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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 15:22

En Corée du Sud, les manœuvres militaires annuelles Foal Eagle ont pris fin le 29 avril 2016, un jour avant la date initialement prévue. Menés dans un contexte de tensions exacerbées dans la péninsule coréenne, ces exercices militaires - d'une ampleur inédite cette année - ont une nouvelle fois constitué une véritable menace pour la paix en Corée, en Asie et dans le monde, amenant l'Association d'amitié franco-coréenne à intervenir directement auprès des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Conseil de sécurité des Nations Unies

Conseil de sécurité des Nations Unies

Lancées le 7 mars 2016 en même temps que les exercices de simulation Key Resolve (qui ont pris fin le 18 mars), les manœuvres militaires américano-sud-coréennes Foal Eagle ont été historiques par leur ampleur : mobilisation de 10 000 soldats américains et de 300 000 soldats sud-coréens, déploiement d'armes stratégiques américaines en Corée, telles qu'un porte-avion, un sous-marin nucléaire, deux bâtiments de projection, un bombardier et un avion de combat furtifs.

Surtout, les armées des Etats-Unis et de la Corée du Sud (sous commandement américain en temps de guerre) ont appliqué pour la première fois le plan d'opération 5015. Ce plan consistant à frapper en premier les installations de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a donné lieu à des opérations amphibies et aériennes renforcées dirigées contre la RPDC.

Ces exercices militaires ont eu lieu dans un contexte de tensions dans la péninsule coréenne encore exacerbées par les sanctions visant la RPDC prévues dans la résolution 2270 adoptée le 2 mars 2016 par le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU), suite à l'essai nucléaire du 6 janvier 2016 et au lancement d'un satellite le 7 février 2016.

Comme décidé lors de la réunion de son Conseil national du 5 avril 2016, l'Association d'amitié franco-coréenne a adressé une lettre à tous les membres du Conseil de sécurité, à l'exception de la représentante des Etats-Unis, pour demander que les manœuvres militaires à répétition dans la péninsule coréenne, en tant que menace pour la paix, fassent, au moins, l'objet d'un débat au sein du CSNU.

Les exercices militaires américano-sud-coréens, auxquels s'ajoutent le refus de dialoguer avec la RPDC et le recours systématique à une « diplomatie des sanctions » de la part des Etats-Unis, font que ces derniers ont une large part de responsabilité dans la montée des tensions dans la péninsule coréenne. L'AAFC avait déjà fait part de son inquiétude face à cette situation dans une lettre adressée à l'ambassadeur des Etats-Unis en France le 28 janvier 2013, en se montrant disposée à en discuter avec lui ou ses collaborateurs. Cette lettre est restée sans réponse.

Texte de la lettre adressée, en français, le 19 avril 2016 aux représentants au Conseil de sécurité des Nations Unies de la France (membre permanent) et du Sénégal :

Excellence,

L’attention du Conseil de sécurité des Nations Unies est souvent appelée sur les démarches militaires ou scientifiques entreprises par la République populaire démocratique de Corée (RPDC).

Le résultat est que le Conseil de sécurité a été conduit par certains de ses membres à adopter des résolutions contraignantes qui donnent l’impression que les difficultés dans la péninsule coréenne ne sont imputables qu’à une seule partie. En outre, elles imposent à la RPDC et à sa population des sanctions qui tendent à aggraver encore les tensions. Elles encouragent d’autres pays à adopter des sanctions, cette fois-ci unilatérales, dans le plus grand mépris de la Charte des Nations Unies et de la compétence du Conseil de sécurité.

Aux termes de l’article 39 de la Charte des Nations Unies et dans le cadre de ses attributions exclusives en matière de sécurité collective, « le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

Or, au regard des qualifications employées par le Conseil de sécurité par le passé, il est patent que la notion de « menace contre la paix » dans la péninsule coréenne est susceptible de concerner un grand nombre de situations et de démarches entreprises, pas seulement du fait de la République populaire démocratique de Corée.

À ce titre, les exercices militaires conjoints des États-Unis d’Amérique et de la République de Corée sont clairement constitutifs d'une « menace contre la paix », dans la mesure où ils créent un climat de tension, susceptible d’entraîner un conflit.

Il est regrettable que les exercices militaires conjoints des États-Unis d’Amérique et de la République de Corée n’aient jamais été inscrits à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, ni traités afin que des mesures soient adoptées par les Nations Unies, alors qu'ils constituent un véritable problème : ils mobilisent des troupes et simulent clairement un affrontement armé avec la RPDC, fragilisent la situation et créent des tensions. En outre, leurs initiateurs s’inscrivent ouvertement dans l’optique d’un conflit avec la RPDC et envisagent l’hypothèse d’une invasion et d’une occupation de cette dernière.

Le Conseil de sécurité doit aborder ces exercices, car la « menace contre la paix » est clairement établie. En omettant de traiter cette situation, le Conseil de sécurité donne une impression de partialité, ce qui ne peut que fragiliser les buts qu’il est supposé poursuivre au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. La sécurité collective suppose une approche globale et honnête de la situation, non une position n’obéissant qu’à un seul point de vue.

Il est de la responsabilité de chaque membre du Conseil de sécurité de soulever tout ce qui pourrait menacer la paix dans la péninsule coréenne, et non de se focaliser sur les actions d’un seul protagoniste.

La cause de la paix dans le monde suppose que les provocations récurrentes et réitérées ne soient pas tues et passées sous silence au motif que certains pays, aussi puissants soient-ils, s’y opposent.

Les Nations Unies doivent s’engager dans une démarche qui associe tous les Coréens afin que, pacifiquement, ils soient les seuls à prendre leur destin en mains, conformément aux principes du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de non-ingérence exprimés par la Charte des Nations Unies.

Nous vous prions d’agréer, Excellence, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.

Le Bureau national de l'Association d'amitié franco-coréenne

Texte de la lettre adressée, en anglais, le 19 avril 2016 aux représentants au Conseil de sécurité des Nations Unies de l'Angola, de la Chine (membre permanent), de l'Egypte, du Japon, de la Malaisie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni (membre permanent), de la Russie (membre permanent) et de l'Ukraine :

Excellency,

The attention of the UN Security Council is often drawn to the military or scientific actions taken by the Democratic People's Republic of Korea (DPRK).

As a result, the Security Council has been led by some of its members to pass binding resolutions which give the impression that difficulties in the Peninsula are imputable only to one side. Moreover, they impose on the DPRK and its people sanctions that tend to aggravate tensions. They encourage other countries to adopt unilateral sanctions, in total disregard of the UN Charter and the authority of the Security Council.

In accordance with Article 39 of the Charter of the United Nations and considering its exclusive powers for ensuring collective security, “the Security Council shall determine the existence of any threat to the peace, breach of the peace, or act of aggression and shall make recommendations, or decide what measures shall be taken in accordance with Articles 41 and 42, to maintain or restore international peace and security.

But in terms of qualifications used by the Security Council in the past, it is clear that the notion of "threat to the peace" in the Korean Peninsula is likely to involve a large number of situations and actions, not only as a result of initiatives taken by the Democratic People's Republic of Korea.

As such, the joint military exercises of the United States of America and the Republic of Korea clearly constitute a "threat to the peace", since they create a climate of tension which may result in a conflict.

It is regrettable that the joint military exercises of the United States of America and the Republic of Korea have never been on the agenda of the Security Council, or treated so that measures could be adopted by the United Nations while they are a real problem: they mobilize troops and clearly simulate an armed confrontation with the DPRK, undermining the situation and creating tensions. In addition, their initiators clearly act in the context of a dispute with the DPRK and consider the hypothesis of an invasion and an occupation of the latter.

The Security Council must address these exercises because a "threat to the peace" is clearly established. By failing to address this situation, the Security Council gives an impression of bias, which can only undermine the goals it is supposed to proceed under Chapter VII of the UN Charter. Collective security requires a comprehensive and honest approach to the situation, and not a position corresponding to only one point of view.

Each member of the Security Council has the responsibility to prevent anything that might threaten peace on the Korean peninsula, and not to focus on the actions of a single protagonist.

The cause of world peace demands that recurrent and repeated provocations should not be silently received or ignored on the grounds of the opposition of some countries, howsoever powerful they are.

The United Nations should engage in a process that unites all Koreans so that they could take their destiny into their own hands peacefully, according to the principles of the right of nations to self-determination and non-interference as expressed by the Charter of the United Nations.

We ask you to accept, Excellency, the assurances of our most respectful feelings.

The National Board of the France-Korea Friendship Association

Texte de la lettre adressée, en espagnol, le 19 avril 2016 aux représentants au Conseil de sécurité des Nations Unies de l'Espagne, de l'Uruguay et du Venezuela :

Excelencia,

La atención del Consejo de seguridad de las Naciones Unidas esta regularmente volcada hacia las actividades militares o científicas elaboradas por la República Popular Democrática de Corea (RPDC).

Resultando que el Consejo de seguridad haya adoptado resoluciones vinculando las dificultades de la península coreana a una sola de las partes. Además imponen a la RPDC y a su población sanciones que tienden a acentuar las tensiones. Estimulan la adopción, por parte de otras naciones, de sanciones, esta vez unilaterales, despreciando así la Carta de las Naciones Unidas y las competencias del Consejo de seguridad.

Según el articulo 39 de la Carta de las Naciones Unidas y en el ámbito de sus competencias exclusivas acerca de la seguridad colectiva : « El Consejo de seguridad constata la existencia de una amenaza contra la paz, de una ruptura de la paz o un acto de agresión y hace recomendaciones o decide de las medidas que serán tomadas conforme a los Artículos 41 y 42 para mantener la paz y la seguridad internacional. »

Sin embargo, teniendo en cuenta las calificaciones empleadas por el Consejo de seguridad en el pasado, queda patente que la noción de « amenaza contra la paz » en la península coreana es susceptible de incumbir a un gran numero de situaciones y de posturas tomadas no solamente por parte de la República Popular Democrática de Corea.

En dicho sentido, los ejercicios militares conjuntos de Estados Unidos y de la República de Corea son claramente elementos que constituyen una « amenaza contra la paz » en la medida en que alimentan un clima de tensión susceptible de provocar un conflicto.

Lamentamos que los ejercicios militares conjuntos de Estados Unidos y de la República de Corea no hayan sido nunca inscritos a la orden del día en el Consejo de seguridad, ni objeto de discusión de manera a que se tomen medidas necesarias por parte de las Naciones Unidas, cuando constituyen un autentico problema: movilizan tropas y simulan claramente un enfrentamiento armado con la RPDC, haciendo más frágil la situación y creando tensiones. Asimismo sus instigadores se inscriben abiertamente en la posibilidad de un conflicto con la RPDC y plantean la hipótesis de una invasión y ocupación de esa última.

El Consejo de seguridad debe atender a dichos ejercicios, puesto que la « amenaza contra la paz » esta claramente establecida. Omitiendo el trato de dicha situación el Consejo de seguridad dejaría suponer un trato parcial de la situación, lo que favorecería el debilitamiento de los objetivos que supuestamente ha de seguir si nos referimos al capítulo VII de la Carta de las Naciones Unidas. La seguridad colectiva implica un trato global y honesto de la situación, y no un posicionamiento que obedece a un solo punto de vista.

Incumbe a la responsabilidad de cada miembro del Consejo de seguridad de señalar cualquier elemento que podría amenazar la paz en le península coreana y no centrarse en las acciones de uno solo de los protagonistas.

La causa de la paz en el mundo implica que las provocaciones recurrentes y reiteradas no sean calladas y sofocadas debido a que ciertos países, por muy poderosos que sean, se opongan a ello.

Las Naciones Unidas deben fomentar un enfoque que asocie a todos los coreanos con el objetivo de que, pacíficamente, sean los únicos que puedan tomar en mano su destino conforme a los principios del derecho de los pueblos a disponer de ellos mismos y a la no-injerencia expuesta en la Carta de las Naciones Unidas.

Le saluda atentamente.

