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27 décembre 2017 3 27 /12 /décembre /2017 09:33

Il y a pratiquement deux ans jour pour jour, un accord était signé, le 28 décembre 2015, entre les ministres des Affaires du Japon et de la République de Corée (Corée du Sud) afin de résoudre "de manière finale et irréversible" la question des "femmes de réconfort" - euphémisme désignant les centaines de milliers d'esclaves sexuelles, souvent coréennes, de l'armée japonaise avant et pendant la Seconde guerre mondiale. L'accord avait alors été bruyamment salué par les Etats-Unis, soucieux de renforcer la cohésion entre leurs alliés en Asie du Nord-Est et qui - dans les conflits entre la Corée et le Japon - prennent traditionnellement le parti de Tokyo, ainsi que par le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, qui avait bâti sa carrière sur un soutien loyal (pendant près de quarante ans) à tous les gouvernements qui se sont succédé à Séoul, y compris les plus autoritaires. Pour sa part, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), de concert avec les organisations de défense des anciennes victimes de l'esclavage sexuel et l'opposition sud-coréenne, avait immédiatement dénoncé un accord inique, marquant un recul sans précédent pour la reconnaissance des crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort".

Après son élection le 9 mai 2017, le Président Moon Jae-in (qui s'était engagé pendant la campagne à revenir sur le déshonorant accord de décembre 2015) a mis en place un groupe d'enquête au sein du ministère des Affaires étrangères dont le chef, Oh Tai-kyu, a divulgué, le 27 décembre 2017, les clauses cachées à l'opinion publique et aux victimes, ainsi que l'implication de la présidence sud-coréenne.

Statue d'une jeune femme, symbolisant les anciennes victimes, devant l'ambassade du Japon à Séoul

Statue d'une jeune femme, symbolisant les anciennes victimes, devant l'ambassade du Japon à Séoul

Après la Première guerre mondiale, un consensus semblait devoir s'imposer quant à la nécessité de mettre fin à la "diplomatie secrète" - c'est-à-dire ces accords cachés, dont la conclusion, par le jeu des alliances, avait favorisé la montée des tensions ayant conduit au déclenchement du premier conflit généralisé à l'échelle de la planète. Mais la diplomatie secrète avait de beaux jours devant elle, notamment de la part des gouvernements d'Etats autoritaires ne voulant pas assumer leurs décisions de politique étrangère vis-à-vis de leurs opinions publiques.

Lorsque la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye avait finalisé la conclusion de l'accord du 28 décembre 2015 sur les "femmes de réconfort" (car on sait désormais que les négociations avaient été en pratique menées par la présidence de la République, et non par le ministre des Affaires étrangères, seul mis en avant dans la publicité autour de l'accord), elle pensait faire coup double. D'une part, elle s'attirerait les faveurs des nationalistes japonais, vus comme de précieux alliés par de larges pans de la droite et  de l'extrême-droite sud-coréennes face aux progressistes sud-coréens et à la Corée du Nord (l'accord de décembre 2015 était une condition posée par Tokyo pour un sommet entre elle-même et le Premier ministre japonais Shinzo Abe). D'autre part, elle pensait obtenir les faveurs de l'opinion publique en apparaissant comme la première chef d'Etat de la République de Corée à obtenir un règlement de la question des anciennes esclaves sexuelles de l'armée impériale japonaise, très sensible dans l'opinion publique non seulement coréenne, mais internationale - de plus en plus de voix s'élevant pour dénoncer les crimes sexuels perpétrés en temps de guerre.

Toutefois, les nombreux reculs assumés publiquement par Séoul lors de la conclusion de cet accord l'avaient rendu inacceptable à une majorité de Sud-Coréens - notamment le fait qu'il éludait la responsabilité morale de l'Etat japonais dans la mise en place du système d'esclavage sexuel, et que la République de Corée s'engageait à ne plus évoquer cette question dans les relations internationales, en contrepartie de la mise en place par le Japon d'un fonds d'indemnisation des victimes doté de 7,6 millions d'euros. Les associations défendant les anciennes femmes de réconfort, non consultées par les autorités sud-coréennes, avaient dénoncé un accord humiliant, où le silence de la Corée du Sud était acheté pour une poignée de yens.   

Avec les conclusions des travaux de la commission d'enquête dirigée par Oh Tai-kyu, contenues dans un rapport de trente pages, il est désormais de notoriété publique que l'administration Park Geun-hye a de surcroît voulu laisser certaines clauses secrètes, comme l'engagement des autorités sud-coréennes à ne pas favoriser les actions de groupes civiques tendant à ce que soient érigées des statues, de par le monde, représentant d'anciennes femmes de réconfort alors adolescentes ou jeunes femmes. La statue la plus connue est celle qui se trouve devant l'ambassade du Japon à Séoul. Lors de la conclusion de l'accord de décembre 2015, le Japon avait insisté sur la responsabilité des autorités sud-coréennes à retirer cette statue, et Séoul avait ensuite dit publiquement envisager une telle possibilité - qui ne s'était pas concrétisée, du fait de l'opposition et de la colère des Coréens.

Le rapport de la commission d'enquête précise que Séoul a cédé à la demande de Tokyo de mentionner les statues des femmes de réconfort dans l'accord, que les discussions sur l'accord avaient été menées pendant des années au niveau des directeurs d'administration japonais et sud-coréen et que des instructions avaient été données aux diplomates sud-coréens de ne plus évoquer ce sujet. Enfin, les associations de défense des femmes de réconfort avaient été tenues à l'écart des discussions et mises devant le fait accompli lors de l'annonce publique de l'accord, afin que les protestations des victimes ne soient pas un obstacle à la réconciliation nippo-sud-coréenne voulue par Mme Park.

Tous les mercredi des manifestations ont lieu à Séoul pour que justice soit rendue aux femmes de récconfort. Le 28 juin 2017, de jeunes Coréens en visite en France ont effectué une manifestation du mercredi place du Trocadéro, à Paris (source : AAFC, http://www.amitiefrancecoree.org/2017/06/sur-le-parvis-des-droits-de-l-homme-manifestation-du-mercredi-pour-que-justice-soit-rendue-aux-femmes-de-reconfort.html).

Tous les mercredi des manifestations ont lieu à Séoul pour que justice soit rendue aux femmes de récconfort. Le 28 juin 2017, de jeunes Coréens en visite en France ont effectué une manifestation du mercredi place du Trocadéro, à Paris (source : AAFC, http://www.amitiefrancecoree.org/2017/06/sur-le-parvis-des-droits-de-l-homme-manifestation-du-mercredi-pour-que-justice-soit-rendue-aux-femmes-de-reconfort.html).

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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 22:25

Si la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'est abstenue, depuis le 15 septembre 2017, de toute nouvelle initiative militaire (essai nucléaire, tir de missile) de nature à aggraver les tensions, tel n'est pas en revanche le choix opéré par l'administration américaine du Président Donald Trump : sous son impulsion, les Etats-Unis ont engagé de nouveaux exercices de guerre conjoints avec la République de Corée à compter du 11 novembre dernier, mis en place unilatéralement de nouvelles sanctions contre des organisations et des individus de nationalités chinoise et nord-coréenne et réinscrit la RPD de Corée sur la liste des Etats soutenant le terrorisme. Cette volonté américaine continue de faire peser des menaces de guerre, l'escalade n'étant évitée que par la retenue nord-coréenne - mais jusqu'à quand ? Dans ce contexte lourd de menaces, la Chine et la Russie ont présenté une feuille de route visant à revenir sur la voie de la paix et du dialogue en Asie du Nord-Est. Mais ces deux puissances seront-elles entendues ? Certains responsables politiques y font obstacle, comme le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.

