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18 juin 2023 7 18 /06 /juin /2023 11:02

Avant la colonisation japonaise de la Corée (1910-1945), la péninsule a été soumise à des influences étrangères majeures - et des luttes de pouvoir entre grandes puissances. Le 8 octobre 1895, l'assassinat atroce de la reine Min (connu en Corée comme l'incident Eulmi), par les Japonais, est l'un des points paroxysmiques de ces rivalités dont la Corée a payé lourdement le prix : alors que le traité inégal avec le Japon s'était traduit par une crise politique, économique et sociale dans la péninsule, la reine Min (également désignée comme l'impératrice Myeongseong, ayant obtenu le titre d'impératrice après sa mort, en 1902) exerçait le pouvoir réel en tant qu'épouse du roi Gojong. Elle favorisa l'influence russe pour contrebalancer le rôle croissant du Japon après la défaite chinoise à l'issue la première guerre sino-japonaise (août 1894-avril 1895). Des troupes pénétrèrent dans le palais impérial vers 4 heures du matin à l'instigation de Miura Goro, ministre résident au Japon, et opérèrent un massacre qui souleva une vague de protestation internationale - conduisant au procès de Miura Goro, finalement acquitté par la justice japonaise.

Portrait présumé de l'impératrice Myeongseong

Portrait présumé de l'impératrice Myeongseong

Le déroulé des événements de l'incident Eulmin a pu être reconstitué grâce à divers témoignages.

Le rôle de collaborateurs japonais quant à l'entrée dans la résidence impériale est discuté. Le roi Gojong - qui se réfugiera dans la légation russe - s'efforça de retarder les assaillants pour permettre la fuite de son épouse, et fut frappé, à l'instar du prince héritier. Menacé par un couteau, le prince héritier ne révéla pas où se trouvait sa mère. La reine Min s'était déguisée en courtisane, mais le geste héroïque - et vain - du grand chambellan qui voulut empêcher l'accès à la souveraine la désigna en réalité aux assassins. Son meurtre est ainsi décrit par l'historien Christian Kessler : 

Face à eux se dresse alors le grand chambellan qui, les bras croisés, impressionnant, était le dernier rempart avant les appartements de la reine. On lui coupe les mains, le larde de coups de couteau avant de le laisser mort baignant dans son sang. Les assaillants se précipitent dans les appartements de la souveraine. Là, ils découvrent une femme de très petite taille, cachée dans un recoin. S’agit-il de la reine ? Elle nie farouchement, se débat, s’enfuit même en hurlant dans les corridors. Rapidement rattrapée, elle est percée par les sabres. On fait venir les femmes de la cour pour identification. A leur effroi, au cri de « Mais c’est la reine ! », les assaillants savent qu’ils ont accompli leur sinistre besogne.

La reine vit encore. On l’attache à une planche et l’enveloppe d’une couverture de soie. Puis on porte le corps jusqu’à un bosquet de pins non loin du palais et on le brûle.

Ce récit, exact, ne retrace cependant pas toute l'horreur du crime ainsi perpétré : la résistance acharnée (et qui causa des pertes importantes) des troupes coréennes protégeant le souverain et son épouse et lui restèrent fidèles ; la mort également de courtisanes ; le viol du corps défunt de la reine Min. Des Japonais n'appartenant pas aux forces régulières (membres des yakuzas) jouèrent aussi un rôle déterminant en prêtant main forte aux assaillants dont certains portaient des vêtements civils.

Il faudra attendre 1897 pour que le roi Gojong - revenu au pouvoir, avec le soutien russe - honore la mémoire de son épouse, lors de funérailles somptueuses à la hauteur de l'amour qu'il lui portait. 

La reine Min est également restée dans l'histoire pour le rôle qu'elle a joué, en tant que femme, dans la modernisation de la Corée - alors que mariée jeune à Gojong elle avait alors été perçue comme facilement manipulable. Le site "l'histoire par les femmes" souligne ses initiatives réformatrices : 

Une école pour les enfants de l’élite ouvre au palais, avec des professeurs étrangers qui enseignent en anglais. La reine Min fait également ouvrir la première école destinée aux fillettes et ouverte aux enfants défavorisées. Elle cherche à mettre un terme aux persécutions contre les chrétiens et invite même des missionnaires. Sous son règne, le premier journal du gouvernement parait. Elle modernise en profondeur l’armée et son armement, mais néglige la marine.

Ce portrait favorable mérite cependant d'être nuancé. La reine Min a également favorisé la soumission à des puissances étrangères, y compris dans la répression du mouvement Tonghak - et a maintenu un exercice du pouvoir resté traditionnel, marqué notamment par la corruption et l'élimination de ses opposants.

Sources : 

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