Oficina nacional de la Asociación de amistad Francia-Corea

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 18:00

Le 2 mars 2016, le Conseil de sécurité des Nations Unies a donc adopté, à l'unanimité de ses membres, la résolution 2270 imposant un régime de sanctions d'une sévérité sans précédent contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) suite à l'essai nucléaire du 6 janvier 2016 et au lancement d'un satellite le 7 février 2016. Ces sanctions, tombées à la veille du début de manœuvres américano-sud-coréennes dirigées contre la RPDC et d'une ampleur inédite, doivent être prises pour ce qu'elles sont : une parfaite expression du « deux poids et deux mesures » dans les relations internationales et de l'hypocrisie de grandes puissances toutes dotées d'armes nucléaires, États-Unis en tête, qui interdisent à un autre pays – en l'occurrence, la RPDC - de disposer de telles armes tout en proférant des menaces à son encontre, incitant le pays ainsi visé à en acquérir. Tout cela au mépris des traités existants. Le commentateur politique canadien Stephen Gowans (gowans.wordpress.com) a livré une analyse exhaustive de cette situation aussi injuste que dangereuse, et du traitement particulier réservé à la Corée du Nord. L'Association d'amitié franco-coréenne – qui déplore que la France, membre permanent du Conseil de sécurité, ne joue pas un rôle plus positif en Corée - propose ici une traduction de l'analyse de Stephen Gowans.

Essai d'un "canon atomique" par l'armée américaine dans le Nevada le 25 mai 1953 (opération Upshot-Knothole Grable)

Essai d'un "canon atomique" par l'armée américaine dans le Nevada le 25 mai 1953 (opération Upshot-Knothole Grable)

Pourquoi les sanctions de l'ONU contre la Corée du Nord sont une mauvaise chose

« Ce que veulent réellement les États-Unis, ce n'est pas la dénucléarisation de la péninsule coréenne, mais l'américanisation de la péninsule coréenne. »1

 

par Stephen Gowans

7 mars 2016

Après avoir conclu avec succès les négociations avec la Chine instaurant une nouvelle série de sanctions à l'encontre de la Corée du Nord, l'ambassadrice des États-Unis auprès des Nations Unies, Samantha Power, est apparue devant les journalistes pour déclarer que ce pays d'Asie du Nord-Est, « un des régimes les plus brutaux que le monde ait jamais connu », ne serait pas autorisé à atteindre « son objectif déclaré de se doter de missiles intercontinentaux à têtes nucléaires ». « La communauté internationale ne peut pas permettre » que ça arrive, dit-elle. « Les États-Unis ne permettront pas que ça arrive. »2

Une semaine plus tard, le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) adopta une résolution imposant une nouvelle tranche de sanctions au « pays le plus sanctionné du monde », la Corée du Nord telle que George W. Bush l'avait une fois appelée.3 « La résolution », rapportait le Wall Street Journal, « donne mandat aux pays d'inspecter tous les chargements à destination et en provenance de la Corée du Nord, interrompt les livraisons de carburant pour avions et fusées, interdit toutes les ventes d'armes et limite les revenus du pays à ceux ayant des fins humanitaires. »4 Bush avait promis que « le pays le plus sanctionné du monde » resterait « le pays le plus sanctionné du monde ».5 Le Conseil de sécurité a acquiescé.

Depuis 1998, la Corée du Nord a procédé à quatre essais nucléaires, la dernière fois le 6 janvier [2016], et a lancé six fusées capables de mettre des satellites en orbite (ce que les États-Unis ont qualifié de tests de missiles dissimulés). Mais, sur la même période, les États-Unis ont développé des armes nucléaires « à puissance variable » afin de rendre leur utilisation plus concevable, fabriqué de nouvelles armes de destruction massive non nucléaires, et dépensé 8 milliards de dollars par an pour maintenir et moderniser leur arsenal nucléaire. Pendant ce temps, de nombreux pays ont mis des satellites sur orbite et certains ont testé des missiles balistiques à longue portée. Ainsi, pourquoi un traitement particulier est-il réservé à la Corée du Nord, alors que les États-Unis et plusieurs de leurs alliés continuent de tester leur technique balistique et de renforcer leurs arsenaux nucléaires ?

Il n'y a aucun fondement légitime au train de sanctions imposé le 2 mars 2016 par le Conseil de sécurité à la Corée du Nord. L'essai nucléaire et le lancement de satellite effectués par ce pays assiégé ne violent aucune loi internationale et ne représentent aucune menace réaliste pour les États-Unis ou leurs alliés, un fait reconnu par leurs propres généraux et par le journal de référence du pays. La Corée du Nord s'est légitimement retirée du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), lequel interdit aux pays qui n'ont pas l'arme atomique de s'en doter en échange d'une aide au développement des applications pacifiques de l'énergie nucléaire. La Corée du Nord n'est donc tenue par aucune obligation internationale de ne pas utiliser la technologie nucléaire à des fins militaires. Ce pays ne viole pas non plus de loi interdisant d'avoir recours à des fusées pour placer des satellites en orbite. Une telle loi n'existe pas. Et, même si la fusée nord-coréenne utilisée le mois dernier [février 2016] pour lancer un satellite n'était pas un missile balistique, il n'y a pas de loi interdisant le développement, la possession ou l'essai d'un missile balistique.

De nombreux pays utilisent des fusées pour lancer des satellites, et plusieurs ont développé et possèdent des missiles balistiques. Nombre de pays détiennent l'arme atomique, la plupart desquels, à l'exception des États-Unis, maintiennent leurs arsenaux nucléaires avec la seule intention déclarée de dissuader un agresseur et d'empêcher un chantage nucléaire. La Corée du Nord dit que ses armes nucléaires sont purement défensives. C'est crédible. L'arsenal nucléaire de Pyongyang est trop faible, et les moyens d'envoyer une tête nucléaire trop incertains, pour que le pays se lance dans un échange nucléaire avec un espoir d'y survivre. En revanche, les États-Unis refusent d'exclure le recours en premier aux armes nucléaires et ont de manière répétée menacé la Corée du Nord d'un anéantissement nucléaire, ce qui explique principalement pourquoi ce pays d'Asie du Nord-Est a voulu développer des armes atomiques comme moyens d'auto-défense.

La Corée du Nord fait face aux menaces récurrentes d'une attaque nucléaire ou conventionnelle par les États-Unis.

- En 1993, le Commandement stratégique des États-Unis a annoncé que certains de leurs missiles intercontinentaux étaient pointés vers la Corée du Nord.6

- En 2001, l'administration Bush a identifié la Corée du Nord comme cible potentielle d'une attaque nucléaire (avec la Libye, la Syrie, la Chine, la Russie, l'Iran et l'Irak).7

- Selon le Stimson Center, groupe de réflexion américain dédié aux politiques publiques, entre 1970 et 2010, les États-Unis ont menacé à six reprises la Corée du Nord d'une destruction nucléaire.8

- Une fois, le premier soldat des États-Unis, Colin Powell, a averti la Corée du Nord que les États-Unis pourraient la transformer en « briquette de charbon ».9

De plus, les États-Unis ont virtuellement déclaré la guerre à la Corée du Nord en 2002, lorsque l'administration Bush a inclus ce pays dans un « axe du mal » avec l'Iran et l'Irak. Un de ces pays, l'Irak, a été peu après envahi et occupé par les États-Unis et la Grand-Bretagne sur la base d'un tissu de mensonges. Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont prétendu que ce pays avait caché des armes de destruction massive (ADM) au mépris d'une résolution du Conseil de sécurité ordonnant leur démantèlement. En fait, l'Irak avait éliminé ses arsenaux d'ADM, restant pratiquement sans défense contre une attaque, une vulnérabilité exploitée par Washington et Londres. Après l'invasion, le sous-secrétaire d'État américain chargé du contrôle des armements, John Bolton, avertit la Corée du Nord d'en tirer la leçon appropriée10, accroissant la menace d'une agression qu'impliquait la désignation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, nom officiel de la Corée du Nord) comme pays de l'Axe du mal.

Le Traité de non-prolifération nucléaire

La Corée du Nord a signé le Traité de non-prolifération nucléaire en 1985. Par le traité, entré en vigueur le 5 mars 1970, les États signataires s'engagent « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures (...) relatives (...) au désarmement nucléaire ». Le traité distingue deux catégories d'États signataires : les États dotés d'armes nucléaires et les États non dotés d'armes nucléaires, un État doté d'armes nucléaires étant un État « qui a fabriqué et a fait exploser une arme nucléaire ou un autre dispositif nucléaire explosif avant le 1er janvier 1967 ». Les États qui ont acquis des armes nucléaires avant 1967 sont désignés comme États dotés d'armes nucléaires, et incluent les États-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et la France. Les pays qui n'avaient pas d'armes nucléaires avant 1967 sont appelés des États non dotés d'armes nucléaires, même s'ils ont acquis des armes nucléaires après cette date. En contrepartie de cet engagement, ils doivent recevoir avis, savoir-faire et autre assistance technique de la part des États dotés d'armes nucléaires pour le développement des applications pacifiques de l'énergie atomique.

Pour leur part, les États dotés d'armes nucléaires sont soumis à plusieurs obligations : premièrement, aider les États membres ne disposant pas de la technologie nucléaire à développer une industrie nucléaire civile, s'ils le souhaitent ; et deuxièmement, poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures relatives au désarmement nucléaire. Le préambule du traité fait aussi obligation à tous les pays de s'abstenir de recourir à la menace de la force dans leurs relations avec les autres. Le préambule stipule précisément « que, conformément à la Charte des Nations Unies, les États doivent s'abstenir, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État ».

Les États dotés d'armes nucléaires ont-ils rempli leurs obligations en vertu du traité ? Compte tenu des maigres progrès du désarmement nucléaire pendant les 46 ans d'application du traité, il serait difficile de répondre par l'affirmative. Malgré les beaux discours sur un monde sans armes nucléaires, les États dotés d'armes nucléaires n'ont rien fait pour réduire significativement leurs arsenaux atomiques, et encore moins pour avancer vers le désarmement. En outre, l'interdiction de l'emploi de la menace militaire dans les relations internationales, figurant dans la Charte des Nations Unies et à laquelle il est fait référence dans le préambule du traité, est régulièrement ignorée.

Les menaces des États-Unis contre la Corée du Nord

En 1993, le Commandement stratégique des États-Unis déclara qu'il réorientait certaines de ses armes nucléaires stratégiques de l'ex-Union soviétique vers la Corée du Nord. Un mois plus tard, Pyongyang annonçait qu'il se retirait du TNP, signalant que si Washington brandissait une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, la Corée du Nord prendrait des mesures pour faire face à cette menace.11 Cela entraîna une série de négociations qui amenèrent Pyongyang à revenir sur sa décision et à continuer d'adhérer au traité. Finalement, dans une autre volte-face, il annonça son intention de sortir du traité, après que le président américain George W. Bush eut désigné le 29 janvier 2002 la Corée du Nord comme faisant partie de l'Axe du mal.

La quasi-déclaration de guerre de Bush à la RPDC n'était que la pointe de l'iceberg des menaces directement proférées par Washington à l'égard de la RPDC dans le cadre de sa guerre froide engagée de longue date contre le pays communiste. En mars 2002, le Los Angeles Times publia des informations classifiées du Pentagone listant sept pays comme cibles potentielles d'une frappe nucléaire américaine. Parmi ces cibles figurait la Corée du Nord. Sur la liste des frappes nucléaires du Pentagone figuraient aussi la Russie, la Chine, la Syrie, la Libye, l'Iran et l'Irak.12 Les responsables nord-coréens justifièrent leur retrait du TNP en pointant le « plan d'attaque nucléaire de l'administration Bush », lequel « a démontré que les États-Unis (...) recherchent une domination mondiale par la force des armes et que les États-Unis n'hésitent pas à lancer une attaque nucléaire sur tout pays considéré comme un obstacle à cette fin ».13

Faisant écho à ces inquiétudes, un diplomate nord-coréen a expliqué la décision de son pays de se retirer du TNP et de commencer à développer des armes nucléaires :

« Le TNP établit clairement que les puissances nucléaires ne peuvent pas utiliser les armes atomiques pour menacer et mettre en danger les États non nucléaires. La RPDC a donc pensé que si nous adhérions au TNP, nous pourrions être débarrassés de la menace des États-Unis. Alors nous avons adhéré. Mais les États-Unis n'ont jamais renoncé à leur droit d'exercer une frappe nucléaire préventive. Ils ont toujours déclaré que, dès lors que les intérêts des États-Unis sont menacés, ils se réservent le droit d'utiliser leurs armes nucléaires à des fins préventives. »14

Il a ajouté :

« La situation mondiale a changé après le 11 septembre 2001. Après ça, Bush a dit que si les États-Unis veulent préserver leur sécurité, ils doivent rayer de la carte les pays de l''Axe du mal'. Les trois pays qu'il a mis sur la liste des membres de cet 'Axe du mal' étaient l'Iran, l'Irak et la Corée du Nord. Ayant vu ce qui est arrivé en Afghanistan et en Irak, nous en sommes venus à la conclusion que nous ne pourrions pas mettre fin à la menace des États-Unis grâce aux seules armes conventionnelles. Nous avons alors réalisé que nous avions besoin de posséder nos propres armes nucléaires pour défendre la RPDC et son peuple. »15

Le TNP autorise les pays à sortir de l'accord s'ils pensent que la poursuite de leur participation est préjudiciable à leurs principaux intérêts. « Chaque Partie, dans l'exercice de sa souveraineté nationale, aura le droit de se retirer du Traité si elle décide que des événements extraordinaires, en rapport avec l'objet du présent Traité, ont compromis les intérêts suprêmes de son pays. » Clairement, l'hostilité ouverte de Washington, l'inclusion de la Corée du Nord dans la liste des cibles potentielles d'une frappe nucléaire, et la quasi-déclaration de guerre de l'administration Bush ont constitué des « événements extraordinaires » mettant en péril les « intérêts suprêmes » de la RPDC.