Donald Trump à la base militaire de Camp Humphreys, en Corée du Sud, le 7 novembre 2017

Donald Trump à la base militaire de Camp Humphreys, en Corée du Sud, le 7 novembre 2017

Ce n'est malheureusement pas parce que la question coréenne n'est plus à la une de l'actualité que les tensions diminuent : le fait est que seules les initiatives nord-coréennes sont mises en exergue par les médias occidentaux, celles des Etats-Unis et de leurs alliés étant systématiquement sous-évaluées quant aux dangers qu'elles font courir sur la paix dans la région Asie-Pacifique.

La menace est d'abord d'ordre militaire : comme l'a souligné un article publié par BFM TV le 11 novembre 2017, les manoeuvres militaires qui ont été engagées du 11 au 14 novembre 2017 ont été exceptionnelles par l'ampleur des moyens déployés, en ayant mobilisé trois porte-avions de l'armée américaine : 

L'exercice conjoint dans le Pacifique occidental, qui doit se poursuivre durant quatre jours, mobilise les porte-avions USS Ronald Reagan, USS Nimitz et USS Theodore Roosevelt, ainsi que sept navires sud-coréens, dont trois destroyers, a précisé le ministère sud-coréen de la Défense. C'est la première fois depuis dix ans que des manœuvres de ce type mobilisent trois porte-avions.

L'administration américaine resserre par ailleurs son étau économique sur la Corée du Nord : le 21 novembre 2017, le département du Trésor américain a annoncé sanctionner une nouvelle personnalité chinoise, 13 entités chinoises et nord-coréennes supplémentaires ainsi que 20 nouveaux navires appartenant à des compagnies nord-coréennes, qui seront donc désormais coupés du système financier américain. Si, selon l'agence sud-coréenne Yonhap, ces mesures sont justifiées par des "soupçons" de financement des programmes militaires de la RPDC, aucune preuve n'est apportée quant à la réalité de ces accusations, les autorités américaines multipliant les arguments d'autorité sur de prétendus contournements des sanctions. Au contraire figurent dans cette liste des entités administratives nord-coréennes ayant des activités commerciales très générales, dont le nom même ("bureau de l'administration maritime", "ministère des Transports terrestres et maritimes") ne corrobore pas véritablement l'hypothèse d'une quelconque implication dans des activités militaires. Celle-ci est d'autant plus douteuse qu'il existe une séparation stricte entre l'administration civile et l'administration militaire en RPDC.

Montrant son peu de connaissance des réalités économiques nord-coréennes, le secrétaire d'Etat Rex Tillerson a par ailleurs déclaré, à la suite de Donald Trump, que les sanctions commenceraient à avoir de l'effet comme le prouveraient "de longues queues d'attente dans les stations-service" - dans un pays où pourtant la grande majorité des habitants n'ont pas de voiture individuelle ou de véhicule professionnel. 

Enfin, la réinscription par Washington, toujours fin novembre, de la Corée du Nord dans la liste des Etats soutenant le terrorisme, sans faits nouveaux de nature à justifier cette décision, relève autant de l'unilatéralisme discrétionnaire américain (destiné à provoquer une réaction de Pyongyang, laquelle justifierait ainsi de nouvelles sanctions ?) que d'un plan d'asphyxie économique de la RPDC poursuivi de manière constante par les Etats-Unis, afin de provoquer l'effondrement de son système économique et social.


Conscientes des risques de conflit que comporte une telle escalade des tensions, la Chine et la Russie plaident, de manière constante, pour un double gel : de ses essais nucléaires et balistiques par la Corée du Nord, de la poursuite de leurs manoeuvres militaires et de l'alourdissement continu des sanctions par les Etats-Unis et leurs alliés. Lors d'une session du club de discussions Valdaï, qui réunit hommes politiques, experts et universitaires ainsi qu'hommes d'affaires, qui s'est tenue à Séoul le 27 novembre 2017, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Igor Morgoulov a présenté les trois étapes de la feuille de route russo-chinoise :

- tout d'abord, le "double gel", avec une révision à la baisse des exigences attendues de la part de Washington (non plus la suspension des exercices militaires conjoints avec la Corée du Sud, mais la diminution de leur intensité et de leur ampleur), afin de faire baisser les tensions diplomatiques et militaires ;

- puis l'engagement de négociations bilatérales directes entre Pyongyang et Washington d'une part, Séoul et Pyongyang d'autre part ;

- enfin, des négociations multilatérales portant sur la mise en place d'un dispositif collectif de maintien de la paix et de la sécurité en Asie du Nord-Est, impliquant notamment la dénucléarisation de la Corée du Nord.

Si le gouvernement allemand - dans un pays où le sentiment pacifiste est très puissant - a soutenu la proposition du "double gel", celle-ci continue de se heurter à l'hostilité de plusieurs puissances internationales de premier plan. Au premier rang de celles-ci figure, le Japon, dont le Premier ministre a profité des tensions militaires actuelles pour provoquer et remporter largement des élections législatives anticipées en se déclarant "100 % d'accord" avec Donald Trump - suivant une position réaffirmée par le ministre des Affaires étrangères Taro Kono lors d'une rencontre à Moscou avec son homologue russe Sergueï Lavrov, le 24 novembre 2017.


Mais la France serait peut-être aussi sur la ligne dure, de manière plus surprenante au regard des déclarations du Président Emmanuel Macron quant au nécessaire retour à une tradition diplomatique "gaullo-mitterrandienne". Il est vrai cependant que le porte-parole de ces étranges déclarations de sympathie pour les "faucons" américains était le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, lors d'une rencontre à Pékin avec le Premier ministre chinois Li Keqiang. Or M. Le Drian est effet un des "transfuges" les plus visibles de la présidence de François Hollande, sous le mandat duquel il avait exercé les fonctions de ministre de la Défense et été en pointe dans l'engagement de la France sur de multiples terrains de guerre à l'étranger, comme la Syrie. En prenant le contrepied de la ligne diplomatique du Président Emmanuel Macron, sans doute M. Le Drian jouait-il l'une de ses innombrables partitions personnelles qui lui ont valu de devoir changer de département ministériel au printemps 2017 et d'être encadré par une administration plus respectueuse des lignes politiques fixées par le nouveau chef de l'Etat.

Pour sa part, l'Association d'amitié franco-coréenne reste comme toujours solidaire de toute initiative tendant à favoriser la paix et le dialogue en Asie du Nord-Est, quels qu'en soient les initiateurs. 

