Il y a bien deux France et deux Corée (du Sud) qui se sont retrouvées face à face ces derniers jours. Côté cour, du 1er au 4 juin 2016, Mme Park Geun-hye a effectué une visite d'Etat en France - et a été reçue avec tous les honneurs dus à son rang par le Président François Hollance. Côté rue, une manifestation a été organisée place Saint-Michel, à Paris, le 3 juin, par le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), en présence de représentants d'organisations sud-coréennes frappées par la répression à Séoul : l'Alliance coréenne et "Jeunes de gauche". L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), qui a soutenu la manifestation du CILD, revient sur cette dichotomie qui révèle deux conceptions différentes de la diplomatie française et des droits de l'homme.
Au plan protocolaire, rien n'a manqué à la visite d'Etat en France de la Président sud-coréenne Mme Park Geun-hye : réception à l'Elysée, dîner d'Etat (et toast porté en son honneur), conférence de presse conjointe avec le Président François Hollande, et pour finir un tour rapide à Grenoble, où elle avait étudié six mois en 1974 - occasionnant accessoirement quelques embouteillages, les mêmes embouteillages qui - ironie du sort - servent de prétexte à restreindre la liberté de manifestation en Corée du Sud.
Mais de quoi ont bien pu parler M. Hollande et Mme Park ? De la situation politique en Corée du Sud, où Mme Park Geun-hye refuse de reconnaître sa défaite aux élections législatives du 13 avril 2016, en changeant de gouvernement et - accessoirement, si l'on peut dire - de ligne politique ? De juteux contrats économiques ? De coopérations culturelles, sportives, artistiques, dans le prolongement de l'année croisée France-Corée du Sud, qui coïncide avec le 130e anniversaire de l'établissement en 1886 des relations diplomatiques (qui, soit dit en passant, ont surtout été une ouverture forcée de la Corée sous l'effet de la politique de la canonnière) ? Il y a certes eu quelques contrats signés (notamment dans le domaine des nouvelles technologies, où les Sud-Coréens excellent), mais l'essentiel était ailleurs, si l'on s'en tient du moins aux thèmes abordés lors de la conférence de presse conjointe de François Hollande et Park Geun-hye : les deux chefs d'Etat ont surtout parlé d'un pays tiers, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Selon l'éclairant communiqué de l'agence de presse officielle sud-coréenne Yonhap,
La Corée du Nord est soumise aujourd’hui aux plus lourdes sanctions onusiennes pour son quatrième essai nucléaire et son lancement de fusée à longue portée du début de l'année. Elle continue toutefois à rejeter l’appel de la communauté internationale pour l'abandon de son programme nucléaire qu'elle considère comme un moyen de dissuasion contre la soi-disant politique hostile de Washington à son encontre.
En outre, Park et Hollande ont déclaré qu'ils mettront en œuvre de façon exhaustive les sanctions onusiennes contre le Nord et prendront des mesures additionnelles, si nécessaire, pour s'assurer que la Corée du Nord abandonne son programme nucléaire et s'engage sur la voie d'un changement véritable, selon le communiqué conjoint publié après le sommet.
Les deux pays ont enjoint la Corée du Nord d'améliorer la situation des droits de l'Homme en son sein et se sont dit inquiets de cette dernière.
Des tensions dans la péninsule coréenne ? Selon ce communiqué, elles sont entièrement imputables à la Corée du Nord et il n'y aurait pas de politique hostile de Washington à l'encontre de Pyongyang. Si c'est réellement ce qui a été dit, rarement la France se sera alignée aussi étroitement sur les positions des néoconservateurs américains et sud-coréens en matière de politique étrangère. Ou M. Hollande se serait-il converti aux délires néoconservateurs va-t-en-guerre de ceux qui, hier, lançaient la guerre d'Irak en 2003, avec ces centaines de milliers de morts, ce qui a créé le terreau fertile où a ensuite prospéré le radicalisme islamiste djihadiste ?
Que M. Hollande s'inquiète des droits de l'homme au Nord est son libre choix, mais a-t-il eu au moins un mot pour les prisonniers politiques sud-coréens, dont l'un d'eux, Mme Kim Hye-young, est en train de mourir après avoir engagé une grève de la faim car elle ne reçoit pas de traitement approprié en prison ? Rien ne permet de penser que M. Hollande ait eu le moindre mot sur les atteintes gravissimes aux libertés démocratiques en Corée du Sud, alors que la lettre que lui a adressé Jean Salem, président du CILD, sur la libération des prisonniers politiques en Corée du Sud n'a même pas reçu un accusé de réception. Parler du Nord tout en fermant les yeux sur ce qui se passe au Sud, c'est adopter le point de vue des réactionnaires sud-coréens qui, hier tuaient des milliers d'opposants, aujourd'hui les emprisonnent et les torturent (avant de les tuer à nouveau ?) en arguant de la menace nord-coréenne et de la situation des droits de l'homme dans le Nord de la péninsule.
De la même façon qu'il honorait le ministre de l'Intérieur saoudien de la légion d'honneur, M. François Hollande a tenu à distinguer Mme Park Geun-hye : pour la première fois, un chef d'Etat étranger a été honoré du titre de doctor honoris causa par l'Université de médecine Pierre et Marie Curie, pour sa contribution (on ne rit pas) au développement, entre autres, de l'économie créative. Ceci n'a aucun rapport avec la médecine ? Ce n'est pas grave : il faut bien satisfaire les caprices de Mme Park, qui aurait tant aimé poursuivre des études en France.
Mais il y a une autre France, et une autre Corée du Sud : une France et une Corée du Sud qui, elles, se situent résolument du côté de la défense de la paix en Corée en favorisant le dialogue et pas la guerre, et de la libération des prisonniers politiques et de la fin de la répression contre les militants politiques et syndicaux.
La France et la Corée du Sud qui résistent à la guerre et refusent le fascisme manifestaient le soir du vendredi 3 juin 2016, à la fontaine Saint-Michel dans le sixième arrondissement de Paris, à l'appel du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, qui a établi un compte rendu détaillé. Ils n'étaient pas seuls, l'appel à manifester ayant été reproduit sur la page Facebook du Mouvement de la paix, et sur d'autres sites (notamment Mouvement communiste) tandis qu'un article de Lina Sankari dans L'Humanité, intitulé "A Paris, Séoul vend son capitalisme autoritaire", a repris les analyses du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), explicitement cité, sans malheureusement rappeler la date et le lieu de la manifestation, ni indiquer le site du CILD (l'article sur Internet n'étant lui qu'en version payante). Pour défendre les libertés démocratiques en Corée du Sud et stopper une dérive libérale (en économie) - autoritaire (en politique), l'AAFC appelle plus que jamais à rejoindre le CILD, face à une situation dont l'urgence est chaque jour plus avérée.
Site officiel de la Présidence de la République Française : l'actualité du Président François Hollande, ses discours, son agenda, son portrait, la visite en vidéo du Palais de l'Élysée, le...
La présidente de la République de Corée (Corée du Sud), Mme Park Geun-hye, est en visite en France du 1er au 4 juin 2016, dans le cadre des "années croisées France-Corée" (du Sud). Dans ce contexte, et alors que les autorités publiques françaises qui se disent si soucieuses des droits de l'homme en Corée du Nord ne trouvent rien à dire quant aux atteintes aux libertés publiques grandissantes en Corée du Sud, le Comité international pour les libertés politiques en Corée du Sud (CILD) appelle à manifester place Saint-Michel, à Paris, le 3 juin 2016 de 19h à 21h, pour protester contre la répression politique et antisyndicale et appeler à la libération de tous les prisonniers politiques. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a relayé l'appel du CILD, apportant son plein soutien à cette initiative. Parmi les prisonniers politiques sud-coréens, une femme, Mme Kim Hye-young, arrêtée 26 juillet 2015, qui souffre d'un cancer de la thyroïde et ne reçoit pas un traitement approprié en prison, ce qui est contraire aux engagements internationaux de la Corée du Sud quant au traitement des prisonniers. Pour faire connaître le cas emblématique de Kim Hye-young au plus grand nombre, ses compagnons de lutte ont retracé son histoire dans une petite bande dessinée que l'AAFC reproduit ci-après.
Pour sauver Kim Hye-hyoung, faites parvenir le plus vite possible des appels aux destinataires mentionnés ci-après, en coréen, en anglais ou dans votre propre langue :
- exhortez les autorités sud-coréennes à abandonner les poursuites dans cette affaire et à libérer immédiatement et sans condition Kim Hye-young et les autres membres de l'Alliance coréenne pour une réunification indépendante et la démocratie qui n’ont fait qu’exercer légitimement leurs droits aux libertés d’expression et de réunion pacifique;
- dans l’attente de sa libération, appelez-les à autoriser immédiatement cette femme à recevoir les soins médicaux dont elle a besoin en dehors de la prison, sans ingérence indue;
- demandez-leur de cesser de recourir arbitrairement à la Loi relative à la sécurité nationale et de veiller à ce que les libertés d’expression, d’opinion et d’association soient pleinement respectées et protégées.
