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8 mai 2018 2 08 /05 /mai /2018 21:25

Moins d'un mois et demi après sa visite en République populaire de Chine, du 25 au 28 mars 2018, dans le cadre de son premier déplacement à l'étranger depuis 2011, le Président Kim Jong-un a rencontré une nouvelle fois le Président Xi Jinping, à Dalian cette fois, dans le nord-est de la Chine, les 7 et 8 mai 2018. Ces nouveaux échanges au sommet témoignent de la mise en place de mécanismes de consultation entre les deux parties au plus haut niveau, dans le cadre du dialogue stratégique manifestement instauré lors de la visite de mars 2018 - avant le sommet à venir entre Donald Trump et Kim Jong-un, et au lendemain du déplacement en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) de Wang Yi, conseiller d'Etat et ministre des Affaires étrangères chinois. 

Nouvelle rencontre entre Kim Jong-un et Xi Jinping en Chine

C'est dans le cadre bucolique de Dalian qu'ont eu lieu les échanges entre les deux hommes d'Etat, dont l'agence chinoise Xinhua a rappelé non seulement les fonctions dans l'appareil d'Etat, mais aussi (et d'abord, car mentionnées en premier) celles au sein du Parti : 

Xi Jinping, secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) et président chinois, a rencontré Kim Jong Un, président du Parti du travail de Corée (PTC) et président de la Commission des Affaires d'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), à Dalian, dans la province chinoise du Liaoning (nord-est), les 7 et 8 mai.

La rencontre a ainsi été replacée dans le cadre de la traditionnelle solidarité entre pays socialistes, en soulignant les liens d'amitié noués entre la RPD de Corée et la Chine et le développement des relations bilatérales, alors que Pékin a apporté son soutien à la priorité donnée par la RPD de Corée au développement de son économie. Selon l'agence Xinhua, 

M. Kim a observé qu'il était venu en Chine à nouveau pour rencontrer le secrétaire général et l'informer de la situation, espérant renforcer la communication stratégique et la coopération avec la Chine, approfondir l'amitié entre la RPDC et la Chine, et promouvoir la paix et la stabilité régionales.

Le communiqué chinois souligne à plusieurs reprises la convergence de vues des deux pays pour contribuer "à la paix et à la stabilité de la région". A cet égard, le Président Kim Jong-un a souligné que son engagement pour la dénucléarisation était conditionné à l'abandon par les Etats-Unis de leur politique hostile à l'égard de la RPD de Corée et à la levée des "menaces sécuritaires" à son encontre : 

La RPDC a adopté une position constante et claire pour réaliser la dénucléarisation de la péninsule coréenne, a fait savoir M. Kim. Tant que les parties concernées renoncent à leurs politiques hostiles et lèvent les menaces sécuritaires contre la RPDC, la RPDC n'a pas besoin d'être un état nucléaire et la dénucléarisation peut être réalisée, a-t-il indiqué.

Ce point crucial - qui souligne le rôle que devrait être amenée à jouer la Chine comme garant d'un accord apportant à Pyongyang les garanties de sécurité qu'elle attend - a d'ailleurs été souligné par Xi Jinping, dans l'entretien qu'il a ensuite eu avec Donald Trump. Selon une dépêche AFP citant les médias chinois : 

Quelques heures plus tard, le président chinois a, lors d'une conversation téléphonique avec Donald Trump, demandé à ce dernier de prendre en compte les "préoccupations de sécurité raisonnables" de Pyongyang.

Pour sa part, la Maison Blanche a préféré insister sur le fait que les Etats-Unis et la Chine ont convenu de "poursuivre l'application des sanctions" jusqu'au démantèlement du programme nucléaire nord-coréen : 

Selon un communiqué de la Maison Blanche, les deux dirigeants "sont tombés d'accord sur l'importance de la poursuite de l'application des sanctions contre la Corée du Nord jusqu'au démantèlement permanent de ses programmes nucléaire et balistique".

L'agence Xinhua a cependant cité le dirigeant nord-coréen en précisant que selon lui il serait nécessaire de bâtir des relations de confiance mutuelle, et que donc des mesures devraient être prises simultanément par les Etats-Unis - sans attendre par conséquent le démantèlement du programme nucléaire nord-coréen : 

M. Kim a espéré que la RPDC et les Etats-Unis bâtiraient la confiance mutuelle à travers le dialogue et que les parties concernées prendraient des mesures progressives et synchronisées de manière responsable, afin de faire avancer globalement le règlement politique de la question de la péninsule coréenne et d'atteindre finalement la dénucléarisation et une paix durable sur la péninsule.

Si le président américain a lui aussi parlé de l'instauration de relations de confiance, il n'a toutefois pas encore formulé de premières contreparties pour instaurer le processus qui permettra d'atteindre l'objectif ultime de dénucléarisation de la RPD de Corée. Comme l'avait tweeté Donald Trump avant son entretien téléphonique avec le Président Xi Jinping : 

Je parlerai avec mon ami le président chinois Xi à 8 h 30 ce matin. Les sujets principaux seront le commerce, sur lequel de bonnes choses vont se produire, et la Corée du Nord, où des liens et la confiance sont en train d’être bâtis.

Il reste donc manifestement des ajustements à opérer pour accorder les positions de Pyongyang et Washington. Et c'est en ce domaine que, sans attendre l'accord final de dénucléarisation, la Chine peut d'ores et déjà jouer un rôle important, par une mission de bons offices consistant à rapprocher les points de vue. A cet égard, il n'est pas anodin que le Président Kim Jong-un ait salué - lui aussi - le rôle de facilitateur joué par la Chine, souligné par le Président Xi Jinping qui a déclaré, selon Xinhua : 

La Chine est prête à continuer à travailler avec toutes les parties concernées et à jouer un rôle actif pour faire avancer de manière complète le processus de résolution pacifique du dossier péninsulaire par le dialogue, et réaliser la paix et la stabilité à long terme dans cette région.

Le processus en cours est donc bien multipartite, équilibré entre chacune des parties impliquées (les deux Corée, les Etats-Unis, la Chine), ce qui accroît les chances de parvenir à un accord satisfaisant les intérêts de tous les acteurs.

Nouvelle rencontre entre Kim Jong-un et Xi Jinping en Chine

Sources : 

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2 mai 2018 3 02 /05 /mai /2018 22:25

Le succès du sommet du 27 avril 2018 entre les présidents Moon Jae-in et Kim Jong-un, puis la rencontre attendue entre les présidents Kim Jong-un et Donald Trump, pourrait sembler - en première analyse - traduire une certaine marginalisation de la Chine. Ce serait cependant mal connaître les ressorts de la diplomatie chinoise, alors que le ministre des Affaires étrangères de la République populaire de la Chine Wang Yi vient d'arriver en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) - la précédente visite en RPD de Corée du chef de la diplomatie chinoise remontant à 2007. 