Sources : 

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29 août 2017 2 29 /08 /août /2017 11:32

Le 29 août 2017, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a procédé dans la matinée à un tir de missile ayant survolé le Japon. Cette nouvelle initiative, après trois tirs de missile de courte portée le 26 août, apparaît comme la réponse de Pyongyang au renforcement toujours accru des sanctions internationales contre la RPD de Corée et aux exercices de guerre américano - sud-coréens  Ulji Freedom Guardian en cours jusqu'au 31 août. Le pari de l'administration Trump selon lequel la fermeté ferait plier la RPD de Corée s'est révélé une nouvelle fois erroné - ce qui n'est pas une surprise, la RPD de Corée ayant toujours répondu aux réactions hostiles des Etats-Unis et de leurs alliés par la poursuite de ses programmes nucléaire et balistique. Plus que jamais, l'Association d'amitié franco-coréenne souhaite que les Etats-Unis formulent une offre sérieuse de dialogue comportant un geste significatif prouvant leur bonne volonté - suspension des manœuvres militaires, levée au moins partielle des sanctions en contrepartie d'une reprise des négociations - et pouvant prendre la forme d'un appel de Kim Jong-un par Donald Trump, afin de mettre fin au cycle sans cesse renouvelé des tensions et des sanctions.

Tir de missile au-dessus du Japon : la réponse nord-coréenne aux sanctions et aux exercices de guerre des Etats-Unis

Le missile a procédé au tir (qui n'est manifestement pas celui d'un ICBM, contrairement à juillet) en début de matinée depuis les environs de Sunan, ville qui abrite l'aéroport de Pyongyang - la RPD de Corée apportant ainsi la preuve qu'elle dispose de capacités de lancement réparties sur l'ensemble de son territoire, afin de dissuader les Etats-Unis de procéder à des frappes ciblées sur certaines de ses installations militaires. Le missile a parcouru 2 700 kilomètres pendant 15 minutes à une hauteur maximale de 550 kilomètres, avant de tomber en mer à environ 1 180 kilomètres des côtes japonaises. Précédemment, des fusées portant des satellites - et non des missiles balistiques - avaient déjà survolé le Japon à plusieurs reprises depuis 1998. Comme lors de ces précédents tirs de fusée, le Japon a dénoncé, par la voix de son Premier ministre Shinzo Abe, "une menace grave et sans précédent". Alors que ce lancement contrevient aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), le CSNU doit se réunir d'urgence le mardi 29 août après-midi, à la demande de Washington, Tokyo et Séoul. Donald Trump et Shinzo Abe se sont entretenus au téléphone pendant 40 minutes.

La Chine a appelé l'ensemble des parties à la retenue : la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hua Chunying a déclaré que "la Chine appelle l'ensemble des parties concernées à ne pas prendre de mesures qui pourraient provoquer une autre partie et conduire à l'escalade des tensions dans la région". Après avoir promis à la RPDC "le bruit et la fureur" dans une réaction d'une puissance telle que le monde ne l'a jamais connue, le Président Donald Trump entend à présent exercer une "pression pacifique" sur la Corée du Nord.

Si Tokyo avait menacé de détruire en vol un engin nord-coréen qui survolerait son territoire, il n'a pas été pris d'initiative en ce sens. Les habitants de l'île japonaise de Hokkaido, survolée pendant deux minutes, ont reçu un message leur demandant de se mettre à l'abri. Joshua Pollack, chercheur au Centre James Martin des études de non-prolifération, a déclaré à CNN que la trajectoire suivie (à l'Est de la Corée, et non en direction de Guam) représentait une "mesure de réduction des risques", au regard des zones habitées survolées, dans l'hypothèse où le tir aurait connu un problème. Le choix d'une trajectoire survolant le Japon peut aussi être rapproché de la conduite des exercices militaires conjoints américano-japonais Northern Viper à Hokkaido. Rendant ensuite compte de ce tir, les autorités nord-coréennes ont précisé qu'il était intervenu le jour anniversaire de l'entrée en vigueur du traité d'annexion de la Corée par le Japon, le 29 août 2010. Un porte-parole du ministère américain de la Défense a ajouté que ce tir n'avait "pas représenté une menace pour l'Amérique du Nord".

Même si elle n'était pas davantage menacée, la République de Corée (Corée du Sud) a procédé, quelques heures plus tard, à des exercices de bombardement par quatre F-15K, ayant largué près de la RPDC huit bombes d'une tonne MK-84, afin de montrer sa "capacité à détruire la direction nord-coréenne" en cas "d'urgence". Cette initiative rend encore un peu plus improbable une reprise du dialogue intercoréen, sacrifiée à l'espoir de Séoul - jusqu'ici déçu - de pouvoir peser davantage sur les orientations stratégiques prises par Washington en se positionnant comme le plus fidèle allié des Américains en Asie du Nord-Est.

 

Bombardement par la Corée du Sud

Bombardement par la Corée du Sud

Alors qu'il apparaît de plus en plus improbable que la RPD de Corée renonce volontairement à ses armes nucléaires au regard des progrès accomplis, des négociations - seule issue crédible et souhaitable à la crise en cours - porteraient à présent sur la non-prolifération et le gel éventuel des programmes nucléaires et balistiques nord-coréens. D'autant, comme l'observe CNN dans un encadré que nous reproduisons ci-après et traduisant le point de vue du consensus des experts américains, qu'une force de dissuasion nucléaire est pour les autorités nord-coréennes la garantie de ne pas connaître le sort de l'Irak et de la Libye, les experts (y compris les conseillers des gouvernements occidentaux) ne croyant pas à un recours en premier à l'usage de la force militaire par la Corée du Nord :

Pourquoi la Corée du Nord veut des armes nucléaires et des missiles

La Corée du Nord a depuis longtemps développé ses armes nucléaires et ses missiles de longue portée pour dissuader les Etats-Unis de tenter de renverser le régime de Kim Jong Un.

Pyongyang considère que les dirigeants de pays comme l'Irak - où l'ancien dictateur Saddam Hussein a été renversé par les Etats-Unis - et la Libye, dont l'ancien dirigeant a abandonné ses ambitions nucléaires contre un allègement des sanctions et une aide, ont été renversés et tués après une intervention américaine dans un contexte d'instabilité intérieure - et croit que seule la menace de frapper le territoire des Etats-Unis avec une force de représailles nucléaire empêchera une intervention militaire américaine.

Beaucoup d'experts pensent que la Corée du Nord n'utilisera pas ses armes en premier. Selon les experts, Kim Jong Un place la survie de son régime au-dessus de tout et sait que l'utilisation d'une arme nucléaire déclencherait une guerre qu'il ne pourrait pas gagner.

En revanche, le risque qu'une guerre soit déclenchée par les Etats-Unis de l'imprévisible Donald Trump est plus élevé - et c'est bien ce risque-ci qu'il convient de conjurer.

Sources :

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4 août 2017 5 04 /08 /août /2017 20:36

Huit jours après sa sortie, le film du Sud-Coréen Ryoo Seung-wan The Battleship Island a dépassé les 5 millions d'entrées : témoignant du travail forcé des Coréens et des Chinois dans l'île japonaise de Hashima pendant la Seconde guerre mondiale, ce film très largement diffusé en salles témoigne de la popularité des longs métrages historiques en Corée du Sud - puisque le jour où il dépassait les 5 millions d'entrées le film de Jang Hoon A Taxi Driver, consacré à un journaliste allemand témoin de la Commune de Gwangju en 1980, faisait une entrée fracassante au box office.  

