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26 novembre 2023 7 26 /11 /novembre /2023 21:15

Avant et pendant la Seconde guerre mondiale, quelque 200 000 femmes, en majorité coréennes, ont été réduites en esclavage dans les bordels militaires japonais, désignées par l'euphémisme "femmes de réconfort". Alors que les ONG sud-coréennes considèrent que la question n'a pas encore été réglée, dans une décision rendue le 23 novembre 2023 la Haute Cour de Séoul a condamné le Japon à verser 200 millions de won (soit environ 141 000 euros) à chacune des seize plaignantes. 

Manifestation dans le cadre d'une campagne de signatures place du Trocadéro, à Paris, en 2014, en faveur des femmes de réconfort

Manifestation dans le cadre d'une campagne de signatures place du Trocadéro, à Paris, en 2014, en faveur des femmes de réconfort

A l'annonce du verdict, Lee Young-soo (95 ans) a levé les bras au ciel. La décision de la Haute Cour de Séoul revient en effet sur une décision rendue en première instance, en avril 2021, qui avait débouté les anciennes esclaves sexuelles de l'armée japonaise, en estimant que "l'immunité souveraine" du Japon ne pouvait pas être invoquée en raison de la conduite illégale des autorités nippones. L'indemnisation accordée est à la hauteur du préjudice subi par les victimes qui n'ont "pas pu mener une vie normale" après 1945, alors que la plupart des "femmes de réconfort" sont aujourd'hui décédées.

Le Japon a vivement réagi contre ce qu'il estime être une violation du droit international, en convoquant l'ambassadeur de la République de Corée au Japon. Tokyo considère que la question a été réglée lors de la normalisation des relations diplomatiques avec Séoul en 1965, puis à nouveau lors d'un accord bilatéral conclu en 2015, mais rejeté par les organisations de défense des anciennes victimes d'esclavage sexuel - et dénoncé par l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), qui s'indigne que les femmes de réconfort puissent être considérées comme ayant pu être consentantes dans le cadre d'opérations commerciales qui auraient été menées indépendamment des autorités nippones, ainsi que le prétend le Japon. 

La décision judiciaire rendue le 23 novembre, significativement deux jours avant la journée internationale contre les violences faites aux femmes, est une mauvaise nouvelle pour le gouvernement conservateur de Yoon Seok-yeol, qui s'efforce d'aplanir les différends diplomatiques avec le Japon afin de resserrer l'axe avec Tokyo et Washington contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et a ainsi déclaré qu'il s'en tiendrait à l'indemnisation, à un niveau bien moindre, prévue par l'accord de 2015.

Sources : 

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24 octobre 2023 2 24 /10 /octobre /2023 09:20

Pour la première fois, le 22 octobre 2023, les Etats-Unis, le Japon et la République de Corée (Corée du Sud) ont mené conjointement des exercices militaires aériens dans les zones aériennes de défense japonaise et sud-coréenne, lesquelles se superposent. Par le passé, seules des manoeuvres aériennes bilatérales avaient été conduites entre deux des trois alliés, dans un contexte d'augmentation des dépenses militaires japonaises (dont la part dans la PIB devrait doubler) et de rapprochement entre Tokyo et Séoul face à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). 

Exercices militaires aériens Etats-Unis - Japon - Corée du Sud : une première

Après les manoeuvres maritimes conjointes en mars 2023, Washington, Tokyo et Séoul franchissent une nouvelle étape vers la constitution d'une alliance formelle. Citant la menace nord-coréenne, les trois pays avaient annoncé à Camp David, en août 2023, qu'ils mèneraient des exercices conjoints.

Des bombardiers stratégiques américains B-52 ont participé aux manoeuvres.

L'ONG sud-coréenne Solidarité pour la paix et la réunification de la Corée a dénoncé ces exercices, rappelant que le Japon avait colonisé la Corée (jusqu'en 1945) : 

Les exercices aériens trilatéraux sont un prélude à la participation des Forces d'autodéfense japonaises à des exercices dans la péninsule coréenne, permettant au Japon d'intervenir et de s'immiscer dans les affaires coréennes et de faire encourir le risque d'une réoccupation de la péninsule coréenne par ses forces.

A la suite de la déclaration de facto d’une défense collective trilatérale par les dirigeants de la Corée du Sud, des États-Unis et du Japon à Camp David, l’expansion et l’institutionnalisation des exercices aériens trilatéraux et des exercices trilatéraux accéléreront encore l’établissement d’une alliance trilatérale.

Fidèle à sa position constante pour la paix et la dénucléarisation de la Corée, l'Association d'amitié franco-coréenne regrette vivement que de telles initiatives éloignent toujours davantage la perspective d'un retour au dialogue dans la péninsule coréenne, alors que les conflits en Ukraine et à Gaza accroissent les risques de guerre dans d'autres parties du monde. 

Source : 

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 22:09

Après avoir obtenu le feu vert de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le Japon a déverser dans l'océan, à compter du 22 août 2023, des eaux radioactives provenant de la centrale nucléaire de Fukushima et ayant été traitées. Le volume porte sur 1,34 million de tonnes d'eaux radioactives qui étaient stockées, à la suite de l'accident survenu dans la centrale en 2011. Cette décision des autorités nippones soulève des inquiétudes et une vague de protestation dans l'ensemble de la péninsule coréenne. 

