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6 avril 2024 6 06 /04 /avril /2024 16:16

Les régimes de sanctions mis en place par le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) font chacun l'objet d'un suivi par un comités d'experts. Depuis son premier essai nucléaire en 2006, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) était soumise à des sanctions internationales qui ont été renforcées à plusieurs reprises, notamment en 2016 et en 2017. A l'occasion du renouvellement du mandat des experts chargés de la surveillance des sanctions internationales contre la RPDC, la Russie, membre permanent du CSNU, a imposé son veto, entraînant ainsi la fin des travaux du comité d'experts. La Russie a critiqué l'inefficacité selon elle du recours aux sanctions pour créer un dialogue qui permettrait d'améliorer la situation sécuritaire dans la péninsule coréenne. 

Vassili Nebenzia, représentant permanent de la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU

Vassili Nebenzia, représentant permanent de la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU

L'époque où un consensus international permettait d'imposer puis de renforcer les sanctions internationales contre la RPDC semble bel et bien révolue. Dans le nouveau contexte géopolitique né de l'offensive russe en Ukraine en février 2022, Pékin et plus encore Moscou tiennent Washington et leurs alliés comme les principaux responsables de la montée des tensions dans la péninsule coréenne, refusant à plusieurs reprises d'accroître un régime de sanctions - déjà sévère - pour sanctionner la poursuite par Pyongyang de son programme balistique. La Chine et plus encore la Russie étant mises en cause pour ne plus appliquer pleinement les sanctions internationales à l'encontre de la Corée du Nord, les puissances occidentales - à l'instar de la République de Corée (Corée du Sud) et de l'Ukraine - ont accusé Moscou, en imposant son veto, de chercher à dissimuler une coopération militaire majeure depuis une rencontre au sommet entre Vladimir Poutine et Kim Jong-un en septembre 2023, la livraison d'armes conventionnelles et de munitions à la Russie contrevenant au régime de sanctions mis en place par le CSNU. Les deux pays prennent toutefois soin de ne pas afficher publiquement des échanges dans le domaine militaire. 

Washington, Londres ou encore Paris relèvent que des obligations juridiques dont la connaissance n'est pas sanctionnée n'ont pas d'effectivité. Les Occidentaux n'ont pas indiqué s'ils souhaitaient mettre en place un dispositif de surveillance en dehors du cadre des Nations unies.

Moscou a bien évidemment une interprétation différente de l'usage de son droit de veto - alors que la Chine s'est pour sa part abstenue, n'allant pas jusqu'à émettre un vote contre. Le représentant russe auprès du CSNU, Vassili Nebenzia, a mis en avant les conséquences humanitaires des sanctions ainsi que la nécessité de réouvrir la voie d'un dialogue avec Pyongyang, en appelant ouvertement à une révision du régime des sanctions. Le veto russe est ainsi présenté comme la conséquence d'une absence sur ce point non seulement d'accord, mais même de dialogue, des Etats-Unis et de leurs alliés. Le ministère russe des affaires étrangères a observé, dans un communiqué, que les sanctions internationales n'avaient pas non plus permis de créer les conditions d'une diminution des tensions internationales autour de la Corée, en estimant qu'il fallait désormais recréer les conditions de la confiance entre les différentes parties impliquées. Selon le communiqué du ministère russe : 

Pendant de longues années, les mesures de restrictions internationales n'ont pas aidé à améliorer la situation sécuritaire dans la région. Au contraire, en l'absence de mécanismes permettant de réviser et alléger ces sanctions, cet instrument est un obstacle majeur au renforcement de la confiance et au maintien d'un dialogue politique.

Ce n'est pas la première fois que la Russie fait usage de son droit de veto pour mettre fin à la surveillance d'un régime de sanctions en bloquant le renouvellement du mandat des experts en charge de son suivi : elle avait  procédé de même en août 2023 pour le Mali, où elle était déjà accusée de ne pas appliquer les sanctions internationales. 

Que ce soit la Russie plutôt que la Chine qui oppose son veto est conforme à un recours traditionnellement beaucoup plus important de Moscou que de Pékin au droit de veto - la Chine n'en faisant le plus souvent usage que lorsque ses intérêts directs sont en jeu. Par ailleurs, la Russie est davantage ciblée par les sanctions internationales que la Chine depuis le début de la guerre russo-ukrainienne. Comme la RPDC, elle se considère ainsi visée par les puissances occidentales : Sergueï Narychkine, qui dirige l'agence russe de renseignement extérieur SVR, a récemment rencontré à Pyongyang Ri Chang-dae, ministre de la sécurité d'Etat. Selon l'agence de presse nord-coréenne KCNA, les deux hommes ont discuté de l'espionnage et des "complots de plus en plus nombreux" des forces qui leur sont hostiles. 

Si les sanctions internationales se sont fortement développées après la fin de la guerre froide comme outil à la disposition des Nations unies pour garantir la paix et la sécurité internationales sans recours à la force armée, le contexte d'une nouvelle guerre froide en montre les limites. Faute pour les régimes internationaux d'être limités dans le temps, et en l'absence désormais de consensus pour les modifier, il n'y a d'autre choix pour un pays comme la Russie que de recourir au veto pour exprimer qu'elle ne partage plus les positions qui l'avaient amenée, par le passé, à imposer puis à renforcer les sanctions internationales contre Pyongyang. Plus largement, la coopération au sein des organisations internationales, au premier rang desquelles les Nations unies, restera durablement bloquée tant que se manifestera pas une volonté de dialogue de toutes les parties impliquées. A défaut, le droit ne sera plus qu'une arme dans les relations internationales. 

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