Pourquoi les pays développent-ils des armes nucléaires ?

La Corée du Nord affirme qu'elle a développé des armes nucléaires « pour protéger sa souveraineté et ses droits vitaux de la menace nucléaire et de la politique hostile des États-Unis, lesquelles durent depuis plus d'un demi-siècle »16 et ont atteint un sommet avec l'intimidation nucléaire et la menace de guerre de l'administration Bush.

Comparons les raisons qui ont poussé la Corée du Nord à avoir des armes nucléaires à celles de la Grande-Bretagne, un des États dotés d'armes nucléaires au sens du TNP. Le livre blanc de 2006 du gouvernement britannique, intitulé « L'Avenir de la force de dissuasion nucléaire du Royaume-Uni », expose que « la première responsabilité de tout gouvernement est d'assurer la sûreté et la sécurité de ses citoyens » et que, « depuis cinquante ans, la force de dissuasion nucléaire indépendante (britannique) fournit la garantie ultime de la sécurité nationale (du pays) ». « Les armes nucléaires du Royaume-Uni », conclut le document, sont destinées « à dissuader et à prévenir un chantage nucléaire et des actes d'agression contre nos intérêts vitaux, auxquels on ne peut pas s'opposer par d'autres moyens ».17

La Russie, autre État doté d'armes nucléaires, invoque les mêmes raisons pour le maintien d'un arsenal atomique. Le président du pays, Vladimir Poutine, déclare que la Russie a besoin d'armes nucléaires pour préserver sa force de dissuasion et sa stabilité stratégique face aux menaces.18 De façon similaire, la stratégie de sécurité nationale pour 2015 de Washington affirme que « les États-Unis doivent investir les ressources nécessaires pour maintenir (…) une dissuasion fiable, sûre et efficace qui préserve la capacité stratégique ».

Les raisons poussant les États dotés d'armes nucléaires à maintenir un arsenal atomique « s'appliquent avec encore plus de force aux pays faibles qui pourraient tomber sous la menace de pays plus puissants. Plus un pays est petit et faible, plus grand est le besoin d'avoir des armes nucléaires pour qu'un adversaire potentiel y réfléchisse à deux fois avant de le menacer et de l'envahir ». Pointant spécifiquement le cas de la Grande-Bretagne, le chercheur David Morrison soutient que, si « un des plus puissants pays du monde a besoin d'avoir des armes nucléaires pour dissuader de potentiels agresseurs, alors aucun pays du monde ne devrait en être dispensé, dans la mesure du possible ». Morrison appuie son propos par une supposition : « Si l'Irak avait réussi à développer des armes nucléaires, les États-Unis et la Grande-Bretagne ne l'auraient pas envahi en mars 2003 (et les centaines de milliers d'Irakiens qui sont morts par la suite seraient toujours en vie). »19

Bien sûr, il est impossible de savoir comment l'histoire aurait évolué si l'Irak avait été en mesure de pouvoir effectuer une contre-frappe, dissuadant Washington d'entrer en guerre, mais l'idée que les armes nucléaires peuvent prévenir une agression n'est pas invraisemblable. En 2010, le général Kevin P. Chilton, à l'époque à la tête du Commandement stratégique des États-Unis, rappela à l'éditorialiste du Washington Post Walter Pincus que, « pendant les 65 ans d'histoire des armes atomiques, aucune puissance nucléaire n'avait été conquise ou même exposée au risque d'une conquête ».20 Expliquant la sombre logique qui contraint des pays menacés et assiégés tels que la Corée du Nord à rechercher une épée nucléaire, Poutine écrivit dans RIA Novosti le 27 février 2012 : « Si j'ai une bombe A dans ma poche, personne ne me touchera parce que ça provoque plus d'ennuis que ce que ça rapporte. Et ceux qui n'ont pas la bombe n'auraient qu'à s'asseoir et attendre une 'intervention humanitaire'. Que ça plaise ou non, l'ingérence étrangère suscite cette manière de penser. »21 Faisant écho à l'analyse de Poutine, le chef de la division de la planification de l'armée israélienne, le major-général Amir Eshel, a observé : « Qui aurait osé s'occuper de Kadhafi ou de Saddam Hussein s'ils avaient eu une capacité nucléaire ? Personne. »22

Tirer la leçon de l'Irak (et de la Libye)

Le jour où Bagdad a été envahi par les forces américaines, un des chefs va-t-en-guerre de l'administration Bush, John Bolton, a averti l'Iran, la Syrie et la Corée du Nord d'en « tirer la leçon appropriée ».23

La Corée du Nord en a tiré la leçon, mais ce n'est pas celle que Bolton voulait. La vraie leçon, à savoir que le désarmement constitue une invitation à l'invasion, a été confirmée huit ans plus tard quand, en 2011, l'OTAN a armé en secret des militants islamistes et entamé une guerre aérienne pour renverser Mouammar Kadhafi, après que le dirigeant libyen, dans une tentative malavisée de s'attirer les bonnes grâces de l'Occident, eut démantelé ses armes de destruction massive, laissant son pays vulnérable à une attaque. Saddam Hussein fit la même bêtise en Irak dix ans auparavant. Le diplomate de la RPDC Yongho Thae demande :

« Qu'est-il arrivé à la Libye ? Quand Kadhafi a voulu améliorer les relations de la Libye avec les États-Unis et le Royaume-Uni, les impérialistes ont dit que, pour attirer les investissements internationaux, il devait abandonner ses programmes d'armement. Kadhafi a même dit qu'il visiterait la RPDC pour nous convaincre d'abandonner notre programme nucléaire. Mais une fois que la Libye a démantelé tous ses programmes nucléaires et que ce fut confirmé par les renseignements occidentaux, l'Occident a changé de musique. »24

Rudiger Frank, professeur d'économie et société est-asiatique à l'Université de Vienne, avance que trois événements remarquables des deux dernières décennies ont convaincu Pyongyang que sa décision de développer des armes nucléaires était la bonne.

« Le premier exemple a été la conviction stupide de Gorbatchev que sa politique visant à mettre fin à la course aux armements et à la confrontation avec l'Occident serait récompensée pour permettre à l'Union soviétique d'exister et soutenir son économie chancelante. Au contraire, son empire fut détruit pièce par pièce grâce au soutien apporté par l'Occident aux gouvernements anticommunistes de ses satellites européens et aux mouvements indépendantistes dans diverses républiques (maintenant anciennement) soviétiques. Pour finir, le réformateur fut éjecté, l'OTAN fut agrandie, et son pays autrefois puissant fut affaibli et ridiculisé. D'autres ont connu un sort encore moins enviable, comme le Roumain Ceausescu ou l'Allemand de l'Est Honecker.

Le deuxième exemple a été l'Irakien Saddam Hussein. Humilié par sa défaite rapide lors de la Première Guerre du Golfe, Saddam Hussein accepta un contrôle de l'Occident sur environ la moitié de son espace aérien en 1991 et dut subir régulièrement des attaques à petite échelle sur des cibles terrestres pendant plus d'une décennie. Les sanctions ont abouti au programme 'pétrole contre nourriture' en 1995. Toutefois, cette complaisance n'a pas épargné au régime de Saddam Hussein les allégations de dissimulation d'armes de destruction massive et, finalement, son anéantissement total avec la Seconde Guerre du Golfe.

Aujourd'hui, il y a la Libye de Kadhafi. Il n'y a pas si longtemps, il était répandu dans les cercles politiques de pousser Kim Jong-il à suivre l'exemple de Kadhafi. Le 14 février 2005, le journal conservateur sud-coréen Chosun Ilbo rapportait même que le ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur sud-coréen de l'époque, l'actuel secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, s'était rendu en Libye pour convaincre M. Kadhafi de visiter la Corée du Nord afin de persuader Kim Jong-il d'abandonner ses armes nucléaires. Le dictateur libyen comme ambassadeur du désarmement et de la paix – comment était-ce possible? En décembre 2003, après de longues négociations avec l'Occident, la Libye annonça de façon surprenante qu'elle renoncerait à ses programmes de développement d'armes de destruction massive et autoriserait sans condition les inspections. Cela valut à Kadhafi des louanges immédiates de la part de Washington et de Londres, suivies, en décembre 2007, d'une prestigieuse invitation à Paris où il rencontra le Président Sarkozy à deux reprises. »25

Le point culminant des tentatives de Kadhafi pour se faire bien voir de l'Occident fut son assassinat quand il était dans les mains des jihadistes agissant pour le compte de l'OTAN, mais pas avant que l'un d'entre eux l'ait sodomisé avec un couteau.

Pas un seul de ces événements n'a échappé aux Nord-Coréens. Le 21 février 2013, un commentaire de KCNA, l'agence de presse officielle de la Corée du Nord, notait : « Les tragiques conséquences pour ces pays ayant abandonné à mi-chemin leurs programmes nucléaires, cédant aux pratiques et à la pression arbitraires des États-Unis au cours des années récentes, prouvent clairement que la RPDC a été prévoyante et juste quand elle a fait ce choix. Elles enseignent aussi la vérité selon laquelle il faut s'opposer au chantage nucléaire des États-Unis avec des contre-mesures substantielles, pas par le compromis ou la retraite. »26 Un article dans l'édition du 22 février 2013 du Rodong Sinmun, organe officiel du Parti du travail au pouvoir en RPDC, observait : « Si nous n'avions pas eu notre propre force de dissuasion nucléaire, les États-Unis auraient déjà lancé une guerre dans la péninsule, comme ils l'ont fait en Irak et en Libye, et l'auraient plongée dans une situation déplorable comme en Yougoslavie à la fin du siècle dernier et en Afghanistan au début de ce siècle. »27

Les Nord-Coréens ont plaidé, non sans convaincre, que loin d'accroître la probabilité d'une guerre dans la péninsule coréenne, le fait qu'ils développent des armes nucléaires a abouti au contraire ; cela a calmé l'appétit des États-Unis pour un recours à la force militaire visant à renverser un gouvernement refusant leur hégémonie. « Après l'invasion anglo-américaine de l'Irak en mars 2003, le ministère des Affaires étrangères de Corée du Nord a déclaré que 'la guerre d'Irak montre qu'autoriser le désarmement au travers des inspections ne contribue pas à empêcher une guerre, mais plutôt la déclenche', concluant que 'seule une dissuasion militaire sans faille' peut prévenir les attaques contre des pays déplaisant aux États-Unis. »28 En avril 2010, KCNA affirmait que « l'accession de la RPDC aux armes nucléaires a fourni une dissuasion si efficace que le danger de déclenchement d'une guerre a considérablement diminué dans la péninsule coréenne. Cela a été dû aux efforts déployés par la RPDC visant à écarter la menace nucléaire au stade actuel où elle dissuade les armes nucléaires des États-Unis avec ses propres armes nucléaires, et pas seulement par des demandes verbales. »29 En août 2013, l'agence de presse notait que « les va-t-en-guerre nucléaires des États-Unis ont menacé plus d'une fois de mener une attaque nucléaire préventive contre la RPDC sans avertissement préalable. Une guerre nucléaire n'a jamais éclaté dans la péninsule pour la seule raison que la RPDC a constamment renforcé ses moyens de dissuader une guerre. »30

Les doubles standards

« Il est ironique », a relevé Walter Pincus, que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, « se réunissant à Bagdad afin de dissuader l'Iran d'avancer vers l'arme nucléaire, sont tous en train de moderniser leurs stocks ». Et maintenant, ces mêmes États dotés d'armes nucléaires imposent de nouvelles sanctions à la Corée du Nord pour la punir de faire la même chose. Et, mieux encore, les « États-Unis consacrent un programme de plusieurs milliards de dollars à la mise à niveau de leurs trois principales têtes nucléaires et consentent un effort plus coûteux à la fabrication de nouveaux systèmes stratégiques de lancement terrestres, maritimes et aériens. La France modernise ses bombes et missiles nucléaires comme ses sous-marins stratégiques (…) La Russie et la Chine sont aussi en train de moderniser. »31 C'est beaucoup pour des États dotés d'armes nucléaires censés travailler au désarmement comme l'exige le TNP.

