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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 11:43

Les autorités sud-coréennes viennent d'arrêter Lee Chun-geun, célèbre producteur de télévision accusé d'avoir diffusé des fausses informations qui auraient encouragé les manifestations du printemps et de l'été 2008 contre le président Lee Myung-bak (Grand parti national, conservateur). Une nouvelle atteinte à la liberté d'expression qui fait peser des craintes sur les libertés publiques en Corée du Sud, avec un retour du contrôle de l'Etat sur les médias.

Le carnet du producteur, réalisé par Lee Chun-geun, a été une des émissions phares de la télévision sud-coréenne. Les téléspectateurs devront désormais d'habituer à une autre information, après l'arrestation de Lee Chun-geun arrêté dans la nuit du mercredi 25 mars 2009, pour diffamation contre le gouvernement [ici Choi Young-ki, président de l'Association des producteurs indépendants, demande à rencontrer le procureur de la République à Séoul, photo : Hankyoreh]. Lee Chun-geun est accusé d'avoir diffusé délibérément de fausses nouvelles qui auraient encouragé les immenses manifestations du printemps et de l'été 2008 contre la décision du président Lee Myung-bak (conservateur) de réouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain, en l'absence de réévaluation des risques pour la santé humaine de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, dite maladie de la "vache folle"). Le gouvernement sud-coréen avait finalement mis fin aux protestations pacifiques du printemps dernier, les plus importantes depuis la chute du régime militaire en 1987, par la répression, en arrêtant les leaders du mouvement. Devenu très impopulaire, Lee Myung-bak avait été contraint de négocier des garanties sanitaires et de présenter publiquement des excuses pour sa mauvaise gestion de la situation.

Les émissions de Lee Chun-geun ont été passées au peigne fin par la justice, afin de multiplier la découverte d'indices qui tendraient à prouver une intention délibérée de diffamer les autorités sud-coréennes : une image de vache ne pouvant pas marcher mais n'étant en réalité pas atteinte par l'ESB, la traduction inexacte en coréen du nom de la maladie (maladie de la "vache folle" et non de Creutzfeldt-Jakob) par la mère d'une victime, ce qui aurait imposé comme une évidence la transmission à l'homme... 

Les émission de Lee Chun-geun avait d'autres torts, notamment le fait d'avoir mis en cause le maintien de la
loi de sécurité nationale, promulguée en décembre 1948, instrument de répression des mouvements d'opposition sous couvert de lutte contre le communisme.

L'affaire Lee Chun-geun n'est que la dernière en ce qui concerne la liberté de la presse :

- la veille, dans la nuit du mardi 24 mars, Noh Jong-myeon [ici au centre, photo : The Korea Times], dirigeant du syndicat de Yonhap Television News (YTN), a été arrêté pour avoir critiqué la nomination de Ku Bon-hong, ancien conseiller à la presse de Lee Myung-bak, à la direction de YTN ; Amnesty International a alors dénoncé "le développement inquiétant de ce qui apparaît comme un effort concerté grandissant du gouvernement de contrôler les médias sud-coréens" ;

- un blogueur,
Minerve, a également été arrêté, pour avoir diffusé de fausses informations qui auraient déstabilisé les marchés financiers... et dont le blog avait surtout le grand tort d'être devenu l'un des médias les plus populaires en Corée du Sud.

Faut-il interpréter ces évolutions dans le sens d'une dérive autoritaire ? De fait, les indices préoccupants se multiplient d'une volonté délibérée de contrôle de l'information et d'inclination au pouvoir personnel :

- créée en 2001 pour défendre les droits des citoyens, la
commission nationale des droits de l'homme a annoncé qu'elle entendait saisir la justice si le gouvernement confirmait son intention d'en réduire les effectifs (de 208 à 164 emplois) : le gouvernement Lee Myung-bak entend limiter les moyens d'une structure dont le rôle se rapproche, en France, de celui du Médiateur de la République, puisqu'elle formule des recommandations non contraignantes pour l'administration, mais de nature à améliorer les pratiques administratives ; une telle stuation créerait un imbroglio juridique, nécessitant de définir préalablement l'indépendance de la commission par rapport au ministère de l'administration publique et de la sécurité ;

- le 20 février 2009,
l'assaut de la police contre les occupants d'un immeuble à Séoul a entraîné six morts : le gouvernement n'a pas donné suite à la demande de l'opposition de constituer une commission d'enquête sur les circonstances exactes du drame ;

- en décembre 2008 et janvier 2009,
l'opposition a dû bloquer l'accès au Parlement pour permettre l'examen dans des conditions normales de 85 projets de loi, que Lee Myung-bak entendait voir adopter lors d'une session extraordinaire convoquée pendant les vacances de Noël : parmi les textes controversés figure la possibilité que les  groupes de presse ou les conglomérats, acquis aux conservateurs au pouvoir, puissent contrôler les diffuseurs audiovisuels ;

- le 15 août 2008, l'opposition a boycotté les cérémonies de la Libération de la Corée, en protestant contre la
volonté du gouvernement de réécrire l'histoire ;

- à l'automne 2008, 676 historiens spécialistes de la Corée, dont 114 étrangers, ont signé un
communiqué de l'Organisation des historiens coréens contre la volonté du gouvernement Lee Myung-bak de contrôler le contenu des manuels d'histoire ; comme l'a souligné l'historien américain Bruce Cumings, "l'administration Lee vit dans le passé, se souvenant toujours de la manière d'agir de Park Chung-hee et Chun Doo-hwan. Il est très anachronique pour les politiciens de penser pouvoir contrôler l'histoire, ou les manuels d'histoire (...) Après dix années vraiment nouvelles et différentes dans l'histoire de la Corée d'après-guerre, l'administration Lee essaie de revenir en arrière, et de s'opposer aux progrès énormes accomplis depuis 1997 sous Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun, une meilleure compréhension de l'histoire d'après-guerre, la promotion de la réconciliation au sein du peuple du Sud et avec le Nord, et un changement spectaculaire d'attitude de toute la population de République de Corée [RdC, Corée du Sud] vis-à-vis du Nord." 

