déclaration du 4 Octobre. Ces deux déclarations communes définissent le principe "entre nous, Coréens" qui est l'idée fondamentale devant régir la réunification du pays et qui incarne parfaitement les idées d'indépendance et d'union nationale.

Il revient à tous les Coréens au Nord, au Sud et dans la diaspora de réaliser l'union nationale selon le principe d'indépendance nationale et, en conjuguant leurs forces, de parvenir à la réunification du pays et en dépit de toutes les manoeuvres des ennemis de la réunification.

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1 janvier 2023 7 01 /01 /janvier /2023 16:32

Du 26 au 31 décembre 2022, le huitième Comité central du Parti du travail de Corée (PTC) a tenu sa sixième réunion plénière élargie. Dans une dépêche du 1er janvier 2023, l'agence officielle nord-coréenne KCNA a rendu compte en détail des travaux ainsi menés qui soulignent les priorités données au développement de l'économie et à l'autodéfense pour, selon une formule de l'agence KCNA, "conduire le socialisme à la coréenne vers de nouveaux changements et développements", dans un contexte de montée des tensions dans la péninsule coréenne faisant courir le risque d'un nouveau conflit dévastateur. 

"Conduire le socialisme à la coréenne vers de nouveaux changements et développements"

A l'instar d'autres dirigeants dans le monde, Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et secrétaire général du Parti du travail de Corée (PTC), avait choisi par le passé de s'adresser à la nation dans un discours de Nouvel An pour faire le bilan de l'année passée et tracer les priorités de l'année à venir. Mais la RPDC a choisi, fin 2022, de réunir la plus haute instance plénière du PTC (après le Congrès) pour débattre et adopter des orientations pour 2023 - traduisant ainsi une volonté, constante depuis l'accession au pouvoir du Président Kim Jong-un en 2011, de mettre en avant le rôle moteur du Parti.

"Conduire le socialisme à la coréenne vers de nouveaux changements et développements"

Sur le premier point à l'ordre du jour de la réunion (les politiques menées en 2022 et le plan de travail pour 2023), le rapport présenté par le secrétaire général Kim Jong-un a tout d'abord mis l'accent sur le "développement des capacités de défense", face aux forces ennemies identifiées comme l'impérialisme américain. Avant de revenir plus en détail sur la situation internationale et la politique nationale de défense, le rapport a toutefois développé le bilan économique et social de l'année 2022 - témoignant de la priorité toujours accordée au développement du pays. Ont ainsi été cités, dans le domaine de la construction, l'achèvement de l'aménagement des zones de Hwasong et Ryonpho, projets majeurs pour "l'amélioration du niveau de vie de la population", et la construction de logements modèles dans les zones rurales. Pour l'avenir, dans la poursuite de la réalisation des objectifs du plan quinquennal, le développement de la production en 2023 doit viser à atteindre l'autosuffisance, tout en appelant à combattre une approche étroitement techniciste et scientiste ("la croyance mystique dans la technologie") qui consiste notamment à dépendre des technologies d'autres puissances. Plus précisément, ont été affirmés les objectifs de construire 10 000 logements dans la deuxième phase d'aménagement à Hwasong et 50 000 logements à Pyongyang. L'agriculture a été présentée comme un secteur économique prioritaire. 

"Conduire le socialisme à la coréenne vers de nouveaux changements et développements"

En politique étrangère, le renforcement des capacités de dissuasion nucléaire a été justifié par la pression militaire exercée par les Etats-Unis et leurs alliés : 

En 2022, les États-Unis ont fréquemment déployé divers moyens de frappe nucléaire en Corée du Sud dans un déploiement constant, augmentant au maximum le niveau de pression militaire sur la RPDC. Et, en même temps, ils ont fait avancer la réalisation d'une coopération triangulaire avec le Japon et la Corée du Sud à grande échelle tout en travaillant dur pour établir un nouveau bloc militaire comme la version asiatique de l'OTAN sous le signe d'une "alliance renforcée".