Le président des États-Unis Barack Obama a « promis (…) de dépenser 80 milliards de dollars sur dix ans pour maintenir et moderniser l'arsenal nucléaire du pays (...) »32 tandis que l'allié britannique « a annoncé la signature d'une allocation de 595 millions de dollars pour commencer les travaux de conception des remplaçants de ses quatre sous-marins nucléaires embarquant les missiles mer-sol balistiques stratégiques Trident », même si cela intervient « au milieu d'un plan d'austérité comprenant des coupes dans les programmes pour l'éducation, la santé et les retraites ».33

Non seulement les États-Unis modernisent leur arsenal nucléaire, mais ils développent aussi de nouvelles armes de destruction massive. Le Pentagone travaille sur une bombe atomique à guidage de précision conçue, comme l'écrit le New York Times, « avec à l'esprit des problèmes tels que la Corée du Nord ». La « force explosive de la bombe peut être augmentée ou réduite selon la cible, afin de minimiser les dégâts collatéraux. » En raison des « moindre rendement et meilleur ciblage » de cette arme, il devient plus tentant de l'utiliser. Cette bombe, appelée B61, « est la première de cinq nouveaux types de tête nucléaire prévus dans le cadre d'une revitalisation atomique dont le coût est estimé à mille milliards de dollars sur trois décennies. La famille des armes et de leurs vecteurs évolue vers le petit, le furtif et le précis », ce qui rend leur utilisation « davantage concevable ».34

Le Pentagone travaille aussi sur des ADM non nucléaires « s'approchant du niveau des armes nucléaires stratégiques par leur capacité de frappe ».35 Cette nouvelle catégorie d'armes, appelée « 'frappe rapide globale', peut être tirée à partir des États-Unis et atteindre une cible partout en moins d'une heure ». Ces nouvelles armes pourraient « offrir au Président une option non nucléaire pour, disons, une (…) attaque préventive contre (…) la Corée du Nord », atteignant les effets d'une arme nucléaire, sans, espère-t-on, « transformer une guerre conventionnelle en guerre nucléaire ».36

Les États-Unis, à la différence de la Corée du Nord, refusent de désavouer l'idée d'un emploi des armes nucléaires en première frappe. En 2010, la sénatrice démocrate Dianne Feinstein a pressé Barack Obama de déclarer que le seul but de l'arsenal atomique des États-Unis est d'écarter la menace d'une attaque nucléaire. La Maison-Blanche a refusé. Au mieux, elle reconnaissait que le premier objectif de l'arsenal était de dissuader une agression nucléaire, mais pas le seul. Le lauréat du prix Nobel de la paix, qui déclare souhaiter un monde sans armes nucléaires, ne voulait même pas dire que les États-Unis ne seraient pas les premiers à utiliser des armes nucléaires, ou s'interdire d'en utiliser contre des États non dotés d'armes nucléaires.37

Le lancement d'un satellite

« Plus de cent objets spatiaux sont mis en orbite autour de la Terre par des fusées porteuses en un an dans le monde, en moyenne »38, mais seul le lancement d'un satellite par la Corée du Nord a fait l'objet d'une condamnation du Conseil de sécurité. Même le test d'un missile balistique à longue portée par l'Inde en 2012 (différent du lanceur de satellite de la Corée du Nord par sa finalité militaire et non pacifique), dont les responsables indiens se sont vantés car il leur donnait « la capacité d'envoyer une tête nucléaire jusqu'à la capitale chinoise, Pékin, pour la première fois », ne fut pas condamné. Au contraire, l'OTAN n'exprima pas d'opposition, tandis que Washington félicita l'Inde pour ses « antécédents 'solides' en matière de non-prolifération »39, une récompense tout à fait incompréhensible pour un pays qui n'a jamais adhéré au TNP, est estimé posséder de 90 à 110 têtes nucléaires40, et a maintenant la capacité de les envoyer à de longues distances.

Une distinction devrait être opérée entre un lanceur utilisé pour placer en orbite un satellite, une station spatiale ou un objet habité, et un missile balistique utilisé pour envoyer un dispositif explosif vers un point distant sur Terre. Les deux utilisent des fusées, mais un missile balistique a un système de guidage particulier et un bouclier thermique pour empêcher sa charge de se consumer en ré-entrant dans l'atmosphère terrestre.

Pour que ses armes nucléaires agissent comme dissuasion contre une agression, la Corée du Nord a besoin de moyens pour acheminer une tête nucléaire. Puisqu'elle ne possède pas de bombardiers à long rayon d'action, un choix évident est un missile balistique intercontinental, du type de celui testé par l'Inde, dont disposent les États-Unis, la Russie, la France et la Chine, et qu'Israël est suspecté d'avoir. Un missile balistique intercontinental utilise la même technologie que les fusées.

De ce fait, tout pays qui réussit à développer un lanceur spatial est en voie de fabriquer un missile balistique capable d'emporter une charge nucléaire. Mais il n'en est pas encore là. Il a aussi besoin de mettre au point un système de guidage adapté et un bouclier thermique. De plus, il doit résoudre le problème de la miniaturisation de la tête nucléaire afin de la monter sur le missile. On ne sait pas clairement où en est la Corée du Nord du développement d'une tête nucléaire miniaturisée et d'un missile balistique intercontinental sur lequel la placer, mais les États-Unis cherchent à l'empêcher d'y parvenir pour l'évidente raison qu'un moyen fiable d'emporter une charge nucléaire accroît la valeur dissuasive de l'arsenal nucléaire de la Corée du Nord.

La loi internationale n'interdit pas aux pays d'utiliser la technologie des fusées pour l'usage pacifique de l'espace, et certainement pas à la Corée du Nord seulement. Il n'existe pas non plus de lois bannissant le test de missiles balistiques. Le Conseil de sécurité, en adoptant une résolution imposant des sanctions à Pyongyang, en partie pour le lancement d'un satellite, a agit ultra vires, c'est-à-dire en outrepassant ses pouvoirs. « Où est-il stipulé dans la Charte des Nations Unies que le CSNU est investi du droit de priver un pays membre des Nations Unies du droit d'utiliser l'espace à des fins pacifiques, droit figurant dans la loi internationale? » demande le ministère nord-coréen des Affaires étrangères.41 « La bombe H et le satellite de la RPDC ont été qualifiés de violation des précédentes 'résolutions' du CSNU mais, en substance, ces 'résolutions' sont le produit d'un arbitraire allant au-delà du mandat du CSNU. »42

Le Conseil de sécurité s'est arrogé l'autorité de dicter qui peut et qui ne peut pas lancer un satellite, qui peut et qui ne peut pas tester des missiles balistiques, et qui peut et qui ne peut pas posséder des armes nucléaires ; en d'autres termes, il s'est, unilatéralement et sans le consentement des États membres des Nations Unies, attribué l'autorité de décider quels pays ont et n'ont pas un droit souverain à se défendre. La loi internationale ne fournit aucun fondement au Conseil de sécurité pour exercer cette autorité. « Si le CSNU a mandat pour interdire à un pays en particulier d'effectuer un essai nucléaire », demandent avec amertume les Nord-Coréens, « pourquoi le TNP existe-t-il et pourquoi un traité sur l'interdiction des essais nucléaires est-il nécessaire? »43

Un régime brutal?

En déclarant que les États-Unis ne permettront jamais que la Corée du Nord développe des missiles balistiques intercontinentaux à tête nucléaire, Samantha Power a décrit la RPDC comme « un des régimes les plus brutaux que le monde ait jamais connu ». L'est-elle?

La Corée du Nord a une économie dirigée par l'État, planifiée, tournée vers la satisfaction des besoins matériels de ses citoyens tout en préservant sa souveraineté. Marquée par l'histoire de la colonisation japonaise et séparée de ses compatriotes du Sud suite à la division de la péninsule par les États-Unis, la Corée du Nord fait de l'indépendance un objectif particulièrement important. Les troupes américaines ont presque tout le temps été présentes en Corée du Sud depuis 1945, et le Pentagone détient le commandement de l'armée sud-coréenne en cas de conflit. En revanche, il n'y a ni troupes ni bases étrangères en Corée du Nord, et les soldats nord-coréens n'ont jamais combattu hors des frontières de la Corée, à la différence de l'armée sud-coréenne qui a joué un rôle de mercenaire pendant la Guerre du Viêt Nam, assistant les États-Unis dans une agression visant à réprimer la lutte pour l'indépendance d'un autre peuple ayant souffert de la colonisation, les Indochinois. Ce n'est pas sans justification que la Corée du Nord traite la Corée du Sud d'État fantoche. Et, alors que la Corée du Sud se blottit sous le parapluie nucléaire des États-Unis, la Corée du Nord n'a jamais été protégée par les armes nucléaires de l'armée d'un autre pays.

La RPDC offre les attraits typiques des pays communistes : soins de santé gratuits, éducation gratuite, logement gratuit et transports publics quasi-gratuits.44 Des mélanges de demi-vérités et de distorsions complètes circulent dans les médias occidentaux au sujet de la Corée du Nord, ne se distinguant que par leur mépris pour l'intelligence du public. Des événements considérés comme anodins en Occident sont présentés sous un jour sombre et menaçant quand ils se produisent en RPDC. Cela est vrai depuis longtemps. Les observateurs de la Corée du Nord se plaignent depuis des décennies de la supercherie des médias occidentaux et du discours tenu à propos de la Corée du Nord, destinés à ternir la réputation du pays plutôt qu'à donner un éclairage sur sa politique, son histoire et son économie. Anna Louise Strong a écrit : « À l'avenir, la Corée continuera de faire les gros titres. Toutefois, le public en sait peu à propos du pays et la plupart des gros titres déforment les faits plutôt que de les révéler. »45 C'était en 1949. Peu de choses ont changé. Alors, le traitement propagandiste des pays communistes, socialistes et économiquement nationalistes est la pratique habituelle des médias occidentaux, dont les propriétaires ont eu des intérêts toujours opposés aux pays insistant sur l'exercice d'une souveraineté économique par préférence à une soumission aux intérêts lucratifs des entreprises commerciales et financières occidentales.

Il y a plus que de l'hypocrisie quand Power revendique que les États-Unis ont été à l'origine d'une résolution du Conseil de sécurité pour s'opposer à un « régime brutal », alors que Washington compte les régimes brutaux de l'Arabie saoudite, de l'Égypte, de Bahreïn, d'Israël et de la Colombie parmi ses satellites favoris, mettant non seulement ces oppresseurs et bellicistes à l'abri des sanctions, mais facilitant aussi leurs brutalités. Les mots Hiroshima, Corée, Viêt Nam, Baie des Cochons, Grenade, Panama, Afghanistan, Irak, Guantanamo, Abou Ghraib, au moins cent prisonniers torturés à mort alors qu'ils étaient détenus par les États-Unis pendant la « guerre contre la terreur », des assassinats extra-judiciaires par des frappes de drones, pour ne pas parler du génocide des peuples autochtones d'Amérique du Nord ni de l'esclavage cruel d'Africains sur lesquels le pays a été fondé, font vraiment des États-Unis un des régimes les plus brutaux que le monde ait jamais connu. Ils sont suivis de près par leurs alliés, aussi membres permanents du Conseil de sécurité, la Grande-Bretagne et la France, dont les empires ne voyaient jamais le soleil se coucher ni le sang sécher.

Quel est le vrai problème de Washington avec la Corée du Nord ?