La centrale nucléaire de Fukushima Daiichi après l'accident de 2011

La centrale nucléaire de Fukushima Daiichi après l'accident de 2011

Alors que le gouvernement du président sud-coréen Yoon Seok-yeol évite des critiques trop ouvertes contre le Japon dont il cherche à se rapprocher, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a vivement condamné le Japon, dans un communiqué en date du 24 août 2023 cité par l'agence nord-coréenne KCNA : 

Il est indéniable que le rejet dans la mer d’eaux polluées contenant de grandes quantités de matières radioactives constitue un acte contraire à l’éthique, qui détruit l’environnement géoécologique et menace l’existence de l’humanité.

Le Japon trompe la communauté internationale et se moque d'elle en prétendant que l'eau nucléaire polluée a été filtrée par un équipement de purification des polynucléides pour « nettoyer l'eau ». Mais il a été scientifiquement vérifié que « l’eau propre » contient encore une grande quantité de radionucléides extrêmement dangereux, notamment du césium, du strontium et du ruthénium ainsi que du tritium.

Cela a été reconnu par la Tokyo Electricity Company, exploitant de la centrale nucléaire de Fukushima, en septembre 2017.

En mai dernier, du césium à un taux 180 fois supérieur à la valeur standard a été détecté dans le corps de poissons capturés dans les eaux au large de la préfecture de Fukushima, déclenchant un tollé au sein de la communauté internationale.

Des manifestations de protestation ont été organisées en République de Corée (Corée du Sud), alors que les Coréens ont diminué leur consommation de produits de la mer - ce qui a un lourd impact négatif sur les secteurs de la pêche et de la restauration. Pour faire face à ces inquiétudes, les autorités sud-coréennes ont intensifié les inspections et les contrôles et annoncé qu'elles ne lèveraient pas l'interdiction d'importer des fruits de mer en provenance de la région de Fukushima, malgré les pressions de Tokyo en ce sens. 

Sources : 

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18 juin 2023 7 18 /06 /juin /2023 11:02

Avant la colonisation japonaise de la Corée (1910-1945), la péninsule a été soumise à des influences étrangères majeures - et des luttes de pouvoir entre grandes puissances. Le 8 octobre 1895, l'assassinat atroce de la reine Min (connu en Corée comme l'incident Eulmi), par les Japonais, est l'un des points paroxysmiques de ces rivalités dont la Corée a payé lourdement le prix : alors que le traité inégal avec le Japon s'était traduit par une crise politique, économique et sociale dans la péninsule, la reine Min (également désignée comme l'impératrice Myeongseong, ayant obtenu le titre d'impératrice après sa mort, en 1902) exerçait le pouvoir réel en tant qu'épouse du roi Gojong. Elle favorisa l'influence russe pour contrebalancer le rôle croissant du Japon après la défaite chinoise à l'issue la première guerre sino-japonaise (août 1894-avril 1895). Des troupes pénétrèrent dans le palais impérial vers 4 heures du matin à l'instigation de Miura Goro, ministre résident au Japon, et opérèrent un massacre qui souleva une vague de protestation internationale - conduisant au procès de Miura Goro, finalement acquitté par la justice japonaise.

Portrait présumé de l'impératrice Myeongseong

Portrait présumé de l'impératrice Myeongseong

Le déroulé des événements de l'incident Eulmin a pu être reconstitué grâce à divers témoignages.

Le rôle de collaborateurs japonais quant à l'entrée dans la résidence impériale est discuté. Le roi Gojong - qui se réfugiera dans la légation russe - s'efforça de retarder les assaillants pour permettre la fuite de son épouse, et fut frappé, à l'instar du prince héritier. Menacé par un couteau, le prince héritier ne révéla pas où se trouvait sa mère. La reine Min s'était déguisée en courtisane, mais le geste héroïque - et vain - du grand chambellan qui voulut empêcher l'accès à la souveraine la désigna en réalité aux assassins. Son meurtre est ainsi décrit par l'historien Christian Kessler : 

Face à eux se dresse alors le grand chambellan qui, les bras croisés, impressionnant, était le dernier rempart avant les appartements de la reine. On lui coupe les mains, le larde de coups de couteau avant de le laisser mort baignant dans son sang. Les assaillants se précipitent dans les appartements de la souveraine. Là, ils découvrent une femme de très petite taille, cachée dans un recoin. S’agit-il de la reine ? Elle nie farouchement, se débat, s’enfuit même en hurlant dans les corridors. Rapidement rattrapée, elle est percée par les sabres. On fait venir les femmes de la cour pour identification. A leur effroi, au cri de « Mais c’est la reine ! », les assaillants savent qu’ils ont accompli leur sinistre besogne.

La reine vit encore. On l’attache à une planche et l’enveloppe d’une couverture de soie. Puis on porte le corps jusqu’à un bosquet de pins non loin du palais et on le brûle.