Le 19 décembre 2014, la Cour constitutionnelle de la République de Corée (Corée du Sud) a prononcé l'interdiction du Parti progressiste unifié (PPU). En elle-même une telle mesure est d'une ...
En décembre 2014, l'interdiction du principal parti de gauche en Corée du Sud - le Parti progressiste unifié (PPU) - dans des conditions contraires aux principes démocratiques, a soulevé une tempête de protestations. Dans ce contexte, des personnalités françaises et d'autres pays ont constitué, à Paris, le 22 janvier 2015, un Comité d'initiative contre la répression politique en Corée du Sud, devenu, le 1er avril 2015, le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD). Des membres de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) ont immédiatement rejoint la nouvelle organisation internationale. L'AAFC appelle toutes celles et tous ceux qui sont attachés aux droits de l'homme et aux libertés publiques à rejoindre le CILD.
Rencontre à Paris, le 21 mai 2016, avec Jin Yongha, secrétaire général de l'Association des travailleurs, et Mme Yang Goeun, co-présidente de l'Alliance coréenne pour la réunification indépendante et la démocratie, qui ont témoigné sur la répression contre les militants politiques et syndicaux en Corée du Sud
En un peu plus d'un an d'existence, le CILD, présidé par le Professeur Jean Salem, a déjà un solide bilan : présent dans toutes les manifestations en France pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, y compris dans le soutien aux familles des victimes des naufrages du Sewol, le CILD a aussi organisé des activités qui lui sont propres : manifestation à Paris pour la libération des prisonniers politiques et contre la loi "antiterroriste", rencontres-témoignages avec des militants victimes de la répression, pétition pour exiger la libération de Park Rae-gun, militant historique des droits de l'homme poursuivi pour avoir soutenu les victimes du naufrage du Sewol...
Face à la chape de plomb qui s'abat sur les libertés publiques en Corée du Sud, l'AAFC appelle à contacter le CILD en écrivant à solidaritefrancecoree@yahoo.fr, et en signant la pétition contre l'interdiction du PPU - dont les signataires sont associés à l'ensemble des activités du CILD.
C'est une histoire aussi sinistre que rocambolesque qui a eu lieu en France et a impliqué les services de renseignement sud-coréens : en octobre 1979, l'ancien chef de l'Agence centrale de renseignement de Corée (du sud), la KCIA – prédécesseur de l'actuel Service national de renseignement (NIS)-, fut enlevé à Paris et éliminé par des agents aux ordres du régime sud-coréen de l'époque. Depuis 1979, malgré la mise en place d'une commission d'enquête en 2004, le mystère demeure sur les circonstances précises de cette affaire. Celle-ci est autant l'affaire d'une élimination, dans des conditions que certains qualifieront de « mafieuses », d'un ancien ami devenu gênant que l'affaire des différentes versions savamment distillées pour semer la confusion dans le public. Mais, malgré le brouillard volontairement entretenu, les services de renseignement sud-coréens apparaissent comme une organisation agissant selon le bon vouloir d'un régime alors dictatorial plutôt que selon la loi, en cumulant de manière exceptionnelle les compétences de la CIA et du FBI américains. Ainsi, en 1979, pour répondre aux besoins du régime sud-coréen aux abois, la KCIA a agi au mépris de la souveraineté d'un pays étranger – en l'occurrence la France – et même de la réputation internationale et de l'intérêt national de la République de Corée (du Sud).
L'ancien directeur de la KCIA, Kim Hyung-wook, lors de sa déposition devant la Chambre des représentants des Etats-Unis, en juin 1977
Né en 1925, Kim Hyung-wook dirigea de 1963 à 1969 l'Agence centrale de renseignement de Corée (Korea Central Intelligence Agency, ou KCIA, nom de l'agence sud-coréenne de renseignement entre 1961 et 1981), se montrant d'une fidélité sans bornes à l'égard du général Park Chung-hee, à la tête de la Corée du Sud de 1961 à 1979 et père de l'actuelle présidente sud-coréenne Park Geun-hye. En particulier, Kim Hyung-wook pilota en 1967 l'enlèvement de 17 citoyens sud-coréens résidant en Allemagne de l'Ouest d'où ils furent rapatriés à Séoul pour y être torturés sur des accusations de violation de la loi de sécurité nationale sud-coréenne et d'activités pro-Corée du Nord. Cet enlèvement faillit provoquer la rupture des relations diplomatique entre la République fédérale d'Allemagne et la Corée du Sud.
Puis Kim Hyung-wook tomba en disgrâce, prit ses distances avec le régime de Park Chung-hee, et, finalement, se réfugia aux Etats-Unis en 1973. Pendant son exil américain, il se montra un farouche opposant au régime Park, révélant la corruption et l'oppression de ce dernier. En juin 1977, il témoigna devant la Sous-commission sur les organisations internationales de la Commission sur les relations internationales de la Chambre des représentants (Commission Fraser), enquêtant sur les relations entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Là, l'ancien directeur de la KCIA dévoila notamment la corruption de membres du Congrès américain achetés par Park Chung-hee. En 1979, les mémoires de Kim Hyung-wook furent publiés au Japon, malgré les tentatives du régime Park de les bloquer.
Puis, en octobre 1979, Kim Hyung-wook se rendit en France, à Paris, où il disparut... quelques jours avant l'assassinat de Park Chung-hee par son propre chef des services de renseignement !
Depuis leur création, les services secrets sud-coréens – qu'il s'agisse de l'Agence centrale de renseignement, de l'Agence de planification de la sécurité nationale ou du Service national de renseignement – ont rarement hésité sur les moyens à employer, en Corée et à l'étranger. Ainsi, la KCIA aux ordres du général Park Chung-hee eut souvent recours à l'enlèvement et au meurtre vis-à-vis de ses opposants – dont l'enlèvement du futur président Kim Dae-jung, alors dissident, en 1973. Mais la disparition en 1979, à Paris, d'un ancien chef des services secrets sud-coréens devenu un farouche opposant au régime Park est sans doute l'énigme qui a suscité les hypothèses les plus folles.
Le 15 janvier 1981, parut dans le quotidien français Le Monde un article intitulé « Corée du Sud : un ancien chef des services secrets aurait été enlevé, à Paris, en octobre 1979 puis exécuté par Park-Chung-hee », présentant une version spectaculaire de la disparition de l'ancien chef de la KCIA, soufflée par de mystérieux « opposants sud-coréens » :
M. Kim Hyung-wook se serait mis à fréquenter les maisons de jeux, à Paris, en compagnie de M. Lee Sang-ryul, qui avait gagné sa confiance. Selon les opposants sud-coréens, celui-ci 'administra, alors, un anesthésique à M. Kim, en fit un colis qui passa sans problème à la douane et l'embarqua sur un avion cargo de la KAL (la compagnie aérienne sud-coréenne)', le 7 octobre [1979]. 'Le 16 octobre, poursuivent les opposants, alors qu'éclataient les émeutes de Pusan, M. Kim Hyung-wook, encadré d'agents de la KCIA, était introduit dans une pièce située au sous-sol de la Maison Bleue (la résidence du président)', où l'attendait Park Chung-hee, alors chef de l'Etat, qui devait être assassiné à son tour dix jours plus tard. Après un échange d'invectives 'le président Park exécuta lui-même M. Kim Hyung-wook, tirant à deux reprises sur lui, pratiquement à bout portant, tout en vociférant'.
Dans un reportage diffusé par la chaîne sud-coréenne MBC le 28 novembre 1999, Edwy Plenel, directeur de la rédaction du Monde de 1996 à 2004, dit ne pas en savoir plus sur les sources de l'article du 15 janvier 1981 :
Comment cela a-t-il été écrit à l'époque ? Ceux qui traitaient ces sujets-là sont partis à la retraite ou ont quitté le journal. Donc le chef du service international de l'époque n'est plus au Monde, le responsable du desk Asie - ceux qui traitent les informations à Paris-même - n'est plus là. […] Je pense que c'était un des journalistes du service international, qui était en relation, ici, avec des opposants sud-coréens, qui a recueilli leurs témoignages et qui a donné cette information.
Il fallut attendre 2005, soit 26 ans après les faits, pour qu'émerge une version officielle de la disparition de l'ancien chef de la KCIA. Sans lever toutes les interrogations, loin de là.
