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23 avril 2024 2 23 /04 /avril /2024 15:32

Alors que la fermeture de ses frontières par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) pendant plus de trois ans, entre janvier 2020 et juillet 2023, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, avait mis un coup d'arrêt aux échanges de délégations, les autorités nord-coréennes multiplient à présent les accueils de personnalités étrangères et reprennent les visites en dehors de la péninsule coréenne. Dans ce contexte, une délégation du Parti du travail de Corée (PTC) conduite par Kim Song-nam, directeur du département international du PTC, a visité la Chine, le Vietnam et le Laos entre le 21 mars et le 2 avril 2024. Il s'agissait principalement de développer non seulement les échanges bilatéraux, mais aussi les relations avec les partis frères des trois autres démocraties populaires d'Asie : la solidarité mutuelle, tant au plan international que dans la construction du socialisme, a été évoquée à chacune des étapes de la tournée est-asiatique de la délégation nord-coréenne. 

La délégation du PTC saluée au retour de son déplacement en Chine, au Vietnam et au Laos

La délégation du PTC saluée au retour de son déplacement en Chine, au Vietnam et au Laos

En Chine, la délégation du PTC a rencontré notamment Wang Yi, directeur du bureau central des Affaires étrangères du Parti communiste chinois (PCC) et qui exerce parallèlement les fonctions de ministre des Affaires étrangères, Wang Huning, président de la Conférence consultative politique du peuple chinois, membre du comité permanent du bureau politique (BP) du PCC, secrétaire du secrétaire général du PCC, et Liu Jianchao, directeur du département international du PCC. 

Malgré le renforcement récent des liens russo-nord-coréens, la Chine reste le principal partenaire de la RPDC, la plus grande partie des exportations nord-coréennes vers la Chine étant d'ailleurs désormais formées, selon les statistiques douanières, par les perruques et les faux cils. L'année 2024 marque le 75e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine, fondée en 1949, et la RPD de Corée. Elle est célébrée comme l'année de l'amitié sino-(nord)-coréenne, dont le lancement a été officialisé à l'occasion de la visite en RPDC de Zhao Leji, président du comité permanent de l'Assemblée nationale populaire chinoise, reçu par le secrétaire général du PTC Kim Jong-un. Zhao Leji est considéré comme le numéro 3 du PCC et est la plus haute personnalité chinoise à visiter la RPDC depuis le déplacement de Xi Jinping en 2019. 

Dans ce contexte, lors de la visite en Chine de la délégation du PTC le ministre des Affaires étrangères chinois a mis l'accent sur l'amitié sino-coréenne et une solidarité y compris sur la scène internationale alors que, dans le contexte de la guerre en Ukraine, la Chine désigne les Etats-Unis comme les principaux responsables de la montée des tensions en Asie du Nord-Est. Wang Yi a ainsi mentionné le renforcement de la "communication stratégique" et de la "coopération tactique" entre les deux pays. Selon l'agence officielle nord-coréenne KCNA : 

Wang Yi a déclaré que la position et la volonté constantes du parti, du gouvernement et du peuple chinois étaient de défendre de manière honorable, de consolider de manière excellente et de développer avec succès l'amitié sino-RPDC fondée sur le sang et la richesse commune précieuse, et a exprimé sa conviction que les relations amicales entre les deux pays progresseraient de manière inébranlable sous la direction stratégique du secrétaire général Xi Jinping et du secrétaire général Kim Jong Un, malgré tous les défis et toutes les difficultés.

Il a affirmé que la Chine renforcerait, comme toujours, la communication stratégique et la coopération tactique avec la RPDC sur la scène internationale afin de défendre fermement les intérêts communs des deux partis et des peuples des deux pays et de promouvoir l'amitié entre la Chine et la RPDC.

Wang Yi recevant Kim Song-nam à la résidence Diaoyutai, à Pékin le 23 mars 2024

Wang Yi recevant Kim Song-nam à la résidence Diaoyutai, à Pékin le 23 mars 2024

Au Vietnam, la délégation conduite par Kim Song-nam a eu des échanges avec, entre autres, Truong Thi Mai, cheffe de la commission centrale d'organisation du Parti communiste vietnamien (PCV), et Le Hoai Trung, secrétaire du comité central du PCV et qui dirige également le comité central des affaires étrangères du PCV.

La RPDC a soutenu le Vietnam dans sa lutte de libération nationale, même si l'établissement des relations diplomatiques entre la République socialiste du Vietnam et la République de Corée (Corée du Sud) en 1992 a ensuite fait de la Corée du Sud un partenaire économique majeur du Vietnam. En février 2019, le Vietnam avait organisé le sommet de Hanoï entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et le président américain de Donald Trump.

Ayant mentionné le cinquième anniversaire du déplacement du dirigeant nord-coréen au Vietnam (mais pas le sommet lui-même, dont les résultats ont été in fine assez maigres), Truong Thi Mai a rappelé le soutien de la RPDC à la lutte de libération nationale du peuple vietnamien, tout en mettant également l'accent sur le développement futur des relations bilatérales. Dans son intervention, Kim Song-nam a davantage mis l'accent sur la lutte anti-impérialiste. 

Kim Song-nam et Truong Thi Mai, à Hanoï le 26 mars 2024

Kim Song-nam et Truong Thi Mai, à Hanoï le 26 mars 2024

Lors de son déplacement au Laos, la délégation du PTC a rencontré notamment Thongloun Sisoulith, secrétaire général du Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL), et qui exerce parallèlement les fonctions de Président de la République, et Thongsavanh Phomvihane, qui dirige le comité des relations extérieures du PRPL.

Selon KCNA, Thongsavanh Phomvihane a déclaré que le PRPL et le gouvernement laotien soutenaient pleinement la politique du PTC et la RPDC pour défendre la paix et la sécurité dans la péninsule coréenne. Toujours d'après KCNA, Thongloun Sisoulith a salué "le développement rapide" de la RPDC "sous la direction énergique et chevronnée" du secrétaire général Kim Jong-un. 

Reçu par le secrétaire du PRPL, le directeur du département international du PTC a mentionné le combat conjoint mené avec le Laos sur la voie pour réaliser une véritable justice internationale. 

Alors qu'il est d'usage protocolaire que les échanges se situent à un niveau identique à celui de la délégation reçue, le directeur Kim Song-nam, par ailleurs porteur d'un message verbal de Kim Jong-un, secrétaire général du PTC, président de la commission des affaires de l'Etat, a été reçu au Laos à un niveau supérieur à celui de son rang politique. Cette rencontre - qualifiée de courtoisie - traduit un intérêt plus particulier du Laos pour renforcer ses liens avec la RPDC. Elle s'inscrit également dans le contexte de la présidence laotienne de l'ASEAN en 2024, alors que le forum régional de l'ASEAN, dont la RPDC est membre, est consacré aux questions multilatérales de sécurité. Certains observateurs évoquent la possibilité que la ministre des Affaires étrangères nord-coréenne Choe Son-hui y participe cette année. - sans que le compte rendu des échanges avec la délégation du PTC ne comporte d'indication sur ce sujet.

Le Président Thongloun Sisoulith (à droite) recevant Kim Song-nam le 29 mars 2024

Le Président Thongloun Sisoulith (à droite) recevant Kim Song-nam le 29 mars 2024

Sources : 

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24 juillet 2023 1 24 /07 /juillet /2023 21:43

Le 24 juillet 2023, l'agence KCNA de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a annoncé qu'une délégation du parti et du gouvernement chinois se rendrait en RPD de Corée à l'occasion de la commémoration du 70e anniversaire de l'armistice de la guerre de Corée. Cette annonce a surtout retenu l'attention dans la mesure où il s'agit de la première visite d'une délégation étrangère dans le pays depuis que la RPD de Corée a fermé ses frontières, en janvier 2020, pour endiguer la propagation de l'épidémie de Covid-19

Li Hongzhong, qui conduira la délégation du PCC et du gouvernement chinois

Li Hongzhong, qui conduira la délégation du PCC et du gouvernement chinois

Si la Corée du Nord n'a officiellement enregistré son premier cas de Covid-19 qu'en mai 2022, la vulnérabilité de la population face aux épidémies avait justifié une fermeture des frontières dès le déclenchement de la pandémie, en janvier 2020. Les restrictions aux échanges - humains et de marchandises - auraient, selon la Banque de Corée (du Sud), entraîné une contraction du PIB nord-coréen de 4,5 % à 4,6 % pendant l'année 2020-2021. La victoire revendiquée dès 2022 par les autorités nord-coréennes dans la lutte contre l'épidémie, ainsi que la nécessité de restaurer les échanges, avaient conduit nombre d'observateurs - y compris les agences de voyage avec laquelle l'AAFC est en contact - à envisager une réouverture des frontières dès la fin de l'année 2022. Si celle-ci n'est toujours pas fixée avec précision, la visite prochaine d'une délégation officielle chinoise semble indiquer une annonce prochaine en ce sens.