Le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi, accueilli à son arrivée en RPDC par Ri Kil-song, vice-ministre des Affaires étrangères de la RPDC

Le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi, accueilli à son arrivée en RPDC par Ri Kil-song, vice-ministre des Affaires étrangères de la RPDC

Certes, le retournement diplomatique est venu d'une initiative des seuls Coréens - à l'occasion des Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang - et non d'une réponse favorable des Américains et de leurs alliés à la proposition sino-russe d'un "double moratoire" (de ses essais nucléaires et balistiques par la RPDC, de leurs exercices militaires par les Etats-Unis et leurs alliés), réitérée tout au long de l'année 2017. Il n'en reste pas moins que le dégel diplomatique en cours répond pleinement aux attentes de Pékin, qui peut d'autant plus se féliciter d'une perspective de dénucléarisation de la péninsule coréenne qu'elle n'a jamais été favorable à ce que la RPDC dispose d'une force de dissuasion nucléaire - redoutant l'escalade militaire en retour des Américains, et la possibilité que d'autres pays de la région (Japon, Corée du Sud...) se dotent à leur tour de l'arme nucléaire. 

Le président américain Donald Trump a d'ailleurs salué le soutien de la Chine lorsqu'il s'est félicité du sommet intercoréen du 27 avril 2018 - rappelant ainsi implicitement que la Chine, qui représente l'essentiel du commerce extérieur chinois et des investissements étrangers en RPD de Corée, dispose d'une puissant levier économique sur Pyongyang et a effectivement voté puis mis en oeuvre les sanctions internationales contre la Corée du Nord.

Cet convergence de positions entre Washington et Pékin avait ainsi distendu les relations traditionnelles entre la République populaire de Chine et la RPD de Corée, qui ont atteint un point bas en 2017. Mais les intérêts entre les deux pays restent étroitement imbriqués, et Pyongyang - bien que, politiquement, totalement indépendant de Pékin - a besoin d'une ouverture économique de la Chine, comme la Chine du levier nord-coréen pour rester un acteur majeur en Asie du Nord-Est : le sommet entre Kim Jong-un et Xi Jinping fin mars 2018 - qui était aussi la première visite à l'étranger du dirigeant nord-coréen - a opportunément rappelé la convergence stratégique entre les deux puissances, qui entendent resserrer leur coopération et leurs échanges d'informations.

La visite de Wang Yi en Corée du Nord devrait ainsi répondre à plusieurs objectifs : permettre une information directe de Pékin par Pyongyang des résultats du sommet intercoréen ; assurer la pleine présence chinoise aux pourparlers envisagés sur la transformation de l'accord d'armistice de 1953 (dont la Chine était l'un des trois signataires) en un traité de paix (et corrélativement aux mécanismes internationaux qui devront être mis en place pour garantir la sécurité de la RPD de Corée) ; préparer la visite annoncée de Xi Jinping en Corée du Nord ; envisager les modalités d'application des sanctions internationales qui, avant même leur levée partielle, devraient être assouplies par Pékin pour favoriser la poursuite du processus diplomatique en cours ; probablement, perspective de relance des zones économiques spéciales à la frontière sino-coréenne - les deux derniers sujets n'ayant pas vocation à être discutés publiquement à ce stade. Préférant les canaux d'influence discrets à la politique souvent tonitruante de l'administration Trump, la diplomatie chinoise repositionne ses pions dans un contexte en pleine mutation, tout en réaffirmant son rôle d'acteur incontournable dans une région qui constitue "son étranger proche", au contact des régions du Nord-Est dont le développement est corrélé à celui de la RPD de Corée.

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28 mars 2018 3 28 /03 /mars /2018 11:47

Du 25 au 28 mars 2018, le Président Kim Jong-un a effectué sa première visite en Chine depuis son accession aux plus hautes responsabilités du Parti et de l'Etat fin 2011. Le 26 mars, il a rencontré le Président Xi Jinping, qui a offert un dîner à la délégation dirigée par Kim Jong-un. Cette visite - qualifiée de "non officielle" et dont il n'a été rendu compte publiquement qu'à son issue, comme pour les déplacements qu'effectuaient le dirigeant Kim Jong-il en Chine - est intervenue à la veille du troisième sommet intercoréen, annoncé pour fin avril, et d'une rencontre entre les Présidents Kim Jong-un et Donald Trump, attendue en mai. Elle a permis à Pékin et à Pyongyang, alliés dans les domaines politiques et stratégiques, de faire le point sur la situation internationale actuelle : selon les médias chinois, Kim Jong-un aurait réaffirmé sa volonté de dénucléariser la péninsule coréenne, conformément au voeu exprimé par ses prédécesseurs Kim Il-sung et Kim jong-il. Mais ce processus sera long et nécessitera des contreparties en termes de sécurité pour Pyongyang : à cet égard, la Chine est appelée à jouer un rôle important, en tant que puissance de nature à garantir des accords en ce domaine.

Les présidents Kim Jong-un et Xi Jinping

Les présidents Kim Jong-un et Xi Jinping

C'est finalement bien la Chine qui a été choisie pour le premier déplacement à l'étranger du Président Kim Jong-un depuis 2011, à la veille d'autres rencontres au sommet pour le dirigeant nord-coréen, confirmant que Pékin reste un acteur incontournable du processus en cours - alors que des voix s'étaient élevées en Chine pour prévenir tout risque de marginalisation de la puissance chinoise.

Comme l'a souligné l'agence Xinhua citant le Président Xi Jinping, cette rencontre intervient donc à la veille d'échéances importantes, et permet de réaffirmer les traditionnelles relations d'amitié et de solidarité entre la République populaire de Chine et la République populaire démocratique de Corée :

M. Xi a déclaré que la visite de M. Kim en Chine, qui intervient à un moment particulier et revêt une grande signification, illustrait pleinement la grande importance que le camarade président et le Comité central du PTC attachaient aux relations entre les deux pays et les deux partis.

Toujours selon Xinhua, le Président Kim Jong-un a tenu à féliciter en personne le Président Xi Jinping pour sa réélection à la tête du Parti et de l'Etat, et l'informer directement des évolutions en cours :

M. Kim a indiqué que le camarade Xi Jinping jouissait du soutien du PCC et du peuple de tout le pays, qu'il était devenu le noyau dirigeant et avait été réélu président chinois et président de la CMC. Il a indiqué qu'il était obligé de venir féliciter M. Xi en personne en tenant compte de la tradition d'amitié entre la RPDC et la Chine.