Le prétexte avancé pour sanctionner la seule Corée du Nord est que celle-ci constitue une menace, mais, à l'instar de l'affirmation selon laquelle Saddam Hussein avait dissimulé des ADM au mépris d'une résolution du CSNU, c'est une pure ânerie. Cela n'a aucune valeur de vérité, seulement une valeur pour la propagande justifiant l'agression continue des États-Unis contre un pays refusant de renoncer à la propriété d'État et à la planification économique ou de capituler sur sa souveraineté politique et économique face aux États-Unis. Dans sa déposition, le 23 février 2016, devant le Comité des forces armées du Sénat des États-Unis, le chef du Commandement du Pacifique Harry B. Harris Jr. a déclaré que « la Corée du Nord ne représente pas une menace existentielle pour les États-Unis ».46 David E. Sanger, journaliste de l'establishment américain, membre du Council on Foreign Relations, groupe de réflexion de Wall Street travaillant pour le département d'État américain, a expliqué que les armes nucléaires de la Corée du Nord ne sont pas une menace pour la Corée du Sud ni pour le Japon « parce que les responsables nord-coréens savent que leur gouvernement serait décimé dans les minutes ou heures » suivant une attaque contre l'un ou l'autre de ces deux alliés des États-Unis.47 Pour ce qui concerne la menace posée par les forces conventionnelles de la Corée du Nord, le spécialiste de la Corée Tim Beal souligne :

« Les preuves disponibles montrent que la Corée du Nord est, suivant la plupart des critères, bien plus faible militairement que le Sud, et que la balance entre les deux penche très fortement en faveur du Sud quant à l'aspect crucial des équipements de technologie de pointe. Mais une comparaison limitée au Nord et au Sud n'a pas vraiment de sens dans la mesure où la question est essentiellement celle de la Corée du Nord contre les États-Unis – une attaque de la Corée du Nord contre le Sud serait inévitablement une déclaration de guerre aux États-Unis. Les États-Unis ont le 'commandement opérationnel' de l'armée sud-coréenne en cas de guerre, il y a 28 500 militaires américains (et beaucoup plus de civils) qui y sont stationnés et il y a un impératif géopolitique majeur – les États-Unis ne toléreraient pas l'établissement d'une Corée indépendante par la force.

Une certitude, toutefois, est que la Corée du Nord ne peut pas utiliser d'armes nucléaires de manière offensive parce que les représailles seraient écrasantes. On ne peut pas utiliser une poignée d'armes nucléaires, à l'efficacité incertaine et dont les vecteurs n'ont pas fait leurs preuves, contre un adversaire disposant de milliers d'armes nucléaires et de vecteurs éprouvés. Dans les faits, la Corée du Nord ne peut pas menacer les États-Unis ou la Corée du Sud (en raison du parapluie nucléaire américain) avec des armes nucléaires. »48

La relation entre les États-Unis et la Corée du Nord est complexe et a plusieurs dimensions. Dominé par Wall Street, Washington considère que la RPDC n'a rien à offrir en termes d'opportunités lucratives aux investisseurs américains, et n'a donc aucune motivation pour accepter le statu quo nord-coréen. Ceci explique pourquoi les États-Unis maintiennent depuis des décennies des sanctions contre la RPDC au motif qu'elle a « une économie marxiste-léniniste ». David Straub, directeur du bureau des affaires coréennes au département d'État de 2002 à 2004 a expliqué que « l'administration américaine n'a jamais envisagé et n'envisagera jamais l'établissement d'une relation stratégique avec la RPDC. Le système économique et social fermé de la Corée du Nord signifie que ce pays n'a quasiment rien de valeur à offrir aux États-Unis ».49

Présenter la Corée du Nord comme une menace permet au complexe militaro-industriel des États-Unis de justifier les dépenses massives dans la défense et d'engranger des profits considérables grâce aux contribuables américains au travers d'une escroquerie centrée sur le mythe de la menace nord-coréenne. Colin Powell, en tant que premier soldat des États-Unis, fit autrefois la remarque infâme que, après la disparition de l'Union soviétique, il n'avait plus que quelques démons, Castro et Kim Il-sung (de Corée du Nord).50 Décrire la Corée du Nord comme belliqueuse, provocatrice et menaçante justifie la présence militaire continue des États-Unis dans la péninsule coréenne où, comme l'observe Tim Beal, « la Chine, le Japon, la Russie et les États-Unis sont en contact et en compétition, et qui constitue ainsi l'endroit ayant la plus haute valeur stratégique sur Terre ».51

La Chine est la cible principale. « Notre discours se concentre sur la Corée du Nord », note Steven Hildreth, chercheur au Service de recherche du Congrès, groupe de réflexion du Congrès des États-Unis. « La réalité est que nous visons aussi à plus long terme, c'est un secret de Polichinelle, la Chine. »52 Le Pentagone est pressé de déployer dans la péninsule coréenne le système de missiles antibalistiques THAAD (terminal high altitude area defense) fabriqué par Lockheed Martin, et utilise la Corée du Nord comme prétexte. Le THAAD est de manière évidente dirigé contre la Chine voisine – c'est du moins ainsi que les Chinois voient les choses, des soupçons renforcés par le glissement stratégique des États-Unis vers la région Asie-Pacifique pour « faire contrepoids » à l'émergence de la Chine. Pyongyang considère également que le THAAD a pour cible la Chine, mais aussi lui-même et la Russie.53 Demandons-nous quelle serait la réaction des États-Unis si la Chine déployait un système de missiles antibalistiques à Cuba ou au Mexique.

Le seul domaine dans lequel la Corée du Nord représente une menace est l'idéologie. Expliquons-le par quelques éléments de contexte. L'histoire du développement économique dans le monde est celle de la divergence des revenus, pas de leur convergence. Les principaux pays capitalistes d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord ont connu une expansion plus rapide que dans le reste du monde au cours des deux derniers siècles, période pendant laquelle l'économie mondiale est devenu de plus en plus intégrée sous la domination des grandes puissances européennes et des États-Unis, lesquels se sont partagés le monde par des arrangements coloniaux officiels puis néo-coloniaux. Plutôt que d'élever les pays les plus pauvres au niveau des pays riches, l'intégration des pays pauvres dans une économie capitaliste globale dirigée par l'Occident a signifié pour les pays pauvres des taux de croissance plus faibles que ceux qu'avaient connus les principaux pays capitalistes, suggérant un processus d'exploitation et de transfert des richesses de la périphérie vers le centre. Seulement « quelques pays qui étaient pauvres en 1800 ont atteint la prospérité », note l'historien de l'économie Robert C. Allen. « Ceux-ci incluent le Japon et ses anciennes colonies de Corée du Sud et Taïwan. »54 On peut ajouter la Chine à la liste.

L'Union soviétique a échappé au système économique du monde capitaliste, partiellement de son fait, mais largement parce qu'elle a été rejetée par le monde capitaliste, et a suivi le cours d'un développement économique indépendant basé sur la propriété d'État et la planification et, en conséquence, a bénéficié de forts taux de croissance de 1928, quand son économie est devenue socialiste, aux années 1970, à l'exception des années extraordinaires de la Seconde Guerre mondiale. Elle a continué sur la voie d'une croissance toujours positive tandis que les pays capitalistes connaissaient des hauts et des bas, tour à tour augmentant et réduisant leur force de travail, jetant régulièrement à la casse des gens en recherche d'emploi. Par opposition, le système socialiste de l'Union soviétique a maintenu une économie de plein-emploi, se développant de manière monotone jusqu'à ce que Mikhaïl Gorbatchev démantèle le socialisme dans une malavisée et spectaculaire tentative infructueuse de stimuler les taux de croissance à la fin des années 1980. Quand Gorbatchev démantela le socialisme, l'économie soviétique s'effondra.55

La Corée du Sud et Taïwan ont aussi bénéficié de forts taux de croissance et, par certains aspects, pour les mêmes raisons que l'Union soviétique. Les États-Unis voulaient donner à ces anciennes colonies japonaises un degré de liberté économique qu'ils n'étaient pas prêts à tolérer ailleurs. Comme ces pays se trouvaient sur la ligne de front de la Guerre froide, il était nécessaire qu'ils deviennent les vitrines du système capitaliste. La Corée du Sud a énormément profité des investissements des États-Unis pendant la Guerre du Viêt Nam. De plus, on lui permit d'adopter un modèle soviétique de planification pluriannuelle et d'investissement public dans l'industrie lourde afin de stimuler la croissance. Les responsables américains voulaient avantager la Corée du Sud parce qu'elle embarrassait Washington jusque dans les années 1970 en restant à la traîne de ses compatriotes communistes du Nord, chantant peu les louanges du système capitaliste voulues si désespérément par le parrain américain de la Corée du Sud.

La Chine, malgré son discours capitaliste actuel, est aussi parvenue à suivre la voie d'une croissance forte grâce à un programme dirigiste méprisé par le Consensus de Washington prônant la libre entreprise, le libre commerce et le libre marché. Le gouvernement chinois, sous la direction du Parti communiste, reste énormément impliqué dans l'économie chinoise, au travers des entreprises publiques dominant la vie économique du pays et de la planification d'État.

Quant au Japon, il eut l'avantage de développer un système capitaliste dans une partie du monde relativement éloignée de l'Europe de l'Ouest et de l'Amérique du Nord, étant ainsi à l'abri des tentatives occidentales de soumettre sa force de travail, ses marchés et ses ressources aux intérêts économiques des capitalistes d'Europe et des États-Unis. Imitant les puissances impérialistes occidentales, le Japon a étendu son lebensraum économique, combattant la Russie pour la domination de la Mandchourie et de la Corée, colonisant Taïwan et conquérant finalement la majeure partie de l'Asie orientale. Après la défaite du Japon dans la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont soutenu la croissance économique de leur ancien ennemi, craignant que le Japon suive la Chine, la Corée du Nord et le Viêt Nam du Nord sur la route du communisme faute d'atteindre des taux de croissance élevés et la prospérité.

En conséquence, afin d'édifier des économies servant les intérêts de leurs populations plutôt que ceux des investisseurs et banquiers étrangers, les dirigeants de plusieurs pays pauvres ont mobilisé leurs peuples pour qu'ils se libèrent de l'oppression de l'impérialisme. Pendant les années 1960 et 1970, le modèle de développement soviétique a inspiré d'anciennes colonies qui ont lutté et gagné leur indépendance politique. Beaucoup de ces pays ont reçu une aide substantielle de la part de l'Union soviétique et de ses alliés socialistes.

Cette tradition subsiste dans quelques pays seulement, et ils constituent tous des cibles pour une opération américaine d'élimination dans l'après-Guerre froide, destinée à ramener dans l'orbite de Washington – ou, plus précisément, de Wall Street - les quelques pays échappant encore à l'empire non officiel des États-Unis. Économiquement, les dirigeants américains ont intérêt à amener la Corée du Nord dans une sphère d'exploitation sous supervision des États-Unis et accessible à Wall Street et à l'Amérique des affaires, dans laquelle l'économie « marxiste-léniniste » de la RPDC sera supplantée par des mesures décidées par des marionnettes de style sud-coréen impatientes de vendre le pays aux investisseurs étrangers. Plus important, les États-Unis ont une motivation à faire souffrir la Corée du Nord communiste et indépendante, à entraver son développement, à paralyser son économie et à saboter sa croissance, pour faussement attribuer les peines qui s'ensuivent à la « mauvaise gestion de l'économie » et aux « inefficacités du socialisme ». Le but est de soutenir le vieux projet idéologique capitaliste consistant à ternir la réputation de la propriété d'État et de la planification économique, de telle façon que la Corée du Nord est vue comme un exemple vivant du modèle socialiste ayant échoué.

Qu'aurait dû faire différemment le Conseil de sécurité des Nations Unies ?

Si les instigateurs et auteurs en chef de la résolution punitive du Conseil de sécurité contre la Corée du Nord, les États-Unis, étaient vraiment intéressés par la non-prolifération des armes nucléaires, ils cesseraient de menacer de démarrer des guerres d'agression et abandonneraient leur programme visant à en mener tout autour du globe. Ils ne brandiraient plus d'épées de Damoclès nucléaires au-dessus des pays, ni ne menaceraient de les transformer en briquettes de charbon. Ils mettraient fin à la pratique consistant à dresser des listes de pays cibles d'une possible attaque nucléaire. Ils renonceraient à l'emploi d'armes nucléaires en première frappe et prendraient au sérieux leur engagement du TNP d'entreprendre des négociations de bonne foi pour le désarmement nucléaire. Et dans la péninsule coréenne, ils ne conduiraient plus d'exercices guerriers annuels – lesquels ont pour effet de placer la RPDC sur un pied de guerre permanent – et répondraient favorablement aux demandes de Pyongyang pour remplacer l'armistice qui a mis fin aux hostilités en 1953 par un traité de paix officiel. En d'autres termes, ils arrêteraient de créer les conditions qui contraignent les pays menacés à s'armer d'armes nucléaires afin de protéger leur souveraineté économique et politique. Enfin, ils retireraient leurs forces de Corée et permettraient aux Coréens de jouir d'une pleine souveraineté pour la première fois en 111 ans.