Alors que les volontaires chinois ont joué un rôle décisif, aux côtés des Nord-Coréens, dans les combats de la guerre de Corée, le fait que la première délégation officielle étrangère à revenir en RPD de Corée soit chinoise constitue un symbole de l'étroitesse des liens tissés entre les deux pays dans tous les domaines. Selon KCNA, la délégation serait menée par Li Hongzhong, membre du Bureau politique du Parti communiste chinois (PCC), qui représentera tant son parti que le gouvernement chinois - les fonctions étatiques et partisanes étant étroitement imbriquées, aussi bien en Chine qu'en Corée du Nord.

Sources : 

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3 juin 2023 6 03 /06 /juin /2023 21:46

Le 31 mai 2023, l'agence KCNA de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a reconnu l'échec du lancement du satellite de reconnaissance militaire Chollima-1, en début de matinée, depuis le site de lancement Sohae. Alors que la RPDC entend poursuivre ses programmes militaires face aux menaces des Etats-Unis et de leurs alliés - dans un contexte d'escalade des tensions, marqué notamment par l'adoption de la déclaration de Washington - les puissances occidentales ne sont pas parvenues à faire condamner Pyongyang au Conseil de sécurité des Nations unies, Pékin et Moscou mettant en cause l'attitude des Etats-Unis dans la péninsule coréenne. 

Lancement du satellite Chollima-1 le 31 mai 2023 (source : KCNA)

Lancement du satellite Chollima-1 le 31 mai 2023 (source : KCNA)

Dans une certaine démarche de transparence, l'agence officielle nord-coréenne KCNA a reconnu l'échec du lancement et tenu à en analyser les raisons, dans l'attente d'un examen plus approfondi des causes de cet insuccès - avant l'annonce d'un second lancement, après une phase de tests, dès que possible : 

La fusée porteuse Chollima-1 est tombée dans la mer de Corée occidentale (...) en raison du démarrage anormal du moteur du second étage après la séparation du premier étage pendant un vol normal. Le porte-parole de la NADA [NdA : l'agence spatiale nord-coréenne] a attribué cet échec au manque de fiabilité et de stabilité du système de moteur de type nouveau appliqué à la fusée porteuse Chollima-1 et au caractère instable du carburant utilisé.

Si Pyongyang avait prévenu le Japon du lancement du satellite (comme il est d'usage pour ses programmes spatiaux qui sont présentés comme étant pacifiques), le tir du 31 mai a entraîné des alertes inappropriées en République de Corée (Corée du Sud) et au Japon - soulevant des interrogations sur leur caractère opérationnel. Un appel aux Séoulites à se préparer à une évacuation était erroné, de l'avis même du ministère de l'intérieur sud-coréen, faute de menace sur Séoul. De même, les autorités nippones ont retiré, une demi heure après l'avoir lancé, un appel aux habitants d'Okinawa les exhortant à se mettre à l'abri. En 2012 et en 2016, La RPDC avait procédé à des lancements de satellites qui avaient survolé Okinawa.

Sans surprise, les Etats-Unis ont dénoncé une violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, étant rejoints par Séoul et Tokyo dans leurs condamnations.

Mais la Chine et la Russie ont réitéré leur position, constante depuis un veto opposé en mai 2022 à une proposition américaine de renforcement des sanctions contre la RPD de Corée, selon laquelle les Occidentaux ont une responsabilité majeure dans l'escalade des tensions, en pointant - à l'instar de Pyongyang - l'impact de la déclaration de Washington. Les deux membres permanents du CSNU ont exhorté les Etats-Unis et leurs alliés à faire diminuer le niveau des tensions et à renouer avec la voie du dialogue, en soulignant que leur proposition conjointe de novembre 2021, en mettant fin à des sanctions toujours plus lourdes, a pour objectif de "favoriser la désescalade, la confiance mutuelle et l'unité" parmi les 15 membres du Conseil de sécurité, selon la formule de Geng Shuang, ambassadeur adjoint de la Chine aux Nations unies.

Sources :

- 38 North

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23 avril 2023 7 23 /04 /avril /2023 13:59

Si la situation en Ukraine concentre les regards de l'opinion publique occidentale, celle en Asie du Nord-Est connaît de nouveaux développements potentiellement porteurs de risque de conflit - que l'AAFC appelle à prévenir par la voie du dialogue, afin d'éviter une course aux armements. Des déclarations récentes du président sud-coréen ont par ailleurs associé les questions de Taïwan et de la Corée, créant d'importantes tensions entre Séoul et Pékin. 

Kim Jong-un visitant l'agence spatiale nord-coréenne NADA, le 18 avril 2023

Kim Jong-un visitant l'agence spatiale nord-coréenne NADA, le 18 avril 2023

En annonçant avoir réussi le lancement d'un missile balistique Hwasong-18 à combustible solide (en l'occurrence, du propergol), le 14 avril 2023, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) dispose d'un certain avantage stratégique, puisqu'un missile à combustible solide est plus simple à déployer et offre davantage de liberté quant au délai de lancement qu'un missile à combustible liquide, lequel doit être tiré en un laps de temps plus court.

L'agence de presse nord-coréenne KCNA a réitéré la position classique de Pyongyang, selon laquelle cette composante de la force de dissuasion nucléaire de la RPD de Corée visait à prévenir un conflit nucléaire :

La dissuasion nucléaire militaire de la RPDC se développe rapidement (...) pour accroître de manière continue la puissance de la force stratégique de la RPDC et qu'elle devienne une entité dotée d'une superpuissance et d'une force absolue, une grande force capable de prévenir l'holocauste nucléaire et toutes sortes de potentielles et dangereuses invasions ennemies, ainsi qu'un glaive puissant pour défendre la justice et la paix.

Par ailleurs, après l'essai concluant d'un prototype en décembre 2022, le lancement d'un satellite de reconnaissance a été un objectif réaffirmé par le Président Kim Jong-un lors d'une visite de l'agence spatiale nord-coréenne NADA, qui célébrait ses dix ans, ce 18 avril 2023. Cette perspective a été accueillie fraîchement à Tokyo : le 22 avril, le Japon a annoncé avoir mis son armée en état d'alerte pour abattre un potentiel missile balistique nord-coréen qui mettrait en orbite un satellite d'observation. 

La veille, le 21 avril, la Corée du Nord avait rejeté l'appel des pays du G7 l'appelant à "s'abstenir" de tout nouvel essai nucléaire ou tir de missile balistique intercontinental (prohibé par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, CSNU).  Pyongyang a fustigé ce qu'elle considère comme relevant de sa politique intérieure.

De fait, la nouvelle partition bipolaire, entre les Etats-Unis et les Occidentaux d'une part (ainsi que le Japon et la Corée du Sud), la Chine et la Russie d'autre part, rend peu probable l'adoption de nouvelles sanctions par le CSNU en cas d'essai nucléaire ou de tir d'un missile ICBM par la RPD de Corée.

Dans ce contexte, les déclarations du président sud-coréen Yoon Seok-yeol, selon lesquelles les prétentions chinoises sur Taïwan présentent des similarités avec la situation dans la péninsule coréenne, ont lié les deux thèmes et entraîné une dégradation des relations bilatérales avec Pékin : après une protestation de la Chine, la République de Corée a convoqué l'ambassadeur chinois. Puis Pékin a annoncé avoir déposé plainte contre Séoul, à la veille d'une rencontre entre les présidents américain et sud-coréen prévue du 24 au 26 avril 2023. 

Sources : 

- Ouest France

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2 septembre 2022 5 02 /09 /septembre /2022 21:23

Alors que les sanctions internationales de plus en plus lourdes prises contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) à partir de 2006 ont pu être adoptées grâce au ralliement de la Russie et de la Chine aux propositions des Etats-Unis et de leurs alliés au Conseil de sécurité des Nations unies, le nouveau contexte international, marqué par les tensions croissantes entre les Etats-Unis, d'une part, la Russie et la Chine, d'autre part, offre une opportunité pour Pyongyang de renforcer ses échanges avec Moscou et Pékin - alors que la RPDC a annoncé réouvrir ses frontières après avoir déclaré terminée l'épidémie de "fièvre" (interprétée comme une épidémie de Covid-19) - et fermé ses frontières avec la Chine il y a plus de deux ans et demi, en début d'année 2020. 

Rencontre à Vladivostok, Le 25 avril 2019, entre Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie.

Rencontre à Vladivostok, Le 25 avril 2019, entre Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie.

Si le renforcement des relations bilatérales de la RPDC avec la Russie et la Chine s'était traduit, en 2019, par des rencontres au sommet entre leurs dirigeants (du Président Kim Jong-un à Vladivostok en avril 2019, et du Président Xi Jinping en RPD de Corée les 20 et 21 juin 2019), la fermeture des frontières dans le contexte international de la lutte de pandémie de Covid-19 avait mis fin à ces échanges au plus haut niveau quelques mois plus tard. Durement touchée par les sanctions internationales, l'économie nord-coréenne avait nettement reculé, selon les estimations occidentales - en l'absence de statistiques officielles publiées par la RPDC.