Quand les militaires dirigeaient la Corée du Sud, l'arrestation des dirigeants de mouvements d'opposition et le contrôle des médias constituaient les moyens privilégiés pour mettre fin à la contestation sociale et politique. A cet égard, il convient de rappeler que Grand parti national de Lee Myung-bak intègre les anciens partisans du régime militaire. Ces pratiques avaient nettement reculé pendant les deux mandats (1998-2008)  des deux présidents démocrates, Roh Moo-hyun et Kim Dae-jung, lui-même ancien opposant enlevé à l'étranger par les services secrets sud-coréens et qui n'avait dû d'avoir la vie sauve que grâce à une campagne de mobilisation internationale pour sa libération. Cette campagne avait été relayée aux Etats-Unis et en France par diverses organisations politiques, dont le Parti socialiste.

L'AAFC estime qu'il est aujourd'hui temps que les alliés de Séoul, au premier rang desquels les Etats-Unis et les Etats membres de l'Union européenne, ainsi que les organisations politiques et sociales de ces pays, prennent la mesure des événements en cours à Séoul, en faisant pression sur les autorités sud-coréennes. Lesquelles s'érigent, par ailleurs, en donneurs de leçons sur les droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. (principale source : Financial Times).

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18 mars 2009 3 18 /03 /mars /2009 22:48

Le 14 mars 2009, Naver, le principal moteur de recherche sud-coréen, a mis à sa une, en tant que livre du jour, Les idées révolutionnaires de Karl Marx du professeur anglais Alex Callinicos. Une audace dans un pays où lire un ouvrage communiste reste un délit.

Il y a dix ans, la publication en Corée du Sud des Idées révolutionnaires de Karl Marx avait conduit en prison le président de la société Chaekalpi, qui avait traduit cet ouvrage du professeur du collège royal de Londres Alex Callinicos. Comme l'a rappelé le directeur de Chaekalpi, Kim Tae-hun : "Notre ancien président était allé en prison il y a dix ans à cause de ce livre, qui violait les lois anticommunistes du pays selon les agences chargées de l'application de la loi".

Le 14 mars 2009, Naver - le premier moteur de recherche coréen (17 millions de visiteurs quotidiens) - a présenté le même ouvrage Les idées révolutionnaires de Karl Marx comme le livre du jour, conduisant quelque 150 personnes à se précipiter sur cet ouvrage durant le week-end, selon l'éditeur. Il s'agit manifestement d'un choix éditorial de Naver, puisqu'un ouvrage de Rosa Luxemburg avait déjà été mis en avant sur le portail de Naver en janvier de cette année.

Mais si la loi de sécurité nationale, promulguée en décembre 1948 et jamais abrogée en Corée du Sud, est appliquée aujourd'hui avec moins de sévérité, elle continue de faire peser une menace permanente sur tous ceux accusés de propager des idées jugées subversives à Séoul : les éditeurs de livres jugés marxistes peuvent être condamnés à des peines de prison, et la seule lecture de ces livres expose à de possibles poursuites judiciaires. De fait, les ouvrages dits marxistes - à commencer par les écrits sur les idées du Juche - sont censurés en Corée du Sud, tandis qu'est bloqué l'accès aux sites Internet jugés favorables à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). La loi de sécurité nationale continue par ailleurs à être invoquée pour réprimer les manifestations pacifiques antigouvernementales, en inculpant les dirigeants des mouvements sociaux de subversion communiste.

Plus fondamentalement, la crise économique en Corée du Sud conduit un nombre croissant de citoyens à chercher des clés d'explication dans les analyses de Marx et des auteurs marxistes : à titre d'exemple, Le Capital que même un singe pourrait lire, de Lim Seung-soo, s'est vendu à 7.000 exemplaires depuis sa sortie en librairie en décembre 2008, devenant ainsi l'un des best-sellers des librairies de Séoul. (Source : Korea Times)

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21 janvier 2009 3 21 /01 /janvier /2009 22:36

Le 20 janvier 2009, un incident tragique a eu lieu dans le quartier de Yongsan, à Séoul, lorsque la police a voulu évacuer les occupants d'un immeuble qui protestaient contre le montant de la compensation pour la démolition de leurs résidences. Six personnes sont mortes, dont cinq manifestants et un policier. Selon les forces de police, les manifestants auraient mis le feu au toit de l'immeuble lors de l'assaut du commando pour les déloger. Pour le Parti démocratique (opposition) et les familles des victimes, l'usage excessif de la force est une des causes du drame.

Connaîtra-t-on jamais la vérité sur le tragique affrontement entre policiers et forces de l'ordre qui a fait six morts (dont un policier) le 20 février 2009 ? Tout en déclarant "navrant" un "incident aussi tragique" qui "ne doit jamais se répéter", le président Lee Myung-bak apparaît vouloir temporiser, en refusant d'établir les responsabilités avant tout établissement précis des faits. Au moment où nous écrivions des lignes, il n'avait ainsi toujours pas donné suite à la demande du Parti démocrate (opposition) d'ouvrir une commission d'enquête parlementaire, alors que le Parquet a décidé d'ouvrir une enquête.