Dans ce contexte, la Corée du Sud n'est pas menacée elle-même (le discours évoque le "prétexte de faire face à toute "menace" ", les guillemets étant employés dans la dépêche de KCNA) et ce sont bien les Etats-Unis qui sont présentés comme l'ennemi de la RPDC - et pas la Corée du Sud.  Mais il est reproché aux autorités sud-coréennes de s'inscrire dans une logique d'escalade militaire et de confrontation.

Toujours selon le rapport, le développement de la puissance militaire de la RPDC a comme objectif de "prévenir la paix et de sauvegarder la paix et la stabilité" - tout en précisant que, en cas d'échec, "la force nucléaire permettra de réaliser sa seconde mission, qui ne sera pas pour la défense". Implicitement, c'est l'idée de contre-attaque préventive qui est suggérée - mais sans être formulée ouvertement, contrairement à certaines doctrines militaires avancées par d'autres puissances, au premier rang desquelles les Etats-Unis, en particulier lors de la "guerre préventive" contre l'Irak en 2003

Dans une logique restant toutefois fondamentalement celle de la dissuasion nucléaire, le système de défense antimissile nord-coréens doit disposer de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) permettant une "contre-attaque nucléaire rapide". Mi-décembre, KCNA avait rendu compte d'un essai souterrain pour que la RPDC dispose d'un moteur de missile balistique à combustible solide. On retrouve ici l'idée,  développée notamment dans la doctrine française de la dissuasion nucléaire, qu'une frappe en second doit prévenir une attaque en premier, dans la logique de dissuasion du faible au fort. En outre, le rapport adopté lors de la réunion du PTC préconise d'augmenter la production de forces nucléaires tactiques et le lancement, dès que possible en 2023, du premier satellite militaire de reconnaissance. 

Sans faire explicitement allusion à la guerre en Ukraine ou d'autres conflits dans le monde, le PTC observe que la structure des relations internationales a évolué vers un système de "nouvelle Guerre froide", impliquant de placer au premier rang la défense de la souveraineté nationale dans la "consolidation" du socialisme à la coréenne.

Les objectifs ainsi définis devront être mis en oeuvre dans les sections du PTC, en particulier lors de réunions de travail de deux jours et de réunions consultatives.

Source principale : 

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29 décembre 2022 4 29 /12 /décembre /2022 10:55

Ces derniers jours ont montré une nouvelle montée des tensions entre les deux Corée : après que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a révélé des images satellitaires de son voisin du Sud, la République de Corée (Corée du Sud) a rendu publiques des images satellitaires du Nord en arguant que les siennes étaient de bien meilleure qualité... Un vent de panique a ensuite soufflé au Sud quand des drones nord-coréens ont quitté l'espace aérien de la RPDC, Séoul appelant à un important renforcement de ses capacités de défense anti-aériennes. Mais ces événements s'inscrivent essentiellement dans une guerre des nerfs : que les deux Etats coréens se surveillent mutuellement n'est pas un fait nouveau, même si l'imagerie satellitaire et l'usage des drones ont évidemment fait des progrès très significatifs depuis la fin de la guerre froide  - sauf peut-être que sur ce terrain la Corée du Sud est réputée disposer de moyens plus modernes et donc d'une certaine avance technologique qui pourrait être en partie remise en cause. Ce qui en revanche détonne est le discours particulièrement vif du président conservateur sud-coréen Yoon Seok-yeol, en fonctions depuis mai 2022 et élu sur une ligne de fermeté avec la Corée du Nord qui tranche avec les discours de son prédécesseur démocrate Moon Jae-in. Ce dernier, tout en défendant aussi vigoureusement que le président Yoon les intérêts stratégiques de son pays, maintenait également des appels au dialogue avec le Nord, tout en évitant de jeter de l'huile sur le feu d'une situation incandescente.

Les dirigeants nord et sud-coréens : Kim Jong-un et Yoon Seok-yeol
Les dirigeants nord et sud-coréens : Kim Jong-un et Yoon Seok-yeol

Les dirigeants nord et sud-coréens : Kim Jong-un et Yoon Seok-yeol

Le bon usage de la communication nécessite, pour un même acteur, de savoir faire s'exprimer des figures tenant des discours différents mais dont les expressions sont complémentaires : par exemple, dans la guerre en Ukraine, l'ancien président Dmitri Medvedev tient des propos plus haut en couleur que le président russe Vladimir Poutine. 