Ce récit, exact, ne retrace cependant pas toute l'horreur du crime ainsi perpétré : la résistance acharnée (et qui causa des pertes importantes) des troupes coréennes protégeant le souverain et son épouse et lui restèrent fidèles ; la mort également de courtisanes ; le viol du corps défunt de la reine Min. Des Japonais n'appartenant pas aux forces régulières (membres des yakuzas) jouèrent aussi un rôle déterminant en prêtant main forte aux assaillants dont certains portaient des vêtements civils.

Il faudra attendre 1897 pour que le roi Gojong - revenu au pouvoir, avec le soutien russe - honore la mémoire de son épouse, lors de funérailles somptueuses à la hauteur de l'amour qu'il lui portait. 

La reine Min est également restée dans l'histoire pour le rôle qu'elle a joué, en tant que femme, dans la modernisation de la Corée - alors que mariée jeune à Gojong elle avait alors été perçue comme facilement manipulable. Le site "l'histoire par les femmes" souligne ses initiatives réformatrices : 

Une école pour les enfants de l’élite ouvre au palais, avec des professeurs étrangers qui enseignent en anglais. La reine Min fait également ouvrir la première école destinée aux fillettes et ouverte aux enfants défavorisées. Elle cherche à mettre un terme aux persécutions contre les chrétiens et invite même des missionnaires. Sous son règne, le premier journal du gouvernement parait. Elle modernise en profondeur l’armée et son armement, mais néglige la marine.

Ce portrait favorable mérite cependant d'être nuancé. La reine Min a également favorisé la soumission à des puissances étrangères, y compris dans la répression du mouvement Tonghak - et a maintenu un exercice du pouvoir resté traditionnel, marqué notamment par la corruption et l'élimination de ses opposants.

Sources : 

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14 mai 2023 7 14 /05 /mai /2023 12:57

La visite en République de Corée (Corée du Sud) du Premier ministre japonais Fumio Kishida, les 7 et 8 mai 2023, a suivi un déplacement au Japon du président sud-coréen Yoon Seok-yeol, en mars dernier. Si les deux chefs d'Etat et de gouvernement ont entendu continuer de resserrer leurs liens face à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), qui poursuit ses programmes balistiques et nucléaires, ce spectaculaire rapprochement suscite des réserves dans l'opinion publique sud-coréenne - alors que les plaies de la colonisation japonaise de la Corée (1910-1945) sont loin d'être refermées. 

Yoon Seok-yeol et Fumio Kishida, à Séoul, le 7 mai 2023

Yoon Seok-yeol et Fumio Kishida, à Séoul, le 7 mai 2023

Alors que Tokyo considère que la normalisation des relations diplomatiques avec la République de Corée en 1965 a réglé les contentieux liés à la colonisation, les sujets de friction n'ont jamais cessé - notamment la déportation des travailleurs forcés coréens et la question des "femmes de réconfort", obligées de se prostituer pour l'armée japonaise avant et pendant la Seconde guerre mondiale. Sur le premier point, Séoul a récemment annoncé la création d'une fondation pour indemniser les victimes. De fait, le président Yoon Seok-yeol, à l'instar de ses prédécesseurs conservateurs sud-coréens, a fait de l'amélioration des relations avec Tokyo une priorité de sa politique étrangère pour contrer la Corée du Nord : les militaires japonais participent ainsi aux manoeuvres militaires conjointes entre les Etats-Unis et la Corée du Sud, tandis que le Japon est en voie de doubler la part du budget militaire dans son PIB. Sur fond de rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis, qui se focalise notamment sur la question de Taïwan, la Corée du Sud et le Japon font corps autour de leur allié américain, en considérant que la question nord-coréenne avait une portée mondiale. 

Un des points concrets du sommet nippo-sud-coréen des 7 et 8 mai est la décision de Séoul et de Tokyo de partager leurs informations obtenues par radar s'agissant des missiles nord-coréens, qui selon les autorités des deux pays seraient toutefois encore en cours de finalisation. En effet, si les Etats-Unis et la Corée du Sud, d'une part, les Etats-Unis et le Japon, d'autre part, partagent leurs données obtenues par surveillance radar, il n'y a pas d'échanges directs en ce domaine entre le Japon et la Corée du Sud.

Au regard du legs douloureux de la colonisation, le Premier ministre japonais a fait un geste en reconnaissant, à Séoul, les souffrances endurées : "j'ai le coeur qui saigne face aux expériences très difficiles et tristes vécues par tant de personnes dans les dures circonstances de l'époque". Les termes sont toutefois mesurés, pour ne pas heurter la frange la plus nationaliste de l'opinion publique japonaise.

Les contentieux commerciaux sont également en voie d'apaisement : au lendemain de la visite au Japon du président sud-coréen, Tokyo avait annoncé lever les restrictions à l'exportation vers la Corée du Sud de certaines technologies utilisées pour la production de puces et d'écrans plats. 