En Corée du Sud, pendant la présidence démocrate de l'ancien opposant Roh Moo-hyun, une Commission pour la vérité du Service national de renseignement fut créée, en novembre 2004, dans le but de conduire « des activités de recherche de la vérité concernant l'exercice illégal de la puissance publique par le NIS dans le passé, lequel a contribué à des abus en matière de droits de l'homme et à d'autres activités illégales ». Cette Commission pour la vérité était composée de membres de l'agence de renseignement et d'experts civils. En particulier, il était demandé au NIS de faire « tous les efforts pour gagner la confiance du public et empêcher de tels méfaits de se reproduire ».
Parmi les affaires troubles sur lesquelles devait se pencher la Commission pour la vérité figuraient, entre autres, l'enlèvement de citoyens sud-coréens en Allemagne en 1967, l'enlèvement de l'opposant Kim Dae-jung en 1973, la destruction en vol d'un avion de la compagnie sud-coréenne Korean Air en 1987 et, bien sûr, la disparition de Kim Hyung-wook.
Concernant la disparition de l'ancien directeur de l'agence de renseignement, la presse sud-coréenne se fit largement l'écho de l'enquête avant et après la publication du rapport de la Commission. La perspective d'une élucidation de cette affaire, après tant d'années de supputations diverses, fut perçue par les plus optimistes comme l'occasion de renforcer la démocratie et les droits de l'homme en Corée du Sud. Comme l'écrivait le journal sud-coréen de gauche Hankyoreh dans un éditorial du 19 février 2005 :
L'affaire montre la vérité hideuse et nue d'une dictature qui a utilisé un montant important de fonds publics pour tenter de calmer quelqu'un divulguant ses aberrations et allant finalement jusqu'à l'assassiner pour le faire taire à jamais. Le pays et le peuple étaient tenus à l'écart par une agence de renseignement qui était le fidèle serviteur d'un homme au pouvoir absolu. C'est la confirmation que le pouvoir absolu corrompt absolument.
Toutefois, à mesure qu'approchait la fin de l'enquête de la Commission pour la vérité, les versions de la disparition de Kim Hyung-wook, parfois incohérentes, se multiplièrent dans les médias sud-coréens.
Le 18 février 2005, quelques semaines avant la publication du rapport officiel de la Commission pour la vérité, le supplément mensuel du quotidien sud-coréen conservateur Chosun Ilbo distillait l'information d'un meurtre perpétré par des criminels opérant pour le compte d'agents de la KCIA, suivant une version qu'on peut penser être de nature à plutôt disculper la KCIA (compte tenu de la proximité du quotidien avec les services de renseignement) tout en donnant corps à des rumeurs salissant l'ancien maître espion devenu opposant accusé à demi-mots de vénalité:
L'ancien directeur de la KCIA qui a disparu, Kim Hyung-wook, a été assassiné à Paris en 1979 par une organisation criminelle locale aux ordres d'un agent de la KCIA, rapporte le Monthly Chosun. Il est dit que la KCIA a attiré Kim dans la capitale française où le gang s'est débarrassé de son corps, un service pour lequel il a été payé par l'agent.
La dernière édition du magazine publiée vendredi cite le témoignage de plusieurs anciens hauts responsables de la KCIA et de l'ancien député du Parti démocrate du millénaire Kim Gyeong-je, lequel fut le nègre de l'ancien directeur de la KCIA pour la rédaction de ses mémoires.
Mais l'agent désigné par les anciens responsables de la KCIA comme le cerveau de cette opération des services de renseignement à Paris a refusé de confirmer ces affirmations lors d'une rencontre avec le magazine.
Le magazine a rapporté qu'une actrice a été utilisée pour attirer Kim de son domicile dans le New Jersey à Paris,et que l'agent, se faisant passer pour un étudiant étranger, a guidé Kim dans la capitale française et l'a remis au gang parisien.
Dans un entretien accordé au Monthly Chosun, Kim Gyeong-je a dit que l'ancien chef de la KCIA lui a montré des 'lettres d'amour' envoyées par l'actrice d'origine coréenne juste avant qu'il disparaisse. L'ancien député a déclaré que Kim Hyung-wook est allé à Paris pour la rencontrer.
Plusieurs anciens hauts responsables de la KCIA ont affirmé que l'agent de renseignement est revenu en Corée deux jours après le meurtre. Ils ont dit que les services de renseignement français ne faisaient que suspecter ce qui était arrivé mais ne disposaient pas d'assez d'éléments pour mener une enquête active. Les anciens responsables ont attesté que les services de renseignement sud-coréens, ayant tiré les leçons de l'enlèvement bâclé du dissident Kim Dae-jung [qui sera élu président de la Corée du Sud en 1997], n'étaient pas impliqués eux-mêmes dans l'élimination de Kim. A la place, ils ont embauché un gang français local pour faire le boulot.
Pendant ce temps, Yun Il-gyun, qui était à l'époque le vice-directeur des opérations extérieures de la KCIA, a dit au Monthly Chosun qu'il s'est rendu au domicile de Kim dans le New Jersey en novembre 1978, et, après trois jours de négociations, a obtenu le manuscrit original des mémoires de l'ancien maître espion en échange de 500 000 dollars.
Mais Kim est revenu sur l'accord et a publié ses mémoires au Japon en avril 1979, date à laquelle les opérations ponctuelles destinées à empêcher leur publication ont cessé, a affirmé Yun. Son témoignage met fin à la croyance répandue que la KCIA avait offert à Kim 1,5 million de dollars pour arrêter la publication de ses mémoires, et que Kim est allé à Paris pour récupérer le million de dollars qu'il n'avait pas encore reçu.
Le 11 avril 2005, le magazine sud-coréen Sisa Journal, réputé pour le sérieux de ses analyses, sortit un scoop dans lequel un ancien agent de la KCIA, répondant au nom de Lee, avouait avoir enlevé et assassiné Kim Hyung-wook à Paris dans des conditions particulièrement sordides :
Nous avons enlevé l'ancien chef de la KCIA Kim Hyung-wook à Paris le 7 octobre 1979 dans un restaurant proche d'un casino. Nous surveillions l'entrée du restaurant où Kim avait prévu de rencontrer une actrice coréenne, et nous l'avons enlevé en prétendant être envoyés par l'actrice. Nous avons anesthésié Kim dans une Cadillac, nous l'avons emmené la nuit suivante dans un élevage de poulets situé à quatre kilomètres au nord-ouest de Paris, et nous l'avons jeté dans un broyeur pour en faire de l'aliment pour les volailles.
Au Sisa Journal, l'ancien agent livra aussi des détails sur la préparation et les suites de la mission : en 1978, M. Lee et les autres membres de l'équipe furent envoyés en Israël pour y être entraînés par le Mossad (le service de renseignement extérieur israélien). L'équipe chargée de l'assassinat quitta Israël dans un avion cargo et arriva en Belgique où les attendait une voiture pour les conduire à Paris. Ils restèrent à Paris seulement deux jours et, une fois leur mission accomplie, allèrent vers le sud, traversèrent la frontière espagnole comme de simples randonneurs et gagnèrent Gibraltar pour revenir en Israël toujours par avion cargo. Enfin, ils rentrèrent en Corée du Sud en passant par le Japon.
Mais Lee refusa de révéler si Park Chung-hee avait donné l'ordre d'éliminer Kim Hyung-wook. Ce détail avait son importance : une implication directe du président Park Chung-hee dans l'assassinat de son ancien chef des services secrets, en territoire étranger de surcroît, auraient pu ruiner les ambitions politiques de sa fille, alors à la tête du parti conservateur d'opposition en Corée du Sud. Comme l'écrivait le quotidien sud-coréen Dong-A Ilbo le 4 février 2005 :
S'il est avéré que l'ancien président Park a directement ordonné d'enlever et d'assassiner Kim Hyung-wook, cela pourrait porter un coup fatal à la fille de l'ancien président et actuelle dirigeante du Grand Parti national, Park Geun-hye, laquelle a repris l'actif et le passif de son père.
Bien sûr, les aveux de l'agent Lee au Sisa Journal firent réagir le NIS et la Commission pour la vérité. Le 26 avril 2005, un article du site sud-coréen Ohmynews cita une source du NIS participant à la Commission et selon laquelle les personnes impliquées dans l'affaire Kim Hyung-wook étaient prêtes à livrer leur « confession de conscience ». En revanche, toujours selon cette source, le NIS ne disposait d'aucun élément démontrant que la personne ayant parlé au Sisa Journal était bien un agent de la KCIA. Un autre élément particulièrement macabre du récit de M. Lee était pointé pour son incohérence par le chef de la Commission lui-même, le pasteur Oh Chung-il : comment transformer un corps humain en aliments pour volailles alors que ce type d'aliment est composé de matières sèches ?