Aujourd'hui, la situation dans la péninsule coréenne a évolué rapidement et de nombreux changements importants ont eu lieu, a indiqué M. Kim, ajoutant qu'il avait pensé devoir venir à temps pour informer en personne le camarade secrétaire général Xi Jinping de la situation en tenant compte de la camaraderie et de la responsabilité morale.

A cet égard, les deux parties ont convenu de développer les relations d'amitié en maintenant un dialogue stratégique de haut niveau, pour promouvoir la paix et le développement. L'agence Xinhua a ainsi précisé, citant le Président Xi Jinping :

Deuxièmement, pleinement mettre en jeu la pratique de communication stratégique qui s'est avérée précieuse et efficace. Il s'agit de la tradition exceptionnelle des deux parties de mener en profondeur des échanges fréquents de points de vue sur les sujets majeurs. Les deux parties doivent maximiser le rôle important des échanges entre les partis, promouvoir les échanges et la coopération entre les deux pays dans divers domaines et renforcer la communication et la confiance mutuelle.

Troisièmement, faire progresser activement le développement pacifique. Le socialisme à la chinoise est entré dans une nouvelle ère, et la construction socialiste de la RPDC est aussi entrée dans une nouvelle période historique. Nous sommes prêts à conjuguer les efforts avec la RPDC, à suivre la tendance de l'époque, à hisser haut la bannière de la paix, du développement, de la coopération et des avantages réciproques, à améliorer de manière constante le bien-être des deux peuples, et à apporter une contribution positive à la paix, à la stabilité et au développement régionaux.

Pour sa part, le Président Kim Jong-un a rappelé l'engagement de la RPDC de dénucléariser, pour peu que le dialogue avec les Etats-Unis soit sincère. Toujours selon Xinhua,

"Notre détermination en faveur de la dénucléarisation de la péninsule est notre position constante, conformément à la volonté du défunt président Kim Il Sung et de l'ancien secrétaire général Kim Jong Il", a-t-il souligné.

M. Kim a indiqué que la RPDC était déterminée à transformer les liens intercoréens en une relation de réconciliation et de coopération et à organiser un sommet entre les dirigeants des deux parties.

La RPDC est prête à dialoguer avec les Etats-Unis et à organiser un sommet entre les deux pays, a-t-il expliqué.

"La question de la dénucléarisation de la péninsule coréenne peut être résolue, si la Corée du sud et les Etats-Unis font preuve de bonne volonté dans leur réponse à nos efforts et créent une atmosphère de paix et de stabilité en prenant des mesures progressives et synchronisées pour parvenir à la paix, a déclaré M. Kim.

La RPDC espère renforcer sa communication stratégique avec la Chine dans le cadre de ce processus et sauvegarder conjointement la tendance à la consultation et au dialogue ainsi que la paix et la stabilité dans la péninsule, a indiqué M. Kim.

Première rencontre au sommet entre Kim Jong-un et Xi Jinping

Le Président Xi Jinping a été invité en RPD de Corée à l'issue de cette visite.

Principale source :

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21 mars 2018 3 21 /03 /mars /2018 23:11

La délégation sud-coréenne de haut niveau qui a rencontré le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a rendu compte des échanges qu'elle a eus à Pyongyang non seulement aux Américains, mais également aux autres pays parties aux pourparlers à six (Chine, Japon, Russie) - qui tous adaptent leur diplomatie aux recompositions diplomatiques résultant des sommets annoncés intercoréen et Etats-Unis-Corée du Nord

Rencontre à Moscou le 13 mars 2018 entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et Chung Eui-yong, qui dirigeait la délégation sud-coréenne ayant rencontré le Président Kim Jong-un

Rencontre à Moscou le 13 mars 2018 entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et Chung Eui-yong, qui dirigeait la délégation sud-coréenne ayant rencontré le Président Kim Jong-un

Moscou : un soutien au dialogue et aux pourparlers

La Russie a toujours eu une position favorable à la reprise du dialogue dans la péninsule coréenne et n'a donc pu qu'accueillir très positivement les récents développements. Selon Chung Eui-yong : 

Le ministre Lavrov a déclaré que le gouvernement russe continuerait à soutenir activement les accords de principe concernant le dialogue intercoréen et le sommet Corée du Nord-Etats-Unis. Nous sommes convenus de maintenir la coopération étroite entre la Corée du Sud et la Russie pour aider à organiser avec succès les deux sommets (...).
La Russie continue à jouer un rôle constructif en vue de la réalisation pacifique de l’objectif de dénucléarisation sur la péninsule coréenne et à déployer des efforts considérables pour conduire la Corée du Nord au dialogue.

Pour la Russie, la question coréenne est d'abord un enjeu lui permettant réaffirmer ses ambitions de grande puissance en Extrême-Orient, alors même que sa présence économique en Corée du Nord est aujourd'hui très faible (elle représente au plus 3 % du commerce extérieur de la RPDC) et ne lui laisse qu'une faible marge de manoeuvre en la matière, tandis que Pyongyang a pris par ailleurs des positions favorables à Moscou dans la période récente (notamment sur la question de Crimée). Dans un second temps, il s'agit d'un levier pour développer l'extrême-orient russe - notamment à travers les projets, aujourd'hui bloqués du fait des sanctions internationales, de raccordement des liaisons ferroviaires et des gazoducs entre la Russie et la République de Corée (du Sud), et dont la relance sera activement recherchée. L'objectif pour la Russie, s'il se mettait en place un régime de sécurité international autour de la péninsule (de type OSCE), serait d'être pleinement partie prenante de ce dispositif. 

Pékin : ne pas se laisser marginaliser

Etre pleinement acteur d'un régime de sécurité internationale autour de la Corée est a fortiori la préoccupation première de la République populaire de Chine, qui est de surcroît le principal partenaire économique et politique de la RPD de Corée et dispose là d'un atout majeur. La difficulté pour elle est que les relations bilatérales avec Pyongyang se sont distendues du fait de son soutien constant à la politique américaine de sanctions internationales envers la Corée du Nord. Des relations directes Washington-Pyongyang pourraient en outre mettre à l'écart Pékin, qui s'inquiète aujourd'hui autant d'une marginalisation possible dans une région faisant partie de son étranger proche qu'hier d'un possible conflit à ses portes dont elle subirait les conséquences. Dans le même temps, les développements actuels traduisent la pertinence de l'approche diplomatique chinoise - basée sur le dialogue et la désescalade - sur le dossier coréen, renforçant encore la crédibilité de Pékin qui se retrouve dans une position de convergences de vues avec Séoul - d'autant que le Président Moon Jae-in a su spectaculairement restaurer une relation bilatérale gravement mise à mal par l'administration Park Geun-hye

Cette volonté de restaurer les relations d'amitié traditionnelles avec Pyongyang, tout en exhortant la RPDC à compter sur le soutien de la Chine (ce qui exprime la crainte qu'elle pourrait s'en passer...), se mesure dans les dernières phrases d'un éditorial du Global Times, le 18 mars 2018, proche des positions du Parti communiste chinois : 

Maintenir des relations d'amitié entre la Chine et la Corée du Nord correspond aux intérêts des deux parties.

