Guy Dupré, secrétaire général du Comité international de liaison pour la paix et la réunification de la Corée (CILRECO) depuis 1977, ancien président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) et président d'honneur de l'AAFC, nous a quittés à l'âge de 94 ans. Il avait été au premier plan des relations franco-coréennes, s'étant affirmé comme l'un des meilleurs connaisseurs de la péninsule coréenne en France, et tout particulièrement de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Son engagement s'inscrivait dans la pleine continuité des valeurs qu'il avait exprimées dans chacun de ses engagements, au Parti communiste et à la Confédération générale du travail : paix, humanisme, internationalisme. Consciente de tout ce qu'elle lui doit, l'AAFC lui rend hommage, en présentant ses condoléances à son épouse Evelyne, ses enfants et petits-enfants, ainsi qu'à ses camarades et à ses proches.
Né à Paris, dans une famille ouvrière, le 1er avril 1930, Guy Dupré a commencé à travailler dès l'âge de 14 ans. C'est en suivant des cours du soir qu'il gravira tous les échelons d'une carrière complète au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), après avoir été engagé en 1948 comme collaborateur technique au laboratoire de physique et chimie nucléaire du professeur Frédéric Joliot-Curie (prix Nobel de chimie en 1935) au Collège de France. Ayant travaillé pendant dix ans aux côtés de Frédéric Joliot-Curie, il côtoiera d'autres figures, parmi lesquelles le photographe Robert Doisneau, dont il avait gardé des clichés du professeur Joliot-Curie qu'il avait légués à des fonds d'archives. Guy Dupré participera à la création du premier accélérateur français de particules et sera promu technicien puis ingénieur au CNRS.
Marqué par l'occupation nazie, il rejoint très jeune le combat social et politique, en devenant membre du PCF dès 1946 et en adhérant à la CGT, apportant sa contribution à la reconstruction de la France puis à l'édification d'une société nouvelle. Au CNRS, il a été élu membre du directoire scientifique puis du conseil d'administration de 1968 à 1979. Ses responsabilités syndicales l'ont conduit à devenir secrétaire général du syndicat CGT des travailleurs de la recherche et secrétaire général de la Fédération CGT de l'Education, de la Recherche et de la Culture, Il a ensuite participé à l'élaboration du nouveau statut des personnels du CNRS en 1995.
Membre de la section de politique extérieure du PCF, il sera également maire-adjoint de Bagneux de 1971 à 1983 avant d'être élu à Longjumeau.
Son intérêt pour la Corée venait de loin : alors que la guerre faisait rage en Corée, il avait été blessé à la tête d'un coup de matraque lors d'une manifestation contre le général Ridgway, à une époque où les seules manifestations autorisées étaient celles du 1er mai. Mais comme il le dira à sa mère, inquiète de le voir ensanglanté, "la blessure n'était que superficielle"...
André Aubry, sénateur et maire de la ville d'Antony, le sollicitera pour animer la solidarité internationale avec la Corée, au sein du Comité international de liaison pour la paix et la réunification de la Corée et de l'Association d'amitié franco-coréenne : cet engagement continu pendant plus de quarante ans lui vaudra quelques histoires avec les services de renseignement français et étrangers, lorsque les Japonais tentèrent de l'acheter à l'occasion d'une conférence du CILRECO ou lorsque son nom sera systématiquement retiré par les services des récipiendaires de l'Ordre national du mérite, que sa contribution à la recherche française justifiait pourtant pleinement. Il est vrai toutefois que le contre-espionnage, sur ce dossier comme sur d'autres en lien avec la Corée, ne fera pas preuve d'une grande clairvoyance, le confondant avec un écrivain homonyme, mais à droite, lui, et disparu en janvier 2018, le croyant ainsi décédé lorsqu'éclate l'affaire Quennedey en novembre 2018, affaire qui se soldera par un fiasco retentissant pour la DGSI...
Tous ceux qui ont côtoyé Guy Dupré, au CILRECO ou à l'AAFC, ont apprécié un homme de coeur, généreux, toujours prêt à aider, fidèle à ses convictions : pacifiste, partisan résolu de la disparition des armes nucléaires, conscient que la solidarité internationale exigeait de comprendre l'autre, fût-il (Nord-)Coréen. Pour lui, la Corée - toute la Corée - n'était pas un sujet géopolitique désincarné. Peu de Français ont connu - et aimé - les Coréens comme l'a fait Guy Dupré, profondément modeste alors qu'il avait rencontré à de nombreuses reprises les dirigeants de la RPDC, à commencer par le président Kim Il-sung.
Dépourvu du moindre sectarisme, il avait fait rejoindre la présidence du CILRECO à des personnalités aussi diverses que le maréchal Francisco da Costa Gomes, Léopold Sedar Senghor ou Dom Mintoff.
Il concevait l'amitié avec les Coréens en toute indépendance, n'hésitant ainsi pas à faire part de ses désaccords. Profondément humaniste, il avait aussi oeuvré, avec André Aubry, pour que le Secours populaire français vienne en aide aux Nord-Coréens touchés par les catastrophes naturelles et les dramatiques pénuries alimentaires des années 1990.
Guy Dupré n'était pas seulement un militant dévoué, mais un homme entier, généreux, sincère. Son exemple a inspiré et continuera d'inspirer les membres de l'AAFC et, au-delà, celles et ceux qui l'ont connu dans ses engagements politiques et syndicaux.
Au revoir, cher Guy.
Photo en début d'article : Alain Noguès (2014)