Le 3 mai 2005, un autre article du site Ohmynews fit état de l'enquête menée par des journalistes de la chaîne MBC venus en France pour y vérifier les déclarations faites par M. Lee au Sisa Journal. En France, les journalistes de MBC découvrirent que le type de broyeur d'aliments pour volailles dans lequel Kim Hyung-wook était censé avoir été tué n'était pas en usage dans les années 1970. Quant à l'actrice qui, selon M. Lee, avait servi d'appât pour attirer Kim Hyung-wook à Paris, elle niait catégoriquement s'être trouvée dans cette partie du monde à l'époque.
Pressée par ces révélations multiples, la Commission pour la vérité du Service national de renseignement publia un rapport intermédiaire sur l'affaire Kim Hyung-wook le 25 mai 2005 (le rapport final de la Commission, rassemblant toutes les affaires étudiées, ne sera publié qu'en 2007).
La version contenue dans ce rapport était quelque peu différente des versions avancées précédemment : d'après la Commission, Kim Hyung-wook avait été liquidé à Paris le 7 octobre 1979 par des agents de la KCIA et des hommes de main embauchés pour accomplir la sale besogne, et son cadavre abandonné dans une forêt. Dans son compte rendu du rapport de la Commission pour la vérité, le quotidien sud-coréen JoongAng Ilbo écrivait le 26 mai 2005 :
Selon le rapport du service de renseignement, Kim Jae-kyu, qui dirigeait l'agence entre 1976 et 1979, ordonna aux responsables de l'agence en France de tuer l'ancien chef espion 'renégat'
Le rapport présente en détail comment Kim Jae-kyu demanda en septembre 1979 à Lee Sang-yul, alors principal agent de la KCIA à Paris, d'organiser l'assassinat. Le rapport dit que M. Lee fit appel à deux fonctionnaires de l'agence à Paris ainsi qu'à deux Européens de l'Est pour accomplir le meurtre.
Le 7 octobre 1979, Kim Hyung-wook appela M. Lee pour emprunter de l'argent, affirme le rapport. Monsieur Lee fit venir l'ancien chef espion aux Champs-Elysées en lui disant qu'il lui présenterait des prêteurs.
Les fonctionnaires de l'agence et les Européens de l'Est enlevèrent M. Kim en utilisant la voiture officielle de M. Lee. Les deux Européens de l'Est possédaient un pistolet fourni par les membres de l'agence d'espionnage [sud-]coréenne. Le rapport affirme qu'ils ont tué M. Kim de sept balles dans une petite forêt à l'extérieur de Paris. Puis ils ont recouvert son corps de feuilles avant de quitter les lieux. Les agents coréens ont refusé de révéler où ils avaient abandonné le cadavre de M. Kim, a déclaré le service.
Le service de renseignement a dit que la description des événements était basée sur les déclarations des fonctionnaires coréens de l'agence et sur des documents internes du service de l'époque. Il a dit que M. Lee, figure clé de l'affaire, a refusé de faire la moindre déclaration. Les journalistes ont tenté en vain de contacter M. Lee.
Kim Jae-kyu a été exécuté en 1980 pour avoir assassiné Park Chung-hee. Un responsable du renseignement a déclaré hier : 'Il n'a pas été établi que le Président Park a demandé à Kim Jae-kyu de tuer Kim Hyung-wook. Nous avons besoin d'informations supplémentaires.'
Le rapport de la Commission offrait donc une nouvelle version de l'histoire (la troisième) et était loin de répondre à toutes les questions : Lee Sang-yul, si prolixe avec le Sisa Journal un mois plus tôt, était soudain devenu muet. Quant à l'absence d'« informations supplémentaires » permettant, notamment, d'établir l'existence d'un ordre direct de Park Chung-hee d'éliminer son ancien homme de confiance, l'opinion y était préparée dès le mois de mars 2005 quand on apprit que des documents utiles à la manifestation de la vérité avaient mystérieusement disparu, probablement détruits par les services de renseignement eux-mêmes :
On a appris […] que des documents importants relatifs à la disparition de l'ancien directeur de l'Agence centrale de renseignement de Corée (KCIA), Kim Hyung-wook et à l'enlèvement de l'ancien président, alors dissident, Kim Dae-jung, ne sont plus en possession du Service national de renseignement (NIS), amenant certains à penser qu'ils ont été détruits. La Commission pour la vérité enquêtant sur des incidents suspects du passé de l'agence nationale de renseignement a déclaré avoir obtenu des documents du renseignement au sujet du directeur de la KCIA qui a disparu, lequel avait fui aux Etats-Unis en 1973 et menait des activités en opposition au président de l'époque, Park Chung-hee, mais qu'il n'existe aucun rapport sur les mouvements de Kim à partir de la veille de son arrivée à Paris le 1er octobre 1979. Kim a disparu quelques jours plus tard, le 7 octobre. La Commission enquête sur la possibilité que ces documents aient été intentionnellement détruits. Elle a appelé à témoigner plusieurs personnes liées à l'affaire, dont Lee Sang-yul, un ancien agent de renseignement qui opérait alors en France sous couverture d'un fonctionnaire de l'ambassade [de Corée du Sud], mais elle affirme qu'elles ne se montrent pas coopératives.
L'absence de preuves démontrant un ordre direct de Park Chung-hee déçut les défenseurs de la démocratie en Corée du Sud, comme le journal Hankyoreh qui écrivait dans un éditorial du 27 mai 2005 :
On ne peut pas dire que l'affaire Kim Hyung-wook a été révélée dans sa totalité. Il est difficile de croire l'explication selon laquelle la KCIA a fait seule ce qu'elle a fait, juste pour se protéger elle-même. La KCIA était une organisation subordonnée à Park, les événements menant directement à ce qui est arrivé concernaient la publication par Kim de mémoires traitant de détails intimes du régime et son témoignage à leur sujet devant une commission de la Chambre des représentants des Etats-Unis, et, de plus, Park montra en plusieurs occasions sa rage et son sentiment de trahison. Il y a besoin d'une clarification sur l'existence ou non d'un ordre de Park [pour éliminer Kim Hyung-wook]. Il y a eu tant de controverse quant à savoir si la KCIA avait entrepris d'elle-même d'enlever Kim Dae-jung en 1973, que ce serait beaucoup de penser qu'elle aurait pu fait une telle chose de sa propre initiative plus tard.
De leur côté, le Grand Parti national et les médias conservateurs sud-coréens, opposés au Président Roh Moo-hyun et méprisant la Commission pour la vérité du Service national de renseignement, n'avaient de cesse de mettre en doute la crédibilité de cette dernière. Ainsi, deux jours après la sortie du rapport de la Commission, le Chosun Ilbo, principal organe conservateur en Corée du Sud, publia un article critiquant un rapport « plein d'angles morts » et appelant à « enquêter sur la Commission » :
Une Commission pour la vérité du Service national de renseignement (NIS) sondant des épisodes troubles du passé du service a décidé de mettre fin, pour ainsi dire, à un mystère qui ne veut pas partir, à savoir ce qui est arrivé à l'ancien directeur de l'Agence centrale de renseignement de Corée (KCIA) Kim Hyung-wook. Tout ce que nous savons avec certitude est qu'il a disparu pendant la présidence de Park Chung-hee.
La Commission pour la vérité a publié un rapport intermédiaire dans lequel nous apprenons que des agents de la KCIA basés à Paris, sur les ordres du successeur de Kim à la tête de la KCIA, et un duo de gangsters d'Europe de l'Est qu'ils ont embauchés pour 100 000 dollars, ont emmené l'ancien maître espion dans une forêt à l'extérieur de Paris et l'ont abattu avec un pistolet à silencieux.
Il est dit que les témoignages en ce sens proviennent de l'homme de la KCIA à Paris à l'époque, Shin Hyeon-jin, qui a pris part à l'opération. Mais le rapport est plein d'angles morts.
Pour commencer, il est écrit dans le rapport que les tueurs ont recouvert le corps de Kim avec des feuilles mortes avant de quitter les lieux. Il a été dit que ces bois où Kim a été assassiné étaient situés à 50 mètres d'une route de banlieue. Il est donc difficile d'avaler que personne ne soit venu à cet endroit en 26 ans. Où sont passés les restes de Kim ? Shin, en tout cas, n'a pas pu se rappeler où se trouvent les bois, révèle la Commission. La cible du meurtre qu'il a commis était l'ancien chef de son organisation, mais Shin ne peut pas se rappeler où il l'a fait. Cela n'a aucun sens.
La Commission n'a pas non plus été en mesure de fournir des preuves matérielles parce que les tueurs ont égaré le pistolet à silencieux.