Pour la Chine, cela est propice à la stratégie de Pékin dans sa périphérie et peut lui laisser une marge de manoeuvre dans les affaires du nord-est asiatique.

Pour la Corée du Nord, il serait difficile et dangereux de se débrouiller seulement avec Séoul, Washington et Tokyo. Le soutien de la Chine peut diminuer de beaucoup les risques.

Il faut souhaiter que le Parti communiste chinois et le Parti du travail de Corée pourront conserver les fondements de la relation entre les deux pays, en s'assurant qu'aucun opportuniste ne fera son marché ou trouvera le moyen de porter atteinte aux liens entre Pékin et Pyongyang.

Vis-à-vis de la Chine, un des premiers signe qu'appréciera la RPDC sera de savoir si Pékin continuera d'appliquer avec la même fermeté les sanctions à son encontre.

Tokyo : éviter un second choc Nixon

Le rapprochement Pékin-Washington au début des années 1970 avait été vécu à Tokyo comme un "choc Nixon", c'est-à-dire que le Japon s'était retrouvé mis devant le fait accompli d'une situation renversant des décennies de politique diplomatique anticommuniste et de relations privilégiées avec Taïwan. La réaction du pays du Soleil Levant avait été la normalisation accélérée de ses relations avec Pékin.

Si des relations Etats-Unis-RPDC devaient rapidement s'établir, il est probable que Tokyo chercherait aussi à ne pas être placée hors jeu en favorisant un sommet bilatéral avec Pyongyang (qui ne seraient pas une première, après ceux entre Joinichuro Koizumi avec Kim Jong-il en 2002 et 2004). Côté japonais, il s'agirait d'obtenir un règlement de la question des personnes japonaises "disparues" selon la terminologie nord-coréenne, enlevées selon Tokyo. Côté nord-coréen, le versement d'indemnités au titre des dommages subis pendant l'occupation japonaise et la guerre referait surface.

Dans l'immédiat, le gouvernement nationaliste de Shinzo Abe, qui a surfé sur la North Korean scare pour élargir son assise parlementaire lors des élections législatives convoquées en octobre 2017, a été pris en porte-à-faux en n'étant pas tenu au courant de l'annonce surprise du Président Donald Trump qu'il était prêt à rencontrer le dirigeant Kim Jong-un - une annonce qui va à l'encontre des positions de Tokyo systématiquement favorables à un durcissement des sanctions contre la RPDC. A présent, le Japon ne peut qu'espérer (comme il l'exprime ouvertement) que la question  - sensible dans l'archipel - des citoyens japonais enlevés par les services secrets nord-coréens sera au menu des discussions bilatérales entre Washington et Pyongyang, et prôner des discussions exigeantes - sans pouvoir publiquement désavouer l'allié américain... et préparer un virage sur l'aile dans l'hypothèse d'une percée diplomatique entre Pyongyang et Washington.

Sources : 

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28 février 2018 3 28 /02 /février /2018 23:54

Le 23 février 2018, les autorités américaines ont annoncé de nouvelles sanctions unilatérales - décrites comme "sans précédent" - contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), à l'encontre de sociétés de transport maritimes ou de navires qui, selon Washington, aideraient Pyongyang à contourner les sanctions. Parmi les entreprises sanctionnées figurent des sociétés chinoises, ce qui a entraîné une vive réaction de Pékin. Mais dans quelle mesure la Chine va-t-elle effectivement changer sa coopération avec les Etats-Unis sur le dossier coréen ? 

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois dénonçait, en 2014, les sanctions unilatérales contre la Corée du Nord frappant des entreprises de pays tiers (dont la Chine).

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois dénonçait, en 2014, les sanctions unilatérales contre la Corée du Nord frappant des entreprises de pays tiers (dont la Chine).

Par un communiqué publié dès le 24 février 2018, les autorités chinoises ont vivement réagi à cette initiative américaine prise de manière unilatérale, menaçant qu'elle pourrait avoir des conséquences sur la relation bilatérale avec Washington pour le traitement du dossier coréen : 

La Chine est fermement opposée (...) à ce que les Etats-Unis se basent sur leur droit national pour imposer des sanctions unilatérales contre des entités et des individus chinois (...).

Nous avons déposé des protestations officielles auprès des autorités américaines, et exigé que les Etats-Unis mettent fin à leurs pratiques erronées, afin d'éviter de porter atteinte à notre coopération bilatérale sur le dossier [nord-coréen].

Comme l'a observé l'analyste James Dobbin, de la Rand corporation souvent décrite comme d'inspiration néo-conservatrice, la Chine est d'autant plus sensible à une telle interférence relevant du principe d'extraterritorialité (c'est-à-dire, empiétant sur sa souveraineté) qu'elle coopère à la mise en oeuvre du régime international de sanctions contre la Corée du Nord : 

La Chine est parmi les pays les moins susceptibles de se soumettre à une interférence extraterritoriale sur ses arrangements commerciaux. Néanmoins, la Chine a soutenu l'augmentation continue des sanctions internationales contre la Corée du Nord imposée par le Conseil de sécurité des Nations unies, alors qu'elle apprécie encore moins une Corée du Nord dotée d'armes nucléaires.

Ce point de vue fait le pari que la Chine, au fond, ne serait pas hostile aux sanctions contre la RPD de Corée - certains auteurs, comme Samuel Ramani, émettant l'hypothèse que les sanctions offrent un levier à Pékin pour "rétablir son hégémonie" sur la Corée du Nord. 

La fin de la coopération sino-américaine sur la question coréenne est enfin d'autant moins probable que la Chine protestait déjà, en 2014, contre les sanctions unilatérales américaines frappant des sociétés chinoises commerçant avec la Corée du Nord. Mais elle n'a alors pas abandonné le levier des sanctions, inscrivant de fait ses pas dans ceux de la diplomatie américaine.