"The Battleship Island", un film de Ryoo Seung-wan sur le travail forcé des Coréens et des Chinois à Hashima

Etroite (elle ne mesure que 160 mètres de large sur 450 mètres de long, soit une superficie de seulement 6,3 hectares), l'île de Hashima, située à 19 kilomètres des côtes de Nagasaki a connu un destin exceptionnel lié à l'exploitation des mines sous-marines de charbon situées aux alentours, après son achat par Mitsubishi en 1890. Le groupe japonais met en valeur l'île, construit des immeubles et des infrastructures pour les ouvriers : abritant 5 229 habitants en 1959, Hashima est alors l'endroit comptant la plus forte concentration de population au monde - avec une densité de population de 83 500 habitants au kilomètre carré. Mais le déclin de l'industrie houillère entraîne le recul de l'exploitation minière : les derniers habitants quittent Hashima en 1974, qui devient une île fantôme ayant accueilli des décors de film - notamment pour Skyfall de Sam Mendes et Inception de Christopher Noland. L'île, en tant que site de la révolution industrielle de l'ère Meiji, est inscrite depuis juillet 2015 au patrimoine mondial de l'UNESCO.

"The Battleship Island", un film de Ryoo Seung-wan sur le travail forcé des Coréens et des Chinois à Hashima
"The Battleship Island", un film de Ryoo Seung-wan sur le travail forcé des Coréens et des Chinois à Hashima
"The Battleship Island", un film de Ryoo Seung-wan sur le travail forcé des Coréens et des Chinois à Hashima

Le sang et les larmes des mineurs de Hashima sont aussi mêlés à l'histoire tragique de la colonisation japonaise, notamment le travail forcé des Coréens et des Chinois : derrière les murailles ceignant l'île navire de guerre (selon la traduction en français de son nom japonais) ont été déportés 800 travailleurs forcés coréens pendant la Seconde guerre mondiale. 134 d'entre eux y sont morts, et ceux qui tentaient de fuir étaient torturés.

Le film de Ryoo Seung-hwan The Battleship Island, sorti en salles fin juillet 2017, nous raconte la vie et le récit de l'évasion de Coréens déportés dans l'île - avec l'acteur Hwang Jung-min dans le rôle principal de Lee Kang-ok. Ryoo Seung-hwan a souligné que le film, tourné à Chuncheon où ont été reproduits les décors de Hashima, est une fiction - alors que certains médias japonais ont dénoncé le long métrage décrivant Hashima comme un enfer, négligeant de ce fait que le taux de mortalité (17 % des travailleurs forcés coréens y sont morts) suffit à rendre compte de leurs conditions terribles d'existence, encore largement méconnues en Occident.

"The Battleship Island", un film de Ryoo Seung-wan sur le travail forcé des Coréens et des Chinois à Hashima
"The Battleship Island", un film de Ryoo Seung-wan sur le travail forcé des Coréens et des Chinois à Hashima

Des survivants interrogés par Yonhap ont rendu compte des conditions de travail forcé extrêmement dures dans l'île de Hashima.

Choi Chang-seop y est arrivé en 1943 à l'âge de 15 ans, et y est resté jusqu'à la capitulation japonaise en août 1945 :

J’ai vécu une vie de prisonnier pendant trois ans sur l’île de Hashima, totalement entourée par la mer (...) ça m’étouffe de me souvenir de l’époque où j’ai travaillé pendant 12 heures par jour en petite tenue au fond de cette mine de charbon

Mal nourri, Choi Chang-seop, comme les autres Coréens, était affecté aux tâches les plus dangereuses - non seulement  à extraire  du charbon mais aussi boucher les trous de la mine :

Lorsque j’ai eu cette mission, les Japonais responsables m’ont dit, ‘‘pauvre toi, jeune, faut faire attention à ta tête, on se blesse souvent la tête avec les pierres qui tombent’’. J’ai été plusieurs fois hospitalisé à cause de blessures à la tête.

Choi Chang-seop

Choi Chang-seop

Egalement interrogé par Yonhap, un autre survivant aujourd'hui âgé de 92 ans, Lee In-woo, qui est resté huit mois dans la mine, s'est dit sauvé quand il a été incorporé dans l'armée japonaise. Il raconte aussi qu'une petite île à côté de Hashima était appelé le crématorium, car "c'était le lieu où les Japonais incinéraient les cadavres des travailleurs et fugitifs morts".  

Lee In-woo

Lee In-woo

Sources :

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29 juin 2017 4 29 /06 /juin /2017 12:54

Tous les mercredis, des manifestations ont lieu en République de Corée (Corée du Sud), devant l'ambassade du Japon, pour dénoncer l'esclavage sexuel de centaines de milliers de femmes - pour un grand nombre d'entre elles, coréennes - organisé par l'armée japonaise avant et pendant la Seconde guerre mondiale. Ce mercredi 28 juin 2017, cette manifestation du mercredi a eu lieu à Paris place du Trocadéro, sur le parvis des droits de l'homme, à l'initiative de l'association "Papillons de l'espoir" - par de jeunes Coréens du septième voyage international pour la paix (et du sixième voyage en Europe) organisé par l'association.

Sur le parvis des droits de l'homme : manifestation du mercredi pour que justice soit rendue aux "femmes de réconfort"

Rien n'a fait reculer les vaillants étudiants coréens, en un temps pluvieux, pour demander que le Japon reconnaisse le crime de guerre qu'a constitué l'esclavage sexuel des "femmes de réconfort"  - alors que disparaissent les dernières survivantes. Une grande banderole rappelait cette exigence de justice, tandis qu'un spectacle chanté et dansé des jeunes Coréens a retenu l'attention du public, qui pouvait signer la pétition initiée par le Conseil coréen pour les "femmes de réconfort".

Dans ce combat de longue haleine, soutenu pleinement par l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), et de portée universelle alors que les guerres continuent d'entraîner des crimes sexuels analogues, l'élection du démocrate Moon Jae-in à la présidence de la République à Séoul apporte une lueur d'espoir : en effet, ce dernier s'est engagé à revenir sur l'inacceptable accord conclu fin 2015 entre le Japon et la République de Corée - tendant à enterrer la question, sans excuses officielles des autorités japonaises, en contrepartie du versement d'une certaine somme d'argent.

Pour l'honneur des "femmes de réconfort", contre l'esclavage sexuel sous toutes ses formes, nous devons poursuivre le combat - jusqu'à la victoire !

Sur le parvis des droits de l'homme : manifestation du mercredi pour que justice soit rendue aux "femmes de réconfort"
Sur le parvis des droits de l'homme : manifestation du mercredi pour que justice soit rendue aux "femmes de réconfort"
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6 avril 2017 4 06 /04 /avril /2017 15:45