Ils étaient entre trente et quarante personnes. Ils avaient décidé d'occuper un immeuble, afin de protester contre l'indemnisation qui leur était promise suite à la démolition programmée de leurs appartements au titre d'une opération de rénovation urbaine. Ils disposaient d'explosifs, notamment de cocktails Molotov qui auraient été lancés au moment de l'assaut des policiers pour les évacuer. L'enquête devra déterminer dans quelles conditions le feu s'est déclenché, et à partir de quel endroit, alors que le premier bilan s'établit à six morts (dont un policier) et  à 23 blessés (dont six policiers), dont plusieurs grièvement.

Le Parti démocrate, les familles des victimes et l'association à laquelle appartenaient les manifestants ont dénoncé un usage excessif de la force.

La réaction du président Lee Myung-bak amène, une fois encore, à s'interroger sur les risques d'atteintes aux libertés publiques en Corée du Sud, théâtre de protestations permanentes face au mode de gouvernement du président Lee. Après le choix de la répression pour casser les manifestations gigantesques du printemps 2008, le président sud-coréen, bien que dirigeant l'exécutif, refuse de s'interroger sur l'attitude des forces de l'ordre, lesquelles ont fait un décompte minutieux des explosifs trouvés sur place et procédé à 25 arrestations. Par ailleurs, en soulignant que seulement 7 personnes étaient des occupants de l'immeuble, elles semblent chercher à justifier l'intervention policière.  

En fin d'année dernière, l'administration Lee Myung-bak avait tenté de faire passer en force l'adoption par le Parlement de plusieurs dizaines de projet de loi pendant les congés de Noël, avant de reculer face à la détermination de l'opposition. Enfin, alors que Internet est l'un des vecteurs les plus puissants de mobilisation de l'opinion dans un pays où dominent sans exclusive les médias conservateurs, acquis au Grand Parti national du président Lee, le gouvernement sud-coréen a procédé à l'arrestation d'un blogueur anonyme, Minerva, pour diffusion de "fausses informations". Pendant plusieurs mois, Minerva avait acquis une très grande célébrité, ses articles étant lus chaque jour par des centaines de milliers de visiteurs, après plusieurs prédictions exactes sur la crise financière. Accusé de déstabiliser les marchés, Minerva avait été réduit au silence en novembre 2008, vient d'être arrêté en janvier et son identité révélée, en application de la loi coréenne sur les communications électroniques.

Sources : Yahoo! News, AFP (photo AFP : équipe de police scientifique sur les lieux de l'incendie) et KBS World Radio.

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6 janvier 2009 2 06 /01 /janvier /2009 12:00

Surnommé « le bulldozer », le président sud-coréen Lee Myung-bak était déterminé à faire adopter 85 textes de loi d'ici la fin de l'année 2008, pour libéraliser l'économie et limiter les libertés de manifestation et d'expression. C'était compter sans la résistance déterminée du Parti démocratique (opposition) qui a choisi d'occuper les locaux du Parlement.


Elu en décembre 2007 sur un programme de rupture avec ses prédécesseurs démocrates, le président sud-coréen Lee Myung-bak entend libéraliser une des économies comptant parmi déjà les moins socialisées des pays industrialisés de l'OCDE. La crise financière l'a incité à accélérer le calendrier des réformes, après avoir ignoré – puis réprimé – les centaines de milliers de manifestants qui ont protesté pacifique, au printemps 2008, contre sa décision unilatérale de rouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain. Ces manifestations, les plus importantes depuis celles qui avaient conduit à la chute du régime militaire en 1987, avaient entraîné un effondrement de la cote de popularité de Lee Myung-bak, tombée à 20 %.


Disposant d'une nette majorité parlementaire après le ralliement d'élus "indépendants" au lendemain du scrutin (le Grand parti national compte 172 députés sur 299, contre 82 sièges pour le Parti démocratique, principale formation d'opposition), Lee Myung-bak entendait faire adopter 85 textes de loi d'ici le 31 décembre 2008. A cette fin, une session extraordinaire du Parlement a été ouverte pendant les congés de Noël.


Parmi les mesures les plus impopulaires de ce « paquet législatif » figure la ratification de l'accord de libre échange (Free Trade Agreement, FTA) avec les Etats-Unis. Il s'agissait d'un engagement pris par Lee Myung-bak, au printemps 2008, lorsqu'il avait été reçu comme l'hôte personnel du président George W. Bush.


Par ailleurs, Lee Myung-bak entend limiter la liberté de manifestation et la liberté d'expression : sont ainsi prévues l'interdiction pour les manifestants de porter des masques au cours des rassemblements, l'interdiction des plaintes collectives et, enfin, des peines de prison pour les internautes qui auraient été reconnus coupables de diffamation. En matière de liberté d'expression, la Corée du Sud possède pourtant un des arsenaux répressifs les plus complets parmi les régimes dits de démocratie parlementaire : la loi de sécurité nationale, instituée par le président Syngmann Rhee en décembre 1948, officiellement pour prévenir la subversion anticommuniste, a été utilisée pendant longtemps pour bâillonner l'opposition. Après la chute du régime militaire en 1987, le Grand parti national de l'actuel président Lee Myung-bak s'était battu avec succès contre l'abrogation de la loi de sécurité nationale, qui a ainsi pu être invoquée pour réprimer les manifestations du printemps 2008. Face toutefois à la montée en puissance médiatique d'Internet, qui a servi de relais aux manifestants du printemps 2008, l'administration Lee Myung-bak a imaginé le nouveau délit de diffamation sur la Toile.