Si l'administration Trump pratique volontiers une diplomatie tendant à aller jusqu'au point de rupture avec Pékin,  elle sait que ses dernières initiatives ne lui font pas courir un très grand danger, mais qu'elles pourraient relever davantage d'un "grand marchandage" entre Pékin et Washington (comme l'imagine James Dobbin) : le suivisme chinois dans l'adoption des sanctions internationales contre Pyongyang, et l'absence de contre-mesures aux initiatives unilatérales des Etats-Unis, a fait perdre beaucoup de leur crédibilité aux critiques chinoises émises ce 24 février. Pour redevenir un acteur majeur sur le dossier nord-coréen, où les autorités sud-coréennes sont revenues en force à l'occasion des Jeux de Pyeongchang, la Chine ne devra pas de contenter de protestations verbales face à l'unilatéralisme américain, ou de déclarations de principe quant à la nécessité d'un dialogue direct entre Pyongyang et Washington - dont Séoul avait déjà dit quelques jours plus tôt, à l'issue de discussions intercoréennes lors de la clôture des Jeux olympiques, que la RPDC y était disposée.

Sources : 

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29 décembre 2017 5 29 /12 /décembre /2017 15:54

Le dernier numéro de Diplomatie (n° 89, novembre-décembre 2017) propose un dossier sur la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) de très bon niveau - malgré quelques erreurs et affirmations pour le moins contestables, essentiellement contenues dans l'article d'Antoine Bondaz - par ailleurs très pertinent et de bien meilleure qualité que son ouvrage grand public à sensation, multipliant les clichés et les manipulations photographiques (d'images sur fond invariablement gris et brumeux, signées Benjamin Decoin), et fort subtilement intitulé Corée du Nord, plongée au cœur d'un Etat totalitaire.

Il est ainsi erroné d'affirmer (p. 56) que le Président Lee Myung-bak aurait été élu président "notamment" par rejet de la politique du rayon du soleil, dans une campagne en réalité dominée par les questions économiques (et le ralentissement de la croissance, que le nouveau chef de l'Etat entendait relever à 7 % par an) - par ailleurs, si la question nord-coréenne avait pesé d'un aussi grand poids dans l'élection de 2007, le dissident conservateur Lee Hoi-chang, qui avait lui fait campagne sur une ligne anti-Corée du Nord après avoir échoué deux fois de très peu à accéder à la Maison bleue, n'aurait pas été aussi largement battu. De même, il est pour le moins hasardeux d'affirmer (p. 58), qu'une "très large majorité des Sud-Coréens" soutiendrait désormais l'alliance avec les Etats-Unis - sauf à discuter de ce qu'on appelle un soutien (en particulier, le déploiement du système américains de missiles antimissile THAAD, auquel s'est rallié le Président Moon Jae-in, est  toujours loin de faire l'objet d'un consensus au Sud de la Corée). Enfin, écrire sans nuances (p. 57) que la Présidente Park Geun-hye aurait sincèrement cherché à améliorer les relations intercoréennes après son élection relève d'une acceptation trop rapide des éléments de langage développés à cette époque par les autorités sud-coréennes, la réalité des faits montrant au contraire que, en quelques semaines, la Présidente Park a épousé les thèses des faucons néo-conservateurs, tout en refusant les offres de dialogue du Nord.

Sous ces réserves qui ne font que tempérer notre appréciation extrêmement positive sur ce dossier très fouillé et bien renseigné de Diplomatie, deux articles ont retenu notre attention, l'un et l'autre écrits par Théo Clément, doctorant à l'Université de Vienne. Théo Clément parle chinois et a enseigné à l'Université de science et de technologie de Pyongyang (acronyme anglais, PUST). Dans son article "Chine - Corée du Nord, cinquante nuances de méfiance", il montre notamment dans quelle mesure l'amitié entre la Chine et la RPD de Corée, régulièrement rappelée et célébrée par les deux parties, relève du "mythe fondateur" des relations bilatérales, "reconstruit a posteriori".

Le Président Kim Il-sung reçu à Pékin, le 1er janvier 1958, par le Premier ministre chinois Zhou Enlai

Le Président Kim Il-sung reçu à Pékin, le 1er janvier 1958, par le Premier ministre chinois Zhou Enlai

Il est des clichés qui ont la vie dure (y compris dans la tête de certains chefs d'Etat nord-américains), comme celui d'une alliance indéfectible entre la République populaire de Chine et la République populaire démocratique de Corée, que les mêmes chefs d'Etat se font fort de croire pouvoir remettre en cause à eux seuls. Mais en diplomatie, comme en politique, il n'y a pas d'amitié, seulement des convergences d'intérêts. La relation sino-nord-coréenne n'y fait pas exception : certes, les communistes coréens ont joué un rôle déterminant dans les combats menés par les forces communistes alliées en Mandchourie dans les années 1930, et ce soutien a été payé en retour par la Chine populaire lors de la guerre de Corée avec l'intervention des volontaires du peuple chinois - dont 420.000 auraient trouvé la mort sur le front coréen. Comme tous les mythes fondateurs, celui de l'amitié indéfectible sino-(nord-)coréenne magnifie des faits incontestables.

Sauf que, comme l'observe Théo Clément, il a toujours existé une profonde méfiance des Nord-Coréens vis-à-vis des Chinois, qui ont maintenu pendant des siècles une relation de suzerain à vassal avec leur étranger proche qu'étaient le Vietnam et la Corée. La période contemporaine reste ainsi marquée par des relations de méfiance qui, paradoxalement, ont atteint leur paroxysme pendant la guerre de Corée, du fait de la pratique chinoise de mise à l'écart des Nord-Coréens de la conduite des opérations :

L'épisode de la guerre de Corée fut en réalité un moment de tension extrême entre Pékin et Pyongyang, ainsi qu'une période humiliante pour la Corée du Nord, exclue du commandement opérationnel des troupes par la Chine et l'URSS. Dans sa gestion des affaires péninsulaires, Pékin a en effet eu régulièrement la main lourde, ce qui s'est avéré extrêmement frustrant pour les Nord-Coréens.

De même, les ingérences chinoises dans la politique intérieure nord-coréenne - où les partisans d'une alliance resserrée avec Pékin ont occupé des positions importantes jusqu'en 1956 - ont été totalement contre-productives quant à l'influence de la Chine sur la RPD de Corée. Comme l'analyse encore Théo Clément :

En 1956, alors que Pyongyang cherche à purger l'appareil du Parti du Travail de Corée des éléments ayant manifesté une admiration trop prononcée pour les modes de développement chinois ou russe, Pékin ne prend pas de gants, en dépêchant sur place une délégation (co-dirigée par Peng Dehuai, celui-là même qui avait demandé la mise sur la touche des commandants militaires nord-coréens quelques années auparavant) chargée de ramener Pyongyang dans le droit chemin, en concertation avec Moscou.