Dans un article du Japan Times publié le 3 avril 2017, Jesse Johnson a longuement cité William Perry, ancien secrétaire à la Défense sous l'administration Clinton (1994-1997) pro-japonais, qui insiste sur la nécessité d'une approche réaliste concernant la question nord-coréenne - en évitant les postures idéalistes. Nous avons traduit cet article en français (grâce à BA) dans la mesure où il illustre, dans une publication japonaise, l'actuel dilemme de l'administration Trump vis-à-vis de Pyongyang (même si W. Perry doute que l'administration Trump suive ses recommandations de reprise du dialogue) : à la fois envisager un dialogue avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC) sur des positions réalistes (en particulier, rechercher la non-prolifération et un gel des programmes militaires plutôt qu'un improbable abandon à ce stade de ses armes nucléaires par la RPDC, proposer un moratoire des essais nucléaires et balistiques en contrepartie d'actions américaines sur le terrain économique ou diplomatique), éviter la guerre mais aussi renforcer la présence militaire américaine des Etats-Unis (notamment le déploiement d'armes nucléaires au Japon). Si l'AAFC partage pleinement le constat de William Peery sur l'échec des politiques nord-coréennes des Etats-Unis depuis 2000, le réalisme pragmatique et l'objectif pacifiste de William Perry, elle se démarque en revanche nettement de sa volonté de relancer la course aux armements nucléaires et balistiques dans la mesure où celle-ci est porteuse, précisément, de risques de guerre - et traduit au demeurant un certain cynisme consistant à faire ce qu'on reproche aux autres (à savoir, prendre une posture guerrière et renforcer son arsenal militaire et celui de ses alliés pour négocier en position de force). Dans ce contexte, alors que la RPD de Corée a procédé à un nouveau tir de missile de moyenne portée le 5 avril 2017, à la veille d'une rencontre aux Etats-Unis entre Donald Trump et Xi Jinping (le numéro un américain ayant réaffirmé sa solidarité avec Tokyo et menacé la Chine d'agir unilatéralement, y compris militairement, contre Pyongyang si Pékin ne se ralliait pas à la position américaine), la République de Corée (Corée du Sud) a procédé, le 6 avril 2017, à l'essai d'un missile susceptible d'atteindre tout le territoire nord-coréen : quand la Corée du Nord est sanctionnée par les Nations Unies pour son programme nucléaire et balistique, s'agissant de Séoul toutes les outrances sont non seulement permises, mais bien encouragées par Washington - comme le prouve la position de William Perry dont rend compte Jesse Jonhson pour le Japan Times. Mais si, au fond, Pyongyang ne cherchait par ses initiatives conduites depuis l'entrée en fonctions de Donald Trump à atteindre par ce moyen son objectif constant d'un dialogue direct avec les Etats-Unis ?

L’approche de l’ancien secrétaire américain à la Défense concernant la Corée du Nord : Traitez-la telle qu’elle est, pas comme vous souhaiteriez qu’elle soit

Par Jesse Johnson

Journaliste au Japan Times

Le 3 avril 2017

 

« Nous devons traiter la Corée du Nord telle qu’elle est, pas comme nous voudrions qu’elle soit. »

 

C’était la phrase clé de la préface du rapport transmis aux dirigeants japonais, sud-coréens et américains après que celui qui était alors secrétaire à la Défense des États-Unis eut effectué une visite sans précédent à Pyongyang.

 

Près de 18 ans plus tard, ces mots sonnent toujours vrais pour Perry. L’ancien secrétaire à la Défense de l’administration Clinton est devenu l’un des visages les plus connus d’un mouvement en plein essor pressant Washington, ainsi que les autres nations clés, de mettre en place des objectifs réalistes et de traiter à nouveau sur le plan diplomatique le programme nucléaire et d’armement.

 

Selon Perry, les récentes approches et stratégies concernant le Nord, manquant d’une compréhension claire des objectifs de Pyongyang, ont échoué dès leur mise en place. Le résultat a été une montée en puissance de son programme d’armement, que n'avaient prévu ni les analystes américains, ni les responsables gouvernementaux.

 

« Je crois que notre approche devrait être orienté vers une évaluation de ce que sont leurs buts » a déclaré Perry au Japan Times. « Je pense que nos négociations devraient être orientées sur ce que sont leurs buts. Nos politiques, nos stratégies, devraient être orientées vers la minimisation des dangers. Je ne pense pas que ce fut le cas précédemment. »

 

Cela pourrait inclure des compromis tels qu’un moratoire ou des accords sur l’arrêt du programme de missiles balistiques intercontinentaux en échange de rétributions, comme une aide économique ou une reconnaissance sur le terrain diplomatique.

 

Ne pas prendre en compte les motivations derrière les provocations nord-coréennes pourrait selon Perry voir les États-Unis, la Corée du Sud – et par extension le Japon – se retrouver impliqués dans un nouveau conflit coréen.

 

Dans un article écrit pour le site internet Politico, il écrit qu’il est probablement trop tard pour démanteler le programme nucléaire du Nord. À la place, il indique que le but doit être désormais de le contenir.

 

Citant Sigfried Hecker, l’ancien directeur du Laboratoire National de Los Alamos qui a visité à quatre reprises le réacteur de Nyongbyon au Nord, Perry écrit que les négociations « sont condamnées à continuer à échouer » si elles sont basées sur le principe de servir à ce que la Corée du Nord abandonne son arsenal nucléaire.

 

Il avance que les États-Unis pourraient commencer avec des objectifs plus modestes en se servant des Trois Non («Three Nos ») proposés par Hecker (1. Pas de nouvelles armes ; 2. Pas de meilleures armes ; 3. Pas de prolifération), ajoutant cela aux différentes aides offertes à Pyongyang. L’accomplissement de ces objectifs ne serait pas seulement d’une grande valeur concernant la sécurité, mais pourrait également être un « tremplin » pour des négociations à venir avec pour but ultime la dénucléarisation de la péninsule coréenne, déclare Perry.

 

Près d'un accord

 

Désigné comme étant le coordinateur de la politique nord-coréenne par Clinton en 1998, Perry a supervisé une étude qui a amené Washington à être plus proche que jamais d’un accord mettant un frein au programme nucléaire et balistique de Pyongyang.

 

Perry, qui a été décoré de l’Ordre du Soleil Levant par l’Empereur du Japon en 2002, gère maintenant le William J Perry Project, un organisme chargé d’éduquer le public sur les dangers des armes nucléaires. Il donne souvent des conférences et a visité le mois dernier la Chine et Taïwan.

 

Ce dernier voyage rappelait son passage au secrétariat de la défense, faisant la navette à travers l’Asie de l’Est, où Perry a activement cherché à réunir les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon pour apporter de la stabilité à la péninsule coréenne.

 

En 1999, il a ainsi délivré au Nord une proposition de Clinton pour que l’embargo économique visant le pays depuis 50 ans soit graduellement levé en échange d’un ensemble de concessions majeures, incluant un accord mettant un terme à son programme de missiles balistiques.

 

Le travail de Perry a été à la base d’un nombre considérable de visites par les hauts dignitaires des deux pays et de l'idée grandissante à cette époque qu’un accord pouvait être atteint.

 

Mais alors que l’administration Clinton touchait à sa fin en 2000, et que le nouveau Président George W. Bush se préparait à entrer à la Maison Blanche, cet élan a perdu de sa vigueur.

 

Les États-Unis ont été « cruellement proches » de garantir un accord avec la Corée du Nord pour éliminer ses missiles à moyenne et à longue portées et arrêter ses exportations de produits balistiques, comme l'a écrit Wendy Sherman, ancienne conseillère spéciale du Président et du secrétaire d’État en charge de la Corée du Nord, dans un éditorial du New York Times en mars 2001. Elle a pressé Bush de saisir cette chance

 

Dix mois plus tard, l’environnement avait changé. Les États-Unis titubaient, blessés par les attaques terroristes du 11 septembre et cherchaient vengeance, et l’Irak, l’Iran et le terrorisme Islamique étaient devenus le centre d’intérêt principal de la Maison Blanche.

 

Avec Téhéran et Bagdad, Pyongyang a été inclus dans ce que Bush a appelé « l’axe du mal ».

