Le 5 décembre 2011, trois formations progressistes sud-coréennes, situées à la gauche du Parti démocrate (centre-gauche, principal parti d'opposition) ont annoncé leur fusion prochaine, lors d'un congrès prévu le 15 janvier 2012, au sein du Parti progressiste unifié. Ce rassemblement, qui n'est pas sans évoquer la démarche du front de gauche en France, intervient à la veille d'échéances électorales majeures, les législatives prévues en avril et la présidentielle en décembre, qui pourraient voir l'opposition l'emporter.
La gauche sud-coréenne, qui se définit par son opposition au libéralisme économique au sein de ceux qu'on appelle, en Corée du Sud, les progressistes, a longtemps souffert de ses divisions. Mais le pragmatisme tend au rassemblement, du fait notamment du système électoral - largement dominé par le scrutin majoritaire à un tour, ce qui ne laisse guère de place aux formations minoritaires (sauf si elles dominent localement) et conduit souvent à des accords électoraux de désistement réciproque lors du premier et unique tour de scrutin.
Le 15 janvier 2012 doit ainsi se tenir le congrès fondateur du Parti progressiste unifié (PPU), fusion de trois formations politiques situées à la gauche de l'échiquier politique :
- le Parti démocratique du travail (PDT), qui compte aujourd'hui 70 000 membres et 5 députés après un recul aux élections législatives de 2008 (moins de 6 % des voix) ;
- la majorité du Nouveau parti progressiste (NPP, près de 3 % des voix aux législatives de 2008), lui-même issu d'une scission du PDT : cette majorité du NPP, baptisée Alliance de la solidarité (AS), revendique 10 000 membres et compte un député, élu lors d'une législative partielle en avril 2009 ; une minorité du NPP entend maintenir le NPP et ne pas rejoindre le PPU ;
- le Parti pour la participation du peuple (PPP), fort de 8 000 membres, issu de la gauche du principal parti d'opposition sud-coréen, le Parti démocrate ; la figure la plus connue du PPP est Rhyu Si-min, ancien ministre de la Santé du Président Roh Moo-hyun, proche de ce dernier, comme de nombreux membres du PPP.
L'enjeu électoral est double pour le PPU :
- d'une part, former en avril prochain un groupe parlementaire, en obtenant davantage de sièges au scrutin proportionnel (le PDT n'avait obtenu que trois députés à la proportionnelle en 2008) et en prenant l'ascendant dans les circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire à un tour, notamment dans le cadre d'accords avec le Parti démocrate, par des accords de désistement au profit du candidat le mieux placé, là où la division des progressistes pourrait entraîner l'élection d'un candidat du Grand parti national (conservateur, au pouvoir) ;
- d'autre part, peser lors de l'élection présidentielle de décembre 2012 : le PPU pourrait alors participer à l'élection primaire pour la désignation d'un candidat commun avec le Parti démocrate, plutôt que de présenter son propre candidat à cette élection organisée au scrutin majoritaire à un tour (le PDT n'avait recueilli que 3 % au précédent scrutin de décembre 2007, victime du vote dit utile en faveur du candidat démocrate). Rhyu Si-min serait un candidat sérieux à l'investiture, alors que ces derniers mois ont été marqués par l'ascension dans les sondages d'un candidat non encarté, l'entrepreneur en informatique Ahn Cheol-soo. S'il se présente, Ahn Cheol-soo pourrait capitaliser sur le succès à la récente élection municipale partielle de Séoul d'un autre candidat indépendant soutenu par le Parti démocrate et le PDT, Park Won-soon, ce qui avait témoigné d'une désaffection pour les partis traditionnels.
Dans tous les cas, une alternance politique à Séoul augurerait d'un possible changement de cap des relations intercoréennes, après que le Président conservateur Lee Myung-bak eut remis en cause la politique d'ouverture au Nord de ses prédécesseurs démocrates Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun, conduisant à la disparition d'un grand nombre des acquis du dialogue intercoréen.
Sources : AAFC, Mémoire des luttes.
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