Les États-Unis doivent faire tout cela, mais ils ne le feront pas, parce qu'ils ont l'obsession d'un système économique et politique capitaliste, ce qui les conduit à revendiquer une direction sur les autres pays – c'est-à-dire à nier leur souveraineté. Ils agissent ainsi afin d'absorber les marchés, les ressources, les terres et les forces de travail pour que grandisse leur classe possédante du milieu des affaires plongeant ses racines dans Wall Street.

Pour ce qui concerne les autres membres du Conseil de sécurité, y compris la Russie et la Chine, ils devraient s'abstenir de participer à l'exercice non-démocratique de s'arroger une autorité allant au-delà de ce qui est consenti par les États membres des Nations Unies et de ce qui figure dans la Charte des Nations Unies, et d'agir ainsi comme une cabale dictatoriale, décidant de qui a le droit, et qui n'a pas le droit, à la souveraineté et à l'autodéfense. Ces droits ne peuvent pas être abrogés par le Conseil de sécurité, et le fait que la Corée du Nord s'élève résolument contre l'abus d'autorité de cet organe et refuse de se rendre face aux multiples pressions exercées sur elle par des États-Unis prédateurs, vaut assurément l'admiration et le soutien des peuples attachés au combat pour libérer le monde de l'oppression impérialiste et de l'exploitation de l'homme par l'homme. Peu d'États-nations soutiennent ces objectifs – ou résistent à l'intimidation – de nos jours. La Corée du Nord le fait.

Références :

1  “DPRK foreign minister reiterates its commitment to lasting peace and security on Korean peninsula and region”, KCNA, 12 août 2015.

2  Samantha Power, déclaration à l'issue des consultations du Conseil de sécurité sur la RPDC, 25 février 2016.

3  The New York Times, 6 juillet 2008.

4  Farnaz Fassihi, “U.N. adopts new sanctions against North Korea”, The Wall Street Journal, 2 mars 2016.

5  The New York Times, 6 juillet 2008.

6  Bruce Cumings, Korea’s Place in the Sun: A Modern History, W.W. Norton & Company, 2005, pp. 488-489.

7  “Report: Nuclear weapons policy review names potential targets”, CNN.com, 10 mars 2002.

8  Samuel Black, “The changing political utility of nuclear weapons: Nuclear threats from 1970 to 2010”, The Stimson Center, août 2010. www.stimson.org/images/uploads/research-pdfs/Nuclear_Final.pdf

9  Bruce Cumings, “Latest North Korean provocations stem from missed US opportunities for demilitarization”, Democracy Now!, 29 mai 2009.

10  “U.S. Tells Iran, Syria, N. Korea ‘Learn from Iraq”, Reuters, 9 avril 2003. De ce fait, Bolton décrivait la politique américaine à l'égard de la Corée du Nord comme celle d'en finir avec ce pays. Interrogé par le New York Times sur l'objectif de la politique des États-Unis en Corée du Nord, Bolton « se dirigea vers une étagère, prit un livre et frappa la table avec. Il était intitulé La Fin de la Corée du Nord ». « 'ceci, dit-il, est notre politique.' » (dans “Absent from the Korea Talks: Bush’s Hard-Liner”, The New York Times, 2 septembre 2003).

11  Bruce Cumings, Korea’s Place in the Sun: A Modern History, W.W. Norton & Company, 2005, pp. 488-489.

12  “Report: Nuclear weapons policy review names potential targets”, CNN.com, 10 mars 2002.

13  KCNA, 22 janvier 2003.

14  Yongho Thae, ministre de l'ambassade de la République populaire démocratique de Corée à Londres, “Understanding and defending North Korea”, Invent the Future, 15 novembre 2013.

15  Ibid.

16  “FM spokesman slams U.S. for deliberately linking negotiations with Iran over nuclear issue with DPRK”, Rodong Sinmun, 22 juillet 2015.

17  David Morrison, “Britain’s ‘dependent’ nuclear deterrent”. www.david-morrison.org.uk/nuclear-weapons/deterrent-dependent.htm

18  Peter Nicholas et William Boston, “Obama’s nuclear proffer gets Russian rebuff”, The Wall Street Journal, 19 juin 2013.

19  David Morrison, “Britain’s ‘dependent’ nuclear deterrent”. www.david-morrison.org.uk/nuclear-weapons/deterrent-dependent.htm

20  Walter Pincus, “As missions are added, Stratcom commander keeps focus on deterrence”, The Washington Post, 30 mars 2010.

21  Cité dans David Morrison, “Britain’s ‘dependent’ nuclear deterrent”. www.david-morrison.org.uk/nuclear-weapons/deterrent-dependent.htm

22  Ethan Bronner, “Israel sense bluffing in Iran’s threats of retaliation”, The New York Times, 26 janvier 2012.

23  “U.S. Tells Iran, Syria, N. Korea ‘Learn from Iraq”, Reuters, 9 avril 2003.

24  Yongho Thae, ministre de l'ambassade de la République populaire démocratique de Corée à Londres, “Understanding and defending North Korea”, Invent the Future, 15 novembre 2013.

25  Rudiger Frank, “Libyan lessons for North Korea: A case of déjà vu”, 38 North, 21 mars 2011.

26  “Nuclear test part of DPRK’s substantial countermeasures to defend its sovereignty”, KCNA, 21 février 2013.

27  “Gone are the days of US nuclear blackmail”, Rodong Sinmun, 22 février 2013.

28 Cité dans David Morrison, “Nuclear weapons: The ultimate insurance policy”. www.david-morrison.org.uk/nuclear-weapons/ultimate-insurance-policy.htm

29  “Foreign ministry issues memorandum on N-issue”, KCNA, 21 avril 2010.

30  “DPRK will bolster up war deterrence in every way, Rodong Sinmun”, KCNA, 11 août 2013.

31  Walter Pincus, “Nuclear weapons just don’t make sense”, The Washington Post, 23 mai 2012.

32  Peter Baker, “Obama expands modernization of nuclear arsenal”, The New York Times, 13 mai 2010.

33  Walter Pincus, “Nuclear weapons just don’t make sense”, The Washington Post, 23 mai 2012.

34  William J. Broad et David E. Sanger, “As U.S. modernizes nuclear weapons, ‘smaller’ leaves some uneasy”, The New York Times, 11 janvier 2015.

35  Peter Nicholas et William Boston, “Obama’s nuclear proffer gets Russian rebuff”, The Wall Street Journal, 19 juin 2013.

36  David E. Sanger et Thom Shanker, “White House is rethinking nuclear policy”, The New York Times, 28 février 2010.

37  David E. Sanger et Thom Shanker, “White House is rethinking nuclear policy”, The New York Times, 28 février 2010 ; David E. Sanger et Peter Baker, “Obama limits when U.S. would use nuclear arms”, The New York Times, 5 avril 2010.

38  Cité dans Tim Beal, “North Korean satellites and rocket science”, NK News, 3 février 2016.

39  Simon Denyer, “India tests missile capable of reaching Beijing”, The Washington Post, 19 avril 2012.

40  Paul Sonne, “As tensions with West rise, Russia increasingly rattles nuclear saber”, The Wall Street Journal, 5 avril 2015.

41  “DPRK foreign ministry spokesman rejects UNSC ‘resolution on sanctions’”, Rodong Sinmun, 5 mars 2016.

42  Ibid.

43  Ibid.

44  Yongho Thae, ministre de l'ambassade de la République populaire démocratique de Corée à Londres, “Understanding and defending North Korea”, Invent the Future, 15 novembre 2013 ; John Peter Daly, “Socialist construction in North Korea”, PSLWeb.org, 15 décembre 2006.

45  Anna Louise Strong, In North Korea: First Eye-Witness Report, Soviet Russia Today, New York, 1949.

46  Déposition devant le Comité des forces armées du Sénat des États-Unis de Harry B. Harris Jr., chef du Commandement du Pacifique, 23 février 2016.

47  David E. Sanger, “With U.S. eyes on Iran, North Korea’s nuclear arsenal expanded”, The New York Times, 7 mai 2015.

48  Tim Beal, “The North Korean threat – the myth and its makers”, NK News, 21 janvier 2016.

49  Kim Hyun, “US Has No Intention to Build Close Ties with N Korea: Ex-official”, Yonhap, 2 septembre 2009.

50  Cité dans Carl Kaysen, Robert S. McNamara et George W. Rathjens, “Nuclear weapons after the Cold War”, Foreign Affairs, automne 1991.

51  Tim Beal, “The North Korean threat – the myth and its makers”, NK News, 21 janvier 2016.

52  Adam Entous et Julian E. Barnes, “U.S. plans new Asia missile defenses”, The Wall Street Journal, 23 août 2012.

53  “Who is deployment of THAAD aimed at?”, Rodong Sinmun, 4 mars 2016.

54  Robert C, Allen, “A reassessment of the Soviet Industrial Revolution”, Comparative Economic Studies, Vol. 47, numéro 2, 2005, pp. 315-332.

55  Stephen Gowans, “Do Publicly Owned, Planned Economies Work?”, What’s left, 21 décembe 2012.

 

Article original :

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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 21:20

Le 2 mars 2016, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté, à l'unanimité de ses membres, la résolution 2270 qui impose un régime de sanctions d'une sévérité sans précédent contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) suite à l'essai nucléaire du 6 janvier 2016 et au lancement d'un satellite le 7 février 2016.

Comme attendu, la résolution 2270 comporte notamment une inspection de toutes les marchandises en provenance de ou à destination de la RPD de Corée, une interdiction totale d'exportation par la Corée du Nord de l'or, du titane et des terres rares, une limitation des exportations de charbon, de fer et de minerai de fer aux seules besoins de "subsistance" de la population (en visant à cibler les programmes nucléaire et balistique), des restrictions à la fourniture de carburants pour les avions et les fusées, et un élargissement de la liste des personnes et des entités placées sur liste noire.

Il s'agit de la résolution la plus sévère jamais adoptée contre la RPD de Corée. Les experts, à l'instar de Cheong Seong-chang de l'Institut Sejong, sont convaincus que ces nouvelles sanctions ne changeront pas la détermination de la RPDC à poursuivre ses programmes militaires nucléaire et balistique, mais qu'en revanche elles affecteront l'économie, et toucheront en premier lieu les populations :

Elles vont affecter le pays et accroître les souffrances de la population mais elles ne modifieront pas la détermination du régime à poursuivre ses ambitions nucléaires.

Si la Chine a déclaré qu'elle appliquerait pleinement la nouvelle résolution, une incertitude importante plane sur sa portée juridique, et donc son interprétation et sa mise en oeuvre.

Le ralliement - du moins partiel - de la Chine sur les positions américaines apparaît motivée par le fait qu'elle aurait obtenu un engagement des Etats-Unis qu'ils engagent des négociations avec la RPDC pour la signature d’un traité de paix, et qu'ils surseoient au déploiement en Corée du Sud du système THAAD (Terminal High Altitude Area Defense).

Mais l'adoption de la résolution 2270 intervient à la veille de manoeuvres régulières américano - sud-coréennes de grande ampleur, officiellement dirigées contre la RPDC mais ciblant tout autant la Chine, et après l'inauguration officielle, le 26 février 2016, de la base militaire de Jeju en Corée du Sud : si celle-ci vise soi-disant à empêcher des intrusions nord-coréennes, elle a bien comme objectif fondamental d'endiguer la montée en puissance militaire de la Chine.

Compte tenu de ces divergences profondes d'intérêts, l'unanimité du Conseil de sécurité dans l'adoption des nouvelles sanctions contre la RPD de Corée est loin de signifier le consensus de la communauté internationale que prétendent avoir atteint les Etats-Unis.

Sources :

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26 février 2016 5 26 /02 /février /2016 13:28

Le 25 février 2016 l'ambassadrice américaine auprès des Nations Unies, Mme Samantha Power, a communiqué sur un projet de résolution soumis aux autres membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies, issu de longues négociations avec la Chine, qui prévoit des sanctions d'une ampleur sans précédent contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), suite à son essai nucléaire du 6 janvier 2016 et au lancement d'un satellite le 7 février 2016. Si les Etats-Unis espèrent une adoption de cette résolution ce week-end, la Russie a annoncé qu'elle l'examinerait en détail, ce qui pourrait en retarder l'adoption - sans toutefois devoir en changer substantiellement le fond, Moscou ayant fermement condamné les récentes initiatives de Pyongyang.

