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2 septembre 2022 5 02 /09 /septembre /2022 21:23

Alors que les sanctions internationales de plus en plus lourdes prises contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) à partir de 2006 ont pu être adoptées grâce au ralliement de la Russie et de la Chine aux propositions des Etats-Unis et de leurs alliés au Conseil de sécurité des Nations unies, le nouveau contexte international, marqué par les tensions croissantes entre les Etats-Unis, d'une part, la Russie et la Chine, d'autre part, offre une opportunité pour Pyongyang de renforcer ses échanges avec Moscou et Pékin - alors que la RPDC a annoncé réouvrir ses frontières après avoir déclaré terminée l'épidémie de "fièvre" (interprétée comme une épidémie de Covid-19) - et fermé ses frontières avec la Chine il y a plus de deux ans et demi, en début d'année 2020. 

Rencontre à Vladivostok, Le 25 avril 2019, entre Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie.

Rencontre à Vladivostok, Le 25 avril 2019, entre Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie.

Si le renforcement des relations bilatérales de la RPDC avec la Russie et la Chine s'était traduit, en 2019, par des rencontres au sommet entre leurs dirigeants (du Président Kim Jong-un à Vladivostok en avril 2019, et du Président Xi Jinping en RPD de Corée les 20 et 21 juin 2019), la fermeture des frontières dans le contexte international de la lutte de pandémie de Covid-19 avait mis fin à ces échanges au plus haut niveau quelques mois plus tard. Durement touchée par les sanctions internationales, l'économie nord-coréenne avait nettement reculé, selon les estimations occidentales - en l'absence de statistiques officielles publiées par la RPDC.

Le nouveau contexte international offre à Pyongyang une opportunité de renforcer ses échanges avec ses deux principaux voisins - et tout d'abord au plan diplomatique. Lors du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, la RPDC a dénoncé la responsabilité selon elle des Etats-Unis et de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) - dénonçant par ailleurs les perspectives de création d'un OTAN asiatique qui se constituerait autour des alliances militaires privilégiées de Washington avec Tokyo et Séoul. De fait, l'agence de renseignement sud-coréenne a été la première, en Asie, à rejoindre cette année le groupe de défense cyber de l'OTAN.

La possibilité d'un axe Moscou-Pékin-Pyongyang apparaît dans les analyses partagées de ces trois puissances contre l'hégémonie américaine, nonobstant la position de la Chine qui, sur la guerre en Ukraine, modère son ton pour préserver ses relations économiques avec les puissances occidentales. 

Entre la Russie et la RPD de Corée, le fait le plus notable est la reconnaissance par Pyongyang des républiques de Donetsk et de Lougansk le 13 juillet 2022. La RPD de Corée est également apparue prête à participer à la reconstruction économique de ces zones en guerre, par l'envoi de travailleurs - ce qui s'inscrirait dans le prolongement d'une pratique ancienne, naguère de la Corée du Sud, et de la Corée du Nord jusqu'aux récentes sanctions internationales l'interdisant à Pyongyang. De fait, les sanctions ne seraient alors plus appliquées par la Russie - du moins, sur ce point.  

A l'occasion de l'anniversaire de la libération de la Corée le 15 août 1945, les courriers échangés au niveau des chefs d'Etat traduisent la volonté de renforcer les relations bilatérales. Vladimir Poutine a rappelé les combats menés "entre l'Armée rouge et les patriotes de Corée" pour la libération de la péninsule de l'occupation japonaise pendant la Seconde guerre mondiale, et exprimé son souhait de renforcer "la sécurité et le stabilité de la Corée". Kim Jong-un lui a répondu en observant qu'un "front commun" permettait de contrer "les menaces et les provocations des forces hostiles".