On peut discuter des événements et de leur interprétation - selon une lecture historiographique dominante en Occident, les factions "pro-russe" et "pro-chinoise" auraient tenté de remettre en cause la position du Président Kim Il-sung, qui aurait ensuite réagi en démettant de leurs fonctions les dirigeants de ces deux factions, avant que les Russes et les Chinois ne volent ensuite au secours de ceux qui apparaissaient sinon comme leurs partisans, du moins comme leurs relais. En tout état de cause, en bon stratège le Président Kim Il-sung fit d'abord marche arrière en 1956, et rétablit - mais provisoirement - ceux qui étaient devenus ses adversaires, et qui seraient mis à l'écart peu de temps après (plusieurs d'entre eux sont alors partis à Moscou ou à Pékin, où ils ont entretenu une version des faits qui leur donne bien évidemment le beau rôle).

Ce qu'il faut retenir de ces deux faits - modalités de l'intervention chinoise dans la guerre de Corée, ingérence chinoise en 1956 dans la politique intérieure nord-coréenne - est qu'ils n'ont pas pu ne pas avoir d'effet sur la confiance des Nord-Coréens dans leurs camarades chinois. Moins de dix ans après la fondation de la RPD de Corée en 1948, le ton était ainsi donné des relations sino-nord-coréennes, traduisant des intérêts convergents, mais dans lesquelles la Corée du Nord chercherait à s'affranchir de toute tutelle de son trop grand voisin chinois. Exiger aujourd'hui de Pékin de remettre en cause son "alliance" avec Pyongyang, c'est non seulement méconnaître la nature exacte des relations RPDC-Chine, mais aussi saper la position de médiateur qu'entend jouer la Chine sur le dossier coréen.

En cette toute fin d'année 2017, un incident tend à éclairer le dilemme chinois, qui cherche à maintenir le statu quo et éviter tout risque de guerre, sans rompre avec Washington ni avec Pyongyang : des navires chinois auraient enfreint l'embargo sur les produits pétroliers à destination de la Corée du Nord, entraînant une réaction furieuse du Président Donald Trump. Pékin a protesté, rappelant que l'embargo n'était pas total. La vérité est que, quand bien même la Chine pourrait contrôler le commerce avec la RPDC aussi étroitement que le souhaitent les autorités américaines (ce dont on peut douter, la seule frontière terrestre sino-coréenne étant très poreuse), elle n'a aucun intérêt (stratégique, économique ou humain - en termes de flux migratoires) à provoquer l'effondrement de la Corée du Nord à laquelle tend, implicitement ou explicitement, la politique des Etats-Unis et de leurs alliés. S'engager sur une politique de levée des sanctions est la seule raisonnable dans cette partie du monde, au regard des intérêts des différentes parties. Moscou a encore tenté d'en convaincre Washington. Mais les idéologues qui tiennent le haut du pavé à la Maison Blanche sont-ils capables de sortir de l'ornière où les a conduits une politique à courte vue ?

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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 22:25

Si la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'est abstenue, depuis le 15 septembre 2017, de toute nouvelle initiative militaire (essai nucléaire, tir de missile) de nature à aggraver les tensions, tel n'est pas en revanche le choix opéré par l'administration américaine du Président Donald Trump : sous son impulsion, les Etats-Unis ont engagé de nouveaux exercices de guerre conjoints avec la République de Corée à compter du 11 novembre dernier, mis en place unilatéralement de nouvelles sanctions contre des organisations et des individus de nationalités chinoise et nord-coréenne et réinscrit la RPD de Corée sur la liste des Etats soutenant le terrorisme. Cette volonté américaine continue de faire peser des menaces de guerre, l'escalade n'étant évitée que par la retenue nord-coréenne - mais jusqu'à quand ? Dans ce contexte lourd de menaces, la Chine et la Russie ont présenté une feuille de route visant à revenir sur la voie de la paix et du dialogue en Asie du Nord-Est. Mais ces deux puissances seront-elles entendues ? Certains responsables politiques y font obstacle, comme le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.

Donald Trump à la base militaire de Camp Humphreys, en Corée du Sud, le 7 novembre 2017

Donald Trump à la base militaire de Camp Humphreys, en Corée du Sud, le 7 novembre 2017

Ce n'est malheureusement pas parce que la question coréenne n'est plus à la une de l'actualité que les tensions diminuent : le fait est que seules les initiatives nord-coréennes sont mises en exergue par les médias occidentaux, celles des Etats-Unis et de leurs alliés étant systématiquement sous-évaluées quant aux dangers qu'elles font courir sur la paix dans la région Asie-Pacifique.

La menace est d'abord d'ordre militaire : comme l'a souligné un article publié par BFM TV le 11 novembre 2017, les manoeuvres militaires qui ont été engagées du 11 au 14 novembre 2017 ont été exceptionnelles par l'ampleur des moyens déployés, en ayant mobilisé trois porte-avions de l'armée américaine : 

L'exercice conjoint dans le Pacifique occidental, qui doit se poursuivre durant quatre jours, mobilise les porte-avions USS Ronald Reagan, USS Nimitz et USS Theodore Roosevelt, ainsi que sept navires sud-coréens, dont trois destroyers, a précisé le ministère sud-coréen de la Défense. C'est la première fois depuis dix ans que des manœuvres de ce type mobilisent trois porte-avions.

L'administration américaine resserre par ailleurs son étau économique sur la Corée du Nord : le 21 novembre 2017, le département du Trésor américain a annoncé sanctionner une nouvelle personnalité chinoise, 13 entités chinoises et nord-coréennes supplémentaires ainsi que 20 nouveaux navires appartenant à des compagnies nord-coréennes, qui seront donc désormais coupés du système financier américain. Si, selon l'agence sud-coréenne Yonhap, ces mesures sont justifiées par des "soupçons" de financement des programmes militaires de la RPDC, aucune preuve n'est apportée quant à la réalité de ces accusations, les autorités américaines multipliant les arguments d'autorité sur de prétendus contournements des sanctions. Au contraire figurent dans cette liste des entités administratives nord-coréennes ayant des activités commerciales très générales, dont le nom même ("bureau de l'administration maritime", "ministère des Transports terrestres et maritimes") ne corrobore pas véritablement l'hypothèse d'une quelconque implication dans des activités militaires. Celle-ci est d'autant plus douteuse qu'il existe une séparation stricte entre l'administration civile et l'administration militaire en RPDC.

Montrant son peu de connaissance des réalités économiques nord-coréennes, le secrétaire d'Etat Rex Tillerson a par ailleurs déclaré, à la suite de Donald Trump, que les sanctions commenceraient à avoir de l'effet comme le prouveraient "de longues queues d'attente dans les stations-service" - dans un pays où pourtant la grande majorité des habitants n'ont pas de voiture individuelle ou de véhicule professionnel. 