Sources : 

- RFI

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23 avril 2023 7 23 /04 /avril /2023 13:59

Si la situation en Ukraine concentre les regards de l'opinion publique occidentale, celle en Asie du Nord-Est connaît de nouveaux développements potentiellement porteurs de risque de conflit - que l'AAFC appelle à prévenir par la voie du dialogue, afin d'éviter une course aux armements. Des déclarations récentes du président sud-coréen ont par ailleurs associé les questions de Taïwan et de la Corée, créant d'importantes tensions entre Séoul et Pékin. 

Kim Jong-un visitant l'agence spatiale nord-coréenne NADA, le 18 avril 2023

Kim Jong-un visitant l'agence spatiale nord-coréenne NADA, le 18 avril 2023

En annonçant avoir réussi le lancement d'un missile balistique Hwasong-18 à combustible solide (en l'occurrence, du propergol), le 14 avril 2023, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) dispose d'un certain avantage stratégique, puisqu'un missile à combustible solide est plus simple à déployer et offre davantage de liberté quant au délai de lancement qu'un missile à combustible liquide, lequel doit être tiré en un laps de temps plus court.

L'agence de presse nord-coréenne KCNA a réitéré la position classique de Pyongyang, selon laquelle cette composante de la force de dissuasion nucléaire de la RPD de Corée visait à prévenir un conflit nucléaire :

La dissuasion nucléaire militaire de la RPDC se développe rapidement (...) pour accroître de manière continue la puissance de la force stratégique de la RPDC et qu'elle devienne une entité dotée d'une superpuissance et d'une force absolue, une grande force capable de prévenir l'holocauste nucléaire et toutes sortes de potentielles et dangereuses invasions ennemies, ainsi qu'un glaive puissant pour défendre la justice et la paix.

Par ailleurs, après l'essai concluant d'un prototype en décembre 2022, le lancement d'un satellite de reconnaissance a été un objectif réaffirmé par le Président Kim Jong-un lors d'une visite de l'agence spatiale nord-coréenne NADA, qui célébrait ses dix ans, ce 18 avril 2023. Cette perspective a été accueillie fraîchement à Tokyo : le 22 avril, le Japon a annoncé avoir mis son armée en état d'alerte pour abattre un potentiel missile balistique nord-coréen qui mettrait en orbite un satellite d'observation. 

La veille, le 21 avril, la Corée du Nord avait rejeté l'appel des pays du G7 l'appelant à "s'abstenir" de tout nouvel essai nucléaire ou tir de missile balistique intercontinental (prohibé par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, CSNU).  Pyongyang a fustigé ce qu'elle considère comme relevant de sa politique intérieure.

De fait, la nouvelle partition bipolaire, entre les Etats-Unis et les Occidentaux d'une part (ainsi que le Japon et la Corée du Sud), la Chine et la Russie d'autre part, rend peu probable l'adoption de nouvelles sanctions par le CSNU en cas d'essai nucléaire ou de tir d'un missile ICBM par la RPD de Corée.

Dans ce contexte, les déclarations du président sud-coréen Yoon Seok-yeol, selon lesquelles les prétentions chinoises sur Taïwan présentent des similarités avec la situation dans la péninsule coréenne, ont lié les deux thèmes et entraîné une dégradation des relations bilatérales avec Pékin : après une protestation de la Chine, la République de Corée a convoqué l'ambassadeur chinois. Puis Pékin a annoncé avoir déposé plainte contre Séoul, à la veille d'une rencontre entre les présidents américain et sud-coréen prévue du 24 au 26 avril 2023. 

Sources : 

- Ouest France

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3 avril 2023 1 03 /04 /avril /2023 22:23

Sans même attendre la fin des exercices Freedom Shield le 23 mars 2023, les manoeuvres maritimes Ssangyong ont débuté le 20 mars pour se terminer le 3 avril, témoignant de la volonté des Etats-Unis et de leurs alliés sud-coréens de maintenir un état de tension permanent autour de la péninsule coréenne. Pis, les exercices de guerre en mer ont été étendus au Japon - qui a rejoint les forces combinées américano-sud-coréennes pendant deux jours. Ces initiatives sont d'autant plus inquiétantes qu'elles pourraient conduire la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) à mettre fin au moratoire sur les essais nucléaires qu'elle observe depuis septembre 2017. 

Le porte-avions américain à propulsion nucléaire USS-Nimitz, au départ de la base de Pusan, le 2 avril 2023

Le porte-avions américain à propulsion nucléaire USS-Nimitz, au départ de la base de Pusan, le 2 avril 2023

Occultée par l'actualité de la guerre en Ukraine, la montée des tensions en Extrême-Orient présente pourtant de dangereuses similitudes avec l'escalade militaire qui avait été observée à l'est de l'Europe avant l'offensive russe de février 2022. Les premiers exercices militaires conjoints menés depuis six mois entre les Etats-Unis, la République de Corée (Corée du Sud) et le Japon en constituent l'une des manifestations les plus dangereuses - sur fond de remilitarisation du Japon. Ces manoeuvres, menées notamment au large de l'île de Jeju, impliquent le porte-avions américain polyvalent à propulsion nucléaire USS Nimitz et des contre-torpilleurs sud-coréens, américains et japonais.