Enfin, le « paquet législatif » envisage que les groupes de presse ou les conglomérats puissent contrôler les diffuseurs audiovisuels. Tous les principaux titres de la presse quotidienne nationale sud-coréenne, de sensibilité conservatrice, sont traditionnellement favorables au Grand parti national du Président Lee Myung-bak.


S'appuyant sur l'impopularité de l'exécutif, le Parti démocratique (opposition, centriste) veut empêcher coûte que coûte l'adoption de ces réformes législatives. Selon le président du Parti démocratique, Chung Sye-kyung, la résistance au Parlement doit s'opérer « par tous les moyens et à n'importe quel prix » : après un blocage pendant quinze jours du bureau du Président du Gukhoe (l'Assemblée nationale sud-coréenne), le 3 janvier dernier, 200 agents de sécurité ont essayé de déloger plusieurs dizaines de députés du Parti démocratique, qui bloquaient l'accès au Parlement. Plusieurs personnes ont été blessées.


Après un blocage pendant douze jours de l'accès au Parlement, le 5 janvier 2009, l'engagement du Président du Gukhoe, Kim Hyong-o, de rechercher un accord trans-partisan sur les projets de loi les plus controversés a ouvert la voie à une reprise de l'examen parlementaire. Les textes de caractère économique, y compris la ratification de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis (pour lequel l'accord des parlementaires américains n'est pas acquis), ne devraient pas être adoptés avant février. (Sources : AAFC ; Philippe Mesmer, « Le Parlement sud-coréen en état de siège », in Le Monde, 3 janvier 2009, p. 6 ; Le Journal du Dimanche, édition du 4 janvier 2009, d'après l'AFP)

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15 novembre 2008 6 15 /11 /novembre /2008 23:31

Longtemps divisée entre de multiples organisations contraintes à la clandestinité, la gauche légale sud-coréenne s'est regroupée en 2000 dans le Parti démocratique du travail, avant la scission du Nouveau parti progressiste en début d'année 2008. L'AAFC a souhaité revenir sur l'histoire et les perspectives de la gauche politique en Corée du Sud.

Si la droite et le centre ont dominé presque exclusivement la vie politique en Corée du Sud depuis la fondation de la République de Corée en 1948, la démocratisation progressive du pays après 1987 a permis l'expression légale de partis de gauche, même si les organisations ouvertement favorables aux idées du juche restent toujours interdites à Séoul, en application de la loi de sécurité nationale qui réprime les contacts avec le Nord. Parmi celles-ci, le Front démocratique national anti-impérialiste, issu de la fusion en 1985 du Parti révolutionnaire pour la réunification et du Parti de libération stratégique, a des représentations au Nord de la péninsule et au Japon.

Après la répression du
soulèvement de Kwangju en 1980, les mouvements universitaires, étudiants et syndicaux de gauche se développent dans l'opposition au régime militaire. Leurs dirigeants, souvent inspirés par le marxisme, sont identifiés par leur appartenance à deux courants : Libération nationale (ou NL, National Liberation), qui étudie clandestinement les idées socialistes du juche élaborées par le président Kim Il-sung de la République populaire démocratique de Corée, met l'accent sur la réunification de la patrie et le départ des troupes américaines du sud de la péninsule, tandis que Démocratie populaire (acronyme anglais : PD) insiste principalement sur les antagonismes de classe, ses dirigeants étant particulièrement actifs dans les syndicats ouvriers.

Dès ses origines, la gauche sud-coréenne a ainsi été fortement soumise à des influences que les politologues occidentaux qualifieraient de nationales ou nationalistes, et qui avaient déjà marqué d'autres courants historiques du mouvement ouvrier coréen, notamment
l'anarchisme. Par ailleurs, si la distinction NL/PD aide à comprendre les conflits de tendances au sein de la gauche coréenne, il n'existe alors pas de courant structuré et les préoccupations sociales et nationales se retrouvent chez les différentes tendances. En particulier, le courant NL s'implique plus fortement en direction des syndicats à partir des années 1990.

La création du Parti démocratique du travail (PDT), en 2000, à partir d'un premier regroupement politique opéré dès 1997, réunit les différentes tendances de la gauche coréenne : au sein du PDT, le courant "Indépendance", héritier de NL, se distingue du courant "Egalité", qui succède à PD. La Confédération coréenne des syndicats (KCTU, pour Korean Confederation of Trade Unions), née de l'opposition au syndicalisme d'accompagnement de l'ancien régime militaire, a des liens étroits avec la nouvelle formation politique. Un certain nombre de membres de la fraction NL ayant initialement choisi de rester en dehors du PDT, le courant "Indépendance" ne devient majoritaire dans le nouveau parti politique qu'à partir de 2004, au fur et à mesure que le PDT regroupe le plus grand nombre des militants de la gauche légale coréenne.

D'autres héritiers de PD ont refusé l'intégration dans le PDT, jugé trop nationaliste : ils sont à l'origine du Parti socialiste coréen, à la fois anticapitaliste et très critique vis-à-vis du Nord, dont le candidat Geum Min n'a réuni que 18.000 voix à l'élection présidentielle de décembre 2007.