Le nouveau contexte international offre à Pyongyang une opportunité de renforcer ses échanges avec ses deux principaux voisins - et tout d'abord au plan diplomatique. Lors du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, la RPDC a dénoncé la responsabilité selon elle des Etats-Unis et de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) - dénonçant par ailleurs les perspectives de création d'un OTAN asiatique qui se constituerait autour des alliances militaires privilégiées de Washington avec Tokyo et Séoul. De fait, l'agence de renseignement sud-coréenne a été la première, en Asie, à rejoindre cette année le groupe de défense cyber de l'OTAN.

La possibilité d'un axe Moscou-Pékin-Pyongyang apparaît dans les analyses partagées de ces trois puissances contre l'hégémonie américaine, nonobstant la position de la Chine qui, sur la guerre en Ukraine, modère son ton pour préserver ses relations économiques avec les puissances occidentales. 

Entre la Russie et la RPD de Corée, le fait le plus notable est la reconnaissance par Pyongyang des républiques de Donetsk et de Lougansk le 13 juillet 2022. La RPD de Corée est également apparue prête à participer à la reconstruction économique de ces zones en guerre, par l'envoi de travailleurs - ce qui s'inscrirait dans le prolongement d'une pratique ancienne, naguère de la Corée du Sud, et de la Corée du Nord jusqu'aux récentes sanctions internationales l'interdisant à Pyongyang. De fait, les sanctions ne seraient alors plus appliquées par la Russie - du moins, sur ce point.  

A l'occasion de l'anniversaire de la libération de la Corée le 15 août 1945, les courriers échangés au niveau des chefs d'Etat traduisent la volonté de renforcer les relations bilatérales. Vladimir Poutine a rappelé les combats menés "entre l'Armée rouge et les patriotes de Corée" pour la libération de la péninsule de l'occupation japonaise pendant la Seconde guerre mondiale, et exprimé son souhait de renforcer "la sécurité et le stabilité de la Corée". Kim Jong-un lui a répondu en observant qu'un "front commun" permettait de contrer "les menaces et les provocations des forces hostiles".

Alors que Pyongyang a critiqué la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, et rappelé sa position de principe sur une seule Chine (à l'instar de Moscou), les manoeuvres militaires américano-sud-coréennes d'août 2022 (les plus importantes depuis 2018, bien que d'une ampleur non rendue publique) ont été dénoncées non seulement par la RPD de Corée, mais aussi par la Chine - et par l'ambassadeur russe à Pyongyang. Alors que les experts occidentaux s'attendent à un nouvel essai nucléaire nord-coréen, il semble improbable que Pékin et Moscou accepteraient alors de renforcer les sanctions contre la RPD de Corée, voire même de se joindre à une condamnation verbale. Le 26 mai 2022, la Chine et la Russie avaient opposé leur veto à une proposition de résolution, d'origine occidentale, appelant à renforcer les sanctions contre la RPD de Corée après le lancement par cette dernière de plusieurs missiles balistiques. La Chine et la Russie appellent à présent au dialogue avec Pyongyang et à commencer à lever les sanctions. Si les Occidentaux venaient à prendre de nouvelles sanctions contre la RPDC, celles-ci n'auraient qu'une portée somme toute réduite - vu la quasi-absence de relations et d'échanges avec la Corée du Nord.

La situation géopolitique actuelle a déjà fait une victime : les relations intercoréennes, qui s'étaient réchauffées pendant la présidence du démocrate Moon Jae-in en République de Corée (Corée du Sud), sont au plus bas. Le nouveau président conservateur Yoon Suk-yeol, qui avait déjà qualifié la RPD de Corée d' "ennemi principal" de la Corée du Sud pendant la campagne électorale en mars 2022, a profité de l'anniversaire de la libération de la Corée, le 15 août 2022, pour formuler une proposition consistant à apporter une aide économique au Nord en contrepartie de sa dénucléarisation. Les observateurs étaient sceptiques sur la réponse de Pyongyang à ce qui apparaissait surtout comme une opération de communication à peu de frais pour apparaître vouloir un dialogue : en effet, le président sud-coréen Lee Myung-bak avait formulé une proposition très proche en 2008, qui avait été rejetée par le Nord. Sans surprise, la RPD de Corée avait répondu quelques jours plus tard que sa sécurité internationale n'était pas négociable - et pas à vendre.

Alors que la France et l'Union européenne se démarquent des Etats-Unis sur la montée des tensions avec la Chine (notamment, s'agissant de la France, lors de la conclusion de l'alliance militaire AUKUS entre l'Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, en septembre 2021), il apparaîtrait utile de promouvoir le dialogue et de prévenir les risques d'escalade et de tensions à la frontière est de la Russie, dans et autour de la péninsule coréenne. Dans le site d'analyse de référence sur la Corée du Nord 38 North, Jagannath Panda ne dit pas autre chose, en soulignant qu' "il est impératif d'empêcher une confrontation de type russe en Asie du Nord-est". Nous faisons nôtres ces propos raisonnables et de bon sens.

 

Sources :

Jagannath Panda, "Will Pyongyang's NATO tirades pay dividends", 38 North, 19 août 2022

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25 juin 2019 2 25 /06 /juin /2019 22:17

Les 20 et 21 juin 2019, le secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois et président de la République populaire de Chine, Xi Jinping a effectué une visite d'Etat en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), la première visite d'un dirigeant suprême chinois en RPDC depuis 2005. Cette rencontre entre le Président Xi et le président du Parti du travail de Corée et président du Comité des affaires d'Etat de la RPDC, Kim Jong-un, était la cinquième en un peu plus d'un an. Cette rencontre intervenait aussi une semaine avec le sommet du G20 des 28 et 29 juin à Osaka, au Japon, au cours duquel Xi Jinping doit rencontrer, entre autres, le président des Etats-Unis Donald Trump, ce dernier devant ensuite visiter la Corée du Sud les 29 et 30 juin.

Xi Jinping et Kim Jong-un à Pyongyang le 20 juin 2016 (photo : KCNA)

 

Réaffirmation de l'amitié tradititonnelle entre la RP de Chine et la RPD de Corée et soutien de la Chine à une résolution politique de la question de la péninsule coréenne

L'agence de presse officielle chinoise, Xinhua, a ainsi rendu compte de l'entretien que les dirigeants nord-coréen et chinois ont eu à Pyongyang le 20 juin 2019 :

