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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 00:18

A la fin de la dynastie Choseon, le poids de plus en plus insupportable des charges féodales pesant sur la population et la présence toujours accrue des troupes étrangères, dans un contexte d'affaiblissement de la monarchie coréenne, conduisirent à un soulèvement paysan en 1894. Cet événement majeur de l'histoire contemporaine de la Corée marque l'irruption de la paysannerie sur le devant de la scène politique, préparant les futures luttes de la guérilla antijaponaise.

 

A la veille de l'an Kabo (1894), la situation diplomatique, politique, économique et sociale de la Corée avait créé les conditions d'une révolution. Constituant une société féodale, la Corée était dominée par la figure du souverain, autour duquel les factions en lutte soutenaient les différentes puissances étrangères (un phénomène possédant une qualification propre en coréen, sadae sasang, ou dépendance des grandes puissances) - et tout particulièrement la Chine et le Japon. Contrainte de s'ouvrir au commerce extérieur depuis 1876, la Corée subissait de plein fouet la concurrence des produits importés sur l'industrie locale. De plus en plus endetté (en 1894, la dette étrangère dépassait 700.000 won), le gouvernement central augmentait les impôts dans des proportions atteignant 50 % à 80 % de la récolte totale. Une nouvelle classe étrangères de marchands de riz et d'usuriers, principalement japonais, concentrait les rancoeurs de la paysannerie pauvre.

 

 Une religion syncrétique à visée libératrice, le savoir oriental ou Tonghak (Donghak), par opposition au savoir occidental (ou Suhak), créée en 1860 par Choe Je-u, un noble (yangban) pauvre, a souvent donné son nom au soulèvement paysan de 1894. Toutefois, sa portée a dépassé la seule guerre paysanne, dont les revendications ont été davantage politiques que strictement religieuses, tandis que les acteurs du mouvement appartenaient à la paysannerie et plus à la noblesse.

 

Jon_Pong_Jun.jpgDans ce contexte de tensions, le maire de Kobu, de la province du Jeolla, avait augmenté depuis 1892 les impôts dans des proportions insupportables pour construire un réservoir et permettre l'irrigation des terres. Une délégation paysanne conduite par Jon Chang-hyok présenta à deux reprises ses plaintes au maire de Kobu en novembre et décembre 1893, entraînant l'arrestation et l'exécution de Jon Chang-hyok. Le fils de ce dernier, Jon Pong-jun (photo à gauche, KBS), fédéra alors les forces militaires paysannes fortes de 1.000 hommes. Celles-ci prirent la ville de Kobu le 10 janvier 1894 et redistribuèrent aux habitants les céréales prélevées sur la population.

 

Face à la répression alors engagée par les autorités féodales, Jon Pong-jun se réfugia sur le mont Paeksan en mars 1894, où il regroupa 8 000 hommes qui se rendit ensuite maître de Kobu et de plusieurs autres villes de la province du Jeolla, ainsi que de la forteresse de Jonju (Jeonju) en avril. A chaque fois, les biens des plus riches étaient redistribués aux pauvres, les fonctionnaires favorables au pouvoir central étaient exécutés et les prisonniers libérés, les registres de servage brûlés et les armes confisquées. Dans une déclaration publique, Jon Pong-jun déclara : "Notre soulèvement n'a pas d'autre but que d'émanciper les masses de l'oppression économique et politique et d'établir un gouvernement national fort. Nous nous sommes soulevés pour nettoyer la corruption et les fonctionnaires tyranniques et pour chasser tous les agresseurs étrangers de notre pays. Nous, le peuple, avons trop longtemps souffert sous le joug des yangban et des fonctionnaires gouvernementaux ; nous avons été traités plus en esclaves et en domestiques qu'en êtres humains. Nous ne le supporterons pas davantage".

 

Pour contrer cette remise en cause de l'ordre féodal, le roi, dont les troupes étaient systématiquement défaites, fit appel aux armées étrangères chinoises, dont l'intervention en Corée servit de prétexte à l'invasion japonaise.

 

En mai 1894, l'armée paysanne accepta la proposition gouvernementale d'un cessez-le-feu en l'assortissant de ses exigences d'une réforme politique et économique du régime féodal en tenant compte des aspirations des masses rurales, conduisant notamment à doubler l'administration féodale par des représentations autonomes des paysans, ayant établi leur capitale à Jonju.

 

Les armées japonaises ayant occupé le palais royal le 21 juin avant de déclarer la guerre à la Chine, défaite au Nord en septembre, les troupes paysannes se soulevèrent sous le commandement de Jon Pong-ju, fortes de 227.000 hommes, et appelant l'armée centrale à l'unité face à l'agression étrangère. Partie de Ronsan (Nonsan) le 21 octobre pour reconquérir Séoul, l'armée paysanne résista à une première attaque des Japonais et de l'armée gouvernementale le 23 octobre. Mais le 25 octobre, face à une armée d'invasion dotée d'une artillerie moderne, les troupes paysannes durent se retirer. Le 2 décembre, une trahison conduisit à l'arrestation de Jon Pong-jun et de ses principaux lieutenants. En mars 1895, ils furent condamnés à mort puis exécutés à Séoul.

 

Malgré son échec, la guerre paysanne joua un rôle décisif dans la formation de la conscience patriotique des masses rurales, préparant le terrain à la future résistance au Japon, vainqueur de la guerre avec la Chine de 1894-1895. Un ancien soldat de la guerre paysanne, Kim Ku, devait ensuite s'affirmer comme un des principaux combattants de la lutte d'indépendance. S'inscrivant dans une impossible réforme du régime féodal, le programme politique des insurgés éludait la nécessaire réforme sociale, qui devait devenir au contraire un des moteurs de la mobilisation des armées de la guérilla antijaponaise dans l'entre-deux-guerres.

 

Sources :

- Bong-young Choy, Korea. A History, éditions Charles E. Tuttle, Etats-Unis, 1971, pp. 127-132 ;

- Kim Chang-hwan et Kang Sok-hi, Histoire générale de la Corée, tome II, éditions en langues étrangères, Pyongyang, RPD de Corée, 1995, p. 19-26 ;

- Korea Historical Research Association, A History of Korea (traduit du coréen par Joshua Van Lieu), Saffron Books, Londres, Royaume-Uni, 1995, pp. 185-190.

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