Les déceptions nées de la politique économique libérale du président Roh Moo-hyun, au pouvoir entre 2002 et 2007, encouragent l'essor du PDT. Malgré un mode de scrutin à très forte dominante majoritaire, le PDT décroche 10 sièges de députés (sur un total de 299) aux élections législatives de 2004, après avoir recueilli plus de 13 % des voix. Affaibli par des scissions au sein de sa propre formation politique, Roh Moo-hyun a besoin de l'appui du PDT, qui parvient ainsi à peser sur les orientations politiques nationales, en refusant notamment l'ouverture à la concurrence du marché agricole.

Toutefois, la question nationale ravive les tensions internes, sur trois sujets :

- la
souveraineté coréenne sur les îles Dokdo : alors le courant "Indépendance" insiste sur cette question, le courant "Egalité" souhaite éviter tout risque de confrontation armée ;

- l'essai nucléaire nord-coréen d'octobre 2006 : si nombre de membres du courant "Indépendance" tendent à estimer qu'il s'agit d'une garantie pour la sûreté de l'ensemble de la péninsule, en tant qu'outil de dissuasion face à l'intransigeance américaine vis-à-vis de la RPD de Corée, "Egalité" reste sur une position de principe hostile à l'arme nucléaire ;

- l'arrestation, en 2007, du secrétaire général adjoint du PDT, accusé par le gouvernement d'espionnage au profit du Nord : tout en étant hostile à une criminalisation des opinions favorables aux idées du juche comme une atteinte à la liberté d'expression, le courant "Egalité" estime nécessaire l'indépendance vis-à-vis de la RPD de Corée.

Dans ce contexte, le score décevant  (3 %) du député et ex-syndicaliste Kwon Young-ghil à l'élection présidentielle de décembre 2007, qui avait été plusieurs fois candidat au poste de chef de l'Etat, accélère les tendances centrifuges. Début 2008, le Nouveau parti progressiste (NPP), formé de membres du courant "Egalité", naît d'une scission du PDT. Il regroupe 15.000 membres, contre 70.000 pour le PDT. Par ailleurs, Corea21, qui publie une revue éponyme, est devenue l'une des premières fractions organisée en tant que telle au sein du PDT.

Aux
élections législatives, malgré la division et un contexte électoral favorable aux conservateurs, la gauche parlementaire coréenne réunit 9 % des voix, marquant ainsi son ancrage durable sur la scène politique. Avec près de 6 % des suffrages exprimés, le PDT conserve une représentation parlementaires (5 députés, dont 2 élus au scrutin majoritaire et 3 à la proportionnelle). En revanche, le NPP échoue de peu sous la barre des 3 %, requise pour obtenir des sièges au scrutin proportionnel.

Si le poids de la KCTU témoigne de la prégnance de la gauche syndicale, longtemps interdite, la gauche politique sud-coréenne doit encore capitaliser en voix le mécontentement social contre la politique du président conservateur Lee Myung-bak. En butte à la
répression, elle est l'un des fers de lance de l'opposition à la reprise des importations de boeuf américain, à l'origine des plus importantes manifestations en Corée depuis 1987.  

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17 août 2008 7 17 /08 /août /2008 19:02

En voulant changer le thème des célébrations du 15 août, le gouvernement de Corée du Sud a provoqué la colère de l'opposition. Traditionnellement, les manifestations du 15 août commémoraient la libération de la Corée, le 15 août 1945. Cette année, c'est le soixantième anniversaire de la fondation de la République de Corée (Corée du Sud) qui est mis en avant, un changement reproché au gouvernement sud-coréen accusé de vouloir "déformer l'histoire".


Le 15 août 2008, trois partis sud-coréens d'opposition, le Parti démocratique, le Parti démocratique du travail et le Parti du renouveau de la Corée, ont décidé de boycotter les manifestations organisées par le gouvernement pour le 60eme anniversaire de la fondation de la République de Corée (du Sud). Ces trois partis on préféré célébrer le Jour de la Libération par un pélerinage sur la tombe de Kim Ku, un des dirigeants du mouvement pour l'indépendance de la Corée pendant la colonisation japonaise et partisan de la réunification de la péninsule coréenne.


Aucune des manifestations organisées par le gouvernement n'a pour thème la réunification ou la réconciliation avec la Corée du Nord. En 2005, sous l'administration de l'ancien président Roh Moo-hyun, la Corée du Sud et la Corée du Nord avaient organisé des célébrations à grande échelle pour le 60eme anniversaire de la Libération de la Corée. De nombreux événements sportifs et artistiques avaient marqué cet anniversaire dans les deux pays qui montraient ainsi leur espoir d'une réunification. Rien de tel cette année.


En désignant le 15 août comme le jour du 60eme anniversaire de la Fondation de la République de Corée, le gouvernement de Séoul a chosi de célébrer un événement uniquement sud-coréen, ne laissant aucune place à des discussions sur la réunification ou la réconciliation avec le Nord, ce qui a provoqué de vives réactions de l'opposition.


Le président du Parti démocratique, Chung Sye-kyun, a ainsi affirmé que "l'histoire ne peut être modifiée par quelques personnes." Il a dit vouloir "faire obstacle aux projets du gouvernement visant à déformer l'histoire en changeant le Jour de la Libération en Jour de la Fondation."