Les plus hauts dirigeants de Chine et de République populaire démocratique de Corée (RPDC) ont déclaré jeudi que les deux pays devaient rester fidèles à leurs aspirations originelles, et s'efforcer de créer, à un nouveau point de départ historique, un avenir prometteur pour les relations entre les deux partis et entre les deux Etats.
Ces objectifs ont été formulés au cours d'une rencontre à Pyongyang entre le secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) et président chinois, Xi Jinping, et le président du Parti des travailleurs de Corée (PTC) et président de la Commission des affaires d'Etat de la RPDC, Kim Jong Un.
M. Xi a souligné que M. Kim et lui s'étaient rencontrés quatre fois au cours de l'année écoulée, ce qui leur avait permis d'ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre la Chine et la RPDC et de nouer une profonde amitié.
Le dirigeant chinois a remercié M. Kim pour la cérémonie de bienvenue grandiose et fascinante organisée en son honneur, et ajouté qu'il avait ressenti avec une intensité toute particulière une amitié quasi familiale qui unit les deux peuples, tout au long du trajet entre l'aéroport de la capitale de RPDC et la résidence des invités d'Etat.
Cette année marque le 70ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la RPDC et revêt donc une grande importance, et elle permettra notamment aux deux partis et aux deux pays de s'appuyer sur les réalisations acquises pour aller de l'avant et continuer à progresser, a déclaré M. Xi, soulignant que c'était dans une telle optique qu'il a rencontré M. Kim à Pyongyang.
M. Xi a indiqué que sa visite avait pour objectif de consolider et de perpétuer l'amitié entre la Chine et la RPDC, et de faire avancer le processus de résolution politique de la question de la péninsule coréenne.
Il s'est déclaré convaincu que Beijing et Pyongyang savaient mettre à profit cette visite afin de planifier conjointement un meilleur développement de leurs relations bilatérales, et ouvrir un nouveau chapitre dans l'histoire de l'amitié Chine-RPDC.
Si l'on examine le développement des relations entre la Chine et la RPDC, il apparaît clairement que ces relations sont avant tout caractérisées par le fait que les deux pays sont des pays socialistes placés sous la direction d'un parti communiste, a souligné M. Xi.
Les idéaux, les convictions et les objectifs partagés des deux pays constituent la force motrice de leurs relations, l'amitié qui unit leurs hauts dirigeants et la gouvernance stratégique apportée par ces dirigeants constituent leur plus grande force, tandis que leur voisinage géographique et leurs affinités culturelles renforcent encore ces relations, a-t-il ajouté.
L'amitié Chine-RPDC découle d'une décision stratégique prise par les deux parties en fonction d'une vision globale et à long terme, cette amitié ne sera jamais affaiblie par les aléas et les changements de la situation internationale, a déclaré M. Xi, ajoutant que leurs liens d'amitié étaient conformes aux aspirations des deux peuples, aux intérêts fondamentaux des deux pays et aux tendances de développement de l'époque.
Soulignant que les relations entre la Chine et la RPDC sont entrées dans une nouvelle étape de leur histoire, M. Xi a déclaré que le PCC et le gouvernement chinois attachaient une grande importance aux relations d'amitié et de coopération entre les deux pays, et qu'il s'agissait d'une politique inébranlables du PCC et du gouvernement chinois de maintenir, de consolider et de développer les relations Chine-RPDC.
Face aux changements profonds et complexes survenus dans le paysage mondial et régional, la Chine et la RPDC doivent renforcer leurs contacts à haut niveau pour mieux guider le développement des relations bilatérales, a déclaré M. Xi, ajoutant qu'il était prêt aux échanges plus étroits avec M. Kim pour consolider la confiance politique mutuelle et maintenir le cap des relations bilatérales.
Les deux parties doivent approfondir leur communication stratégique et échanger des avis plus rapidement sur les grandes questions afin de créer un environnement favorable au développement des deux pays, a indiqué M. Xi.
Il a également suggéré aux deux parties de développer leur coopération pratique pour apporter plus d'avantages concrets aux deux peuples.
La Chine est prête à travailler de concert avec la RPDC pour approfondir les échanges entre partis en matière de gouvernance, renforcer la formation des cadres, et développer les échanges de personnel dans les domaines de l'économie et du bien-être social, a affirmé M. Xi.
Le dirigeant chinois a également exhorté les deux parties à approfondir leurs échanges amicaux, dans le but de jeter des bases solides pour la consolidation et le développement de l'amitié entre la Chine et la RPDC.
La Chine est prête à travailler de concert avec la RPDC pour mettre en oeuvre le programme de commémoration du 70ème anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques, et à organiser des échanges dans divers domaines tels que l'éducation, la santé, les sports, les médias, la jeunesse et la coopération locale pour perpétuer l'amitié traditionnelle Chine-RPDC et améliorer le bien-être des deux peuples.
Pour sa part, M. Kim a chaleureusement souhaité la bienvenue à M. Xi au nom du parti, du gouvernement et du peuple de la RPDC, soulignant que plus de 250 000 personnes sont venues dans les rues de Pyongyang pour accueillir M. Xi.
Cette visite qui coïncide avec la célébration par les deux pays du 70ème anniversaire de leurs relations diplomatiques, représente à la fois un encouragement et un soutien politique considérables pour le parti, le gouvernement et le peuple de la RPDC, et revêt une grande importance dans l'histoire des relations RPDC-Chine, a-t-il ajouté.
Dans la conjoncture actuelle, la visite de M. Xi permettra de faire le point sur les relations entre la RPDC et la Chine au cours des 70 dernières années, de discuter de l'avenir des relations bilatérales, et de montrer au monde entier l'inébranlable solidité des liens d'amitié traditionnelle qui unissent les deux pays, a ajouté M. Kim.
Il a déclaré être entièrement d'accord avec M. Xi sur ses analyses et plans d'avenir en matière de relations bilatérales. M. Kim a souligné que le parti et le gouvernement de la RPDC ne cesseraient jamais de perpétuer de génération en génération l'amitié entre les deux pays.
Il a ajouté qu'il chérissait la profonde amitié qu'il avait nouée avec M. Xi, et attachait une grande importance aux importants consensus auxquels il était parvenu avec le dirigeant chinois.
M. Kim s'est déclaré prêt à tirer parti de la visite de M. Xi pour renforcer la communication stratégique entre les deux parties, approfondir leurs échanges amicaux dans divers domaines, et faire franchir une nouvelle étape aux relations entre la RPDC et la Chine.
Soulignant que cette année marquait à la fois le 70ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la RPDC et le 70ème anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine, M. Kim a déclaré que la RPDC était disposée à organiser des célébrations chaleureuses et de grande envergure avec la Chine.
A l'heure actuelle, le parti et le peuple de la RPDC font tout leur possible pour appliquer la nouvelle ligne stratégique nationale, a indiqué M. Kim, ajoutant que son pays était prêt à s'inspirer davantage de l'expérience de la Chine pour développer son économie et améliorer les moyens de subsistance de sa population.
En ce qui concerne la question de la péninsule coréenne, M. Xi a réaffirmé le soutien de la Chine aux efforts visant à trouver une solution politique et à créer les conditions d'un règlement du problème.
M. Xi a également salué les efforts déployés par la RPDC pour sauvegarder la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne et promouvoir la dénucléarisation de la péninsule.
La situation dans la péninsule coréenne exerce une influence directe sur la paix et la stabilité régionales, a souligné M. Xi. Au cours de l'année écoulée, une perspective positive avait vu le jour en faveur de la résolution de cette question par le dialogue, et elle a en effet gagné en reconnaissance et suscité des attentes de la part de la communauté internationale, a-t-il ajouté.
La communauté internationale espère que les pourparlers entre la RPDC et les Etats-Unis pourront progresser et porter leurs fruits, a indiqué M. Xi.
Soulignant que la question de la péninsule coréenne était extrêmement sensible et complexe, M. Xi a déclaré qu'une vision stratégique à long terme était nécessaire pour guider avec précision l'évolution de la situation et maintenir efficacement la paix et la stabilité dans la péninsule.
La Chine est disposée à fournir son assistance à la RPDC, dans la limite de ses capacités, afin de l'aider à trouver une solution à ses préoccupations légitimes en matière de sécurité et de développement. Elle est également prête à renforcer sa coordination et sa coopération avec la RPDC et avec toutes les autres parties concernées, et à jouer un rôle positif et constructif pour parvenir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne et à la stabilité à long terme de la région, a indiqué M. Xi.
M. Kim a quant à lui déclaré qu'au cours de l'année écoulée, la RPDC avait pris de nombreuses initiatives pour éviter les tensions et garder la situation sous contrôle dans la péninsule, mais qu'elle n'avait pas reçu de réponses positives de la part de la partie concernée, une situation que la RPDC ne souhaite pas rencontrer.
La RPDC est cependant prête à faire preuve de patience, et espère que la partie concernée parviendra à coopérer avec elle pour trouver des solutions aux préoccupations légitimes de chacun et obtenir de nouveaux résultats par le biais du dialogue, a ajouté M. Kim.
La RPDC apprécie grandement le rôle de premier plan joué par la Chine dans la résolution du problème de la péninsule coréenne, a-t-il déclaré, soulignant que son pays était prêt à continuer à renforcer sa communication et sa coordination avec la Chine pour faire progresser le règlement politique du problème et sauvegarder la paix et la stabilité dans la péninsule.
M. Xi est arrivé jeudi à Pyongyang pour une visite d'Etat en RPDC, alors que les deux pays célèbrent le 70ème anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques. Il s'agit de la première visite de M. Xi en RPDC en tant que secrétaire général du Comité central du PCC et chef de l'Etat chinois, et de la première visite du genre depuis 14 ans.

Xinhua, 20 juin 2019

Entretien entre Xi Jinping et Kim Jong-un le 20 juin 2019 à Pyongyang (photo : KCNA)

Un banquet a ensuite été donné en l'honneur du Président chinois, suivi d'un spectacle de gymnastique de masse au stade du Premier-Mai de Pyongyang, célébrant l'amitié sino-coréenne.

La journée du 21 juin a vu le Président Xi se recueillir à la Tour de l'amitié  érigée dans la capitale nord-coréenne en hommage aux Volontaires du peuple chinois qui ont combattu aux côtés de l'Armée populaire de Corée de 1950 à 1953.

Hommage aux Volontaires du peuple chinois le 21 juin 2019 à Pyongyang (photos : KCNA)

Quelle conséquence pour la paix en Corée?

Au-delà de l'amitié sino-coréenne qu'elles ont permis d'affirmer, les dernières rencontres entre les dirigeants chinois et nord-coréen sont intéressantes par les circonstances qui les entourent : les deuxième et troisième visites effectuée par Kim Jong-un en Chine en 2018 (à Dalian les 7 et 8 mai et à Pékin les 19 et 20 juin) ont eu lieu avant et après le premier sommet RPDC-Etats-Unis tenu à Singapour le 12 juin ; sa quatrième visite au début de 2019 (à Pékin du 7 au 10 janvier) a eu lieu avant le second sommet RPDC-Etats-Unis tenu à Hanoï à la fin du mois de février. Il est également notable que la première visite de Kim Jong-un en Chine (à Pékin du 25 au 28 mars 2018) a eu lieu avant son premier sommet avec le président sud-coréen Moon Jae-in (27 avril), et que sa deuxième visite en Chine a eu lieu quelques jours avant un deuxième sommet inter-coréen tenu à Panmunjom le 26 mai 2018.