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies

Selon les éléments communiqués par les Etats-Unis, les éléments du projet de résolution sont les suivants :

- une inspection obligatoire de toutes les cargaisons à destination ou en provenance de la Corée du Nord, quel que soit le mode de transport (terrestre, aérien, maritime), ainsi qu'une interdiction pour les navires nord-coréens "soupçonnés de transporter des produits illicites" de faire relâche dans les ports étrangers ; trente-deux navires nord-coréens sont placés sur une liste noire ;

- un embargo total sur les armes conventionnelles et sur les équipements à usage dual (civil ou militaire ;

- des restrictions, voire des interdictions, d'exportation par la RPD de Corée de certains minerais (sont cités le charbon, le fer, le titane, l'or et les terres rares) ;

- une interdiction des livraisons de carburants à la RPD de Corée pour les avions et les fusées ;

- la fermeture de succursales bancaires en Corée du Nord et de succursales nord-coréennes à l'étranger, et un doublement du nombre de personnes (17 au total) et d'entités (12) nord-coréennes sanctionnées au plan financier en raison de leur rôle supposé dans les programmes nucléaire et balistique de la RPD de Corée ;

- des compléments et précisions sur la liste des produits dits de luxe interdits d'importation par la Corée du Nord.

Enfin, les membres des Nations Unies seront invités à "expulser les diplomates nord-coréens impliqués dans des activités illicites".

Selon les Etats-Unis et leurs alliés, il s'agit d'exercer une pression sans précédent contre Pyongyang pour l'inciter à abandonner ses programmes nucléaire militaire et balistique.

L'inflexion de la position chinoise est à relever : Pékin a manifestement choisi de sacrifier tout ou partie de ses intérêts économiques en RPD de Corée (investissements à l'étranger, échanges commerciaux) - certes dans un contexte où son ralentissement économique diminue son besoin en minerais nord-coréens - sur la base de considérations stratégiques (avec l'espoir manifestement d'empêcher le déploiement du dispositif militaire THAAD, que les Etats-Unis veulent désormais conditionner à l'abandon de son programme nucléaire par la RPD de Corée), mais aussi - et peut-être surtout - du poids de ses échanges économiques avec la Corée du Sud et les Etats-Unis.

Si certains points méritent d'être précisés - par exemple, le contenu exact des restrictions aux exportations de minerais qui représentent près de la moitié du commerce extérieur de la RPD de Corée (le commerce total de la RPDC atteint 8 à 10 milliards de dollars par an jusqu'en 2015), lui-même déjà amputé de plus de 20 % depuis la fermeture il y a quelques semaines de la zone industrielle de Kaesong - il s'agit de mesures extrêmement sévères, dont on peut estimer, en première analyse, qu'elles pourraient impacter l'économie nord-coréenne de l'ordre de 10 % du PIB, entraînant ainsi une grave crise économique qui affecterait lourdement les populations et risquerait de faire resurgir le spectre des pénuries alimentaires qui ont causé, dans les années 1990, une surmortalité de plusieurs centaines de milliers de personnes. C'est le choix conscient fait par les diplomates américains et leurs alliés (dont la France), quelles que soient leurs dénégations, la main sur le coeur, que les populations civiles seraient soi-disant épargnées.

Par exemple, les restrictions aux livraisons de fioul pour les transports par voie aérienne entraîneront un déport sur le transport ferroviaire, routier et maritime - lui-même déjà soumis à des pénuries. Il en résultera des difficultés accrues à assurer le ramassage et le transport des produits alimentaires d'une part, et à la navigation des bateaux de pêche en haute mer d'autre part - réduisant gravement l'alimentation des populations en produits de la mer. L'AAFC dénonce les choix opérés sciemment par les gouvernements occidentaux qui conduiront à tuer de nombreux civils innocents, y compris les enfants qui sont parmi les populations les plus fragiles, reproduisant des scénarios déjà connus - comme naguère en Irak.

Au plan international, il est très improbable que la RPD de Corée se plie à la volonté américaine, surtout si les Etats-Unis n'offrent aucune contrepartie concernant notamment un traité de paix ou le déploiement de leurs forces en Asie de l'Est. Pire, les manoeuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud qui débuteront début mars devraient être les plus importantes jamais réalisés, accroissant les risques d'escalade et de conflit.

Un chantage visant les populations civiles, qui sont comme toujours les premières victimes des sanctions internationales ? Des risques de conflit local généralisé ? A l'AAFC, nous ne voulons pas du remake de ce mauvais film, et mettrons tout notre poids pour faire prévaloir la voie du dialogue et de la raison, de la paix, des coopérations et du soutien aux populations.

Source :

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 17:36

Dans un contexte d'hostilité croissante des Etats-Unis, et de leurs alliés, à l'égard de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et face au déferlement médiatique que subit ce pays, le Professeur Robert Charvin,  doyen honoraire de la Faculté de droit et sciences économiques de Nice, et vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne, a fait une mise au point que nous reproduisons ci-après. Ce texte a été rédigé après l'essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier 2015 et avant la mise sur orbite du satellite Kwangmyongsong-4 par la RPDC le 7 février.

Certains événements montrent que des situations qui s'éternisaient peuvent être réglées positivement. L'embargo qui pesait sur Cuba a été levé par les Etats-Unis ; celui qui voulait isoler l'Iran vient de cesser. La persévérance des victimes et les intérêts des grandes puissances ont décidé de ces mutations.

Par contre, d'autres problèmes, particulièrement inéquitables pour les peuples concernés, ne sont pas en voie d'être résolus. Parmi ces problèmes, il y a la domination quasi-coloniale d'Israël sur le peuple palestinien qui dure depuis 70 ans. Il y a aussi le refus par les Etats-Unis d'ouvrir des négociations de paix avec la RPD de Corée et de cesser les menées d'ingérence mettant en cause sa souveraineté. L'hostilité ouverte des Etats-Unis, du Japon, de la Corée du Sud et des Etats européens (dont la France, incapable de mettre en œuvre une simple reconnaissance diplomatique de la RPDC), sans aucun fondement, est une mesure discriminatoire vis-à-vis d'un Etat membre des Nations Unies, comme cela a été le cas dans le passé à l'égard de la Chine.

L'ONU, pourtant directement concernée par la question coréenne, étant donné son intervention directe lors de la guerre de 1950-1953, reste inerte.

L'Agence internationale de l'énergie atomique, pratiquant la politique du « deux poids, deux mesures », à l'instigation des grandes puissances nucléaires, et  contrairement à la légalité internationale, est plus rigoureuse vis-à-vis de la RPDC (qui s'est légalement retirée du Traité de non prolifération) qu'à l'égard de pays comme Israël (qui n'a jamais adhéré à ce même traité).

Les dispositions fondamentales de la Charte des Nations Unies, de multiples résolutions de l'Assemblée générale, sont violées : chaque peuple est en droit de choisir sans ingérence son régime. Le principe de l'égale souveraineté des Etats est toujours en vigueur ! L'affirmation explicite des grandes puissances de vouloir détruire le régime de la RPDC est une forme d'agression et de provocation permanente, de même que l'image donnée en Occident sur Pyongyang.

La question des droits de l'Homme, mis en avant par la France, notamment, est irrecevable de la part d'un Etat qui a des relations étroites avec nombre de régimes totalement indifférents aux conceptions occidentales des droits humains, comme l'Arabie saoudite, le Qatar et diverses dictatures africaines soutenues par des réseaux d'intérêts français.

La résistance que manifeste le peuple coréen depuis 1950, c'est-à-dire depuis plus d'un demi-siècle, est digne de respect. La Corée se veut coréenne, n'en déplaise à nombre d'occidentaux. L'originalité de sa société est une contribution à la richesse politico-culturelle du monde.

Les amis de la RPDC s'engagent, une fois de plus, à exprimer leur solidarité au peuple coréen, à sa réunification, au maintien de la paix dans la région et à tous les efforts de développement que réalise Pyongyang malgré toutes les difficultés que la RPDC doit surmonter. 2016 sera une nouvelle année de luttes et de résistance victorieuses.

 

Paris, le 5 février 2016

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15 janvier 2016 5 15 /01 /janvier /2016 23:17

Les organisateurs du Forum économique mondial de Davos - qui se réunit chaque année depuis 1974 dans la station de sports d'hiver suisse - ont retiré l'invitation qu'ils avaient donnée à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) de participer à leur prochaine réunion, prévue du 20 au 23 janvier 2016. Ce revirement de décision, pris suite à l'essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier 2016, a suscité de vives protestations des autorités nord-coréennes, qui avaient prévu d'envoyer une délégation conduite par Ri Su-yong, ministre des Affaires étrangères de la RPD de Corée.  

S.E. Ri Su-yong, ministre des Affaires étrangères de la RPD de Corée

S.E. Ri Su-yong, ministre des Affaires étrangères de la RPD de Corée

Dans une lettre adressée aux organisateurs du Forum de Davos, citée par l'agence nord-coréenne KCNA, le représentant de la RPD de Corée à Genève a dénoncé un mélange des genres entre la politique et l'économie qu'il estime contraire aux règles propres aux instances internationales telles que le Forum de Davos :

Ce comportement du forum est un acte inquiétant qui contrevient à l'impartialité et aux principes élémentaires devant être respectés par une instance internationale

http://www.kcna.kp/

Toujours selon la même lettre, il s'agit d'une décision prise brutalement, sous l'influence des forces hostiles à la RPD de Corée.

Mais le propre même du Forum de Davos est bien d'exprimer la soumission des dirigeants mondiaux aux intérêts du capitalisme, qui tire profit des situations de conflits et des politiques de sanctions. Exclure la Corée du Nord est dans la suite logique de cette relation de subordination. Pays le plus sanctionné au monde - ce qui rend grandement inopérant ses appels répétés aux investisseurs étrangers (notamment dans ses zones économiques spéciales) - la RPD de Corée n'avait rien à gagner d'une telle participation, imaginée par les organisateurs du Forum dans ce qui apparaissait surtout comme un coup de publicité - avant que les contingences des relations internationales fassent avorter le projet. Pour que la boucle soit bouclée il ne leur restait plus qu'à se dédire eux-mêmes - ce qu'ils ont fait.

Source :

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6 janvier 2016 3 06 /01 /janvier /2016 12:36

Le 6 janvier 2016, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a annoncé avoir testé avec succès sa première bombe à hydrogène (bombe thermonucléaire), ou "bombe H". Il s'agit du quatrième essai nucléaire de la RPD de Corée, après ceux du 9 octobre 2006, du 25 mai 2009 et du 12 février 2013 qui avaient entraîné la mise en place d'un régime international de sanctions contre la RPD de Corée. L'essai du 6 janvier 2015 a ainsi suscité de fermes critiques des Etats-Unis et de leurs alliés, ainsi que des autres membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui doit se réunir le même jour. Pour sa part, Pyongyang a réaffirmé son droit à l'autodéfense face à la politique hostile des Etats-Unis.

L'annonce du premier essai nucléaire de bombe à hydrogène par la Corée du Nord - par la présentatrice Ri Chun-hee - a été suivie dans le monde entier (ici, en Corée du Sud).

L'annonce du premier essai nucléaire de bombe à hydrogène par la Corée du Nord - par la présentatrice Ri Chun-hee - a été suivie dans le monde entier (ici, en Corée du Sud).

Selon la RPDC, l'essai nucléaire a été conduit le 6 janvier 2016 au moyen d'une bombe miniaturisée à 10 heures (heure locale), par des technologies qu'elle a développées en propre. La Corée du Nord se félicite d'ainsi accéder au club des pays avancés en matière de technologie nucléaire.

Selon l'agence nord-coréenne KCNA, il s'agit d'une mesure d'autodéfense rendue nécessaire par la politique hostile des Etats-Unis, tandis qu'était rappelé l'attachement de Pyongyang à la paix et à la sécurité régionale qui implique, toujours selon KCNA, une politique de dissuasion nucléaire :

Cet essai est une mesure d'autodéfense prise par la RPDC pour protéger fermement la souveraineté du pays et le droit vital qu'a chaque nation de se protéger contre la menace nucléaire et le chantage toujours grandissants des forces hostiles conduites par les Etats-Unis, et pour sauvegarder de manière fiable la paix dans la péninsule coréenne et la sécurité régionale.

http://www.kcna.kp/

La RPD de Corée a réaffirmé qu'elle était une puissance nucléaire souveraine, excluant l'usage en premier d'armes nucléaires ainsi que les transferts de technologies :

La RPDC, qui est un Etat nucléaire responsable, n'utilisera jamais d'armes nucléaires en premier et ne transfèrera en aucunes circonstances les moyens et les technologies nécessaires, comme elle l'a déjà affirmé.

http://www.kcna.kp/

La condamnation rapide par les Etats-Unis et la communauté internationale n'est pas nouvelle. L'essai nucléaire nord-coréen intervient dans un contexte de blocage du dialogue, après que les propositions nord-coréennes de revenir à la table des négociations se sont heurtées à une fin de non-recevoir par Washington, qui avait posé des conditions préalables dont il savait qu'elles étaient inacceptables. De même, la proposition de la RPDC de conclure un traité de paix avec les Etats-Unis, réitérée en 2015, avait été rejetée par la Maison Blanche.