Le président du Parti démocratique du travail, Kang Ki-sap a relevé que "l'administration du président Lee Myung-bak a nié unilatéralement l'histoire de la lutte du pays pour l'indépendance nationale et la réunification sans consulter le public."


Enfin, le président du Parti du renouveau de la Corée, Moon Kook-hyun, a appelé le gouvernement à présenter ses excuses. "Les dirigeants impliqués dans cette affaire devraient s'excuser auprès du peuple et y remédier", a-t-il dit.


Le 13 août 2008, à Séoul, réunion de la Conférence nationale pour la démocratie et la réunification pour dénoncer

l'organisation par le gouvernement de cérémonies pour le 60eme anniversaire de la fondation de la République de Corée

le 15 août, une date où est traditionnellement célébrée la libération de la Corée du pouvoir colonial japonais.

(photo : Hankyoreh)


Les partis de l'opposition ont également minimisé la portée du discours prononcé par le président Lee à l'occasion du 15 août. Une "belle promesse électorale tout droit sortie des années 60", selon eux.


Pour Choi Jae-sung, porte-parole du Parti démocratique, "les promesses de réunification resteront vides tant que le gouvernement ne changera pas sa politique vis-à-vis de la Corée du Nord. Quant à ses propos insistant sur la sécurité alimentaire, ils n'étaient pas convaincants car aucun effort n'a été fait pour lever les inquiétudes sur la maladie de la vache folle et le boeuf américain."


Park Seug-heup, porte-parole du Parti démocratique a, lui, décrit le discours du président Lee comme de la "rhétorique criarde manquant de contenu."


Environ 500 personnes membres d'organisations civiles et religieuses se sont réunies près du mémorial dédié à Kim Ku pour marquer le 63eme anniversaire de la Libération. Elles appartenaient notamment au Conseil coréen pour la réconciliation et la coopération, à Juristes pour une société démocratique, à Solidarité populaire pour une démocratie participative et à l'Alliance coréenne des mouvements progressistes. Toutes ces organisations ont publié une déclaration pour dénoncer la tentative du gouvernement sud-coréen de remplacer la commémoration de la Libération de la Corée par une célébration de la fondation de la République de Corée :


"La première loi constitutionnelle ainsi que la loi constitutionnelle actuelle exposent clairement que la République de Corée succède au Gouvernement provisoire de la République de Corée formé après le Mouvement pour l'indépendance du 1er mars 1919. L'organisation d'un 'Jour de la Fondation' est une négation de l'histoire du mouvement pour l'indépendance et de la mission que représente la réunification pacifique. Ainsi, le gouvernement perpétue la division de la péninsule coréenne.


Le gouvernement devrait prendre des mesures plus spécifiques et concrètes pour la normalisation des relations inter-coréennes en rétablissant les visites dans les monts Kumgang et en s'engageant à mettre en oeuvre les déclarations des sommets du 15 juin [2000] et du 4 octobre [2007]."


Dans un communiqué distinct, ces mêmes organisations ont également lancé un appel au gouvernement japonais :


"Le Japon devrait présenter des excuses à notre peuple pour les pertes humaines et matérielles occasionnées et apporter réparation. Le Japon ne doit plus chercher à déformer l'histoire, à s'emparer des îles Dokdo, et à réprimer les Coréens du Japon."


Mais, cette année, ce ne sont pas seulement la pertinence et la légalité des manifestations du 15 août qui sont mises en cause.


Parmi les manifestations organisées par le gouvernement sud-coréen, figure une exposition inaugurée le 5 août sous le parrainage des Archives nationales de Corée, qui dépendent du ministère de l'Administration publique et de la Sécurité. Cette exposition entend décrire l'histoire de la Corée du Sud depuis soixante ans, mais n'évoque pas le soulèvement de juin 1987, un événement majeur de l'histoire sud-coréenne qui a restauré la démocratie.


En outre, l'exposition n'offre que de maigres informations sur les deux soulèvements pro-démocratiques de 1960 et 1980, tout en couvrant largement la formation du gouvernement du premier président sud-coréen, Syngman Rhee, ainsi que l'action de l'ancien président Park Chung-hee pour le développement de l'économie. "Cette exposition veut fournir des informations factuelles sans parti pris politique", affirme le ministère de l'Administration publique et de la Sécurité, ajoutant que "les Archives nationales de Corée ne disposent d'aucune information sur le soulèvement de juin..." (source : Hankyoreh)


Syngman Rhee, premier président sud-coréen (1948-1960), s'adresse à l'actuel président Lee Myung-bak :
"Le 'Jour de la Fondation' ! Est-ce que vous ignorez la Constitution?"

Derrière eux, les collaborateurs du pouvoir colonial japonais et les anciens dictateurs se réjouissent.

(dessin paru le 15 août 2008 dans le quotidien Hankyoreh)

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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 14:51

Les manifestations contre la décision de l'administration Lee Myung-bak de réouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain et, plus largement, contre la politique du président conservateur sud-coréen, ont atteint un nouveau cap dans la soirée du mardi 10 juin 2008 : des centaines de milliers de Coréens ont défilé aux chandelles à Séoul et dans soixante-dix autres villes. Elu il y a moins de six mois, Lee Myung-bak cherche un échappatoire dans la formation d'un nouveau gouvernement, sans envisager de changement de cap politique.