Cette chronologie permet de penser que la visite du Président Xi Jinping en RPDC annonce un quatrième sommet inter-coréen dans un avenir proche, si ce n'est un troisième sommet entre la RPDC et les Etats-Unis. D'ailleurs, en tournée en Finlande, Norvège et Suède du 9 au 16 juin 2019, le président sud-coréen Moon Jae-in n'a pas hésité à évoquer la possibilité d'un quatrième sommet inter-coréen en déclarant que cette question « dépend de la décision du Président Kim ».

Dès le 17 juin, soit trois jours avant le sommet de Pyongyang, la porte-parole de la Maison-Bleue (le siège de la présidence de Corée du Sud), citée par le quotidien sud-coréen Hankyoreh, déclarait que le gouvernement sud-coréen « pense qu'une visite du Président Xi en Corée du Nord pourrait contribuer à une résolution pacifique des questions de la péninsule coréenne, et mène des discussions étroites avec le gouvernement chinois pour y parvenir rapidement ».

« Nous attendons avec impatience que cette visite contribue à un retour rapide aux négociations pour une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne et l'instauration d'une paix permanente dans la péninsule qui en résultera », ajoutait-elle.

Un autre haut responsable sud-coréen, toujours cité par le Hankyoreh, déclarait que « la visite du Président Xi en Corée du Nord est un facteur pour des changements positifs. [...] Nous pourrions dire que les chances d'un sommet inter-coréen sont bien plus grandes aujourd'hui. ».

Il ne fait pas de doute que le sommet du G20 à Osaka les 28 et 29 juin sera l'occasion pour le Président chinois d'évoquer avec son homologue des Etats-Unis les discussions qu'il a eues avec le dirigeant de la RPDC. Le Président chinois pourrait aussi utiliser sa visite en RPDC dans le cadre de la guerre commerciale en cours entre la Chine et les Etats-Unis, en se présentant comme un partenaire incontournable dans la résolution de la crise coréenne, qu'il convient, à ce titre, de ménager.

Cela nourrira sûrement la réflexion du Président des Etats-Unis lorsqu'il se rendra en Corée du Sud les 29 et 30 juin. Il aura aussi à l'esprit les lettres échangées pendant le mois de juin avec le dirigeant de la RPDC. Ces lettres, décrites comme « très amicale » par Donald Trump et « au contenu excellent » par Kim Jong-un, constituent en fait la première correspondance entre les deux dirigeants depuis le sommet RPDC-Etats-Unis de Hanoï de février 2019, lequel s'est terminé sans aucun accord à cause du caractère exorbitant des exigences américaines.

Kim Jong-un lit une lettre adressée par le Président Trump (photo diffusée par l'agence KCNA le 23 juin 2019)

L'ancien ministre sud-coréen de la Réunification Lim Dong-won a énoncé les « quatre piliers de la Guerre froide » dans la péninsule coréenne : l'antagonisme et la méfiance réciproque entre le Nord et le Sud, les relations hostiles entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, une course aux armements au moyen d'armes de destruction massive (y compris des armes nucléaires), et un régime d'armistice militaire. Pour éliminer ces « quatre piliers », la participation de la Chine est bien entendu nécessaire.

Une plus grande implication de la Chine sur le dossier coréen, la volonté de la Corée du Sud de maintenir le dialogue inter-coréen, et les bonnes relations personnelles affichées entre les dirigeants nord-coréen et américain constituent un « alignement des planètes » qui pourrait annoncer des progrès majeurs dans la résolution de la crise coréenne, pourquoi pas au travers de négociations à quatre pays en vue de l'instauration d'un régime de paix permanent en Corée, remplaçant l'accord d'armistice de 1953 - qui n'est qu'un cessez-le-feu le long de la ligne de front. En se focalisant sur le seul programme nucléaire nord-coréen, nombre d'experts et de médias ont trop souvent oublié - ou feint de ne pas savoir - que l'absence d'un régime de paix permanent dans la péninsule coréenne est la cause, et non la conséquence, de ce programme.


Sources :

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13 janvier 2019 7 13 /01 /janvier /2019 12:14

​​​​​​Du 7 au 10 janvier 2019, Kim Jong-un, président du Parti du travail de Corée et président du Comité des affaires d'Etat de la République populaire de Corée (RPDC, Corée du Nord), a effectué sa quatrième visite en Chine (après celles de mars 2018, mai 2018 et juin 2018). Cette visite a revêtu un caractère particulièrement important alors qu'est attendue une seconde rencontre entre Kim Jong-un et le président des Etats-Unis Donald Trump.

Quatrième visite de Kim Jong-un en Chine : réaffirmation de l'unité entre la RPDC et la Chine sur les principaux dossiers

Kim Jong-un s'est entretenu dès le 8 janvier avec le secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois et président chinois, Xi Jinping. Dans une atmosphère décrite comme cordiale et amicale, les dirigeants Coréen et Chinois ont eu un échange de points de vue approfondi sur les relations bilatérales et les problèmes d'intérêt commun, et sont parvenus à des « consensus importants » sur le renforcement des relations entre les deux pays, ainsi que sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne et la résolution politique.

En cette année du 70e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la République populaire démocratique de Corée et la République populaire de Chine, les deux parties ont convenu d'œuvrer ensemble « pour faire progresser constamment les relations bilatérales dans la nouvelle ère, faire avancer le processus de règlement politique de la question de la péninsule coréenne, apporter plus de bénéfices aux peuples des deux pays, et contribuer à la paix, la stabilité, la prospérité et au développement de la région et du monde », d'après l'agence officielle chinoise Xinhua. 

Les deux dirigeants ont aussi réaffirmé leur position vis-à-vis de la dénucléarisation de la péninsule coréenne.

« La Corée du Nord continue à rester fidèle à son engagement de dénucléarisation et à résoudre les questions de la péninsule coréenne à travers des dialogues et négociations pour produire des résultats qui seront accueillis favorablement par la communauté internationale lors du deuxième sommet Corée du Nord-Etats-Unis », a dit Kim Jong-un cité par les médias chinois, une déclaration dans le droit fil de son message de Nouvel an.

Le dirigeant nord-coréen a également tenu à noter l'apaisement des tensions sur la péninsule coréenne l'année dernière et le rôle important de la Chine.

Le président chinois a de son côté évalué positivement les mesures prises par la Corée du Nord pour la paix et la dénucléarisation de la péninsule coréenne avant de noter que le processus de résolution politique des questions liées à la péninsule coréenne a réalisé des progrès importants grâce aux efforts communs des pays concernés dont la RPDC et la Chine.

« La Chine continue à soutenir l'orientation de la dénucléarisation de la péninsule coréenne et l'amélioration des relations entre les deux Corée », a affirmé Xi Jinping avant de se montrer favorable à la tenue de sommets entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, ainsi qu'à la résolution des inquiétudes légitimes de chacun des pays concernés à travers des dialogues.

Le président chinois a en outre promis que la Chine jouerait un rôle actif et constructif pour la paix et la stabilité sur la péninsule coréenne et sa dénucléarisation, ainsi que pour une stabilité permanente de la région. 

Quatrième visite de Kim Jong-un en Chine : réaffirmation de l'unité entre la RPDC et la Chine sur les principaux dossiers

Pour certains observateurs avertis, le front uni offert par la RPD de Corée et la RP de Chine à l'occasion de cette quatrième visite de Kim Jong-un permettra de parvenir à des progrès substantiels lors d'un prochain sommet entre la RPDC et les Etats-Unis, alors que ces derniers rencontrent des problèmes à l'intérieur et à l'extérieur.

Ainsi, selon Zamir Ahmed Awan, chercheur au Centre d'études chinoises de l'Université nationale des sciences et technologies d'Islamabad, et conseiller scientifique à l'ambassade du Pakistan à Pékin de 2010 à 2016 :

Le monde entier est concentré sur les moyens de faire progresser la dénucléarisation de la péninsule coréenne, à laquelle Kim Jong-un a réaffirmé être engagé tout en demandant une réponse positive de la part des Etats-Unis.

A la lumière de la situation géopolitique apparue récemment, on peut prédire la réponse des Etats-Unis. Donald Trump a annoncé qu'il retire les troupes américaines d'Afghanistan et de Syrie. Les Etats-Unis ont dépensé des sommes d'argent considérables en Afghanistan sans pouvoir gagner la guerre, et cherchent désormais la paix en négociant avec les Taliban. Ces campagnes militaires coûteuses ont affaibli les Etats-Unis.

Sur le front intérieur, Donald Trump a concédé du terrain aux démocrates au Congrès à l'issue des élections de mi-mandat, ce qui a fragilisé sa position. On s'attend donc, au cours d'un second sommet entre Kim et Trump, à ce que le président des Etats-Unis montre une certaine flexibilité et à ce que certains développements positifs aient lieu sur la voie de la paix et de la stabilité auxquelles aspirent les peuples du monde. 