 

« Le président Bush a délibérément mis un terme aux négociations – qui étaient quasiment achevées – on peut concevoir que ces dernières auraient réglé ce problème », indique Perry. « Il a fait cela en pensant qu’il y aurait de nouvelles discussions dans des termes qui lui seraient plus favorables. Cela n’a évidemment pas fonctionné, que ce soit pour lui ou pour les tentatives de l’administration Obama. »

 

« Sans mesurer la valeur théorique de ce qu’ils sont en train de faire, le résultat est pour le moins prévisible », ajoute Perry, analysant l’état présent des négociations.

 

Dans son livre de 2015 « My Journey at the Nuclear Brink », il résume les résultats de la politique américaine envers le Nord depuis l’administration Clinton comme étant « peut-être l’exercice diplomatique le plus infructueux de l’histoire de notre pays ».

 

« Mon analyse est que la raison pour laquelle ils n’ont pas réussi dans le cas de l’administration Bush est qu’ils étaient détournés de cette question par la guerre en Irak » nous dit Perry. « Ils n’ont pas accordé suffisamment de temps ou d’attention à ce sujet. Qui sait ce qui aurait pu se produire s’ils en avaient fait une priorité et s’étaient mis au travail là-dessus. Mais cela n’a pas été le cas. »

 

Le risque d’une nouvelle guerre

 

Cependant, déclare Perry, alors que l’administration Bush était préoccupée par le Moyen-Orient, son successeur, le Président Barack Obama, avait quant à lui une politique dans le cadre de laquelle le programme nucléaire et balistique du Nord a continué à se développer.

 

Cela s’appelle « La Patience Stratégique ». « Ce que j’en ai compris, ce que la Patience Stratégique signifie est que – Si nous attendons suffisamment longtemps, la Corée du Nord va s’effondrer. – Je pense qu’il s’agit d’un espoir désespéré. Je serais heureux de voir le régime tomber, mais il n’y a aucune raison de croire que cela va se produire » indique Perry.

 

A la place, les peurs de Perry qui sont susceptibles de se réaliser dans l’atmosphère sécuritaire tendue entourant la péninsule coréenne sont la survenue d’hostilités de petite envergure menant à un conflit de grande ampleur impliquant les États-Unis et le Japon.

 

« Si cela se produit, si une nouvelle guerre de Corée venait à voir le jour, le Nord perdrait sûrement … et à ce moment-là, voyant la fin du régime, ils pourraient déclencher un Armageddon nucléaire » ajoute Perry. « Donc on peut imaginer le scénario dans lequel ils démarrent une guerre inintentionnellement et que dans ce cas ils utilisent leurs bombes atomiques dans un dernier sursaut. »

 

Selon Perry, ce scénario est le plus probable parmi les différentes théories concernant la façon dont le Nord pourrait provoquer un conflit. Il exclut toute sorte d’attaque surprise contre la Corée du Sud, le Japon ou les États-Unis, indiquant qu’un tel mouvement serait « suicidaire » et serait en contradiction avec l’objectif numéro 1 de Pyongyang : la survie du régime

 

« Ils ne veulent pas être des martyrs. Ce n’est pas al-Qaida ou l’Etat Islamique », déclare-t-il

 

« Cependant, l’utilisation de leurs armes sera dictée par l’utilisation dont elles ont été prévues pour … d’abord et avant tout la survie du régime, le maintien au pouvoir de la dynastie des Kim.

 

« Cela, j’en suis certain, est leur objectif principal. »

 

Et tandis que le chef d’État nord-coréen Kim Jong Un et son régime ont souvent été qualifiés de « fous », y compris le mois dernier par l'ancien candidat à la présidence républicain, le sénateur John McCain, Perry croit qu’il s’agit d’une idée fausse.

 

« Les personnes affirmant qu’ils sont fous ont je pense tort » déclare-t-il « La Corée du Nord est un Etat paria. Ils prennent des décisions extravagantes, mais ces dernières sont destinées à consolider leur emprise sur le pouvoir. »

 

Selon Perry, une compréhension de cet état de fait est nécessaire, peu importe la politique adoptée par les États-Unis concernant le Nord

 

Une ouverture pour des négociations ?

 

Le nouveau président américain Donald Trump a promis que la politique de son gouvernement envers Pyongyang différerait de celle d'Obama, et le secrétaire d'État Rex Tillerson a ainsi déclaré la fin de la Patience Stratégique.

 

Trump a parlé alternativement de s’asseoir à table pour manger un hamburger avec Kim Jong-un et de faire tout son possible pour l'empêcher de maîtriser la technologie pour monter une arme nucléaire sur un missile à longue portée capable de frapper les États-Unis continentaux.

 

Mais après l’essai par le Nord de quatre missiles le mois dernier, qui était présenté comme la simulation d’une attaque américaine au Japon, Trump a adopté un ton nettement plus sévère.

 

Le mois dernier, Tillerson a déclaré que toutes les options - y compris des frappes militaires préventives - étaient « sur la table ». Plus tôt cette année, il a également nié une affirmation de Kim selon laquelle les préparatifs étaient en phase finale, en disant : « Cela n'arrivera pas. »

 

Le Nord a répondu avec sa propre rhétorique, attaquant l'administration Trump concernant son approche du problème nord-coréen et en la rapprochant des actions de l'administration Obama.

 

Ces gesticulations mises à part, Perry pense qu’il y a une ouverture pour des discussions.

 

« Il pourrait réellement essayer de négocier avec eux, ce qui serait une bonne chose – s’il part d’une véritable compréhension du passif de chacun », a déclaré Perry à propos de Trump, en précisant qu'un bon négociateur doit s'efforcer de comprendre l'autre partie.

 

« Je pense comprendre les Nord-Coréens, ce qui me rend un peu pessimiste à propos de négociations basées sur les menaces et les intimidations. »

 

Au-delà de la compréhension des objectifs du Nord, Perry estime qu’il y a une autre composante qui est essentielle de prendre en compte pour les États-Unis pour que les négociations avec Pyongyang soient efficaces : la Chine.

 

« Nous devons discuter en conjonction avec la Chine, ce que nous n'avons jamais fait dans le passé », a déclaré M. Perry. « Même si nous nous sommes tous deux présents ensembles dans les pourparlers à six, nous n'avons jamais eu une compréhension commune de la menace ni de stratégie mutuelle sur la façon de procéder. »

 

Désormais – de par les relations tendues de Pyongyang avec Beijing, son patron d’autrefois – le moment est peut-être opportun, avance-t-il.

 

« Je pense que ce qui s’est passé au cours des dernières années est que les Chinois ont acquis une meilleure compréhension du danger représenté par les armes atomiques nord-coréennes », ajoute Perry. « Ils sont beaucoup plus préoccupés par ce sujet qu’ils pouvaient l’être il y a quelques années. »

 

Compte tenu de cela, il nous indique qu’il existe une réelle possibilité d’arriver au moins à une stratégie de négociation commune.

 

« Si nous y arrivons, cela améliorera grandement les réussites des pourparlers », nous dit Perry.

 

Parler durement

 

Certains experts, y compris Perry, prédisent que si les États-Unis ne parviennent pas à fixer des objectifs raisonnables, ils pourraient risquer par inadvertance de provoquer une situation désastreuse dans la région. Un de ces résultats pourrait voir le Japon et la Corée du Sud entreprendre de développer leurs propres capacités nucléaires - quelque chose que Trump a sous-entendu lors de la campagne présidentielle - et ainsi déstabiliser davantage la région.