Enfin, la réinscription par Washington, toujours fin novembre, de la Corée du Nord dans la liste des Etats soutenant le terrorisme, sans faits nouveaux de nature à justifier cette décision, relève autant de l'unilatéralisme discrétionnaire américain (destiné à provoquer une réaction de Pyongyang, laquelle justifierait ainsi de nouvelles sanctions ?) que d'un plan d'asphyxie économique de la RPDC poursuivi de manière constante par les Etats-Unis, afin de provoquer l'effondrement de son système économique et social.


Conscientes des risques de conflit que comporte une telle escalade des tensions, la Chine et la Russie plaident, de manière constante, pour un double gel : de ses essais nucléaires et balistiques par la Corée du Nord, de la poursuite de leurs manoeuvres militaires et de l'alourdissement continu des sanctions par les Etats-Unis et leurs alliés. Lors d'une session du club de discussions Valdaï, qui réunit hommes politiques, experts et universitaires ainsi qu'hommes d'affaires, qui s'est tenue à Séoul le 27 novembre 2017, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Igor Morgoulov a présenté les trois étapes de la feuille de route russo-chinoise :

- tout d'abord, le "double gel", avec une révision à la baisse des exigences attendues de la part de Washington (non plus la suspension des exercices militaires conjoints avec la Corée du Sud, mais la diminution de leur intensité et de leur ampleur), afin de faire baisser les tensions diplomatiques et militaires ;

- puis l'engagement de négociations bilatérales directes entre Pyongyang et Washington d'une part, Séoul et Pyongyang d'autre part ;

- enfin, des négociations multilatérales portant sur la mise en place d'un dispositif collectif de maintien de la paix et de la sécurité en Asie du Nord-Est, impliquant notamment la dénucléarisation de la Corée du Nord.

Si le gouvernement allemand - dans un pays où le sentiment pacifiste est très puissant - a soutenu la proposition du "double gel", celle-ci continue de se heurter à l'hostilité de plusieurs puissances internationales de premier plan. Au premier rang de celles-ci figure, le Japon, dont le Premier ministre a profité des tensions militaires actuelles pour provoquer et remporter largement des élections législatives anticipées en se déclarant "100 % d'accord" avec Donald Trump - suivant une position réaffirmée par le ministre des Affaires étrangères Taro Kono lors d'une rencontre à Moscou avec son homologue russe Sergueï Lavrov, le 24 novembre 2017.


Mais la France serait peut-être aussi sur la ligne dure, de manière plus surprenante au regard des déclarations du Président Emmanuel Macron quant au nécessaire retour à une tradition diplomatique "gaullo-mitterrandienne". Il est vrai cependant que le porte-parole de ces étranges déclarations de sympathie pour les "faucons" américains était le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, lors d'une rencontre à Pékin avec le Premier ministre chinois Li Keqiang. Or M. Le Drian est effet un des "transfuges" les plus visibles de la présidence de François Hollande, sous le mandat duquel il avait exercé les fonctions de ministre de la Défense et été en pointe dans l'engagement de la France sur de multiples terrains de guerre à l'étranger, comme la Syrie. En prenant le contrepied de la ligne diplomatique du Président Emmanuel Macron, sans doute M. Le Drian jouait-il l'une de ses innombrables partitions personnelles qui lui ont valu de devoir changer de département ministériel au printemps 2017 et d'être encadré par une administration plus respectueuse des lignes politiques fixées par le nouveau chef de l'Etat.

Pour sa part, l'Association d'amitié franco-coréenne reste comme toujours solidaire de toute initiative tendant à favoriser la paix et le dialogue en Asie du Nord-Est, quels qu'en soient les initiateurs. 

Sources : 

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17 novembre 2017 5 17 /11 /novembre /2017 20:32

Après le congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui a donné lieu à des échanges habituels de messages de félicitations entre le PCC et le Parti du travail de Corée (PTC), Song Tao, chef du bureau des relations internationales du PCC est arrivé en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) en qualité de représentant du Président chinois Xi Jinping. Si les médias occidentaux - ou encore le Président Donald Trump - ont voulu interpréter cette visite au regard du rôle que pourrait jouer la Chine pour abaisser les tensions dans la péninsule coréenne, quelques jours après la fin de la tournée asiatique du chef d'Etat américain, les autorités chinoises ont insisté sur la stricte corrélation entre cette visite et l'usage d'informer le PTC des résultats du dernier congrès.

Rencontre entre la délégation nord-coréenne conduite par Choe Ryong-hae et la délégation chinoise dirigée par Song Tao

Rencontre entre la délégation nord-coréenne conduite par Choe Ryong-hae et la délégation chinoise dirigée par Song Tao

Il faut connaître le fonctionnement des démocraties populaires et l'importance des relations de parti à parti, dans le contexte des relations traditionnelles entre Pékin et Pyongyang, pour comprendre que, si une telle visite n'avait pas eu lieu, elle aurait en tout cas signifié la remise en cause de liens noués depuis trois générations entre les dirigeants chinois et nord-coréens.

Song Tao a été accueilli à l'aéroport de Pyongyang par Ri Chang-gun, vice-directeur de département du PTC. Il a ensuite été reçu par Choe Ryong-hae, vice-président du Comité central du PTC, témoignant de la reconnaissance du niveau de la délégation chinoise.

Il est d'usage, lors de telles visites, d'aborder des sujets d'intérêt commun aux deux partis. L'application par la Chine des récentes sanctions internationales à l'encontre de la RPDC a donc probablement été évoquée, même si les comptes rendus publics des échanges sino-nord-coréens n'ont pas vocation à évoquer un tel sujet où les divergences de vues sont réelles.

En tout cas, la Chine a réaffirmé à l'occasion de cette visite qu'elle était favorable à un "double moratoire" (de ses essais nucléaires et balistiques par Pyongyang, de leurs exercices militaires par Washington), contredisant ouvertement les déclarations du Président Donald Trump qui avait affirmé, lors de sa récente visite en Chine, que Pékin était sur une position comparable à celle des Etats-Unis d'accroître la pression sur la RPDC.

Une fois encore, la Chine s'affirme comme un médiateur potentiel de premier rang pour diminuer les tensions dans la péninsule coréenne, en défendant le principe d'un dialogue suivant des positions qui ne sont donc celles ni de Pyongyang, ni de Washington.

Source :

 

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21 octobre 2017 6 21 /10 /octobre /2017 15:52

Alors que d'aucuns prédisaient (à tort) un tir de missile balistique de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) lors de l'ouverture du 19e Congrès national du Parti communiste chinois (PCC), le 18 octobre 2017, cet événement a donné lieu, comme par le passé, à l'envoi d'un message de félicitations du Parti du travail de Corée (PTC) au Président Xi Jinping, tandis qu'un responsable du Département international du Comité central du PCC a rappelé, le 21 octobre 2017, l'importance de l'amitié traditionnelle entre les deux partis dans les échanges bilatéraux.