Sources :

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2 octobre 2018 2 02 /10 /octobre /2018 19:05

La réunion du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) du 27 septembre 2018, présidée par le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo (qui doit retourner prochainement à Pyongyang pour préparer une nouvelle rencontre au sommet), a fait apparaître de nettes divergences au sein du CSNU sur la question coréenne : d'un côté, les Américains - soutenus par leurs alliés européens - ont plaidé pour le maintien d'une pression maximale sur la République populaire démocratique de Corée au moyens des sanctions, les plus lourdes jamais mises en place dans le cadre des Nations unies ; de l'autre, la Chine et la Russie ont plaidé au contraire pour un assouplissement des sanctions, compte tenu des développements positifs enregistrés depuis plusieurs mois, notamment grâce aux efforts de la RPD de Corée, les dernières annonces de Pyongyang ayant été formulées dans le cadre du sommet à Pyongyang, du 18 au 20 septembre 2018, entre les présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in. Au-delà de l'application effective des sanctions (qui a donné lieu à des mises en cause très médiatisées de sociétés chinoises et russes par les Occidentaux), le débat est ouvert sur un assouplissement des sanctions - de plus en plus ouvertement demandé par les autorités nord-coréennes comme contrepartie à leurs propres engagements, et suivant le principe "action contre action" qui a été le seul à fonctionner par le passé pour diminuer les tensions autour de la péninsule coréenne. Mais la Chine et la Russie ont-elles les moyens et la volonté de leur ambition de faire desserrer l'étau mortifère des sanctions, alors que prévaut au Conseil de sécurité la règle de l'unanimité ?

Dans quelle mesure Pékin et Moscou peuvent-ils assouplir les sanctions contre Pyongyang ?

En apparence, il y a quelque ironie à voir la Chine et la Russie demander l'assouplissement de sanctions qu'elles ont elles-mêmes contribué à faire adopter par le CSNU un an plus tôt, alors que ces mesures ne répondaient pas à leurs intérêts économiques et stratégiques. La remarque est particulièrement valable dans le cas de Pékin : toutes les résolutions sur la Corée du Nord élaborées par Washington passent préalablement par l'imprimatur chinois avant d'être soumises aux autres membres du Conseil de sécurité des Nations unies. Ces prises de position chinoises et russes avaient contribué à dégrader les relations de ces deux puissances avec Pyongyang, qui a ainsi engagé un dialogue direct avec Séoul et avec Washington, sans passer par la Chine ni la Russie. Si les autorités nord-coréennes ont ensuite rétabli un dialogue stratégique avec Pékin, incluant un important volet économique, les perspectives récentes d'investissements sud-coréens en Corée du Nord (à la faveur du troisième sommet Nord-Sud à Pyongyang, du 18 au 20 septembre 2018) ont montré que la Chine avait perdu de son rôle de force d'impulsion dans les développements autour de la péninsule coréenne. De manière ironique, le "double gel" (de ses essais balistiques et nucléaires par la Corée du Nord, de leurs manœuvres militaires par les Etats-Unis), qui était le principe cardinal de la feuille de route sino-russe pour sortir de l'impasse diplomatique en 2017, a été mis en place, mais à l'initiative des autres protagonistes que la Chine et la Russie.

Dans ce contexte, Pékin et Moscou disposent certes encore d'une influence réelle de par leur statut de membres permanents du Conseil de sécurité, en ayant par exemple bloqué, en août 2018, une proposition américaine d'élargissement (limité) des sanctions des Nations unies à une banque russe, ainsi qu'à un fonctionnaire et deux entités de la RPD de Corée. Mais ces deux puissances sont-elles en mesure d'infléchir réellement la position américaine concernant les sanctions contre la RPD de Corée ? Ou s'agit-il essentiellement d'une posture, visant à revenir pleinement dans le jeu diplomatique en proposant une troisième voie entre Washington et Séoul d'un côté, Pyongyang de l'autre ?

En diplomatie, il faut tenir compte non seulement des prises de position, mais aussi de l'importance qu'on leur accorde effectivement et des moyens dont l'on dispose. A cette aune, la Chine a un avantage immédiat : elle est considérée par Washington (contrairement à la Russie), et à juste titre, comme disposant d'un levier d'influence économique majeur sur Pyongyang. Par ailleurs, dans les priorités diplomatiques de Pékin, la question coréenne a été explicitement mentionnée par S.E. M. Wang Yi, conseiller d'Etat et ministre des Affaires étrangères, lors du débat général à la session 2018 de l'Assemblée générale des Nations unies. Selon le compte rendu publié sur le site des Nations unies :

Le Ministre a indiqué soutenir sans réserve les efforts en vue de l’amélioration de la situation dans la péninsule coréenne, ainsi que le dialogue entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et les États-Unis. « La Chine encourage la RPDC à continuer de s’engager dans la voie de la dénucléarisation. Dans le même temps, nous pensons qu’il est adéquat que les États-Unis apportent des réponses positives dans les délais voulus afin de rencontrer la RPDC au milieu du gué. » M. Wang a indiqué que la Chine continuera d’appliquer strictement les sanctions contre la RPDC, tout en appelant le Conseil de sécurité à prendre des mesures à la lumière des derniers développements afin de créer des conditions favorables à un règlement pacifique de la situation par des moyens diplomatiques et politiques.

Nations unies

Le conseiller d'Etat Wang Yi à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies

Le conseiller d'Etat Wang Yi à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies

Les termes sont mesurés : la Chine n'appelle pas explicitement à la levée (partielle) des sanctions, mais parle plus prudemment de la nécessité pour les Etats-Unis d'apporter des "réponses positives dans les délais voulus afin de rencontrer la RPDC au milieu du gué". Chaque partie y lira ce qu'elle souhaite y trouver. Il est par ailleurs évident que malgré le contentieux commercial croissant américano-chinois, Pékin n'entend pas - à ce stade du moins - utiliser une éventuelle position plus dure de Pyongyang (qui pourrait être déçue et frustrée par l'absence possible de réponse de l'administration Trump) comme levier de négociation avec Washington.

Si la question coréenne figure donc en bonne place dans les priorités diplomatiques de Pékin, elle ne constitue pas réellement une pomme de discorde majeure avec les Etats-Unis (en juin 2018, les Etats-Unis pouvaient ainsi encore affirmer que Pékin partageait leurs préoccupations des sanctions contre la RPD de Corée sans que les autorités chinoises ne jugent utile de pondérer cette assertion). La Chine entend vouloir la diminution des sanctions, elle ne se donne pas aujourd'hui tous les moyens d'une telle politique.

Le discours du ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, lors du débat général de la même session de l'Assemblée générale des Nations unies, est explicite sur le fait que la Corée ne constitue pas une priorité diplomatique pour Moscou : elle n'est même pas mentionnée dans le résumé de son intervention sur le site des Nations unies.

L'ambassadeur russe aux Nations unies, Vassili Nebenzia, a certes évoqué une levée progressive des sanctions, mais en modérant immédiatement son propos... en affirmant qu'il s'agit seulement d' "envisager" une telle mesure !

"Je pense qu'il est simplement naturel que l'on réfléchisse à des pas dans cette direction", a déclaré l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, interrogé sur une éventuelle levée des sanctions. "Il y a des progrès qui devraient être réciproques. Il devraient y avoir des contreparties" car "l'autre partie devrait voir des encouragements à aller de l'avant", a-t-il affirmé.

La Figaro

Cette prudence de fonctionnaire n'est pas celle du (toujours) brillant Sergueï Lavrov, qui a pour sa part plaidé à nouveau ouvertement pour un assouplissement des sanctions devant aller de pair avec sa dénucléarisation :

«Je voudrais entendre des explications quant aux raisons pour lesquelles certains collègues au sein du Conseil de sécurité s'entêtent à rejeter la possibilité même d'un signal positif de la part du Conseil au sujet des démarches faites par Pyongyang dans la voie de la dénucléarisation de la péninsule coréenne», a-t-il noté lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies consacrée à la Corée du Nord.

Il a rappelé dans ce contexte que les négociations étaient toujours «une rue à double sens».

«Les démarches de la Corée du Nord sur le chemin d'un désarmement progressif doivent aller de pair avec l'assouplissement des sanctions. Une action doit être suivie d'une réaction», a-t-il souligné.

Sputnik News

Sergueï Lavrov

Sergueï Lavrov

Mais au regard du faible poids économique aujourd'hui de la Russie en Corée du Nord, des liens stratégiques distendus entre les deux anciens alliés et plus encore de la place éloignée qu'occupe la péninsule coréenne dans l'échelle des priorités diplomatiques de Moscou, dans quelle mesure ces propos peuvent-ils faire mouche ? Certes, Sergueï Lavrov était à Pyongyang en mai 2018 pour replacer les pions russes sur l'échiquier diplomatique extrême-oriental, notamment dans l'hypothèse d'un traité de paix assorti de garanties de sécurité pour la RPDC (et que pourraient garantir la Chine et la Russie, alors que la Russie n'a pas été, quant à elle, officiellement partie prenante aux combats de la guerre de Corée). Mais il s'agit surtout d'utiliser d'abord le pouvoir d'influence de Moscou au sein du Conseil de sécurité pour infléchir les positions très rigides de certains de ses membres. La diplomatie étant l'art de parvenir à des compromis mutuellement avantageux, le discours de Sergueï Lavrov sur la péninsule coréenne, qui n'est pas nouveau, a indéniablement des vertus pédagogiques à l'égard de tous ceux qui veulent continuer de dresser un mur avec les Nord-Coréens.