Pour sa part, la Corée du Nord affirme avoir récemment testé un drone sous-marin à capacité nucléaire et a réagi vivement à ces nouveaux exercices, en dénonçant une "hystérie de guerre" et des préparatifs de "guerre totale". Le 1er avril, le site spécialisé 38 North a rendu publiques des images satellitaires montrant une forte activité autour de la centrale nucléaire de Yongbyon, augmentant la probabilité d'un nouvel essai nucléaire en représailles. Par ailleurs, le ministère de la défense sud-coréen estime que Pyongyang a accompli d'importants progrès dans la miniaturisation de têtes nucléaires qui seraient placées sur des missiles de courte portée. Il s'agit d'une des limites identifiées du programme nucléaire et balistique nord-coréen - avec la rentrée des missiles dans l'atmosphère.

Face aux menaces de conflit, l'Association d'amitié franco-coréenne continuera de combattre pour la paix - pour que plus jamais le fracas des armes n'endeuille les hommes, les femmes et les enfants de la Corée - de toute la Corée. 

Sources : 

Military Times ;

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6 mars 2023 1 06 /03 /mars /2023 11:13

Lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 6 mars 2023, Park Jin, ministre des Affaires étrangères de la République de Corée (Corée du Sud), a annoncé la création prochaine d'une fondation pour indemniser des Coréens victimes de travail forcé pendant l'occupation japonaise de la péninsule (1910-1945). Même si des discussions avaient éte engagées sur le sujet entre les deux parties, cette décision manifestement unilatérale, prise sans contrepartie immédiate du Japon, a été vivement saluée à Tokyo - mais a déjà engendré des critiques parmi des victimes, alors que les stigmates de la colonisation japonaise restent un sujet très sensible dans l'opinion publique coréenne.

Le ministre des Affaires étrangères Park Jin peut avoir le sourire : partisan résolu d'un front renforcé Washington-Tokyo-Séoul contre la Corée du Nord, il a satisfait les deux alliés de la République de Corée au-delà de leurs espérances en annonçant la création d'un fonds d'indemnisation des Coréens victimes du travail forcé pendant la colonisation japonaise

Le ministre des Affaires étrangères Park Jin peut avoir le sourire : partisan résolu d'un front renforcé Washington-Tokyo-Séoul contre la Corée du Nord, il a satisfait les deux alliés de la République de Corée au-delà de leurs espérances en annonçant la création d'un fonds d'indemnisation des Coréens victimes du travail forcé pendant la colonisation japonaise

Alors que des décisions de justice de tribunaux sud-coréens, en 2018, avaient prévu l'indemnisation de victimes coréennes de travail forcé pendant la colonisation japonaise, la question du versement des compensations était devenue un point de désaccord majeur entre Tokyo et Séoul. En effet, pour le Japon, l'accord de 1965 établissant les relations diplomatiques avec la République de Corée a réglé les contentieux historiques - dont l'indemnisation des travailleurs forcés - et ce n'est pas aux entreprises japonaises ni au gouvernement japonais de procéder à des versements décidés par la justice sud-coréenne. Finalement, selon l'annonce faite par le ministre Park Jin ce lundi 6 mars 2023, c'est une tierce partie - aux acteurs japonais et au gouvernement sud-coréen - qui procèdera à l'indemnisation : une fondation spécifiquement mise en place, dont les modalités de mise en place restent à établir.

Plus que les montants en jeu (si 780 000 Coréens ont été victimes de travail forcé, les décisions de justice ne concernent que quelques dizaines de personnes), la symbolique est forte, au moment où les tensions dans la péninsule coréenne imposent, selon Tokyo et Washington, de régler les différends entre alliés pour opposer un front commun face à Pyongyang.

Park Jin a d'ailleurs reconnu que tel était le sens de son annonce : 

La coopération entre la Corée et le Japon est très importante dans tous les domaines de la diplomatie, de l’économie et de la sécurité, dans le contexte actuel de grave situation internationale et de difficile crise mondiale (...) Je crois que le cercle vicieux doit être brisé pour le bien [des] peuples au niveau de l’intérêt national, plutôt que de laisser [nos] relations [ainsi] distendues pendant longtemps.

Séoul espère des excuses du Japon, ainsi qu'une contribution des entreprises nippones. Mais le gouvernement nationaliste japonais estime s'être déjà suffisamment excusé. La Corée du Sud a manifestement cédé sans contrepartie à une demande pressante du Japon - et des milieux d'affaires des deux pays - ainsi que des Etats-Unis, soucieux que les contentieux nippo-sud-coréens soient réglés face à la Corée du Nord et à la Chine. 

La décision prise risque d'être d'autant plus mal acceptée dans l'opinion publique sud-coréenne que le Japon accélère sa remilitarisation, en ayant décidé de porter de 1 % à 2 % la part de son PIB consacrée aux dépenses militaires. Si la création d'une fondation permet à quelques-unes des victimes, toutes très âgées, d'espérer une indemnisation, était-il pertinent de céder aussi facilement à un gouvernement japonais animé de sentiments fortement nationalistes et tenté par le révisionnisme historique ? L'escalade des tensions, qui accroît les risques de guerre, est aussi encouragée par des décisions telles que celle du gouvernement du Président Yoon Seok-yeol, défenseur du resserrement des liens avec le Japon - quoi qu'il en coûte.