Une vague géante, sans précédent depuis les manifestations pour la démocratie en juin 1987 : la presse a multiplié les superlatifs pour décrire l'ampleur de la mobilisation contre la décision du président sud-coréen Lee Myung-bak de réouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain. Le défilé aux chandelles a réuni des centaines de milliers de manifestants dans les rues de Séoul (700.000 selon les organisateurs, 70.000 selon la police, 400.000 à 600.000 selon les médias), dans la soirée du mardi 10 juin 2008, alors que le matin même le gouvernement avait présenté sa démission au président Lee Myung-bak. Ce dernier est confronté à une impopularité record (20% de bonnes opinions) pour un chef d'Etat sud-coréen moins de six mois après son élection.

Employés, étudiants, mères de familles, syndicalistes ont également défilé dans 70 villes coréennes, en scandant "Lee Myung-bak dehors !", et en portant des badges caricaturant Lee Myung-bak sous les traits d'un rat. D'autres manifestations ont rassemblé les Coréens vivant en Europe.

Si les revendications se concentrent sur l'absence de révision du risque sanitaire lié à l'encéphalopathie spongiforme bovine, dans la décision de réouverture du marché sud-coréen, elles témoignent en effet d'un rejet plus global de la politique de l'administration Lee Myung-bak. Le mode de gouvernement autoritaire du président Lee, son incapacité à lutter contre la hausse des prix de l'énergie ou à relancer la croissance économique, sont dénoncés non seulement comme des marques d'incapacité, mais aussi comme une remise en cause des acquis démocratiques en Corée du Sud. Selon le Nouveau parti démocratique unifié, principale formation d'opposition, "l'arrogance et l'autosatisfaction de Lee Myung-bak correspondent à un retour en arrière dans le développement de la démocratie en Corée."

Lee Myung-bak envisagerait de nommer à la tête du gouvernement sa principale adversaire au sein de la droite conservatrice, qu'il avait battue lors des primaires pour désigner le candidat à l'élection présidentielle, avant qu'elle ne conduise une liste dissidente (largement devancée) aux élections législatives d'avril 2008 : Mme Park Geun-hye est la fille du général Park Chung-hee, dont le coup d'Etat en 1961 avait mis fin à la démocratie en Corée du Sud, avant que lui-même ne soit assassiné en 1979. (sources : Washington Post, Reuters, AFP, AAFC)

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10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 12:26

Le mardi 10 juin 2008, le gouvernement sud-coréen dirigé par Han Seung-soo a remis sa démission au président Lee Myung-bak, quelque cent jours après l'entrée en fonctions de ce dernier. Un important remaniement ministériel est attendu, alors que les manifestations contre la décision de réouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain devraient rassembler des centaines de milliers de personnes.

La crise politique ouverte par la décision unilatérale de l'administration Lee Myung-bak de réouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain, malgré les risques sanitaires liés à l'encéphalopathie spongiforme bovine, ont pris un tour institutionnel ce mardi 10 juin 2008 : le gouvernement dirigé par Han Seung-soo a remis sa démission au président sud-coréen Lee Myung-bak, dans l'espoir manifestement de désamorcer une crise qui a pris une ampleur inégalée depuis les manifestations pour la démocratisation de la Corée du Sud en 1987.

Lee Myung-bak avait été élu à la présidence de la République le 19 décembre 2007 avec une majorité écrasante, inégalée dans l'histoire de la démocratie sud-coréenne. Quelque cent jours après son investiture, le 25 février 2008, il est confronté à une impopularité sans précédent, seulement 20% des Sud-Coréens lui faisant encore confiance.

Les rassemblements prévus aujourd'hui pourraient réunir jusqu'à un million de personnes dans tout le pays selon les organisateurs (200.000 selon la police), alors que 37.000 policiers anti-émeutes ont été déployés. Renouant avec la tradition anticommuniste de son parti, qui intègre les héritiers du régime militaire, Lee Myung-bak avait accusé, contre toute évidence, la République populaire démocratique de corée (RPDC, Corée du Nord) d'être l'instigatrice des manifestations actuelles. 

Le 9 juin 2008, un manifestant qui avait tenté de s'immoler par le feu pour protester contre l'accord avec les Etats-Unis a succombé à ses blessures. Le gouvernement a dépêché des négociateurs à Washington, tout en affirmant qu'il ne pouvait pas renégocier la décision sur le fond, prise par le président Lee Myung-bak lors de sa visite aux Etats-Unis, où il avait été reçu avec des honneurs inégalés pour un chef d'Etat sud-coréen depuis le rétablissement de la démocratie en Corée du Sud.

Si le porte-parole de la présidence sud-coréenne, Lee Dong-kwan, a précisé mardi qu'aucune décision n'avait encore été prise, les observateurs spéculent sur le départ, dans le prochain gouvernement, des ministres de l'Agriculture, de la Santé et de l'Education, et peut-être des Affaires étrangères et des Finances, signe que la crise actuelle dépasse les seuls enjeux sanitaires. L'autoritarisme du chef de l'Etat et ses promesses non tenues, notamment en termes de croissance économique, sont plus globalement mis en cause par les manifestants. (Sources : AFP, Reuters, AAFC)

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 12:00

Le samedi 31 mai, des dizaines de milliers de manifestants ont protesté, à Séoul, contre la décision du président Lee Myung-bak de réouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain. Une vague de mécontentement sans précédent depuis 20 ans, qui témoigne du divorce consommé entre l'opinion publique et le président pourtant le mieux élu de l'histoire récente de la Corée du Sud.

Le 18 avril 2008, le président sud-coréen Lee Myung-bak, hôte personnel de George W. Bush, avait décidé de réouvrir le marché sud-coréen aux importations de boeuf américain, comme gage de sa volonté de resserrer l'axe Washington-Séoul.