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25 juin 2018 1 25 /06 /juin /2018 22:33

Dans A Most Enterprising Country, Justin V. Hastings développe une étude exhaustive et approfondie des modalités d'insertion de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) dans l'économie internationale, qu'il s'agisse de réseaux formels ou informels. Battant en brèche le stéréotype d'un pays isolé, Justin V. Hastings n'en reste pas moins proche du courant dominant d'analyses anglo-saxon – l'auteur reconnaissant d'ailleurs sa dette vis-à-vis des sources secondaires. Il considère en effet que l'économie «  grise  » représenterait le principal (sinon, l'unique) moteur de croissance économique et aurait constitué un facteur essentiel de développement des programmes nucléaires et balistiques. De même, bien que pondéré et prudent, il se montre pour le moins peu optimiste – non sans raisons – quant au climat des affaires pour les investisseurs étrangers. Ainsi, il accuse selon nous une certaine dépendance par rapport aux auteurs ayant cru – à tort – à l'effondrement prochain de la Corée du Nord, comme Stephan Haggard et Marcus Noland, sans toutefois reprendre toutes leurs conclusions, et ne questionne pas le manque de fiabilités d'informations provenant de sources militantes engagées anti-Corée du Nord, enclins à une certaine propagande (DailyNK, One Free Korea...), tout en ignorant a contrario les sources officielles nord-coréennes au motif que les discours officiels et la pratique divergent fortement, notamment en ce qui concerne le contrôle économique public. Dans ce contexte, les sources primaires – notamment dans le chapitre 4 – auprès d'investisseurs chinois en Corée du Nord sont d'autant plus intéressantes qu'elles nuancent un tableau globalement sombre (qu'illustrent les cas des pertes massives enregistrées par China Minmetals Corporation et Xiyang, couverts dans les médias occidentaux), en mettant également en avant des investissements étrangers en Corée du Nord qui apparaissent comme des succès, peu médiatisés, mais riches d'enseignements pour les potentiels investisseurs en Corée du Nord. Sans partager nécessairement les vues de l'auteur, nous traduisons ainsi de l'anglais, ci-après, l'exemple qu'il cite de la réparation automobile (p. 169-170), dans un paragraphe intitulé «  Le zen de la maintenance automobile  ».

Un exemple d'investissement étranger réussi en Corée du Nord : la réparation automobile

Un cas, celui d'un homme d'affaires chinois impliqué dans la réparation automobile en Corée du Nord, montre à quoi ressemble un investissement en Corée du Nord ayant eu un certain succès. L'investisseur chinois avait été alerté du marché potentiel de la réparation automobile par un ami qui lui avait mentionné l'état très dégradé des véhicules nord-coréens, et le fait que les Nord-Coréens manquaient de pièces de rechange. Après avoir fait lui-même un voyage exploratoire en Corée du Nord, l'investisseur avait conclu qu'il existait un marché pour la réparation des voitures des entreprises publiques et des représentants de l'administration civile, dans la mesure où ils disposaient de véhicules mais d'un faible accès aux moyens de réparation (peu adaptés) des militaires, et dépendaient ainsi de boutiques gérées par les Chinois. Finalement, il a créé des boutiques de réparation à Pyongyang et à Sinuiju.

 

Ce propriétaire d'une entreprise de réparation automobile a limité sa prise de risque en structurant son investissement de manière à limiter ses liens financiers et matériels avec la Corée du Nord. La nature du commerce de réparation automobile signifiait que les paiements immédiats étaient la norme, et qu'il n'avait donc pas à s'inquiéter du risque de non-paiement, à la différence des commerçants qui affrètent par bateau des biens pour les Nord-Coréens. Il n'a également employé que des travailleurs chinois, ce qui n'a pas rendu nécessaire de recourir à une main-d'oeuvre nord-coréenne et à l'appareil d'Etat qui la contrôle. Au final, l'investissement en capital nécessaire aux boutiques était faible  ; les pièces elles-mêmes étaient approvisionnées depuis la Chine, le besoin d'embauche ne s'élevait qu'à quatre ou cinq travailleurs chinois, et il n'y avait guère à s'approprier par les autorités nord-coréennes au cas où elles en arriveraient là. La nature de l'investissement immunisait ainsi largement l'investisseur contre les risques économiques et politiques.

 

A la différences d'autres investissements, celui dans les boutiques de réparation automobile a autorisé l'homme d'affaires à construire des réseaux sociaux qui auraient sinon nécessité de verser de l'argent et, à part les douanes, il affirme n'avoir pas eu besoin de payer qui que ce soit. A son arrivée, il a offert ses services à d'autres hommes d'affaires chinois travaillant en Corée du Nord, qui après six mois l'ont à leur tour présenté à des officiels nord-coréens, qui avaient tous besoin de services de réparation, et qui étaient en position de lui permettre de faciliter ses accords commerciaux dans le pays. Cette stratégie s'est avérée payante à certains égards. Aux douanes à Sinuiju, l'homme d'affaires avait d'abord dû verser de fortes sommes et remettre de grands quantités d'alcool, surtout à partir du moment où il a commencé à faire venir des travailleurs chinois, mais quand il a commencé à réparer les voitures des officiels des douanes, il a obtenu des contacts qui lui ont permis d'éviter les tracas douaniers, et le besoin de payer (au-delà de la simple fourniture de cigarettes) a diminué.

 

En même temps, les boutiques de réparation étaient souvent obligées d'accepter des paiements en nature (sous la forme par exemple de ginseng) des services rendus – ce qui a obligé l'homme d'affaires à faire des démarches supplémentaires en ramenant ses biens en Chine pour les vendre et réaliser ses gains – et des officiels gouvernementaux étaient autorisés à obtenir des réparations gratuites mensuelles dans une certaine limite en dollars. L'homme d'affaires a vu ces pertes dans ses entreprises comme un moyen d'établir des contacts avec les personnes appropriées, pour construire ses réseaux à l'intérieur du pays et recueillir des informations sur les conditions pour faire des affaires en Corée du Nord. Finalement, il a considéré les boutiques de réparation comme lui ayant ouvert la possibilité d'investissements plus importants et plus profitables dans le pays.


L'investisseur chinois a reproduit nombre des caractéristiques des réseaux commerciaux qui ont fait le succès des Nord-Coréens pour vivre ou survivre dans le pays. Il a été entreprenant  : il a identifié un marché de niche qui avait souffert de la rupture de l'ancienne économie politique, mais difficile à satisfaire pour ceux qui n'ont pas accès aux chaînes d'approvisionnement extérieures à la Corée du Nord. Comme beaucoup de commerçants nord-coréens, il a tiré profit d'une opportunité  : il a considéré le commerce de la réparation automobile comme la pierre angulaire pour d'autres affaires plus lucratives. Le succès de son affaire a été basé sur un accès direct aux fournisseurs en Chine, et une certaine habilité à naviguer entre les écueils de la corruption aux points de passage entre la Chine et la Corée du Nord. Dès le début, il a compris que la réussite reposait sur les liens entretenus avec les bonnes personnes dans la chaîne alimentaire. Les seuls versements à certaines personnes ne suffisent pas pour garantir le succès d'un accord commercial en Corée du Nord  ; pour ce faire, l'entretien de réseaux de type patron-clients est nécessaire. Alors que l'investisseur chinois ne pouvait pas offrir de contreparties à des officiels hauts placés comme dans le cas de l'établissement d'entreprises hybrides pour les réseaux en Corée du Nord, il a réussi à mettre en place des relations durables en satisfaisant les besoins réguliers d'administrations et d'officiels au regard de l'état de leurs véhicules. En même temps, l'investisseur a réduit les risques économiques et politiques en limitant l'empreinte physique de ses opérations à l'intérieur de la Corée du Nord, pour se prévenir contre les risques d'expropriation et de retournements de situation politique. Même si tout son investissement était perdu, ses pertes ne seraient pas si importantes. Il a aussi minimisé son exposition au risque concernant la main-d'oeuvre nord-coréenne  ; en fait, il a investi en Corée du Nord sans vraiment y investir.

 

Source  : Justin V. Hastings, A Most Enterprising Country  : North Korea in the Global Economy, Cornell University Press, New York et Londres, 2016, p. 169-170.

