Il y a 50 ans, le 22 juin 1965, la République de Corée (Corée du Sud) et le Japon normalisaient leurs relations avec la signature à Tokyo, par les ministres des Affaires étrangères Lee Dong-won (Corée du Sud) et Shiina Etsusaburo (Japon), du Traité sur les relations fondamentales entre le Japon et la Corée du Sud. Cet accord rencontra une vive opposition dans la péninsule coréenne, dans la mesure où il réglait de manière extrêmement ambiguë la question de la colonisation japonaise.
Alors que des excuses des autorités japonaises avaient toujours été considérées comme un préalable à la normalisation des relations bilatérales, le ministère sud-coréen des Affaires étrangères n'évoqua la colonisation que de manière très indirecte, en formulant la déclaration suivante :
Il a existé, à une certaine période du passé, des relations préjudiciables aux deux nations.
Une telle ambiguïté évita au ministère japonais des Affaires étrangères de présenter des excuses, en répondant simplement :
Il est fâcheux que de telles relations aient existé par le passé, et cela nous préoccupe profondément.
Par ailleurs, le traité de 1910 d'annexion de la Corée par le Japon ayant été considéré par l'article 2 du traité du 22 juin 1965 comme "déjà" annulé, sans préciser à quelle date, toute perspective d'excuses du Japon au titre de la colonisation de la Corée était évacuée.
En contrepartie, la Corée a bénéficié d'une cession, par le Japon, à hauteur de 300 millions de dollars, et de prêts au secteur public et au secteur privé, s'élevant respectivement à 200 millions et 300 millions de dollars. Si ces aides devaient contribuer à l'essor de l'économie sud-coréenne, alors moins développée que celle de la Corée du Nord, elles n'apparaissaient nullement comme une compensation des dommages subis au titre de la colonisation, tandis que le traité du 22 juin 1965 affirmait que la question d'éventuelles réclamations était désormais réglée.
Dans ce contexte, l'annonce par les autorités sud-coréennes, dirigées par le général Park Chung-hee, de la normalisation des relations bilatérales entraîna, dès le mois d'avril, des manifestations d'opposition des étudiants et des lycéens. Après la mort d'un étudiant à l'Université de Dongguk, le Gouvernement ordonna la fermeture des universités, ce qui toutefois n"empêcha pas de nouvelles manifestations à partir du 19 avril. Le 21 juin, veille de la signature du traité, l'Université nationale de Séoul anticipa ses congés annuels. Les grèves de la faim d'étudiants s'amplifièrent, tandis qu'une centaine de pasteurs puis, mi-juillet, 354 professeurs d'université et 11 généraux de réserve relayèrent le mouvement de protestation. Fin juillet, un rassemblement de 300 personnalités marqua le refus du traité, auquel s'opposa également l'ancien Président de la République Yun Po-sun, à l'instar des députés du Parti du peuple (opposition), qui présentèrent leur démission. Le 14 août 1965, le traité sur la normalisation des relations entre la Corée du Sud et le Japon fut ainsi ratifié par les seuls députés du Parti républicain (au pouvoir).
Les manifestations étudiantes et lycéennées reprirent dès le 18 août et rassemblèrent 10 000 participants le 23 août. Le Gouvernement choisit de déployer l'armée dans les universités, de multiplier les arrestations et d'interdire de cours, en septembre, 21 professeurs. La répression de l'opposition au traité Japon-Corée allait de pair avec la fin d'une certaine tolérance dans la liberté d'expression.
Au plan international, ce passage en force s'inscrivait par ailleurs dans une réorientation de la diplomatie sud-coréenne, désormais encore plus étroitement liée aux intérêts américains : presque concomitamment à la formation d'un axe Tokyo-Séoul pro-américain, la Corée du Sud décidait l'envoi de troupes au Sud-Vietnam (avec l'accord du Parlement le 13 août 1965), où elles devaient constituer le deuxième plus important contingent étranger, après celui américain.
Source : Seo Joong-seok, La Corée du Sud : 60 ans d'histoire contemporaine. Origines et étapes du mouvement démocratique, Fondation coréenne pour la démocratie, 2007, p. 166-171.
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