Parmi les dix membres civils de la Commision, aucun n'a rencontré Shin, apparemment. Les membres civils sont placés là pour surveiller la Commission afin que le NIS, qui est après tout la partie probablement coupable dans ces épisodes troubles, ne puisse pas fabriquer les résultats de l'enquête qui lui conviennent. Et ces membres civils ont simplement entériné ce que les responsables du NIS leur ont dit de leur enquête sur leurs anciens collègues et n'ont demandé aucune autre preuve.
Pourquoi cette hâte ? Quelle urgence a incité la Commission à rendre publics les résultats de cette enquête bâclée ? Si les questions sur le passé sombre de l'agence finissent par donner naissance à davantage de soupçons et de théories du complot, nous devrons mettre en place une autre commission pour la vérité afin d'enquêter sur la Commission pour la vérité.
Il est vrai que les conclusions de l'enquête de la Commission pour la vérité étaient loin d'être satisfaisantes. Mais, à la décharge de la Commission, les conservateurs sud-coréens, par l'intermédiaire de leurs médias, quand ce ne sont pas les services de renseignement eux-mêmes, ont bien contribué à embrouiller les choses et à lui mettre des battons dans les roues, y compris en répandant des rumeurs et en dissimulant des éléments nécessaires à la manifestation de la vérité.
Ainsi, quelques jours avant la publication du rapport de la Commission pour la vérité, la presse sud-coréenne fit état d'une nouvelle version (la quatrième, au moins) de la disparition de Kim Hyung-wook, à partir d'un « document déclassifié » américain contredisant l'hypothèse d'un assassinat à Paris. Le 20 mai 2005, il était écrit dans le Chosun Ilbo :
Un document déclassifié du département d'Etat américain contredit l'histoire selon laquelle l'ancien directeur de la KCIA Kim Hyung-wook a été attiré à Paris et assassiné dans des circonstances tout droit sorties d'un thriller d'espionnage, donnant une nouvelle vie à un mystère qui refuse de partir. Le document indique aussi que Kim s'est évaporé le 9 octobre 1979, deux jours après ce qu'on pensait.
L'édition de New York du Hankuk Ilbo a rapporté qu'un 'Rapport hebdomadaire sur la situation en Corée' adressé par le département d'Etat à l'ambassade des Etats-Unis en Corée [du Sud] le 29 février 1980 a affirmé être certain que Kim avait quitté Paris le 9 octobre avec un autre Coréen et s'était rendu à Dhahran en Arabie Saoudite en passant par Zurich en Suisse. C'est là qu'on perd sa trace.
Le rapport a dit que l'ambassade du Japon à Washington avait donné au département d'Etat les résultats des investigations menées en continu par Tokyo avec la police de Paris [sic] concernant la disparition de Kim. Il a ajouté que la police française n'avait pas eu d'autre choix que de clore son enquête après la confirmation que Kim était parti pour l'Arabie Saoudite.
Malgré le brouillage volontaire des pistes, toutes les versions - ou presque - de l'affaire Kim Hyung-wook s'accordent sur un point : des agents sud-coréens en poste à Paris ont joué un rôle dans la disparition de l'ancien chef de la KCIA, suivie de son meurtre probable. Plongés dans la tourmente de révélations sur un passé peu glorieux, les services de renseignement sud-coréens ont plus tard su se montrer reconnaissants pour le soutien apporté par la fille du général Park et ses amis conservateurs. Le retour d'ascenseur a pris la forme d'une élection présidentielle manipulée en 2012... La fille du général Park Chung-hee est désormais au pouvoir en Corée du Sud et les services de renseignement sud-coréens, rebaptisés NIS en 1999, peuvent à nouveau se comporter en dignes héritiers de la KCIA de la « grande époque ». En Corée comme à l'étranger.
En février 2016, le général Ri Yong-gil, chef d'état major des armées, était remplacé. Aussitôt, de nombreux médias occidentaux - mais certainement pas le blog de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) - annonçaient son exécution, et les services de renseignement sud-coréens (National Intelligence Service, NIS) allaient même encore plus loin en donnant des statistiques très précises sur le nombre de personnes qui auraient été exécutées chaque année en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Pas de chance : au dernier Congrès du Parti du travail de Corée (PTC), non seulement le général Ri Yong-gil est réapparu bel et bien vivant, mais il a même été promu - en tant que membre suppléant du bureau politique du PTC et membre de la Commission militaire centrale (CMC). Ce n'est pas la première fois que des rumeurs, complaisamment entretenues par le NIS, sont démenties et que des personnes données mortes par le NIS ressuscitent (l'AAFC avait ainsi révélé la première une précédente fabrication de la désinformation signée NIS sur une personne soi-disant exécutée, réapparue ensuite vivante). L'AAFC analyse ce dernier exemple de duplicité des médias occidentaux, manipulés par une agence de renseignement aux ordres d'un pouvoir sud-coréen qui espère ainsi détouner l'attention sur ses propres turpitudes en matière de libertés publiques et de droits de l'homme.
Le général Ri Yong-gil
Interrogée par Le Figaro, la coréanologue Juliette Morillot met en évidence le rôle du NIS et de certains groupes de pression sud-coréens d'extrême-droite dans la fabrique de la désinformation sur la Corée du Nord :
On ne peut analyser la Corée du Nord qu'à travers les apparitions et les discours à la télévision ou dans la presse; ou encore à travers les récits de transfuges ayant fui le pays. Quand une personnalité disparaît de la scène publique, les rumeurs d'exécution aussitôt commencent. Elles sont généralement annoncées par les services de renseignements sud-coréens, appuyées par des activistes chrétiens sud-coréens ou américains, avant d'être grossies par les médias.
La question que nous devons nous poser est double : pourquoi une telle attitude des services de renseignement sud-coréens (NIS), qui sont censés faire leur métier (collecter du renseignement) en toute objectivité s'ils sont des fonctionnaires au service de l'intérêt général, et pourquoi une telle duplicité de nombre de médias sud-coréens et occidentaux à leur égard ?
Tout d'abord, le NIS n'est pas tant une agence de renseignement au sens où on l'entend dans un régime démocratique qu'un outil de pouvoir au service de la droite sud-coréenne, et qui dispose d'une réelle autonomie et d'une toute-puissance - en dehors de tout contrôle démocratique - héritées de l'époque de la junte militaire sud-coréenne. La Corée du Sud a beau être devenue une démocratie parlementaire dans les années 1990 (avant de s'éloigner à nouveau de la démocratie à grands pas depuis 2008), le NIS n'a jamais été vraiment épuré ni réformé, et il a continué à jouer son rôle d'instrument politique et répressif. Par exemple, qui aurait cru que les services de renseignement du Chili de Pinochet étaient autre chose qu'un corps militaire, étranger à la démocratie, dont le rôle était de réprimer et éliminer les opposants chiliens et d'interférer dans la vie politique du pays à tous les niveaux ? C'était de même le rôle des services de renseignement sud-coréens pendant l'époque de la junte militaire, et ils ont retrouvé pleinement ce rôle avec le retour au pouvoir des conservateurs sud-coréens à Séoul en 2008. Ils sont aujourd'hui le bras armé des atteintes à la démocratie et aux droits de l'homme en Corée du Sud, ce qui passe par la nécessité selon eux de diffamer la Corée du Nord dans le but de réhausser, en contrepoint, le prestige du pouvoir qu'ils servent.
Et le pire, c'est que cela marche : par paresse ou facilité, beaucoup de journalistes sud-coréens ou occidentaux répètent les "éléments de langage" du NIS servis à la presse et aux faiseurs d'opinion. Mais il y a aussi les idiots utiles et les mercenaires, qui en toute connaissance de cause, pour une rétribution diverse, servent la soupe de la rumeur et de la désinformation.
En outre, le régime autoritaire sud-coréen utilise toute la gamme des procédés de manipulation de l'opinion publique nationale et internationale : faux témoins (comme la touchante Park Yeon-mi, la réfugiée nord-coréenne qui affabule mais dont le récit est devenu parole d'évangile et est vendu dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre grâce à l'argent sud-coréen), et surtout pressions multiples pour empêcher tout accès à une information non formatée par le NIS sud-coréen. Pour ce que nous savons, la spécialiste de la Corée Marie-Orange Rivé-Lasan a raconté comment les services de renseignement et l'ambassade de Corée du Sud en France lui ont intimé l'ordre de ne pas rencontrer un responsable l'AAFC, et nous avons appris récemment que des agents d'influence de la Corée du Sud font pression, en France, sur la commission Asie du Parti socialiste (PS) pour empêcher tout témoignage d'un membre de l'AAFC devant cette commission.