S'agissant de la Corée du Nord, Kim Yo-jong a habitué l'opinion publique à des mises en garde sévères contre les Etats-Unis et la Corée du Sud - et à ce titre elle s'exprime ès qualité de directrice adjointe du département propagande et agitation du Pari du travail de Corée. Ainsi, le 20 décembre 2022, après le tir d'un missile balistique intercontinental (ICBM) nord-coréen dont la Corée du Sud mettait en doute les performances, elle annonçait le tir prochain d'un nouvel ICBM avec un angle normal qui montrerait pleinement les capacités de Pyongyang à atteindre des cibles éloignées. Ce faisant, elle s'exprimait ainsi, dans des propos retranscrits par l'agence officielle nord-coréenne KCNA (NdA : la traduction est celle de l'agence officielle sud-coréenne Yonhap)

Les voyous des forces marionnettes et les experts marionnettes se sont acharnés à mordre la performance de notre missile balistique intercontinental (ICBM) en disant qu'il n'a pas été certifié et reconnu pour sa technique de rentrée atmosphérique. Mais je vois aujourd'hui que de sales mines se font des soucis qui ne méritent pas.

Yonhap

Mais si l'on veut apprécier en pleine connaissance de cause les risques d'escalade à l'initiative de l'une ou l'autre des deux parties coréennes il convient aussi et d'abord de s'attacher aux propos que tiennent les chefs d'Etat qui exercent les fonctions de commandant en chef.

Dans des propos retranscrits le 28 décembre 2022 par l'agence KCNA, le Président Kim Jong-un a annoncé - en termes laconiques - l'essor en cours et à venir des capacités militaires du pays, tout en soulignant que ce renforcement s'inscrivait dans une logique de "défense autonome" (sous-entendant que le Nord, contrairement au Sud, ne peut pas compter sur de puissants alliés) au regard de "la nouvelle situation difficile survenue dans la péninsule coréenne" :

Kim Jong-un a "défini de nouveaux objectifs-clés pour le renforcement de la capacité de défense autonome, qui sera mis en œuvre en 2023", a indiqué mercredi 28 décembre l'agence officielle nord-coréenne KCNA, sans donner de détails. Face aux responsables du Parti des travailleurs au pouvoir, le dirigeant nord-coréen a annoncé de nouveaux objectifs militaires pour l'an prochain, et a laissé entendre que des tests d'armes continueraient à être réalisés.

France 24

Dans ce même discours, toujours selon KCNA il a mis l'accent sur "l'orientation de la lutte contre l'ennemi à laquelle doit adhérer notre parti". Le dirigeant nord-coréen ne tend certes pas un rameau d'olivier, mais dans la rhétorique nord-coréenne le propos apparaît mesuré - tout en évitant de cibler la Corée du Sud comme l'ennemi, celle-ci ayant été dénoncée par Kim Yo-jong comme suiviste des Etats-Unis ( dont les dirigeants sud-coréens seraient des "marionnettes") pour jeter l'opprobre sur ces derniers. Le Sud n'a pas de telles préventions, la stratégie de défense de la présidence Yoon définissant explicitement le Nord comme l'ennemi de la République de Corée.

Lors d'une visite à l'Agence pour le développement de la défense (ADD), instaurée en 1970 par le Président Park Chung-hee, le Président Yoon Seok-yeol a tenu des propos enflammés après l'incursion au Sud de drones nord-coréens.

Il a mis l'accent sur une riposte qui doit, selon lui, être "écrasante" - ce qui définit très exactement une posture d'escalade des tensions : 

C'est intolérable et il faut faire connaitre le prix sévère pour une provocation.

Yonhap

Il faut une posture écrasante pour une guerre si on souhaite la paix.

Yonhap

Yoon a noté que «la dissuasion contre les actes qui détruisent notre liberté sera possible par des répliques fermes et par la vengeance» en ajoutant que «si elle dispose du nucléaire ou d'armes de destruction massive, il faut donner un message clair à ceux qui font la provocation.»