 

« Je comprends pourquoi les Japonais sont dans le désarroi, mais je souhaite également penser quelles sont leurs alternatives viables », soutient Perry. « L’une d’entre elle serait qu’ils construisent leurs propres armes nucléaires … ils pourraient ainsi menacer de répondre aux provocations par leurs propres moyens … C’est, à mon avis, une très mauvaise idée mais cela pourrait se produire. »

 

Une autre option, ajoute-t-il, serait de renforcer la confiance que les Japonais portent aux États-Unis en demandant à Washington de faire une mise au point plus claire sur sa politique de dissuasion.

 

« La façon la plus sûre de le faire serait de nous demander de déployer certaines de nos armes nucléaires au Japon», déclare M. Perry, en s’appuyant sur l'exemple de l'Allemagne. Les armes atomiques américaines y ont d'abord été déployées pendant la guerre froide comme moyen d'afficher la volonté de Washington de protéger le pays.

 

« Lorsque vous commencez à parler durement, vous devez commencer à réfléchir à ce que sont les alternatives réalistes », note Perry. « Aucune d'entre elle n'est très attrayante. »

 

Selon Perry, la stratégie des États-Unis et du Japon s'oriente vers une garantie de dissuasion prolongée et la fourniture de systèmes de défense antimissiles balistiques limités - une politique qui n'est pas différente de celle du prédécesseur de Trump.

 

Pour l'ancien secrétaire à la Défense, cette perspective - un retour potentiel au statu quo - est insensée.

 

« Il est frustrant de penser que vous comprenez le problème et de le voir partir dans des directions très différentes de celles que vous souhaiteriez », déclare-t-il. « Je pourrais vous expliquer ce que je pense pouvoir fonctionner, mais je n'ai aucune raison de croire que cela va être tenté. »

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2 janvier 2017 1 02 /01 /janvier /2017 19:53

Du 28 décembre 2016 au 18 janvier 2017, des étudiants sud-coréens visitent la France, l'Allemagne, la République tchèque, la Hongrie, l'Autriche et la Suisse dans le cadre du sixième voyage international pour la paix (et du cinquième voyage en Europe), organisé par l'association "Papillons de l'espoir" et soutenu par le Conseil coréen pour les femmes requises pour l'esclavage sexuel militaire du Japon. Le 2 janvier 2017, ils ont été place du Trocadéro, à Paris, sur le parvis des Droits de l'Homme, pour exprimer l'aspiration de tout un peuple à vivre en paix, ce qui exige de porter un regard lucide sur le passé - le Japon devant notamment formuler des excuses pour le crime de l'esclavage sexuel des "femmes de réconfort", principalement coréennes, commis avant et pendant la Seconde guerre mondiale.

Justice pour les "femmes de réconfort" !
Justice pour les "femmes de réconfort" !

Nulle part dans le monde peut-être davantage que dans la péninsule coréenne l'exigence de paix n'est plus forte, alors que la guerre civile internationalisée qu'a été la guerre de Corée s'est soldée par un simple accord d'armistice, en 1953, sans signature à ce jour d'un traité de paix ni mise en place de mécanismes de sécurité collective qui permettraient de privilégier le dialogue aux tensions et aux sanctions, et de supprimer les armes nucléaires sur le sol coréen.

Ce message de paix a été porté par les divers orateurs présents, coréens, japonais et français, tandis que des messages ont également été lus en anglais et en espagnol. Comme les années précédentes, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) était présente : par la voix de son vice-président en charge des actions de coopération, Benoît Quennedey, elle a rappelé son exigence d'une paix durable en Corée, qui implique de renouer avec le dialogue, de mettre fin à la course aux armements et de trouver une solution honorable aux drames vécus par les "femmes de réconfort", anciennes esclaves sexuelles de l'armée japonaise - ce que ne permet pas le déshonorant accord nippo-sud-coréen signé fin 2015 - mais que la nouvelle situation politique ouverte, en Corée du Sud, par le vote de destitution de la Présidente Park Geun-hye pourrait heureusement remettre en cause.

Comme l'ont expliqué les organisateurs de "Papillons de l'espoir" qui relaient la campagne de 100 millions de signatures pour la résolution de la question de l'esclavage sexuel, le papillon symbolise cet espoir d'un monde d'harmonie, sans guerre, débarrassé de la violence intolérable faite aux femmes en période de conflit :

Le Papillon est le symbole qui représente la battement des ailes de la Liberté, échappant aux discriminations, à l'oppression, à la violence. Papillons de l'espoir est une association pour la résolution de la question de l'esclavage sexuel infligé par l'armée japonaise. Nos principales activités sont des campagnes pour la collecte de 100 millions de signatures au niveau national mais aussi international, ainsi qu'en France, en Allemagne, en Equateur et en Bolivie.

Puissent les papillons de l'espoir symboliser cette aspiration universelle à la justice, à la paix et à la fraternité !

Justice pour les "femmes de réconfort" !
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23 novembre 2016 3 23 /11 /novembre /2016 20:17

En décembre 2017 doit se tenir la prochaine élection présidentielle en République de Corée (Corée du Sud). Mais ce calendrier pourrait se trouver accéléré, alors que les Sud-Coréens manifestent depuis des semaines par centaines de milliers pour obtenir la démission de la Présidente Park Geun-hye, embourbé dans le scandale Choi Soon-sil qui a révélé son incompétence : dans ce contexte, les conservateurs au pouvoir à Séoul accélèrent le rythme pour réaliser leur programme de répression politique et antisyndicale, et renforcer l'alignement de Séoul sur l'axe Washington-Tokyo. Plus que jamais, il faut les empêcher de mettre en oeuvre une politique discréditée dans l'opinion : tel est le sens, notamment, de la manifestation à Paris le 26 novembre 2016, à 15h place du Trocadéro, pour le départ de Mme Park Geun-hye, à laquelle l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) appelle à participer.

Une manifestante coréenne le 23 novembre, contre l'accord nippo-sud-coréen en matière de renseignement

Une manifestante coréenne le 23 novembre, contre l'accord nippo-sud-coréen en matière de renseignement

Cela fait quatre ans que l'accord nippo - sud-coréen, de partage d'information en matière de renseignement, était bloqué en Corée du Sud : sentant le risque que cet accord impopulaire ne soit jamais mis en oeuvre après leur départ du pouvoir désormais exigé par une écrasante majorité de Sud-Coréens, les conservateurs qui tiennent encore le haut du pavé à Séoul ont engagé une manoeuvre pour une entrée en vigueur immédiate, le 23 novembre 2016, en prétextant - une fois encore - la menace nord-coréenne. Il n'y a pourtant eu aucune initiative nord-coréenne récente de nature à juger cet empressement... sinon le besoin de Mme Park Geun-hye et de ses affidés de lier les mains de leurs successeurs, comme pour le déploiement en Corée du système de missiles antibalistique THAAD, sans l'accord du Parlement et malgré l'opposition d'une majorité de citoyens. Tel est le sens de la démocratie pour Mme Park Geun-hye, qui trouve opportunément des alliés pour cautionner sa démarche autoritaire dans les dirigeants français, François Hollande en tête. La Corée du Sud de Mme Park accomplit parfaitement son rôle de supplétif des Etats-Unis.