Mais que craint le pouvoir sud-coréen ? Pas tant la découverte de leurs manipulations sur la Corée du Nord que le fait de savoir et faire savoir que la Corée du Sud connaît une dérive autoritaire, que des faits sont manipulés (comme pour le naufrage du Cheonan, attribué à la Corée du Nord par la communauté des prétendus experts occidentaux de la Corée) ou encore qu'il y a des réfugiés politiques sud-coréens en France. Des réfugiés politiques sud-coréens ? Cela ne doit pas exister dit le NIS : l'un d'entre eux, Lee Yeda, parle dans les médias du monde entier (Corée du Sud, Japon, Allemagne...), mais pas en France où pourtant il vit et travaille. Le NIS fait décidément bien son travail auprès des journalistes français.
Si les élections législatives sud-coréennes du 13 avril 2016 ont marqué la défaite inattendue du Parti Saenuri (conservateur) de la Présidente Mme Park Geun-hye, une autre surprise est venue de l'excellent résultat d'une nouvelle formation d'opposition, le Parti du peuple - dont la principale figure est l'entrepreneur et ancien candidat à l'élection présidentielle de 2012 Ahn Cheol-soo - arrivé deuxième au scrutin de liste national. Dans le Jeolla, bastion de l'opposition, le Parti du peuple a de surcroît remporté la plupart des sièges (23 sur 28) pourvus au scrutin majoritaire à un tour dans les circonscriptions. Mais, depuis le scrutin, les ouvertures du Parti du peuple envers le Parti Saenuri lui ont très rapidement aliéné une part importante de ses soutiens dans le Jeolla, traduisant aussi les limites de la stratégie centriste d'Ahn Cheol-soo pour remporter l'élection présidentielle de décembre 2017, sur laquelle tous les regards se focalisent désormais.
Woo Sang-ho, qui dirige le groupe parlementaire du Parti Minjoo (démocrate, première formation du Parlement), au centre, présente son équipe le 8 mai 2016.
Dans le Jeolla, les conservateurs, héritiers de la junte militaire qui a écrasé l'opposition dans le sang, notamment lors du soulèvement de Gwangju en 1980, sont haïs : lors des dernières législatives du 13 avril 2016, ils ont recueilli dans la province, au scrutin national de liste, 2,9 % des voix à Gwangju, 5,7 % dans le Jeolla du Sud et 7,6 % dans le Jeolla du Nord. Dans ce contexte, il y a lieu de se demander si, à ce même scrutin législatif, le Parti Minjoo (principale formation d'opposition, démocrate) n'a pas été nettement devancé dans le Jeolla par les dissidents du Parti du Peuple du fait notamment du choix peu judicieux de son dirigeant par intérim : Kim Chong-in, un économiste qui avait soutenu la Présidente Park Geun-hye en 2012 et été pendant longtemps un député conservateur. D'autres facteurs ont probablement également joué sur le résultat dans le Jeolla le 13 avril dernier, comme la défiance vis-à-vis des partis traditionnels (dans le Jeolla, seul le Minjoo peut prétendre à ce rôle) et les dissensions internes aux démocrates, qui ont conduit des dirigeants démocrates ayant leur base dans cette province à rejoindre le Parti du peuple.
Or, moins d'un mois après le scrutin, un rééquilibrage s'est opéré dans le Jeolla entre le Parti Minjoo et le Parti du peuple : selon les résultats d'un sondage conduit entre le 2 et le 4 mai 2016, rendus publics le 8 mai, le soutien au Parti Minjoo dans la province a progressé à 35,2 % (+ 7,6 % par rapport aux élections du 13 avril), quand celui au Parti du peuple a reculé à 35,8 % (- 14,8 %). S'agissant des sondages pour l'élection présidentielle de décembre 2017, l'écart est encore plus net : Moon Jae-in, pour le Parti Minjoo, recueille 31,3 % des intentions de vote dans la province (+ 8 % en une semaine), quand Ahn Cheol-soo tombe à 25,5 % (- 10,4 % en une semaine).
De telles évolutions sont interprétées comme le résultat de la stratégie centriste du Parti du peuple d'ouverture vers les conservateurs du Parti Saenuri, alors que les 38 sièges de députés (sur 300) du Parti du peuple en font une formation charnière dans le nouveau Parlement. En particulier, Park Jie-won, député du Jeolla et qui dirige le groupe parlementaire du Parti du peuple, a ouvertement envisagé une coopération avec le Saenuri et la possibilité de soutenir un candidat conservateur à la présidence de l'Assemblée nationale :
Si la Présidente Park Geun-hye s'excuse pour sa mauvaise administration et recherche une coopération, nous souhaitons qu'un membre du Parti Saenuri devienne président de l'Assemblée.
Une coopération au-delà des clivages partisans ? C'est précisément ce que Mme Park Geun-hye appelle de ses voeux, au mépris du verdict des urnes. Quant au Parti du peuple, après s'être fait élire sur un programme d'opposition aux conservateurs (notamment sur les questions économiques), il n'hésite pas à opérer une volte-face qui ne peut être interprétée que comme une manoeuvre opportuniste pour partager les postes avec le Saenuri (car on imagine difficilement que le soutien au Saenuri à la présidence de l'Assemblée soit sans contrepartie), ou propulser Ahn Cheol-soo à la présidence de la République.
Le même Ahn Cheol-soo a suscité lui-même la controverse, en se positionnant pour davantage d'autonomie des universités et en déclarant qu'il n'y avait pas besoin de ministère de l'éducation nationale.
Si des rencontres entre le Saenuri et le Minjoo ont par ailleurs lieu, les électeurs, et pas seulement ceux du Jeolla, qui ont dit très majoritairement "non" aux conservateurs le 13 avril, peuvent légitimement se demander si un scénario déjà connu n'est pas en train de se rejouer : lors de l'élection présidentielle de 1987, la division de l'opposition démocratique entre deux candidats (Kim Young-sam et Kim Dae-jung) avait entraîné la victoire du candidat de la junte militaire. Cinq ans plus tard, Kim Young-sam était élu à la Présidence de la République contre Kim Dae-jung... après avoir rallié la droite et les militaires. Il faudra finalement atteindre cinq ans de plus, et l'élection de Kim Dae-jung à la présidence de la République en 1997, pour que l'alternance démocratique ait enfin lieu en Corée du Sud, pour la première fois en un demi-siècle.
Ahn Cheol-soo n'est pas Kim Young-sam et rien ne permet de dire que l'ancien opposant soit un modèle pour Ahn Cheol-soo ou que ce scénario soit rêvé par les stratèges conservateurs et les forces de sécurité, ces derniers affolés à l'idée de perdre le pouvoir et de voir leurs anciennes manoeuvres politiciennes révélées (notamment les manipulations de l'opinion publique nationale et internationale lors du naufrage en 2010 du Cheonan, vécu comme le "11 septembre" sud-coréen, et du drame du Sewol).
Il n'en reste pas moins qu'Ahn Cheol-soo, dont 13 % des électeurs au scrutin de liste auraient voté pour le Saenuri dans les circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire, affiche ouvertement une ligne centriste, qui n'est pas "ni Minjoo ni Saenuri", mais plutôt "et Minjoo et Saenuri". Croit-il pouvoir réaliser un consenus sur son nom ? Lui, l'ancien opposant à tous les partis, qui n'avait pas de mots assez durs contre le Minjoo au point qu'il apparaissait à certains comme l'allié objectif des conservateurs, est devenu l'ami de tous les partis (sauf de la gauche, bien sûr). Le chantre de la politique autrement est devenu le symbole de la politique de clans et d'arrangements vivement rejetée par l'opinion. Mais le brouillage idéologique ne dure qu'un temps : il faudra bien qu'à un moment ou à un autre Ahn Cheol-soo dise de quel côté des barrricades il se situe : les partisans de la défense d'une démocratie sud-coréenne en danger et les héritiers des combattants pour la démocratie qui ont payé de leur vie l'opposition à la junte militaire, ou bien le Parti Saenuri, les conglomérats financiers (les chaebols), lui-même étant une des plus grandes fortunes de Corée, l'extrême-droite religieuse et les forces de renseignement, fer de lance des atteintes actuelles aux droits de l'homme en Corée du Sud. A moins bien sûr qu'Ahn Cheol-soo perde sur tous les plans, et que l'opinion publique décide d'elle-même de le disqualifier comme un prétendant sérieux à la prochaine élection présidentielle. Tel est le destin habituel des parti attrape-tout, dès qu'ils sont confrontés à l'exercice du pouvoir.
The main opposition The Minjoo Party of Korea is regaining its approval ratings in its traditional stronghold in southwestern Korea that had overwhelmingly voted against it in last month's ...