Sources :  

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17 janvier 2023 2 17 /01 /janvier /2023 19:14

En décidant de porter de 1 % à 2 % de son PNB le montant de ses dépenses militaires, le Japon est engagé dans une démarche de remilitarisation soutenue par les Etats-Unis et leurs alliés qui participe d'une escalade militaire porteuse de risques accrus de guerre dans la région Asie-Pacifique. Ainsi, lors d'un déplacement à Paris le 9 janvier 2023, avant un sommet du G7, le Premier ministre japonais Fumio Kishida et le Président français Emmanuel Macron ont convenu que les forces militaires de leurs pays continueraient de mener des exercices militaires conjoints. Les forces japonaises d'autodéfense (FAD) ne méritent plus vraiment leur nom, alors que la tradition pacifiste japonaise de ne pas s'engager sur des théâtres d'opérations extérieures est, de fait, de plus en plus sérieusement battue en brèche sur fond d'essor du nationalisme dans l'archipel nippon.

Fumio Kishida et Joe Biden, à la Maison Blanche, le 13 janvier 2023

Fumio Kishida et Joe Biden, à la Maison Blanche, le 13 janvier 2023

Si le budget militaire japonais occupait la 9e place mondiale en 2021 selon le SIPRI (54 milliards de dollars), en s'élevant alors à 1,1 % du PIB, le quasi-doublement prévu de la part des dépenses militaires dans le PIB japonais (qui doit être portée à 2 % du PIB sur une période de cinq ans) signifie, à terme, un niveau de dépenses militaires de l'ordre de 100 milliards de dollars, qui serait le troisième budget militaire le plus élevé au monde, après ceux des Etats-Unis et de la Chine. 

Cette augmentation des dépenses correspond à des investissements militaires d'ampleur, adoptés en décembre 2018, et comportant le renforcement des moyens de cyberguerre, l'acquisition de 105 avions de combat américains F-35 et la transformation du porte-hélicoptères JDS Izumo en un porte-avions. Ces évolutions doivent permettre aux FAD du Japon de se déployer à l'étranger, y compris par l'achat de missiles Tomahawk et le renforcement de l'interopérabilité des forces avec les Etats-Unis.

Surtout, la doctrine d'emploi des FAD évolue en dehors du cadre strict des missions d'auto-défense : de 2004 à 2008, les FAD ont été envoyées pour la première fois dans une zone de combat, en Irak, mais pour des missions humanitaires ; en 2015, un nouveau cap a été franchi en permettant le déploiement de forces militaires à l'étranger - combattantes - dans le cadre d'un "droit à la légitime défense collective", pourtant dépourvu de base juridique en droit international public. Profondément attachée à la paix en Asie et dans le monde, l'AAFC avait alors dénoncé une révision de facto de la Constitution japonaise, soutenant le militarisme japonais. Dans un sondage du quotidien Nikkei, en décembre 2022, 55 % des personnes interrogées (contre 36 %) se déclaraient favorables à un renforcement des capacités militaires.

Dans un éditorial publié le 16 janvier 2023, le quotidien sud-coréen Hankyoreh faisait part de ses inquiétudes que la remilitarisation du Japon, allié majeur des Américains dans la région Asie-Pacifique, ne contribue à alimenter une dangereuse course aux armements :

Ces actions des Etats-Unis et du Japon signifient un changement fondamental dans la répartition des rôles qui avait prévalu depuis la Seconde guerre mondiale, selon laquelle les Etats-Unis étaient "l'épée" et le Japon "le bouclier" en termes de capacités offensives et défensives. Alors que l'objectif est de répondre au nouvel environnement marqué par le défi militaire chinois, il est probable que les pays d'Asie du Nord-Est seront pris dans un cercle vicieux de course aux armements. Les courses aux armements élèvent les tensions et augmentent le risque d'un affrontement non intentionnel. Ce type de situation n'aide aucun pays. En raison de sa position géopolitique, la péninsule coréenne a le plus à souffrir d'une course aux armements entre les grandes puissances.

Sources : 

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13 juillet 2019 6 13 /07 /juillet /2019 17:13

Le 1er juillet 2019, le gouvernement du Premier ministre japonais Abe Shinzo a annoncé la mise en place de restrictions à l'exportation vers la Corée du Sud de trois matériaux nécessaires à la fabrication de semi-conducteurs et d'écrans, produits phares de l'industrie sud-coréenne. Cette mesure semble avoir été prise en représailles d'un verdict rendu en 2018 par la Cour suprême sud-coréenne, ordonnant à des entreprises japonaises d'indemniser des victimes du travail forcé, mais pourrait aussi être motivée par des considérations de politique intérieure.