Cette marche à la guerre, par le renforcement des systèmes d'alliances militaires, est indissociable des atteintes grandissantes aux libertés publiques en Corée du Sud, que le bellicisme permet de justifier. Un des symboles de cette dérive autoritaire est la condamnation à cinq ans de prison du syndicaliste Han Sang-gyun, suivant une décision qui a soulevé un tollé international tant elle constitue une atteinte inacceptable à la liberté d'expression et à la liberté de manifestation. Alors que le procureur exige l'alourdissement de cette peine à huit ans en appel (le jugement sera rendu le 13 décembre prochain), l'AAFC appelle toutes et tous à signer la pétition en ligne pour la libération de Han Sang-gyun et assurer le respect des droits des travailleurs en Corée du Sud. Cette pétition, disponible en plusieurs lignes sur le site change.org, a été initiée par le Réseau européen pour une Corée progressiste (basé en Allemagne) et est adressée au juge Shim Dam.

Sources :

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15 août 2016 1 15 /08 /août /2016 07:54

A l'occasion du 71e anniversaire de la libération de la Corée de la colonisation japonaise, le 15 août 1945, le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine a adressé un message de félicitations à Kim Jong-un, Président de la Commission des affaires de l'Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Alors que l'anniversaire de la Libération est traditionnellement, dans toute la Corée, l'occasion d'appeler au dialogue et à la réconciliation Nord-Sud, la Présidente Park Geun-hye de la République de Corée (Corée du Sud) a choisi cette année de délivrer un message guerrier, à la veille de manoeuvres militaires américano - sud-coréennes qui aggraveront une nouvelle fois les tensions et les risques de conflit dans la péninsule coréenne.

Dans son message au Président Kim Jong-un, le Président Vladimir Poutine a appelé au resserrement des liens avec la RPD de Corée et rappelé que des soldats de l'Armée rouge et des patriotes coréens étaient tombés pour la libération de la Corée. De fait, conformément à leurs engagements internationaux, les Soviétiques étaient intervenus en Corée en août 1945 pour combattre les troupes d'occupation japonaise, en respectant la limite du 38e parallèle au Sud de laquelle les Américains devaient recevoir la reddition des troupes japonaises - pour leur part, les Américains ont attendu la fin des combats pour débarquer en Corée, et n'ont donc pas combattu sur le sol de la péninsule coréenne pour libérer les Coréens de l'occupation japonaise. Selon l'agence nord-coréenne KCNA, le Président Vladimir Poutine a déclaré :

Nous nous souvenons avec respect des soldats de l'Armée rouge et des patriotes coréens qui ont consacré leur vie à l'indépendance de la Corée (...) Les glorieuses traditions d'amitié et de coopération forgées dans les années de la guerre sont devenues la pierre angulaire du développement des relations entre la Russie et la RPDC.

http://www.kcna.kp/kcna.user.home.retrieveHomeInfoList.kcmsf;jsessionid=CCC047A0401B8F6B387AC68AC4BFA728

Le Président Vladimir Poutine a également appelé à l'essor des relations bilatérales entre la Russie et la RPD de Corée dans les domaines économiques, scientifiques, technologiques et humanitaires, afin de garantir la paix et la stabilité en Asie du Nord-Est.

Préserver la paix n'était en revanche pas la préoccupation de la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye dans son message prononcé à l'occasion de la Libération de la Corée. Dans un discours au vitriol contre les "provocations" et les "menaces" nord-coréennes, elle a défendu la course aux armements en défendant avec force le déploiement en Corée du système américain de défense antimissile à haute altitude THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) qui soulève un rejet croissant dans l'opinion publique sud-coréenne. Le 9 août, les Etats-Unis et leurs alliés avaient échoué à obtenir du Conseil de sécurité des Nations Unies l'adoption d'une résolution condamnant la RPDC pour son tir de missile balistique effectué le 2 août, après que la Chine eut demandé - en vain - d'éviter les provocations et les initiatives telles que le déploiement de THAAD.

Dans quelques jours débuteront les exercices militaires américano - sud-coréens Ulji Freedom Guardian, avec l'introduction de bombardiers américains dans le ciel de la Corée.

L'Association d'amitié franco-coréenne appelle une nouvelle fois à la paix et au dialogue dans toute la Corée en vue d'une dénucléarisation de toute la péninsule, et à cesser la course aux armements et les manoeuvres militaires qui aggravent dangereusement les tensions dans une des régions les plus militarisées au monde.

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12 août 2016 5 12 /08 /août /2016 18:01

Dans Corée du Nord. Un Etat-guérilla en mutation, le journaliste Philippe Pons, correspondant du quotidien Le Monde pour la Corée et le Japon depuis plus de trente ans, a publié l'oeuvre d'une vie. Comme toujours, Philippe Pons, sans complaisance pour la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), met en avant les transformations de l'Etat soumis au plus vieil embargo au monde et qu'une certaine presse veut, à la différence de Philippe Pons, enfermer dans des images caricaturales. Les thèses qu'il déploit sont parfois audacieuses (notamment sur le système politique interne à la Corée du Nord, dont les analyses américaines et sud-coréennes - utilisées par Philippe Pons - doivent être prises avec précaution vu la difficulté à confronter les données), mais l'information est riche, complète, y compris sur des sujets mal connus : nous traitons ci-après celui des relations, aujourd'hui rompues, entre le Parti communiste japonais (PCJ) et la RPDC, abordées page 158 de l'ouvrage.

Aux origines de la rupture entre le Parti communiste japonais et la Corée du Nord

Philippe Pons rappelle que la gauche japonaise - socialistes comme communistes, membres de l'Association de coopération pour le rapatriement des Coréens du Japon (Zainichi Chôsenjin kikoku kyoryoku kai) - ont soutenu le rapatriement en RPDC des Nord-Coréens du Japon, engagé à partir de 1959. Un communiste japonais, Terao Gorô, a ainsi publié un ouvrage décrivant la RPD de Corée de manière idéalisée, et dont le succès a été considérable.

Cependant, une partie des Coréens retournés au Nord de la péninsule ont eu du mal à s'habituer à une vie très différente de celle qu'ils espéraient, et matériellement beaucoup plus difficile que dans l'archipel nippon. C'est dans ce contexte que le correspondant à Pyongyang du quotidien du PCJ Akahata, Hagiwara Ryô, a été expulsé de RPDC en 1973, alors qu'il conduisait une enquête sur les rapatriés en Corée du Nord. Il a ensuite publié un livre, très critique sur le régime nord-coréen, qui va contribuer à la dégradation des relations entre le PCJ et la RPDC. Au sein de la gauche japonaise, seuls les socialistes maintiendront de bonnes relations avec les autorités nord-coréennes.

Puis la rupture entre le PCJ et Pyongyang est intervenue en 1987, après qu'un attentat contre un appareil de la Korean Air eut été attribué par Séoul à Pyongyang (ce que la Corée du Nord a toujours nié, l'enquête comportant en outre d'importantes zones d'ombre).

C'est ainsi que l'un des plus puissants partis communistes d'Asie (hormis ceux au pouvoir), avec les partis communistes indiens, a désormais cessé ses relations avec la RPD de Corée, cette prise de distance radicale étant étrangère à l'orientation du communisme japonais, qui n'a pas été sans rappeler celle des tendances eurocommunistes en Europe occidentale dans les années 1970.

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