Yonhap

Fermement attachée à la paix dans la péninsule coréenne, l'Association d'amitié franco-coréenne continuera pour sa part à promouvoir toute action de nature à engager une désescalade des tensions pour parvenir, à terme, à un monde sans armes nucléaires

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24 décembre 2022 6 24 /12 /décembre /2022 14:39

Une fois n'est pas coutume, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) propose un divertissement familial pour les fêtes de fin d'année : Les aventuriers du système solaire est un film sud-coréen (dont la plus grande partie relève du film d'animation) écrit et réalisé par Park Seung-cheol, sorti en 1985. Il divertira grands et petits - mais sans doute pas pour les mêmes raisons. Attention : ce film s'adresse à un public averti.

"Chef d'oeuvre incompris", "du génie à l'état pur"... le sarcasme le dispute à la jubilation parmi les commentateurs de Youtube. Il est vrai que Les aventuriers du système solaire relève d'un genre daté dont les effets ont mal vieilli - ce film de propagande anticommuniste avait eu les honneurs de la quatrième édition de La Nuit Nanarland au Grand Rex, en 2019, faisant beaucoup rire les 2000 spectateurs. Ce n'est certes pas la seule production de ce type alors produite par le régime militaire sud-coréen des années 1980, mais toutefois l'une des rares à avoir été (mal) doublée en français - ce qui n'est pas l'un des moindres ressorts comiques (involontaires) de ce long métrage, qui brille aussi par ses fines réparties comme cet axiome selon lequel on ne peut pas avoir confiance dans les communistes car "ils mentent tout le temps et sont tous cruels" (c'est la maîtresse d'école du petit garçon qui le lui a dit). Le film a été distribué à l'international par le Hong-Kongais Joseph Lai.

Le synopsis est simple, évoquant en ces temps éprouvés de peur extraterrestre une improbable alliance entre les Nord-Coréens et des envahisseurs hostiles (quoiqu'un peu bêtes) venus d'une autre planète, qui apportent aux méchants communistes des armes surpuissantes devant leur procurer la victoire. Mais de gentils extraterrestres préviennent les Sud-Coréens du danger qui les menace. Les vilains extraterrestres apprendront aussi, à leurs dépens, qu'il ne fallait pas avoir confiance dans les fourbes communistes. Le film s'achève par la victoire finale du camp du Bien qui bénéficie de sa supériorité morale et technologique.

Les films d'animation japonais des années 1970 et 1980 ne brillaient pas forcément plus par la subtilité du scénario, basé sur une dichotomie simpliste entre les bons et les méchants, avec force robots et monstres venus de l'espace intersidéral - et d'ailleurs les spectateurs amateurs du genre trouveront des réminiscences des film d'animation de l'époque dans Les aventuriers du système solaire (à 10'10'', la même musique est utilisée dans Les Chevaliers du Zodiaque !) - mais le dessin animé pour enfants n'avait pas de visée politique, ou du moins pas explicitement de visée politique (car d'aucuns nous rétorqueront, non sans de bonnes raisons, que tout est politique). Sans doute Les aventuriers du système solaire avait-il alors un public d'amateurs (enfants, et peut-être adultes ?), en Corée du Sud et à l'international. Aujourd'hui, l'écart culturel est tel que film prête facilement à l'hilarité du public. Mais, au-delà du rire, c'est aussi tout le reflet d'une époque que donne à voir ce film d'animation sud-coréen. La propagande n'a certes aujourd'hui pas disparu, mais ses voies sont moins pénétrables.

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1 décembre 2022 4 01 /12 /décembre /2022 22:22

Dans le n° 676 (novembre 2022) de Planète Paix, mensuel du Mouvement de la paix, Kim Junghee, Coréenne et par ailleurs membre du bureau de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), signe un article "La Corée est une et indivisible !" où elle plaide pour la paix dans la péninsule coréenne, dans la continuité de ses engagements avec l'AAFC. Comme l'observe le comité de rédaction de Planète Paix, "Kim Junghee, Coréenne, réclame la paix sur la péninsule coréenne alors que les Coréens sont divisés depuis plus de 76 ans. Il nous faut nous réconcilier, surmonter la guerre idéologique et éviter de devenir des victimes des compétitions ou des guerres des pays des grandes puissances, le Nord-Est de l’Asie ne devant pas être un de leurs terrains de jeux". Nous reproduisons ci-après l'article de Kim Junghee in extenso.