Le procès de l'ancien chef des services de renseignement sud-coréens (National Intelligence Service, NIS) Won Sei-hoon, condamné suite à la manipulation de l'opinion publique organisée par ses services lors de l'élection présidentielle de décembre 2012, n'en finit pas d'apporter son lot de révélations. Lors de l'audition de Won Sei-hoon le 25 avril 2016, on a appris que des organisation conservatrices prétendument non-gouvernementales reçoivent - encore et toujours - leurs instructions du NIS, bénéficient de la publicité des médias conservateurs pro-gouvernementaux et touchent des fonds de l'argent public (ou des subsides des conglomérats financiers et industriels liés au pouvoir), toujours dans le même but de manipuler l'opinion publique : organisation de contre-manifestations, instrumentalisation des défecteurs nord-coréens pour appuyer la politique des conservateurs sud-coréens de changement de régime au Nord, appui aux procès truqué contre les opposants, notamment pour l'interdiction du Parti progressiste unifié, que les autorités sud-coréennes ont justifiée comme reflétant le sentiment public général - en fait la volonté d'activistes d'extrême-droite à la solde des services de renseignement. C'est le propre d'un régime totalitaire d'être tout, en étant à la fois le pouvoir, les prétendus contre-pouvoirs et les organisations "civiques" (pro-gouvernementales). L'AAFC apporte des éclairages sur la mise en oeuvre de ce projet fasciste, dont le NIS constitue le bras armé, par Mme Park Geun-hye et son parti, le Saenuri.
Siège de l'Agence nationale de renseignement (NIS), coeur du pouvoir du régime autoritaire de Séoul.
Lors du procès Won Sei-hoon, les procureurs ont établi une implication directe du NIS dans la manipulation de l'opinion publique sud-coréenne via de pseudo-ONG conservatrices :
Un agent du nom de Park, qui faisait partie de l'équipe de guerre psychologique du NIS, a soutenu et supervisé les activités d'organisations conservatrices de droite et d'organisation de jeunesse orientées à droite.
Ces activités ont commencé en juin 2011, sous le mandat du prédécesseur de Mme Park, le Président (conservateur) Lee Myung-bak, en portant sur sept organisations. Elles consistaient notamment en le paiement de publicités dans les journaux et des prises de position soutenant les ultras du parti gouvernemental et, plus encore, critiquant (tous) les opposants - par exemple, la dénonciation des "bus de l'espoir", apparus pour soutenir la syndicaliste Kim Jin-suk - qui avait passé 309 jours en haut d'une grue pour protester contre les conditions de son licenciement par Hanjin Heavy Industries (HHI). Les organisations parapluie du NIS avaient aussi lancé une campagne pour l'interdiction du Parti démocratique du travail, à l'origine du Parti progressiste unifié dont les autorités sud-coréennes devaient finalement obtenir l'interdiction, en décembre 2014, à l'issue d'un procès truqué, fomenté par le NIS et soutenu par une campagne de diffusion orchestrée par ses organisations satellites.
Le 25 avril, les procureurs du procès de Won Sei-hoon ont aussi établi l'implication directe du NIS - par la formulation de conseils écrits (dont on a retrouvé les preuves par mél) dans la création d'organisations de jeunesse de droite :
Il est établi que l'Agence nationale de renseignement a proposé le slogan "Nous sommes la fière jeunesse de la République de Corée" quand une organisation de jeunesse de droite a été mise en place. Elle a aussi fourni les photos qu'une organisation de jeunesse de droite a présentées dans une exposition de photos patriotiques.
Naturellement, le NIS était aussi à la manoeuvre, toujours selon les juges, dans la médiatisation de ces mêmes organisations conservatrices par des médias acquis au pouvoir :
L'examen du travail effectué par le NIS a montré que le NIS était impliqué à la fois de manière générale et précisément dans le soutien et la supervision des groupes conservateurs de droite, en ce qui concerne non seulement leurs activités (qu'elles soient ou non sur Internet) mais aussi l'utilisation des médias conservateurs pour fabriquer l'opinion publique.
Dans ce contexte, on ne sera pas surpris d'apprendre que la très médiatique Fédération coréenne des parents (Korea Parent Federation, KPF), qui a le statut de fondation (bien pratique pour les affaires), reçoit à la fois des subventions publiques et des fonds des magnats de l'industrie, via des circuits complexes de financement qu'on croirait issus des conseils d'un manuel à l'usage de ceux qui pratiquent au quotidien le blanchiment d'argent.
La KPF joue un rôle indispensable pour le pouvoir autoritaire à Séoul. On la retrouve, par exemple, derrière des événements avec les "jeunes défecteurs nord-coréens" - alors que la manipulation de l'opinion publique, non seulement sud-coréenne mais occidentale, à partir des récits fabriqués de quelques défecteurs nord-coréens (de préférence jeunes et à la plastique parfaite, c'est mieux pour les photos) est un des sports favoris du NIS et de ses sbires.
La droite sud-coréenne et son bras armé, le NIS, se considèrent en guerre - en guerre contre la Corée du Nord, la subversion gauchiste (politique et syndicale) et l'opposition, tous amalgamés pour les besoins de la propagande. Cest une guerre menée au profit d'intérêts privés (ceux des conservateurs au pouvoir et, au-delà, de conglomérats financiers enrichis par la collaboration avec l'occupant japonais, puis avec la junte militaire naguère au pouvoir à Séoul). C'est une guerre qui détourne l'argent public, soit par l'octroi de subventions à de pseudo-ONG, soit par l'utilisation illégale de fonctionnaires (comme ceux du NIS), le financement provenant bien sûr in fine de la poche du contribuable sud-coréen. Enfin, à côté des fonctionnaires (dotés d'un statut légal), il y a la myriade d'organisations conservatrices, qui ne sont donc pas des combattants de l'armée régulière dans la guerre contre le Nord, la gauche et l'opposition démocrate. Leur statut et leurs fonctions portent un nom précis dans le vocabulaire militaire : ce sont des mercenaires, qui ne connaissent ni les fins de mois difficiles, ni la peur du chômage. Et quand le vent tournera, ils sauront vendre leurs services ailleurs, dans l'appareil gouvernemental, les médias de droite, certaines églises protestantes ou, plus certainement, parmi les cadres des conglomérats financiers.
Intelligence agency has a long history of being co-opted to push the government's right-wing agenda Amid growing allegations about the source of funding for the Korea Parent Federation and its ...
Korea Parent Federation alleged to have maintained puppet organizations to acquire financial support government Amid accusations that the Korea Parent Federation (KPF) used 120 million won ...
Après la nette défaite de son parti aux élections législatives, la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye s'est d'abord murée dans le silence. Il a fallu attendre cinq jours pour qu'elle daigne reconnaître, le 18 avril, le changement de majorité parlementaire, en déclarant qu'elle "coopèrerait étroitement" avec la nouvelle majorité démocrate. Mais les termes choisis sont étranges : non seulement elle n'a exprimé aucune responsabilité personnelle dans la défaite du parti qui la soutenait, mais elle continue à plaider pour une réforme du marché du travail lourdement impopulaire, à l'origine de l'échec du Parti Saenuri (conservateur) aux législatives : ce déni de réalité est caractéristique d'un régime autoritaire dont la Corée du Sud présente de plus en plus de signes caractéristiques.
Le 19 avril, lors d'une rencontre avec les participants sud-coréens aux 9e Abilympics (olympiades des métiers des personnes handicapées) qui ont eu lieu fin mars 2016 à Bordeaux, la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye a réaffirmé sa volonté de mener à bien son projet de réforme du code du travail, en déclarant :
Si le gouvernement s’efforce à mener la réforme du travail, c’est parce qu’on pense que le changement du marché du travail contribuera grandement non seulement aux personnes handicapées mais aussi à l’économie.
La référence aux personnes handicapées étant manifestement de pur opportunisme (pour mémoire, Mme Park s'est faite élire sur un programme - notamment - de défense des droits des femmes qu'elle s'est empressée d'enterrer une fois élue à la Maison Bleue), il reste l'essentiel : à savoir qu'elle n'envisage apparemment pas ni de changer de gouvernement, ni de ligne politique. Dès lors, que valent ses déclarations - tardives - selon lesquelles elle accepte le verdict des urnes et coopèrera avec la nouvelle majorité parlementaire ?
La démocratie consiste à accepter sa défaite électorale, pas à forcer une majorité qui vous est hostile à appliquer votre programme : Mme Park Geun-hye révèle une nouvelle fois son absence de respect des valeurs démocratiques.
Peut-être la Présidente pense-t-elle retourner un à un les députés d'opposition, en multipliant les pressions comme elle a su le faire, depuis plus de deux ans, vis-à-vis de ses opposants : interdiction d'un parti politique (le Parti progressiste unifié), censure des journalistes et des artistes, mensonges et manipulations des services de renseignement... Si telle est son intention, le conflit avec les démocrates apparaît inévitable, et la vigilance s'impose plus que jamais pour défendre les libertés démocratiques et la paix - car la guerre est l'exutoire classique des régimes autoritaires qui sombrent, Mme Park Geun-hye ayant multiplié les propos guerriers vis-à-vis de la Corée du Nord, les autorités sud-coréennes appelant ainsi à "décapiter" le régime du Nord. Pour sa part, comme elle le faisait dès les années 1970 en s'opposant à la Corée du Sud du général Park Chung-hee (père de Mme Park Geun-hye) et en défendant les défenseurs sud-coréens de la démocratie et des libertés, l'Association d'amitié franco-coréenne répondra présente dans le combat antifasciste.
