Défait en 2012 par la candidate conservatrice Park Geun-hye, le démocrate Moon Jae-in a pris sa revanche en remportant largement l'élection présidentielle du 9 mai 2017 (41,1 % des voix, contre 24,0 % pour le conservateur Hong Joon-pyo et 21,4 % pour le centriste Ahn Cheol-soo). A l'issue de ce scrutin anticipé, organisé à la suite de la destitution de Mme Park Geun-hye, à tour unique, le Président Moon Jae-in devra faire face à des défis historiques sans précédent : préserver la paix dans la péninsule coréenne et répondre aux aspiration des millions de Corée qui, en participant aux manifestations de la "révolution des bougies" ayant conduit au départ de Mme Park, ont exprimé leur aspiration d'une Corée du Sud sociale et démocratique.
Né en 1953 dans une famille paysanne pauvre, originaire du Nord, Moon Jae-in sait plus que d'autres comment s'est construit le "miracle économique" sud-coréen, sur fond de régime autoritaire et d'exploitation très forte des travailleurs, en ayant payé par des séjours en prison son opposition au régime militaire de Park Chung-hee (père de la présidente destituée) puis en devenant un avocat des droits de l'homme, aux côtés de Roh Moo-hyun, ancien président de la République de Corée (2003-2008).
Son élection marque déjà la fin d'une période sombre : celle d'une dérive autoritaire de la Corée du Sud, cautionnée par les pays occidentaux - au premier rang desquels les Etats-Unis de Barack Obama et Donald Trump et la France de François Hollande : les candidats conservateurs ont réuni moins d'un tiers des voix au scrutin du 9 mai 2017 (24,0 % pour Hong Joon-pyo, 6,8 % pour le conservateur Yoo Seung-min opposé à Parkk Geun-hye et 0,1 % pour l'ultraconservateur Cho Won-jin).
Car le score relativement modeste de la principale candidate de gauche à ce scrutin, Sim Sang-jung (6,2 %, néanmoins le meilleur score d'un candidat de gauche jamais obtenu à une élection présidentielle en Corée du Sud), ne doit pas être interprété comme un blanc-seing aux ambiguïtés de Moon Jae-in sur le déploiement du système de missiles américain THAAD en Corée du Sud, ou encore les droits des minorités sexuelles : les millions de manifestants qui ont chassé du pouvoir le régime autoritaire et corrompu de Mme Park Geun-hye ont d'abord voté "utile" pour stopper la course où les conservateurs entraînaient la Corée du Sud, vers la guerre et la dictature.
Comme toujours en Corée du Sud, les "petits" candidats à l'élection présidentielle n'ont bénéficié de presque aucune couverture médiatique et leurs scores s'avèrent confidentiels (moins de 0,5 % au total pour 8 candidats) : dans l'ordre, Cho Won-jin (0,13 %) devance Kim Min-chan (0,10 %), Kim Sun-dong (0,08 %), Chang Sung-min (0,06 %), Yoo Hong-sik (0,05 %), Lee Kyung-hee (0,03 %), Lee Jae-oh (0,02 %) et Oh Young-guk (0,01 %).
Alors que les Etats-Unis de Donald Trump menacent d'attaques américaines qui conduiraient à la guerre avec la Corée du Nord, Moon Jae-in a une responsabilité historique pour modérer son allié américain, et aussi renouer les fils du dialogue intercoréen, comme il s'y est engagé pendant sa campagne. Ne disposant pas d'une majorité parlementaire, il aura aussi la lourde tâche d'améliorer les libertés publiques en Corée du Sud, libérer les prisonniers politiques (y compris les objecteurs de conscience), mettre fin à la répression antisyndicale, abroger la loi de sécurité nationale. Enfin, il devra répondre aux aspirations d'une société légitimement inquiète par le ralentissement économique, la montée des inégalités sociales et le coût très élevé pour les familles d'un système éducatif trop compétitif qui pousse trop de jeunes au suicide. La tâche est immense : pour relever ses défis, l'Association d'amitié franco-coréenne souhaite plein succès à Moon Jae-in, qu'elle félicite pour son élection.
Article mis à jour le 12 mai 2017
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