Kim Junghee

Kim Junghee

Nous, Coréens occupons de manière continue la péninsule coréenne depuis 5 millénaires. Mais le Japon militaro-impérialiste nous a colonisés pendant 35 ans de 1910 à 1945, le nombre de Japonais présents culminant à 700 000. En 1945, malgré la défaite japonaise nous avons été divisés par les grandes puissances vainqueurs.

La Corée : un trophée de guerre pour les États-Unis et l’URSS

La Corée a été divisée : les Américains au sud du 38e parallèle et les Soviétiques au nord, en méconnaissance de l’avis des Coréens, pourtant les principaux intéressés. Les Coréens ont été interdits de franchir le 38e parallèle – beaucoup ne pouvant plus rentrer chez eux. Puis nous avons subi une guerre fratricide, qui s’est internationalisée avec l’intervention de troupes étrangères, y compris françaises aux côtés du Sud et des Américains.

Cette guerre effroyable de trois années a causé des destructions énormes dans toute la Corée et scellé la division. L’armistice de la guerre de la Corée a été signé d’un côté par la Corée du Nord et la Chine, de l’autre par les troupes de l’ONU sous commandement américain. Le gouvernement sud-coréen a alors refusé de signer l’armistice, en voulant envahir la Corée du Nord pour récupérer la péninsule tout entière.

28 000 militaires américains en Corée du Sud

Ensuite la Corée du Sud a passé un pacte de défense mutuelle avec les Américains, permettant l’installation de bases militaires et d’équipements américains sur son sol – quand pour sa part la Corée du Nord s’est affranchie des troupes étrangères. Les États-Unis ont commencé à installer des armes nucléaires à partir de 1958 : 900 têtes étaient installées avant le retrait de 1991, ayant dissimulé la nucléarisation de la Corée à l’opinion publique pendant des décennies.

La plus grande base militaire des États-Unis en dehors du sol américain se trouve en Corée du Sud, d’une superficie de 1432 ha au camp Humphrey à P’yŏngt’aek - et il y a encore une soixantaine de bases plus petites. 28 000 militaires américains sont en Corée, leurs déplacements depuis les États-Unis comme les acheminements d’armes étant tenus secrets. Les Américains ont dû reconnaître la présence d’armes chimiques et bactériologiques après un scandale lié l’anthrax. Des crimes ont été commis par les troupes américaines, comme le viol de femmes ou le meurtre de jeunes gens écrasés par les véhicules militaires. Le dernier mot sur la sécurité nationale de la Corée du Sud appartient aux États-Unis.

La clé de la réunification

En 2018 le monde a eu les yeux rivés sur les relations entre les États-Unis et la Corée du Nord. Finalement les négociations entre Donald Trump et Kim Jong-un ont échoué après le sommet de février 2019 à Hanoï. La clé de la réunification de la péninsule coréenne est dans la main des États-Unis car les intérêts américains sur le sol sud-coréen sont considérables. Ils y disposent d’infrastructures de guerre, comme les aéroports militaires, des ports accueillant les armadas américaines près de la Chine, les sites de missiles antibalistiques et de nombreux terrains d’entraînement. La docilité des Sud-Coréens est sans équivalent pour les Américains ailleurs dans le monde.

La réalité géopolitique est que la Corée du Nord est encerclée par quatre des plus grandes puissances mondiales : les États-Unis, le Japon, la Russie et la Chine. Le drame des 735 000 Coréens séparés par la division se termine par la mort de la plupart d’entre eux, sans avoir jamais pu revoir les membres de leur famille.

La famille est une source de vie et d’amour, et pour cette seule raison nous devons mobiliser les opinions publiques et agir pour favoriser la réunification de la Corée. En ce sens nous souhaitons que la France normalise ses relations avec la Corée du Nord pour construire un dialogue. L’humanisme doit primer sur les logiques militaires.

