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23 septembre 2023 6 23 /09 /septembre /2023 09:58

Le 21 septembre 2023, l'Assemblée nationale sud-coréenne a levé l'immunité parlementaire de Lee Jae-myung, qui dirige la principale formation d'opposition, le Parti démocrate (centre-gauche). Le vote survenu a une assez nette majorité (149 voix pour la destitution, 136 contre) a été une surprise dans la mesure où les démocrates disposent d'une majorité parlementaire de 168 sièges (sur 298). Battu d'une courte tête par le président Yoon Seok-yeol à l'élection présidentielle de 2022, Lee Jae-myung est hospitalisé depuis le 18 septembre après avoir engagé une grève de la faim il y a plus de trois semaines. Il dénonce une cabale politico-judiciaire. 

Lee Jae-myung sur son lit d'hôpital, le 21 septembre 2023

Lee Jae-myung sur son lit d'hôpital, le 21 septembre 2023

S'il y a un pays démocratique où le concept de guerre du droit (lawfare) a un sens, c'est bien la République de Corée (Corée du Sud). Alors que les juges penchent nettement du côté conservateur de l'échiquier politique, les anciens présidents - conservateurs ou démocrates - sont presque systématiquement visés par la justice à la fin de leur mandat, directement ou via leurs proches. L'ancienne présidente Park Geun-hye a ainsi écopé d'une très lourde peine qui dépassait manifestement les griefs de corruption lui étant imputés. Depuis, l'ancienne chef de l'Etat a été libérée. Signe du rapport ambigu entre justice et politique en Corée du Sud, le procureur général qui avait joué un rôle important dans son emprisonnement, Yoon Seok-yeol, a ensuite choisi de s'engager en politique du côté de l'opposition conservatrice (et du parti sous les couleurs duquel avait été élue la présidente Park), alors qu'il était jusqu'alors réputé indépendant, ce qui avait favorisé sa carrière sous des administrations démocrates. Born again comme conservateur assumé, Yoon Seok-yeol a accédé à la magistrature suprême en mai 2022. Et il a choisi, sept mois plus tard, de gracier son prédécesseur (conservateur) Lee Myung-bak (président de 2008 à 2013), qu'il avait lui-même fait envoyer en prison comme procureur...

Dans ce contexte, Lee Jae-myung dénonce une instrumentalisation de la justice à des fins politiques, alors que les procédures s'accumulent contre l'ancien avocat, défenseur des droits de l'homme et des minorités, notamment pour des faits supposés de corruption remontant à l'époque où il était maire de Seongnam, avant 2018. 

Lee Jae-myung justifie sa grève de la faim par la dégradation de l'économie sud-coréenne, la gestion par l'Etat du rejet des eaux radioactives de la centrale nucléaire de Fukushima ou encore la dégradation des relations intercoréennes qu'il impute aux choix diplomatiques du Président Yoon.  

Le vote surprise de levée de l'immunité parlementaire de Lee Jae-myung a suscité la stupeur et la colère parmi ses partisans. il révèle les divisions chroniques du Parti démocrate, où les luttes de factions l'ont souvent emporté sur l'intérêt du camp progressiste, et s'inscrit dans la préparation des élections législatives d'avril 2024, pour lesquelles les démocrates sont favoris. Si l'état de santé de Lee Jae-myung le permet, il pourrait être arrêté dès la semaine prochaine, le 27 septembre 2023. 

Presque en même temps, un autre vote du Parlement a censuré - pour des motifs politiques - le Premier ministre Han Duck-soo, indépendant proche des conservateurs. Mais dans le régime présidentiel sud-coréen, le chef de l'Etat n'est nullement tenu de nommer un chef de gouvernement issu de la majorité parlementaire et ayant la confiance de l'Assemblée nationale. De fait, aucun observateur ne s'attend, à Séoul, à ce que le président Yoon tire les conséquences de ce vote de défiance en procédant à la destitution de son Premier ministre : il a le droit de s'y opposer.


MAJ : le 27 septembre 2023, la Cour centrale du district de Séoul a rejeté la demande du parquet de placer en détention provisoire Lee Jae-myung.

Sources : 

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commentaires

D
Bonjour,<br /> Je suppose que l'auteur de l'article a voulu dire "une assez faible majorité" car il n'a manqué que 13 voix pour obtenir le refus de l'immunité parlementaire. Rien d'étonnant, pour moi, qu'un parti de "centre-gauche" compte des ventres-mous dans ses rangs. Nous avons les mêmes à la maison. Malheureusement, les "centre-gauche" sont des produits recyclables permettant de maintenir la droite en place de façon durable.
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A
13 voix dans un Parlement de 300 sièges (quant tous sont pourvus) n'est pas si insignifiant... c'est une question de point de vue

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