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10 mars 2017 5 10 /03 /mars /2017 09:38

Le 10 mars 2017, les huit juges en fonctions de la Cour constitutionnelle ont confirmé à l'unanimité la destitution de la Présidente Park Geun-hye de la République de Corée (Corée du Sud), confortant ainsi le vote en ce sens de près des quatre cinquièmes des députés le 9 décembre 2016. C'est la première fois qu'un chef de l'Etat est destitué en Corée du Sud (un précédent vote de destitution par le Parlement, à l'encontre du Président Roh Moon-hyun en 2004, avait ensuite été invalidé par la Cour constitutionnelle faute d'éléments juridiques). Une élection présidentielle anticipée doit se tenir dans les 60 jours suivant cette décision, probablement début mai.

Scènes de joie en Corée du Sud.

Scènes de joie en Corée du Sud.

Immédiatement, la nouvelle a été accompagnée par des cris de joie à Séoul et dans toute la Corée – car le mandat de Park Geun-hye n'avait pas seulement été marqué par un retentissant scandale de corruption, mais aussi par des atteintes de plus en plus graves aux libertés démocratiques : interdiction d'un parti politique sur la base d'un procès truqué intenté au parlementaire Lee Seok-hee, emprisonnements d'opposants politiques et syndicaux, interdiction d'entrée sur le territoire sud-coréen d'étrangers exprimant pacifiquement et démocratiquement leurs opinions, mise à l'index de milliers de personnalités (notamment culturelles) interdites de subventions publiques, pouvoirs exorbitants de l'appareil sécuritaire, en premier lieu de services de renseignement hypertrophiés, bras armé des conservateurs au pouvoir pour harceler, traquer, emprisonner tout opposant réel ou imaginaire... Le mélange des genres entre administration et politique s'était exercé à tous les niveaux. L'ambassadeur de la République de Corée en France, M. Mo Chul-min, un ancien conseiller de Mme Park, avait notamment été entendu par la justice de son pays dans le cadre de l'affaire de la liste noire, avant de revenir récemment en France, manifestement conforté dans ses fonctions. Par ailleurs, le pouvoir conservateur sud-coréen avait failli dans sa mission d'assurer la sécurité de ses propres concitoyens, comme l'avait illustré le dramatique naufrage du Sewol ayant coûté la vie à plus de 300 personnes, majoritairement des lycéens en voyage scolaire. Au plan extérieur, la diplomatie de Mme Park avait été marquée par l'adoption d'une ligne intransigeante vis-à-vis du Nord, la volonté de mettre fin à tous les échanges intercoréens, le renforcement de l'alliance américaine avec l'intensification des manœuvres militaires et le déploiement en Corée du Sud à marche forcée, contre la volonté d'une majorité de Sud-Coréens et sans attendre le verdict de la Cour constitutionnelle, du système américain THAAD de missiles antibalistiques : Park Geun-hye ne symbolisait pas seulement une dérive autoritaire mais aussi une escalade des tensions diplomatiques aggravant les dangers de guerre. Suivant des semaines de crise politique après l'éclatement du scandale de corruption Choi Soon-sil (du nom de la gourou de Mme Park ayant usé de son influence pour mettre en place un système de corruption d'entreprises, jusqu'à l'arrestation récente du dirigeant de fait du plus grand conglomérat coréen, le groupe Samsung), le vote de destitution du 9 décembre avait ainsi été le fruit de mouvements de masse rassemblant, de manière spectaculaire, des millions de manifestants, en Corée et dans le monde – y compris en France avec le soutien du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD).

Fille d'un ancien président, le général Park Chung-hee, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1960 et ayant mis en place le régime le plus répressif qu'ait jamais connu la République de Corée jusqu'à son assassinat par son propre chef des services de renseignement en 1979, Mme Park Geun-hye avait manifesté son mépris de la démocratie en refusant de reconnaître le verdict des urnes après les législatives d'avril 2016, en dépit de la manipulation de l'opinion publique en tentant, comme toujours à la veille d'élections en Corée du Sud, de faire souffler le « vent du Nord ». Le Premier ministre Hwang Kyo-ahn, lui-même impliqué dans les atteintes à la démocratie sous la présidence de Mme Park Geun-hye, avait ainsi été maintenu en place au lendemain des élections législatives d'avril 2016, avant d'exercer les fonctions de président par intérim à la suite du vote de destitution du Parlement le 9 décembre 2016. Il est aujourd'hui le candidat conservateur le mieux placé pour l'élection présidentielle anticipée prévue début mai, pour laquelle le démocrate (opposition) Moon Jae-in surclasse aujourd'hui ses concurrents, dans un scrutin où les conservateurs, qui ont connu une scission avec le départ des opposants à Mme Park Geun-hye, sont nettement minoritaires.

La décision de la Cour constitutionnelle a été motivée par les violations de la Constitution commises par Mme Park Geun-hye, comme l'a souligné l'agence de presse sud-coréenne Yonhap, citant la Cour constitutionnelle :

Lors de l’annonce du verdict ce matin, la chef par intérim de la Cour constitutionnelle, Lee Jung-mi, a indiqué que «le président doit exercer son pouvoir selon la Constitution et la loi et la mise en œuvre de la fonction doit être rendue au public pour sa transparence», «mais la présidente a caché complètement l’ingérence dans les affaires de l’Etat par Choi Soon-sil et à chaque allégation, elle a démenti et fustigé les mises en cause de ces problématiques».

La Cour constitutionnelle a évalué que les dispositifs de surveillance des institutions constitutionnelles et des médias n’ont pas pu être en marche en raison de cet acte de Park. Par ailleurs, «la présidente a soutenu les intérêts personnels de Choi Soon-sil pour l’établissement des fondations Mir et K-Sports et des sociétés Playground et KD Corporation, et les actes de violation de la Constitution et de la loi se sont poursuivis tout au long de son mandat», a noté la Cour.

«En conséquence, An Chong-bum (ex-conseiller présidentiel), Jeong Ho-seong (ex-assistant du cabinet présidentiel) et Kim Chong (ex-vice-ministre de la Culture), qui ont suivi les ordres de la présidente, ont été mis en détention provisoire. Les actes qui heurtent la Constitution et la loi vont à l’encontre de l’esprit du constitutionnalisme et du principe de la démocratie représentative», a fait remarquer la Cour constitutionnelle.

http://french.yonhapnews.co.kr/national/2017/03/10/0300000000AFR20170310003100884.HTML

Ayant désormais perdu l'immunité liée à son statut, après avoir refusé de coopérer avec la justice en dénonçant un « complot », la chef de l'Etat déchue devra à présent répondre de ses actes devant la justice de son pays.

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