Le Président Moon Jae-in passe devant  le Premier ministre Abe Shinzo après l'avoir salué à la réunion du G20 à Osaka le 28 juin 2019 (source : Yonhap) 

Depuis le 4 juillet 2009, les sociétés japonaises doivent demander une autorisation pour exporter trois matériaux vers la Corée du Sud : le polymère fluoré, la résine photosensible et le fluorure d'hydrogène. La procédure d'autorisation nécessite désormais 90 jours, là où le gouvernement japonais accordait auparavant un traitement préférentiel aux entreprises sud-coréennes. Les matériaux visés sont nécessaires à la fabrication des écrans pour smartphones et des puces mémoire, soit les principaux produits exportés par la Corée du Sud, laquelle a dépendu à plus de 90% du Japon pour ses approvisionnements en polymère fluoré et résine photosensible et à 44% pour le fluorure d'hydrogène entre janvier et mai 2019, selon l'Association coréenne du commerce international.

Dès l'annonce de la décision du Japon de restreindre l'exportation de certains produits nécessaires à l'industrie sud-coréenne, le ministère du Commerce, de l'Industrie et de l'Energie de Corée du Sud a accusé le Japon de violer un accord de l'Organisation mondiale du commerce et déclaré qu'il y répondrait « fermement ».

Le 4 juillet, jour d'entrée en vigueur des restrictions aux exportations japonaises, le ministre de l'Economie a dit que le gouvernement sud-coréen envisagerait « diverses mesures correspondantes » à moins que le Japon ne revienne sur sa décision.

Apparemment, la décision japonaise est une réponse à un jugement rendu en 2018 par la Cour suprême de Corée du Sud, ordonnant à des entreprises japonaises de dédommager des victimes coréennes du travail forcé pendant la période coloniale (1910-1945). Le Japon a dénoncé cette décision en affirmant que toutes les questions concernant les réparations liées à son régime colonial ont été résolues grâce à l'accord signé en 1965 par les gouvernements japonais et sud-coréen et normalisant les relations diplomatiques entre les deux pays.

Le 8 juillet, s'exprimant pour la première fois en public au sujet de la décision prise la semaine précédente par le Japon, le président sud-coréen Moon Jae-in a appelé ce dernier à lever les restrictions d'exportations imposées contre des entreprises sud-coréennes, en les décrivant comme une tentative de limiter le commerce dans un but politique. Le Président Moon a dit que le gouvernement sud-coréen mènerait d'abord des efforts « calmes » pour tenter de la résoudre de façon diplomatique. Mais, en cas de « dommages réels » subis par des entreprises sud-coréennes, le gouvernement n'aura pas d'autre choix que de prendre les mesures « nécessaires ».

Le Président Moon s'est aussi engagé à apporter tous les soutiens possibles aux entreprises sud-coréennes, de telle sorte à ce qu'elles puissent améliorer leur compétitivité internationale dans le secteur manufacturier en réduisant la dépendance aux importations de matériaux essentiels.

Pour justifier la décision prise par son pays, l'ambassadeur du Japon en Corée du Sud a déclaré le 8 juillet que les restrictions placées sur les exportations de matériaux technologiques vers la Corée du Sud étaient dues à un « effondrement » de la confiance mutuelle. Le lendemain, le gouvernement japonais est allé jusqu'à affirmer que le renforcement de ses réglementations sur les exportations de certains matériaux vers la Corée du Sud était dû en partie au non-respect par Séoul des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Ces allégations ont été immédiatement rejetées par le gouvernement sud-coréen.

Le 9 juillet, le Japon a refusé l'appel au dialogue de la Corée du Sud pour trouver une solution au différend commercial, disant n'avoir pas l'intention de lever les restrictions et que la question n'était pas sujette à des pourparlers, la décision du 1er juillet s'inscrivant dans le cadre des efforts du Japon visant à revoir les contrôles de ses exportations.

Comme les efforts visant à résoudre cette crise de manière bilatérale n'ont abouti à rien, la Corée du Sud cherche désormais à s'assurer un soutien de la communauté internationale, dont les Etats-Unis, afin de faire supprimer la mesure commerciale prise par le Japon. Les Etats-Unis ont un intérêt certain à trouver une issue à un conflit commercial entre deux de leurs principaux alliés en Asie, alors qu'il cherchent depuis longtemps à promouvoir la coopération, y compris militaire, entre eux face à la Corée du Nord et, surtout, à la Chine identifiée comme le principal adversaire stratégique des Etats-Unis depuis le début des années 2000.

Mais, au-delà des différends historiques entre la Corée et le Japon, la décision du gouvernement du Premier ministre Abe Shinzo de restreindre l'exportation de certains matériaux nécessaires à l'industrie sud-coréenne pourrait avoir été prise pour des considérations de politique intérieure japonaise, comme l'analyse le quotidien sud-coréen Hankyoreh.

La moitié de la Chambre des conseillers, chambre haute de la Diète du Japon, doit être renouvelée le 21 juillet 2019, et plusieurs experts estiment que l'objectif du gouvernement japonais est de mobiliser sa base conservatrice en s'en prenant à la Corée du Sud, afin de remporter le maximum de sièges, ce qui permettrait de s'assurer une majorité des deux tiers, nécessaire à la modification de la Constitution. Alors qu'on s'attendait à ce que le Japon prenne des mesures de rétorsion vers la fin de l'année 2019, lorsque les actifs sud-coréens des entreprises japonaises condamnées par la Cour suprême de Corée du Sud seraient mis aux enchères pour indemniser les victimes coréennes du travail forcé, le gouvernement Abe a rendu publique la mise en place de restrictions aux exportations vers la Corée du Sud dès le 1er juillet, soit le même jour que l'annonce du renouvellement de la moitié de la Chambre des conseillers. Plusieurs observateurs en ont conclu que le gouvernement japonais avait voulu que les restrictions aux exportations coïncident avec l'élection à la chambre haute.