Alors que Pyongyang a critiqué la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, et rappelé sa position de principe sur une seule Chine (à l'instar de Moscou), les manoeuvres militaires américano-sud-coréennes d'août 2022 (les plus importantes depuis 2018, bien que d'une ampleur non rendue publique) ont été dénoncées non seulement par la RPD de Corée, mais aussi par la Chine - et par l'ambassadeur russe à Pyongyang. Alors que les experts occidentaux s'attendent à un nouvel essai nucléaire nord-coréen, il semble improbable que Pékin et Moscou accepteraient alors de renforcer les sanctions contre la RPD de Corée, voire même de se joindre à une condamnation verbale. Le 26 mai 2022, la Chine et la Russie avaient opposé leur veto à une proposition de résolution, d'origine occidentale, appelant à renforcer les sanctions contre la RPD de Corée après le lancement par cette dernière de plusieurs missiles balistiques. La Chine et la Russie appellent à présent au dialogue avec Pyongyang et à commencer à lever les sanctions. Si les Occidentaux venaient à prendre de nouvelles sanctions contre la RPDC, celles-ci n'auraient qu'une portée somme toute réduite - vu la quasi-absence de relations et d'échanges avec la Corée du Nord.

La situation géopolitique actuelle a déjà fait une victime : les relations intercoréennes, qui s'étaient réchauffées pendant la présidence du démocrate Moon Jae-in en République de Corée (Corée du Sud), sont au plus bas. Le nouveau président conservateur Yoon Suk-yeol, qui avait déjà qualifié la RPD de Corée d' "ennemi principal" de la Corée du Sud pendant la campagne électorale en mars 2022, a profité de l'anniversaire de la libération de la Corée, le 15 août 2022, pour formuler une proposition consistant à apporter une aide économique au Nord en contrepartie de sa dénucléarisation. Les observateurs étaient sceptiques sur la réponse de Pyongyang à ce qui apparaissait surtout comme une opération de communication à peu de frais pour apparaître vouloir un dialogue : en effet, le président sud-coréen Lee Myung-bak avait formulé une proposition très proche en 2008, qui avait été rejetée par le Nord. Sans surprise, la RPD de Corée avait répondu quelques jours plus tard que sa sécurité internationale n'était pas négociable - et pas à vendre.

Alors que la France et l'Union européenne se démarquent des Etats-Unis sur la montée des tensions avec la Chine (notamment, s'agissant de la France, lors de la conclusion de l'alliance militaire AUKUS entre l'Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, en septembre 2021), il apparaîtrait utile de promouvoir le dialogue et de prévenir les risques d'escalade et de tensions à la frontière est de la Russie, dans et autour de la péninsule coréenne. Dans le site d'analyse de référence sur la Corée du Nord 38 North, Jagannath Panda ne dit pas autre chose, en soulignant qu' "il est impératif d'empêcher une confrontation de type russe en Asie du Nord-est". Nous faisons nôtres ces propos raisonnables et de bon sens.

 

Sources :

Jagannath Panda, "Will Pyongyang's NATO tirades pay dividends", 38 North, 19 août 2022

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commentaires

R
Déçu et même scandalisé d' apprendre que Chine et Russie se sont associées aux sanctions contre la Corée du Nord. Décidément, la servilité à l' égard de l' empire étatsunien va se nicher en des endroits où on ne l' attendrait pas. On ne peut même pas souhaiter que la RPC fasse payer très cher cette trahison à ses deux grands voisins : son intérêt est bien sûr de continuer à se rapprocher d' eux. Savez-vous ce qu' il en est des projets d' envoi de travailleurs , voire de soldats, Nord-Coréens en Ukraine, pour aider la Russie ?
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A
L'hypothèse de l'envoi de soldats, largement médiatisée, ne repose à notre connaissance sur aucun élément tangible permettant de la confirmer. Si par le passé la RPDC a envoyé des instructeurs militaires à l'étranger essentiellement pour soutenir des mouvements de libération, le contexte de la guerre en Ukraine est très différent et il s'agit d'opérations anciennes; datant de plusieurs décennies. Manifestement, il s'agit d'une surinterprétation (sinon d'une désinformation délibérée) sur le possible envoi de travailleurs après la fin de la guerre ou un armistice. Ce ne serait alors pas exceptionnel : des travailleurs nord-coréens dans le secteur de la construction ont déjà été envoyés dans des dizaines de pays dans le monde - avant que les sanctions de l'ONU ne l'interdisent (la pratique n'étant pas toujours conforme au droit) et réduisent drastiquement ce mouvement.

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