Après la découverte d'un cas de "vache folle" dans l'Etat de Washington. la décision d'embargo avait été prise quatre ans et demi plus tôt, alors que la Corée du Sud constituait le troisième client des Etats-Unis.

Le samedi 31 mai, la manifestation à Séoul, devant l'hôtel de ville, contre une décision personnelle du président Lee Myung-bak a rassemblé 38.000 participants selon les forces de l'ordre, soit quatre fois plus que les jours précédents. Ce rassemblement pacifique avait donné lieu à un encadrement exceptionnel par 11.000 policiers (ci-contre une manifestante à Gwacheon, le 29 mai 2008. Source : Hankyoreh Ilbo). Quelques jours plus tôt, Lee Myung-bak s'était excusé publiquement de ne pas avoir suffisamment écouté l'opinion publique depuis son entrée en fonctions, mais sans changer de ligne politique.

Dans la matinée du 31 mai, 60 manifestants avaient été arrêtés par la police devant le palais présidentiel, alors qu'ils protestaient contre la levée de l'embargo. 

Les organisateurs du rassemblement ont dénoncé une "déclaration de guerre" contre le peuple coréen. Soutenus par l'opposition, ils entendent continuer leurs actions dans la rue tout en demandant à la Cour constitutionnelle de mettre son veto contre une mesure qui porte atteinte au droit à la santé.

Du 18 avril au 30 mai 2008, des veillées aux chandelles ont eu lieu dans 99 villes et villages. Selon certains observateurs, il s'agirait du plus puissant mouvement de protestation en Corée du Sud depuis les grandes luttes de juin 1987 : le mouvement de juin 1987 avait alors contraint le régime militaire à accepter le rétablissement de l'élection du président de la République au suffrage universel direct, sonnant le glas du pouvoir militaire.
(Sources : Associated Press, Hankyoreh Ilbo)

Sur cette carte de la Corée du Sud, les petites flammes indiquent les veillées aux chandelles

qui ont eu lieu entre le 18 avril et le 30 mai 2008 pour protester contre les importations de boeuf américain

(source : Hankyoreh Ilbo)



La manifestation du 31 mai 2008 à Séoul.
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24 mai 2008 6 24 /05 /mai /2008 11:07

Seulement trois mois après son investiture, le président sud-coréen Lee Myung-bak est devenu impopulaire. Celui qui a été surnommé "le bulldozer" a reconnu n'avoir pas assez tenu compte de l'opinion publique. La réouverture de la Corée du Sud au marché du boeuf américain, en cristallisant les mécontentements, a ainsi eu un effet décisif sur la baisse de sa cote de popularité.

Adoptant un style nouveau, le président sud-coréen Lee Myung-bak a choisi la télévision pour exprimer ses regrets de ne pas avoir suffisamment écouté l'opinion publique en son début de mandat, moins de cent jours après son investiture.

Mais si la forme change, le fond demeure : les décisions prises sans concertation préalable de celui qui, à la mairie de Séoul, avait été surnommé "le bulldozer", n'ont été modifiées qu'à la marge. En visite aux Etats-Unis, Lee Myung-bak s'était ainsi engagé à la ratification de l'accord de libre-échange (Free Trade Agreement, FTA) avec les Etats-Unis, malgré l'opposition de nombreux secteurs de l'opinion - notamment les milieux du cinéma et les agriculteurs - y compris de certains parlementaires de droite. Il annonçait en particulier la réouverture de la Corée du Sud au marché du boeuf américain, ce qui signifiait la levée des mesures d'interdiction prises en 2003, au moment de la "crise de la vache folle".


En vert foncé, figurent les pays où ont été identifiés

des cas humains de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

En vert clair, figurent les pays où ont été identifiés

des cas d'encéphalopathie spongiforme bovine ("maladie de la vache folle").


Face aux manifestations contre cette décision, prise indépendamment de toute évaluation préalable du risque sanitaire, l'administration Lee Myung-bak n'a concédé qu'un report de la date de réouverture du marché coréen, tandis que la cote de popularité du chef de l'Etat plongeait. Dans le même temps, la Corée du Sud a accueilli les premières d'importations d'OGM américains.

A la télévision, Lee Myung-bak a fait état de l'engagement écrit du gouvernement américain sur le risque sanitaire lié à la crise de la vache folle. Il a également réaffirmé sa conviction que le libre-échange était, selon lui, une nécessité pour une économie aussi ouverte que la Corée du Sud, en avançant le chiffre de "300.000 emplois" que créerait immédiatement la ratification de l'accord de libre-échange. Pendant sa campagne électorale, Lee Myung-bak s'était déjà engagé sur des taux de croissance chiffrés, avant de devoir les réviser, remettant en cause son volontarisme. Au demeurant, l'accord de libre-échange doit franchir la double étape d'une ratification par le Congrès américain et le Gukhoe sud-coréen.

Par le passé, des prédécesseurs de Lee Myung-bak ont joué la carte de l'ouverture vis-à-vis de la Corée du Nord pour franchir un cap d'impopularité, comme cela a notamment été le cas du général Park Chung-hee au début des années 1970. Lee Myung-bak a manifesté certains signes d'infléchissement en ce sens, mais il faudra davantage qu'un changement de style pour espérer de nouveaux progrès dans le dialogue intercoréen.  (Sources : Asia Times Online, AAFC)

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