Mais, souligne le Hankyoreh, le Premier ministre japonais n'a jamais pris de lui-même l'initiative d'évoquer les nouveaux contrôles sur les exportations, et ne l'a fait que lorsque des questions ont été posées à ce sujet par les journalistes ou dans les débats politiques. Cette attitude va à l'encontre de l'idée selon laquelle Abe Shinzo pousserait à s'en prendre à la Corée du Sud dans le cadre d'une stratégie électorale. Si une telle réserve du Premier ministre japonais peut être en partie motivée par sa crainte de réactions du monde des affaires, elle pousse aussi les analystes à penser que le gouvernement Abe a vu au-delà de l'élection en décidant de restreindre les exportations vers la Corée du Sud.

« Il est vrai que ces mesures ont été très efficaces pour susciter le vote conservateur. L'objectif d'Abe semble être de gagner non seulement l'élection à la Chambre des conseillers, mais aussi l'élection à la Chambre des représentants et [de profiter de cet élan] pour modifier la Constitution », a déclaré Lee Yeong-chae, professeur à l'université Keisen, le 9 juillet au Hankyoreh. Abe a déclaré que la mission de sa vie était de réviser la « Constitution pacifique » du Japon, interdisant à ce dernier de posséder une armée et de faire la guerre.

Pour le moment, les partis politiques japonais favorables à une révision constitutionnelle détiennent déjà les deux tiers des sièges à la Chambre des représentants (chambre basse de la Diète du Japon). Une majorité des deux tiers à la Chambre des conseillers ouvrirait donc la voie à une modification de la Constitution. Mais une telle révision doit ensuite être approuvée par référendum et les citoyens japonais restent en majorité opposés à la révision de l'article 9, crucial quant au caractère pacifique de la Constitution japonaise. Le Premier ministre japonais va donc vouloir maximiser les chances d'une révision constitutionnelle en remportant l'élection à la Chambre des représentants. La législature actuelle s'achève normalement à l'automne 2021, mais le Premier ministre japonais a le pouvoir de dissoudre la chambre basse quand il le souhaite.

Certains experts pensent que, en plus d'en tirer un avantage lors des élections à venir, Abe cherche à utiliser les restrictions posées aux exportations vers la Corée du Sud pour que celle-ci fasse d'énormes concessions.

« Cela ne peut pas être décrit comme totalement indépendant de l'élection, ni comme une stratégie électorale », a ainsi déclaré Junya Nishino, professeur à l'université Keio. « Ce problème est survenu parce que rien ne laisse supposer que le gouvernement sud-coréen change de position sur la décision de la Cour suprême [accordant des dommages et intérêts aux victimes du travail forcé]. Les élections coïncidaient avec cela. Ce problème a déjà pris de l'ampleur et il semble inévitable qu'il se prolonge », a déclaré le professeur Nishino.

Ce point de vue est partagé par une source diplomatique à Tokyo, citée par le Hankyoreh : « L'un des problèmes ici est que le Japon en a assez du problème des femmes de réconfort. Les élections ont sans aucun doute eu un effet, mais vous ne pouvez pas considérer que cela concerne uniquement les élections. »

Alors que le gouvernement sud-coréen soutient que la décision de la Cour suprême doit être respectée et qu’il ne peut pas intervenir dans les décisions judiciaires, le gouvernement japonais rétorque que la décision de la Cour suprême sud-coréenne constitue en soi une violation du droit international. Les positions du Japon et de la Corée du Sud quant à la question des réparations pour le travail forcé pendant la période coloniale semblent donc inconciliables.

Le Japon a déjà admis ouvertement qu’il prendrait des mesures de rétorsion : en mars, le vice-Premier ministre japonais, Taro Aso, a déclaré que le Japon envisageait de relever les droits de douane sur les produits sud-coréens et d'interdire les envois de fonds et les visas en cas de liquidation des actifs des entreprises japonaises.

Une première indication des véritables intentions du Japon et de la durée prévisible du conflit commercial en cours sera donnée le 1er août, après l'élection de la Chambre des conseillers. Le gouvernement japonais devra alors décider s'il enlève ou non la Corée du Sud de la « liste blanche » des pays bénéficiant d'un traitement préférentiel pour les exportations de matériaux destinés aux industries de pointe, en application de la loi japonaise relative à la gestion des échanges internationaux et du commerce extérieur (Foreign Exchange and Foreign Trade Management Act). Le retrait de la Corée du Sud de cette liste signifierait que le Japon peut imposer des restrictions à tous les produits autres que les produits alimentaires et le bois d'œuvre. Le conflit entre le Japon et la Corée du Sud franchirait alors un nouveau palier et échapperait à tout contrôle.


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