Five days after election, Park makes no mention of changes at the Blue House or reflection on her administration's failures President Park Geun-hye made her first official comments since the Apr. 13
Le 16 avril 2014, le naufrage du ferry Sewol au large des côtes sud-coréennes entraînait la mort de 304 passagers, majoritairement des lycéens en voyage scolaire originaires du lycée Danwon à Ansan. Deux ans après cette tragédie, le collectif Sewol Paris organise deux projections-débats autour du film Diving Bell, the Truth Shall Not Sink with Sewol (La cloche de plongée, La vérité ne doit pas couler avec le Sewol) co-réalisé par le journaliste Lee Sang-ho et le documentariste Ahn Hae-ryong, le 15 avril à l'EHESS et le 16 avril à l'INALCO. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) avait alerté l'opinion publique française sur les zones d'ombre autour de cette catastrophe et le propriétaire du Sewol, présenté ses condoléances aux familles des victimes et s'était mobilisée aux côtés des Coréens en France pour que toute la lumière soit faite sur les causes, les circonstances et les conséquences de cette tragédie. Nous rendons compte, ci-après, de la projection-débat du 15 avril 2016 à l'EHESS, animée par le réalisateur Bastian Meiresonne, qui participe à l'organisation de plusieurs festivals du cinéma asiatique, dont le Festival international des cinémas d'Asie à Vesoul - tout en saluant le tour de force réalisé par les membres du collectif Sewol Paris qui ont organisé avec succès cette projection-débat suivie par plus de 100 personnes, dont de nombreux Français, en effectuant la traduction et le sous-titrage en français du film en un temps record.
Bastian Meiresonne
Comme l'a expliqué Bastian Meiresonne en ouverture de la soirée, le film Diving Bell est un documentaire qui n'avait pas vocation à connaître une diffusion internationale. Réalisé en seulement six mois avec un budget limité, le film a été tourné à l'arraché, alors que le ferry était toujours en train de couler. Le journaliste Lee Sang-ho, co-réalisateur - dont on découvre dans le film qu'il a été licencié par Global News pour son implication aux côtés des familles des victimes - se met en scène, à la manière d'un Michael Moore, dans ce documentaire coup de poing qui révèle les circonstances de la tragédie, notamment les erreurs dans la gestion de la catastrophe par les autorités publiques et la manipulation opérée par les médias avec la complicité du Parti Saenuri au pouvoir - depuis la fausse information initiale selon laquelle tous les naufragés auraient été sauvés, jusqu'au sabotage d'une alternative organisée, sans succès, par des professionnels (avec le soutien des familles des victimes et de Lee Sang-ho) d'opérer le sauvetage de victimes en utilisant une cloche de plongée (diving bell) - laquelle a donné son nom au film.
Le simple exposé des faits, brutal, laisse sans voix : après avoir refusé l'utilisation de cette cloche de plongée, les autorités publiques (en première ligne, les garde-côtes et la marine nationale) et privées (la société Ondine à laquelle a été confiée l'organisation des secours, privatisation oblige) doivent s'y résigner face à la colère des familles des victimes. Les scènes de confrontation entre les familles, surveillées par des bataillons de policiers en civil, et le ministre chargé de la mer et le responsable des gardes-côtes font apparaître des responsables publics désemparés, apeurés, et qui ne tiennent pas parole. Après des manoeuvres dilatoires des autorités et plusieurs tentatives infructueuses, le procédé de cloche réussit techniquement mais les autorités publiques s'opposent à son déploiement... tout en menaçant de procès, par la voix de députés du Parti Saenuri, ceux qui ont eu le tort, d'après eux, d'avoir retardé les opérations de sauvetage. Un sauvetage qui a pourtant été catastrophique dès la survenue de l'accident, et ne permettra pas de sauver la moindre vie passé les premières heures, sur fond de désinformation massive quant à la réalité des moyens engagés.
Ce que montre aussi le film c'est la façon dont un des tuyaux alimentant la cloche a été coupé, de toute évidence par une intervention humaine, sabotant l'une des premières tentatives, puis la manoeuvre brutale du bateau des garde-côtes qui a failli provoqué une collision dont les conséquences auraient pu être dramatiques... pour les plongeurs privés et leur équipe utilisant la cloche. Passé cet incident interprété comme volontaire par des plongeurs américains présents sur les lieux, les professionnels privés utilisant la cloche de plongée se sont vus intimer l'ordre de partir, tandis que les médiax aux ordres les accablaient de critiques et qu'une campagne était organisée par les conservateurs au pouvoir pour exiger qu'ils soient traduits en justice au même titre que l'équipage du ferry.
S'adressant à un public averti, le documentaire ne revient pas sur les causes de la tragédie : le danger que présentait le lieu du naufrage (où 28 accidents ont eu lieu en 8 ans), la surcharge du bateau et son déséquilibre (il aurait dû être rééquilibré par 2 000 tonnes d'eau mais ne l'était que par 500 tonnes), la sous-formation de l'équipage qui a été le premier à fuir, les conséquences de la déréglementation libérale qui ont permis de prolonger la durée d'utilisation d'un ferry qui n'était plus aux normes - occidentales s'entend.
En mettant en lumière les dysfonctionnements de la chaîne de décision publique, ainsi que les intimidations et les sabotages à l'encontre de l'équipe de sauveteurs ayant utilisé la cloche privée, le documentaire a souverainement déplu à la très autoritaire Président sud-coréenne Mme Park Geun-hye. Par conséquent, les conservateurs du Parti Saenuri alors au pouvoir (défait lors des législatives du 13 avril 2016) ont tout fait pour empêcher la projection du film, jusqu'à menacer l'existence du Festival International du Film de Busan (acronyme anglais BIFF), l'un des principaux festivals de cinéma d'Asie, où il a néanmoins été diffusé dans une version écourtée (de dix minutes) malgré les menaces et les pressions. Alors que le débat après la projection du film s'est concentré sur les actions à conduire, le collectif des organisateurs Sewol Paris a rappelé l'initiative internationale conduite "I support BIFF".
Si la défaite du Parti Saenuri (conservateur, au pouvoir) lors des législatives du 13 avril 2016 s'est peu à peu confirmée au fur et à mesure du dépouillement, le Saenuri pouvait se consoler en se disant qu'il resterait la formation politique la plus importante du nouveau Parlement au regard des résultats provisoires. Las, les résultats définitifs font apparaître que le Parti Minjoo (démocrate, opposition) lui a finalement ravi cette place. Alors que la Présidente Park Geun-hye, directement mise en cause, tarde à réagir, que la plus grande incertitude règne sur la formation (ou non) du futur Gouvernement, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) donne les résultats définitifs en sièges.
Kim Chong-in, qui dirige par intérim le Parti Minjoo (au centre), et Lee Jong-kul, qui dirige le groupe parlementaire (à droite).
Le Parti Minjoo obtient au total 123 sièges sur les 300 que compte le Parlement : il a remporté 110 des 253 circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire et 13 sièges au scrutin de liste (25,5 % des suffrages exprimés au scrutin national de liste).
Le Parti Saenuri a remporté 122 sièges, dont 105 au scrutin majoritaire et 17 au scrutin de liste (33,5 %).
Le Parti du Peuple comptera 38 députés dans le nouveau Parlement, dont 25 élus dans les circonscriptions et 13 à la proportionnelle (26,7 %).
Le Parti de la Justice remporte 6 sièges : 2 au scrutin majoritaire et 4 dans les circonscriptions (7,2 %).
Autre aucune formation politique ne franchit le seuil des 3 % pour obtenir des sièges au scrutin national de liste, ni ne remporte de circonscription. Le Parti chrétien-libéral (extrême-droite) réunit 2,6 % des voix à la proportionnelle.
Enfin, 11 députés ont été élus comme indépendants dans les circonscriptions : il s'agit pour la plupart de députés sortants du Parti Saenuri qui n'avaient pas été réinvestis, le plus souvent en raison de leur opposition à la ligne et à la pratique politiques de la Présidente Mme Park Geun-hye et du Parti Saenuri : leur succès est un signe supplémentaire de la forte impopularité de l'exécutif sud-coréen.
South Korea's 20th legislative elections were held on 13 April 2016. All 300 members of the National Assembly were elected, 253 from first-past-the-post constituencies and 47 from proportional party