Au premier plan, Xi Jinping, lors de l'ouverture du Congrès du PCC le 18 octobre 2017.

Au premier plan, Xi Jinping, lors de l'ouverture du Congrès du PCC le 18 octobre 2017.

La mise en œuvre par la Chine des sanctions internationales contre la RPD de Corée a assurément refroidi les relations bilatérales, mais de part et d'autre l'heure n'est certainement pas à la rupture des échanges entre partis La solidarité doit être affichée, ne serait-ce qu'au regard d'un passé de luttes menées en commun : les communistes coréens ont soutenu leurs camarades chinois lors des combats menés conjointement contre le militarisme nippon, avant la Seconde guerre mondiale, tandis que pendant la guerre de Corée (1950-1953) la jeune République populaire de Chine a envoyé de nombreux volontaires dans la péninsule coréenne combattre, aux côtés des Nord-Coréens, les troupes des Nations unies sous commandement américain. Par ailleurs, dans les régimes de démocratie populaire, les congrès des partis communistes et ouvriers constituent des événements politiques de premier ordre, lors desquels il est d'usage d'envoyer des messages de félicitations. De même que le Comité central du Parti communiste chinois (PCC) avait envoyé un message de félicitations au Comité central du Parti du travail de Corée (PTC) lors de son septième Congrès, en mai 2016, le Comité central du PTC a adressé ses "chaleureux vœux" de succès au Président Xi Jinping à l'occasion du 19e Congrès du PCC, en ajoutant que :

Le peuple de Chine a réalisé de grandes avancées en conduisant la construction du socialisme sous la juste direction du Parti communiste chinois.

Côté chinois, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 21 octobre 2017, en marge du 19e Congrès du PCC, Guo Yezhou, vice-ministre du Département international du Comité central du PCC a observé, selon l'agence chinoise Xinhua, que "le Parti communiste chinois (PCC) maintient la communication et le dialogue avec le parti au pouvoir de la République populaire démocratique de Corée (RPDC)", en précisant que :

Les échanges entre le PCC et le Parti des travailleurs de Corée jouent un rôle important dans les relations entre les deux pays (...) Protéger, développer et consolider la coopération amicale entre la Chine et la RPDC répond aux intérêts bilatéraux, mais constitue aussi un facteur important pour la paix et la stabilité régionales.

Alors que, selon l'agence nord-coréenne KCNA, la dernière rencontre entre le Maréchal Kim Jong-un de la RPD de Corée et une délégation chinoise date d'octobre 2015 (à l'occasion du 70e anniversaire de la fondation du PTC), Guo Yezhou n'a pas apporté de précisions concernant le niveau actuel des échanges de parti à parti, observant seulement que, "en ce qui concerne les dates des échanges et le niveau des communications", ceux-ci "dépendaient des besoins et des préférences des deux parties". Le dialogue se poursuit, mais au regard de la situation actuelle particulièrement tendue (et des pressions continues qu'exercent les Etats-Unis sur la Chine pour sanctionner et isoler la RPDC), communiquer publiquement à ce sujet n'apparaît pas opportun.

Sources :

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29 septembre 2017 5 29 /09 /septembre /2017 22:00

En application de la résolution 2375 du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), adoptée le 11 septembre 2017, le gouvernement chinois a annoncé, le 28 septembre 2017, la fermeture des coentreprises de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) présentes sur son territoire dans un délai de 120 jours à compter de l'adoption de la résolution 2375, soit d'ici le 8 janvier 2018. Cette mesure, pleinement en phase avec la résolution 2375, témoigne de la volonté chinoise d'appliquer les sanctions contre la RPD de Corée, et aura un impact négatif significatif - bien que non quantifié - sur les ressources en devises et l'économie nord-coréennes, la Chine étant - de loin - le premier partenaire commercial de la Corée du Nord. 

Déchargement des importations nord-coréennes dans la ville chinoise de Dandong, à la frontière sino-coréenne.

Déchargement des importations nord-coréennes dans la ville chinoise de Dandong, à la frontière sino-coréenne.

La portée exacte de la mesure - mais aussi les exceptions qu'elle prévoit, en particulier "les projets d’infrastructure non commerciaux qui servent l’intérêt général et sont sans but lucratif", est clairement précisée au paragraphe 18 de la résolution 2375 : 

18. Décide que les États doivent interdire l’ouverture, le maintien en fonctionnement et l’exploitation, par leurs nationaux ou sur leur territoire, de toute coentreprise ou entité de coopération, existante et nouvelle, avec des entités ou des personnes de la République populaire démocratique de Corée, agissant ou non pour le compte ou au nom du Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée, sauf dans le cas de coentreprises ou d’entités de coopération préalablement approuvées par le Comité au cas par cas, en particulier les projets d’infrastructure non commerciaux qui servent l’intérêt général et sont sans but lucratif, décide également que les États doivent mettre fin à toute coentreprise ou entité de coopération existante dans les 120 jours suivant l’adoption de la présente résolution si cette coentreprise ou entité de coopération n’a pas été approuvée par le Comité au cas par cas et, le cas échéant, dans les 120 jours suivant la décision de non-approbation rendue par le Comité, et décide que la présente disposition ne s’applique pas aux projets d’infrastructure d’énergie hydroélectrique entre la Chine et la République populaire démocratique de Corée ni au projet de liaison portuaire et ferroviaire Rajin-Khasan entre la Russie et la République populaire démocratique de Corée devant servir exclusivement à l’exportation de charbon d’origine russe, comme l’autorise le paragraphe 8 de la résolution 2371 (2017) ;

http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2375(2017)

La mise en application de cette interdiction incombera aux gouvernements des provinces chinoises.

Cette annonce est intervenue à la veille de l'arrivée en Chine, le 30 septembre 2017, du secrétaire d'Etat Rex Tillerson - qui a donné lieu à la réaffirmation traditionnelle par Pékin de la nécessite de renouer le dialogue avec Pyongyang. S'il est probable que Pékin cherche à réengager Washington sur la voie d'un tel dialogue (d'autant que Rex Tillerson n'est pas partisan d'une issue militaire à la crise), jusqu'à présent il n'y a pas eu de discussions multilatérales mais seulement un alourdissement sans précédent des sanctions contre la RPD de Corée - correspondant à l'atteinte de leurs objectifs par les seuls Etats-Unis. En tout état de cause, les positions prises par Pékin ne peuvent qu'irriter un peu plus Pyongyang contre son puissant voisin, et encourager la RPD de Corée à rechercher un dialogue direct avec les Etats-Unis sans passer désormais par le médiateur chinois, traduisant ainsi le recul sans précédent des capacités d'influence chinoises sur la Corée du Nord.

Principale source : 

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