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2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 22:58

Le 2 novembre 2022 la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a procédé à un nombre record de tir de 23 missiles en une journée. Elle réagissait ainsi à l'engagement tout aussi exceptionnel de 240 avions de guerre dans le cadre des exercices militaires "Tempête vigilante" menés conjointement entre les Etats-Unis et la République de Corée (Corée du Sud) depuis le 31 octobre. 

Opération "Tempête vigilante"

Opération "Tempête vigilante"

Même si Washington et Séoul prétendent - comme toujours - que leurs manoeuvres militaires conjointes ont un caractère purement défensif, le nom choisi n'est probablement pas des plus heureux : depuis le 31 octobre et jusqu'au 4 novembre l'opération "Tempête vigilante" évoque celle "Tempête du désert" conduite contre l'Irak en janvier-février 1991.  

Alors que le deuil national décrété après la terrible bousculade à Itaewon n'a pas conduit à suspendre ces exercices militaires, leur ampleur est inhabituelle : 1 600 vols doivent être effectués en cinq jours par 240 avions américains et sud-coréens.

Sans surprise, la Corée du Nord a dénoncé une nouvelle fois ces manoeuvres comme une provocation et la préparation d'une invasion de son territoire, arguant de son droit à la légitime défense. En conséquence, 23 missiles ont été tirés par Pyongyang au cours de la seule journée du 2 novembre. Un des missiles ayant atterri de manière inhabituelle (même s'il y a des précédents) à proximité des eaux territoriales sud-coréennes - alors que le tracé de la frontière maritime est un sujet de contentieux, non résolu depuis l'armistice de 1953, entre les deux Etats coréens - le président sud-coréen Yoon Seok-youl a dénoncé une "invasion territoriale de fait". La Corée du Sud a répliqué en tirant trois missiles air-sol.

Si cette escalade n'a heureusement fait aucune victime, la péninsule coréenne semble prise dans un engrenage : d'un côté, Washington et Séoul ne cessent de multiplier les manoeuvres militaires ; de l'autre, Pyongyang réagit par des tirs de missiles de plus en plus nombreux et de plus en plus sophistiqués. Alors que des spécialistes américains s'interrogent sur l'intérêt de changer d'approche sur la question nucléaire nord-coréenne, en renonçant à la position d'une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible, le retour à la table des négociations ne passe pas par des initiatives de plus en plus hardies de part et d'autre - qui comportent toujours le risque de dégénérer, même s'il est improbable que l'une ou l'autre des deux parties souhaite à ce stade déclencher un conflit. Un gel des programmes nucléaire et balistique de la Corée du Nord, en contrepartie d'une levée partielle des sanctions, serait de nature à enclencher un dialogue, sur la voie d'un traité de paix dans la péninsule coréenne.


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4 octobre 2022 2 04 /10 /octobre /2022 21:39

Il y a 15 ans, le 4 octobre 2007, la deuxième rencontre Nord-Sud au plus haut niveau conduisait à l'adoption d'une Déclaration pour le développement des rapports Nord-Sud, la paix et la prospérité. Pourtant, aujourd'hui, les rapports intercoréens ont été pratiquement réduits à néant. Pis, une nouvelle phase d'escalade militaire est en cours - marquée par le survol du Japon par un missile nord-coréen le 4 octobre 2022, ce qui était une première depuis 2017. Dans ce contexte lourd de menaces de guerre, l'Association d'amitié franco-coréenne réaffirme plus que jamais son engagement pour la paix en Corée et dans le monde. 

Déclaration intercoréenne du 4 octobre 2007

Déclaration intercoréenne du 4 octobre 2007

Dans la matinée du 4 octobre 2022, un missile nord-coréen - identifié par l'armée sud-coréenne comme étant un missile balistique de portée intermédiaire - a survolé le Japon. Il s'agissait d'une réponse à des exercices militaires anti-sous-marins menés le 30 septembre 2022 par les Etats-Unis, la République de Corée (Corée du Sud) et le Japon - les premiers depuis 2017. 

Dans un contexte diplomatique profondément dégradé, des manoeuvres militaires américano-sud-coréennes de grande ampleur avaient été menées fin septembre. Ces exercices militaires avaient conduit la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) à réagir en lançant six missiles balistiques de courte portée en mer de l'Est (mer du Japon), entre le 25 et le 29 septembre.

Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général des Nations unies, a dénoncé ce qui est "clairement une escalade".

L'escalade militaire n'est malheureusement pas la première autour de la péninsule coréenne - l'été et l'automne 2017 ayant marqué un précédent point paroxysmique dans la montée des tensions. Mais il n'y a pas de fatalité à la crise : c'est ce qu'avait affirmé l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) lors d'une marche pour la paix organisée le 24 septembre à Paris, lors de laquelle Yves-Jean Gallas, du Mouvement de la paix, avait pris la parole, aux côtés de représentants de l'AAFC et des organisateurs coréens.  Tous avaient alors réaffirmé leur refus des exercices de guerre américano - sud-coréens - point de départ de l'actuelle montée des tensions - et appelé à renouer le dialogue pour résoudre les conflits latents.  

Manifestants pour la paix, place du Trocadéro à Paris, le 24 septembre 2022

Manifestants pour la paix, place du Trocadéro à Paris, le 24 septembre 2022

Alors que la paix en Corée constitue l'une des plus brûlantes questions de l'actualité dans la péninsule, l'AAFC s'est engagée plus largement pour la paix dans le monde en rejoignant le Collectif national des marches pour la paix, coordonné par le Mouvement de la paix, et les manifestations organisées partout en France le 21 septembre à l'occasion de la Journée de la paix.

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2 septembre 2022 5 02 /09 /septembre /2022 21:23

Alors que les sanctions internationales de plus en plus lourdes prises contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) à partir de 2006 ont pu être adoptées grâce au ralliement de la Russie et de la Chine aux propositions des Etats-Unis et de leurs alliés au Conseil de sécurité des Nations unies, le nouveau contexte international, marqué par les tensions croissantes entre les Etats-Unis, d'une part, la Russie et la Chine, d'autre part, offre une opportunité pour Pyongyang de renforcer ses échanges avec Moscou et Pékin - alors que la RPDC a annoncé réouvrir ses frontières après avoir déclaré terminée l'épidémie de "fièvre" (interprétée comme une épidémie de Covid-19) - et fermé ses frontières avec la Chine il y a plus de deux ans et demi, en début d'année 2020. 

Rencontre à Vladivostok, Le 25 avril 2019, entre Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie.

Rencontre à Vladivostok, Le 25 avril 2019, entre Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie.

Si le renforcement des relations bilatérales de la RPDC avec la Russie et la Chine s'était traduit, en 2019, par des rencontres au sommet entre leurs dirigeants (du Président Kim Jong-un à Vladivostok en avril 2019, et du Président Xi Jinping en RPD de Corée les 20 et 21 juin 2019), la fermeture des frontières dans le contexte international de la lutte de pandémie de Covid-19 avait mis fin à ces échanges au plus haut niveau quelques mois plus tard. Durement touchée par les sanctions internationales, l'économie nord-coréenne avait nettement reculé, selon les estimations occidentales - en l'absence de statistiques officielles publiées par la RPDC.

Le nouveau contexte international offre à Pyongyang une opportunité de renforcer ses échanges avec ses deux principaux voisins - et tout d'abord au plan diplomatique. Lors du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, la RPDC a dénoncé la responsabilité selon elle des Etats-Unis et de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) - dénonçant par ailleurs les perspectives de création d'un OTAN asiatique qui se constituerait autour des alliances militaires privilégiées de Washington avec Tokyo et Séoul. De fait, l'agence de renseignement sud-coréenne a été la première, en Asie, à rejoindre cette année le groupe de défense cyber de l'OTAN.

La possibilité d'un axe Moscou-Pékin-Pyongyang apparaît dans les analyses partagées de ces trois puissances contre l'hégémonie américaine, nonobstant la position de la Chine qui, sur la guerre en Ukraine, modère son ton pour préserver ses relations économiques avec les puissances occidentales. 