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20 juin 2018 3 20 /06 /juin /2018 11:47

Le 9 juin 2018, à la veille du sommet historique entre Donald Trump et Kim Jong-un à Singapour le 12 juin dernier, Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), a été invité par l'association Rennes-Chine à s'exprimer sur les relations sino-coréennes, ainsi que sur l'actualité du processus de paix. Cette conférence-débat a été organisée avec le soutien du comité Bretagne de l'AAFC - et notamment d'Yves et Thérèse Broustail à la fois membres de Rennes-Chine et responsables de l'AAFC-Bretagne, avec Djimadoum Ley-Ngardigal, président du comité régional Bretagne de l'AAFC. L’association Rennes Chine est la continuatrice locale de l’Association des Amitiés Franco-Chinoises créée en 1952 et dissoute en 1989. A ce titre elle est membre de la Fédération des Associations Franco-chinoises. Tout en remerciant l'association Rennes-Chine pour cette initiative, et plus particulièrement sa présidente Marie-Madeleine Flambard, nous reproduisons ci-après le compte rendu de cette manifestation publiée par Rennes-Chine.

Débat à Rennes sur les relations sino-coréennes

Préalablement à la conférence, l'association Rennes-Chine avait publié un flyer que nous reproduisons ci-après.

La Chine,la Corée et la paix

L’Association Rennes-Chine vous propose une rencontre avec Benoît Quennedey  le samedi 9 juin à 15 h, consacrée aux relations anciennes et actuelles entre la Chine et la Corée axée sur la recherche d’une paix durable dans la péninsule coréenne. Que savons-nous de la Corée ? La Corée a été annexée par le Japon en 1910. Au lendemain de la capitulation du Japon le 15 août 1945, la Corée, après trente-cinq années d’occupation japonaise, a été divisée de part et d’autre du 38e  parallèle, ligne  de démarcation des zones d’occupation américaine et soviétique.

 La mise en place par les Etats-Unis dès 1947 d’un gouvernement séparé au sud (création en mai 1948 de la République de Corée au sud), puis de la République populaire démocratique de Corée au nord en septembre 1948, a entériné la division de la nation coréenne. Cette partition arbitraire a engendré la guerre de Corée de 1950 à 1953, qui a causé près de trois millions de morts. La Chine a participé aux côtés du peuple coréen à la lutte contre les troupes américaines (le fils aîné du président Mao Zedong,  Mao Anying est mort sous les bombardements américains en 1950). La République Populaire de Chine fut signataire, ainsi que la Corée du Nord et les Etats-Unis, de l’accord d’armistice de Panmunjom en 1953.

Depuis plus d’un demi-siècle, aucun traité de paix n’a été conclu après l’armistice. Près de 30 000 soldats américains stationnent toujours au sud. Malgré la séparation de millions de familles, les Coréens, du Nord, du Sud et de la diaspora, constituent un seul peuple, partageant une même langue et une histoire commune de plus de 5 000 ans. Aujourd’hui après de multiples épisodes de confrontation et d’épreuves un processus de paix est engagé qui inclut toutes les parties. Le 12 juin, les présidents Kim Jong-un et Donald Trump se sont donnés rendez-vous  à Singapour.

Benoît Quennedey  président de L’Association d’amitié franco-coréenne, ancien élève de l’ENA, a visité à de nombreuses reprises la Corée du Nord, la Corée du Sud et la préfecture autonome coréenne de Yanbian dans la province chinoise de Jilin. Invité régulièrement dans les médias comme expert sur la Corée, il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « La Corée du Nord cette inconnue » aux éditions Delga.

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Le lac de cratère à la frontière de la Chine et de la Corée, au sommet du Mont Paektu en coréen ou Chang Bai Shan en chinois. L’une des premières phrases du président sud-coréen,  Moon Jae-in à son homologue nord-coréen lors du sommet du 27 avril 2018 a été de dire combien il voulait aller au mont Paektu et Kim Jong-un l’a invité à y venir : c’est la montagne sacrée de tous les Coréens.

Le lac de cratère à la frontière de la Chine et de la Corée, au sommet du Mont Paektu en coréen ou Chang Bai Shan en chinois. L’une des premières phrases du président sud-coréen, Moon Jae-in à son homologue nord-coréen lors du sommet du 27 avril 2018 a été de dire combien il voulait aller au mont Paektu et Kim Jong-un l’a invité à y venir : c’est la montagne sacrée de tous les Coréens.

Compte-rendu de la conférence

Malgré les mauvaises conditions météo annoncées (alerte orange aux orages et inondations) plus de 40 personnes ont participé aux deux heures et demie d’exposé et de débat.

Tout d’abord pendant une heure très dense, le conférencier a balayé plusieurs millénaires d’histoire commune mais aussi singulière des peuples et états chinois et coréen(s). Il serait trop long de vouloir reprendre tout ce qui a été dit sur les aspects culturels, linguistiques etc. depuis la haute antiquité mais l’assistance était très attentive. Une histoire partagée fondée sur des bonnes relations de voisinage géographique mais aussi sur des relations inter-étatiques d’intérêts. Aujourd’hui la Corée du Sud est dans une alliance avec les Etats-Unis mais a des relations diplomatiques avec la République Populaire de Chine depuis 1992, qui est devenue par ailleurs son premier partenaire dans les échanges économiques. La Corée du Nord est formellement toujours liée avec la Chine par le Traité d’Amitié, de Coopération et d’Assistance Mutuelle signé le 11 juillet 1961 à Beijing par Zhou Enlai et Kim Il-sung.

L’accent a été mis sur les tensions entre la Chine et la Corée du Sud suite à l’accord de cette dernière pour l’installation sur son sol du système américain de protection anti-missiles THAAD dont, aux yeux des Chinois, le prétexte nord-coréen cache la réalité de menaces contre la défense nationale Chinoise.

Les deux rencontres récentes entre les leaders chinois et nord-coréen montrent l’importance réciproque accordée par ces deux pays au processus en cours. La question de la levée des sanctions a probablement été abordée. La Chine n’est pas marginalisée ; elle sera forcément partie prenante dans la résolution du dernier conflit issu de la guerre froide et elle y a de plus un intérêt pour développer économiquement sa région Nord-Est. L’engagement de Kim Jong-un correspond entièrement aux aspirations chinoises de baisse des tensions, de stabilité et de prospérité économique.

Débat à Rennes sur les relations sino-coréennes

Place aux questions.

Ensuite 90 minutes de questions/réponses dans une ambiance calme et presque studieuse :

Avec un leader nord-coréen presque divinisé dans son pays comment envisager l’évolution des relations Nord-Sud ?

Benoît Quennedey rappelle l’origine de cette relation aux dirigeants, et fait aussi remarquer qu’il n’y a pas de badge à l’effigie de Kim Jong-un ni de portraits omniprésents de sa personne. Balayage des différents types d’unification avec l’Allemagne, le Yémen, Chine/Hong Kong et Macao et les visions des deux Corées dont celle du Sud qui s’inspire de l’Union européenne.

Comment les Nord-Coréens ont-ils obtenu l’arme nucléaire ?

Ils ont probablement bénéficié d’aide de certains experts pakistanais et peut-être avec l’effondrement de l’URSS de certains ex-soviétiques mais ils ont de très bons chercheurs et leur niveau en mathématiques et physique est avéré.

Quel est le poids du complexe militaro-industriel nord-coréen ?

« J’ai écrit un livre sur l’économie de ce pays mais je ne peux pas vous donner une réponse précise ». En effet le poids de l’armée est important mais celle-ci fait beaucoup de choses dans le domaine économique. On peut estimer ce poids entre un quart et un tiers du PIB.

Comment les Nord-Coréens voient-ils l’évolution des choses ?

Le Sud a souvent été perçu comme un lieu de corruption et de dépendance par rapport aux Etats-Unis mais cette perception évolue.

Quel est le taux de croissance, quelle est la place des jeunes et des femmes ?

Depuis pas mal d’années, le Nord ne publie plus de statistiques économiques, le Sud le fait mais elles sont souvent biaisées politiquement. « Selon les données du Sud, il y aurait eu de 1999 à nos jours de 1 à 2% de croissance par an mais je pense que c’est plutôt de 3 à 5 % »..  La place des femmes a grandi dans le domaine économique et en particulier avec la nécessité à la fin des années 1990, face aux grandes difficultés, de survivre sans compter sur l’Etat. Le nombre de divorces a augmenté. Au Nord, la pratique de l’IVG est plus libérale qu’au Sud.

Pouvez-vous comparer les systèmes éducatifs du Nord et du Sud ?

Les étudiants du Nord sont salariés par l’Etat. Au Sud les universités sont dirigées par les grands consortiums comme Samsung. A noter que durant le régime de dictature militaire au Sud les universités étaient des foyers de résistance étudiante.

Ensuite les questions se sont tournées nettement vers l’actualité symbolisée par l’approche du sommet historique de Singapour, les intérêts du Nord, des Etats-Unis, de la Chine, du Japon, leurs approches réciproques.

Le conférencier, après avoir détaillé les options possibles, a conclu en donnant sa vision personnelle.

Pour le Nord, le développement économique est une priorité. Si les sanctions peuvent être levées et des garanties de sécurité obtenues, ce sera une bonne affaire et cela vaut la peine d’essayer. Probablement que la rencontre du 12 juin débouchera sur l’établissement d’un cadre général pour l’ouverture de longues négociations impliquant des contreparties réciproques à chaque étape de compromis et le renforcement de la paix.

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