Entre la Russie et la RPD de Corée, le fait le plus notable est la reconnaissance par Pyongyang des républiques de Donetsk et de Lougansk le 13 juillet 2022. La RPD de Corée est également apparue prête à participer à la reconstruction économique de ces zones en guerre, par l'envoi de travailleurs - ce qui s'inscrirait dans le prolongement d'une pratique ancienne, naguère de la Corée du Sud, et de la Corée du Nord jusqu'aux récentes sanctions internationales l'interdisant à Pyongyang. De fait, les sanctions ne seraient alors plus appliquées par la Russie - du moins, sur ce point.  

A l'occasion de l'anniversaire de la libération de la Corée le 15 août 1945, les courriers échangés au niveau des chefs d'Etat traduisent la volonté de renforcer les relations bilatérales. Vladimir Poutine a rappelé les combats menés "entre l'Armée rouge et les patriotes de Corée" pour la libération de la péninsule de l'occupation japonaise pendant la Seconde guerre mondiale, et exprimé son souhait de renforcer "la sécurité et le stabilité de la Corée". Kim Jong-un lui a répondu en observant qu'un "front commun" permettait de contrer "les menaces et les provocations des forces hostiles".

Alors que Pyongyang a critiqué la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, et rappelé sa position de principe sur une seule Chine (à l'instar de Moscou), les manoeuvres militaires américano-sud-coréennes d'août 2022 (les plus importantes depuis 2018, bien que d'une ampleur non rendue publique) ont été dénoncées non seulement par la RPD de Corée, mais aussi par la Chine - et par l'ambassadeur russe à Pyongyang. Alors que les experts occidentaux s'attendent à un nouvel essai nucléaire nord-coréen, il semble improbable que Pékin et Moscou accepteraient alors de renforcer les sanctions contre la RPD de Corée, voire même de se joindre à une condamnation verbale. Le 26 mai 2022, la Chine et la Russie avaient opposé leur veto à une proposition de résolution, d'origine occidentale, appelant à renforcer les sanctions contre la RPD de Corée après le lancement par cette dernière de plusieurs missiles balistiques. La Chine et la Russie appellent à présent au dialogue avec Pyongyang et à commencer à lever les sanctions. Si les Occidentaux venaient à prendre de nouvelles sanctions contre la RPDC, celles-ci n'auraient qu'une portée somme toute réduite - vu la quasi-absence de relations et d'échanges avec la Corée du Nord.

La situation géopolitique actuelle a déjà fait une victime : les relations intercoréennes, qui s'étaient réchauffées pendant la présidence du démocrate Moon Jae-in en République de Corée (Corée du Sud), sont au plus bas. Le nouveau président conservateur Yoon Suk-yeol, qui avait déjà qualifié la RPD de Corée d' "ennemi principal" de la Corée du Sud pendant la campagne électorale en mars 2022, a profité de l'anniversaire de la libération de la Corée, le 15 août 2022, pour formuler une proposition consistant à apporter une aide économique au Nord en contrepartie de sa dénucléarisation. Les observateurs étaient sceptiques sur la réponse de Pyongyang à ce qui apparaissait surtout comme une opération de communication à peu de frais pour apparaître vouloir un dialogue : en effet, le président sud-coréen Lee Myung-bak avait formulé une proposition très proche en 2008, qui avait été rejetée par le Nord. Sans surprise, la RPD de Corée avait répondu quelques jours plus tard que sa sécurité internationale n'était pas négociable - et pas à vendre.

Alors que la France et l'Union européenne se démarquent des Etats-Unis sur la montée des tensions avec la Chine (notamment, s'agissant de la France, lors de la conclusion de l'alliance militaire AUKUS entre l'Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, en septembre 2021), il apparaîtrait utile de promouvoir le dialogue et de prévenir les risques d'escalade et de tensions à la frontière est de la Russie, dans et autour de la péninsule coréenne. Dans le site d'analyse de référence sur la Corée du Nord 38 North, Jagannath Panda ne dit pas autre chose, en soulignant qu' "il est impératif d'empêcher une confrontation de type russe en Asie du Nord-est". Nous faisons nôtres ces propos raisonnables et de bon sens.

 

Sources :

Jagannath Panda, "Will Pyongyang's NATO tirades pay dividends", 38 North, 19 août 2022

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