Dans ce contexte, la Corée du Nord a poursuivi le développement de son programme nucléaire, dont l'étape suivante était de se doter de la bombe H - suivant une annonce faite en ce sens, en décembre 2015, par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Les experts militaires occidentaux avaient alors mis en doute la maîtrise par la RPDC de la technologie de la bombe H. Le 6 janvier 2016, ils ont annoncé avoir détecté des mouvements sismiques sur le site de Punggye-ri à l'heure annoncée de l'essai nucléaire, tout en précisant qu'ils devaient conduire des recherches supplémentaires quant à sa nature et à sa portée.

Source (outre KCNA)

En plus de ces essais, Israël ou l'Afrique du Sud, voire les deux conjointement, auraient effectué un essai le 22 septembre 1979 dans l'océan Indien.

En plus de ces essais, Israël ou l'Afrique du Sud, voire les deux conjointement, auraient effectué un essai le 22 septembre 1979 dans l'océan Indien.

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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 18:29

Chaque année, le discours prononcé par le Maréchal Kim Jong-un à l'occasion du nouvel an est étudié et analysé en détail - non seulement en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), mais aussi à l'étranger par les spécialistes des questions coréennes - pour les orientations qu'il donne sur la politique interne et externe de la RPD de Corée. Le discours du nouvel an 2016 prend cette année une importance particulière, à quelques mois du VIIe Congrès du Parti du travail de Corée - le premier depuis 1980. Comme les années précédentes, il met l'accent sur l'édification d'un pays puissant et prospère. Par ailleurs, en dépit des vives réticences qu'ont opposées en 2015 les conservateurs sud-coréens à l'approfondissement du dialogue Nord-Sud, le Maréchal Kim Jong-un réaffirme l'engagement de la RPD de Corée pour le dialogue, la paix et la réunification dans la péninsule.

Discours de nouvel an de Kim Jong-un : "notre Parti considère le bien-être du peuple comme la première de toutes les affaires nationales"

Saluant non seulement les militaires et les civils nord-coréens oeuvrant à l'édification de la patrie socialiste, mais s'adressant aussi "aux frères du Sud et aux Coréens de la diaspora qui luttent pour la réunification de la patrie, aspiration de la nation, de même qu’aux peuples progressistes et aux amis étrangers", le dirigeant suprême exprime d'emblée le voeu que "toutes les familles débordent de concorde et d’affection et que les rires de bonheur de nos chers enfants retentissent plus haut".

Revenant ensuite sur l'année écoulée, marquée par le 70e anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée, il souligne en premier lieu les réalisations économiques - ainsi que les exploits sportifs obtenus - en associant constamment le peuple travailleur à ces succès :

On a vu s’ériger les centrales des Héros-Jeunes de Paektusan, les centrales en étages de Chongchongang, le Palais de la science et de la technique, la cité des scientifiques Mirae, la ferme coopérative de culture légumière de Jangchon et d’innombrables autres monuments et villages merveilleux dignes du socialisme, concrétisation des idées et de la politique du Parti, montrant le dynamisme de notre patrie qui avance en faisant en un an ce que les autres ne pourraient faire qu’en dix ans.

Après l'accord conclu avec le Sud en août 2015, il exprime sa conviction que la politique du Parti a permis d'éloigner le danger d'un nouveau conflit armé qui aurait ravagé la péninsule coréenne.

La jeunesse et l'éducation occupent une place primordiale dans le discours du Maréchal Kim Jong-un, conformément à la politique qu'il a menée depuis quatre ans (marquée notamment par l'allongement à douze ans, en 2012, de la durée de la scolarité obligatoire) : après la référence liminaire aux enfants des familles coréennes, il adresse à la jeunesse des félicitations particulièrement appuyées comme étant les "dignes continuateurs de la cause révolutionnaire Juche", et mentionne in fine la jeunesse comme l'une des composantes sociales (à côté de la classe ouvrière, mentionnée à plusieurs reprises en tant que telle, des intellectuels et des cadres) devant contribuer au développement de l'économie nationale.

Evoquant le congrès à venir du Parti du travail de Corée, il souligne l'objectif de renforcer l'économie nationale pour élever le niveau de vie de la population, développant ensuite les problèmes économiques actuels dont la résolution apparaît ainsi comme une priorité. Au premier rang figure le "problème de l’énergie électrique" - décrit également comme la "pénurie d’électricité" (suivant une formule peu habituelle s'agissant des difficultés rencontrées) - qui requiert non seulement l'accroissement des capacités de production de l'électricité sous ses différentes formes (y compris à partir du charbon) - en mentionnant tout particulièrement la construction de la centrale de Tanchchon - mais aussi, de manière nouvelle, les économies d'énergie. Sont également évoqués le transport ferroviaire (dont l'obsolescence est un handicap au développement économique) et la production métallurgique, encore loin du niveau maximum qu'elle a atteint en 1990, avant le recul économique de la "dure marche". Par ailleurs, la référence à la lutte contre "la pollution de l’atmosphère, des cours d’eau et des mers" s'inscrit dans le cadre des objectifs de développement durable, tels qu'ils ont été réaffirmés lors de la conférence de Paris sur le climat par le ministre des Affaires étrangères en décembre 2015.

Comme les années antérieures, des instructions spécifiques portent sur le potentiel de défense du pays. L'accent est mis sur la formation et la discipline, et non sur le développement des armes non conventionnelles - en ne mentionnant pas la force de dissuasion nucléaire - et sur les capacités balistiques. Depuis le troisième essai nucléaire nord-coréen survenu le 12 février 2013, les médias conservateurs américains et sud-coréens annoncent régulièrement la survenue imminente d'un quatrième essai nucléaire, ou d'un nouveau tir de missile à longue portée. Cette omission dans le discours du dirigeant nord-coréen doit donc être appréciée comme la poursuite, au contraire, par la RPD de Corée d'une politique de la main tendue, pour réduire les tensions dans la péninsule, en s'abstenant d'initiatives qui auraient entraîné un nouveau cycle de tensions et de sanctions.

Suivant un usage bien établi, la réunification de la Corée et les relations internationales occupent la fin du discours - et ont retenu plus particulièrement (sinon exclusivement) l'attention des commentateurs étrangers.

Concernant les rapports Nord-Sud, le Maréchal Kim Jong-un blâme ouvertement les autorités sud-coréennes pour avoir mené en 2015 une politique de confrontation, alors que l'anniversaire de la libération de la Corée de l'occupation japonaise, en 1945, aurait au contraire dû créer un contexte favorable :

L’année dernière marquée par le 70e anniversaire de la libération du pays, nous avons lancé un appel invitant à ouvrir une large voie à la réunification indépendante grâce à l’union des forces de toute la nation, et nous nous sommes attachés à le réaliser. Pourtant, les forces anti-réunification et hostiles à l’amélioration des rapports Nord-Sud se sont démenées pour des manœuvres belliqueuses, créant ainsi une situation critique au bord de la guerre et suscitant une grande inquiétude à l’intérieur comme à l’extérieur. Les autorités sud-coréennes, allant à l’encontre du dialogue Nord-Sud et de l’amélioration des rapports Nord-Sud, ont poursuivi ouvertement le « changement de régime » de notre part et, l’« unification des régimes », leur thèse unilatérale, aggravant ainsi la méfiance et l’affrontement entre le Nord et le Sud.

En dépit de ces difficultés, les autorités nord-coréennes réaffirment qu'elles sont prêtes à renouer le dialogue avec le Sud, en incitant les autorités sud-coréennes à appliquer avec sincérité les précédents accords Nord-Sud (notamment les déclarations du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007) qui ont été signés au nom du Gouvernement sud-coréen, et non des démocrates qui étaient alors au pouvoir à Séoul. En effet, les conservateurs revenus à la présidence sud-coréenne en 2008 ont tourné le dos aux perspectives de rapprochement Nord-Sud qui avaient ainsi été ouvertes, l'opposition démocrate leur reprochant d'avoir joué un rôle essentiel dans la dégradation des relations intercoréennes.

Vis-à-vis des Etats-Unis, mentionnés explicitement cette année à de nombreuses reprises, les critiques nord-coréennes se fondent sur trois arguments : le refus opposé par Washington à la proposition de Pyongyang de signer un traité de paix en lieu et place de l'accord d'armistice de 1953 ayant clos les combats de la guerre de Corée ; l'exploitation de l'argument des droits de l'homme ; les exercices militaires de grande ampleur que les Etats-Unis et leurs alliés ont poursuivis dans la péninsule coréenne l'an passé. En cas de guerre provoquée par les Etats-Unis, la RPD de Corée exprime clairement sa volonté de riposter.

Envers le reste du monde (dont aucun pays n'est nommé, ni le traditionnel allié chinois, ni la Russie avec laquelle la RPDC a opéré un rapprochement depuis 2014), le discours de nouvel an du Maréchal Kim Jong-un réaffirme enfin la position traditionnelle de Pyongyang favorisant l'essor de relations d'échanges et de coopération :
 

Notre Parti et le gouvernement de notre République renforceront davantage la solidarité avec les peuples du monde entier s’opposant à l’agression, à la guerre, à la domination et à l’asservissement, élargiront et développeront les relations d’amitié et de coopération avec tous les pays qui respectent la souveraineté de notre pays et nous traitent amicalement.

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 22:39

Le 4 décembre 2015, le Musée panoramique d'Angkor, situé dans la Cité des temples Siem Reap, a été officiellement inauguré en présence de Sok An, vice-Premier ministre du Cambodge, et S.E. M. Hong Ki-chol, ambassadeur de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) au Cambodge. Le musée a été construit entre 2011 et 2015, pour un coût de 24 millions de dollars sur une superficie de 6 115 m2, par les artistes nord-coréens pluridisciplinaires du groupe Mansudae - à l'origine d'autres réalisations architecturales dans le Tiers Monde, comme le Monument de la renaissance africaine à Dakar (lire sur le site de l'AAFC http://www.amitiefrancecoree.org/article-le-monument-de-la-renaissance-africaine-une-demonstration-de-la-statuaire-nord-coreenne-au-senegal-45932647.html).

Vue d'ensemble du Musée panoramique d'Angkor

Vue d'ensemble du Musée panoramique d'Angkor

S'inspirant du style architectural khmer, le Musée panoramique d'Angkor apporte une vue d'ensemble de l'histoire de la civilisation khmère (y compris sa défense vis-à-vis de ses voisins) - en abritant des reproductions miniatures des temples et du parc d'Angkor (avec des détails sur l'histoire architecturale de la construction des temples), une salle de cinéma qui diffuse des films en 3D et une fresque longue de 120 mètres décrivant la vie quotidienne des anciens Khmers. La réalisation du bâtiment elle-même donne lieu à une section spécifique au sein du musée.

Pendant dix ans, le groupe de développement international Mansudae (Mansudae Overseas Project Group) de la RPD de Corée co-gèrera le musée avec le gouvernement cambodgien (Autorité Apsara), suivant un partage égal des bénéfices, avant son transfert à l'Autorité Apsara. La construction et la gestion du musée relèvent des accords build-cooperate-transfer (BCT, construire-coopérer-transférer) mis en place par le Cambodge. Le Musée panoramique d'Angkor traduit aussi la politique d'investissements à l'étranger de la RPD de Corée dans le secteur de la construction et du tourisme.

Inauguration du musée panoramique d'Angkor, construit par les artistes nord-coréens des ateliers Mansudae

Lors de l'inauguration officielle, Sok An, vice-Premier ministre du Cambodge cité par l'Agence Kampuchea Presse, a souligné la qualité des réalisations artistiques du musée, qui contribue à l'essor du tourisme international dans la région d'Angkor :

Les œuvres d’art au Musée panoramique d'Angkor ont été méticuleusement conçues et réalisées avec une grande créativité, reflétant de différents thèmes à travers des peintures et des films en 3D montrant l’évolution de l’Empire khmer, des scènes de guerre, la construction de temples, et la vie quotidienne des Cambodgiens à cette époque-là.

Pour sa part, Hong Ki-chol, ambassadeur de la RPD de Corée au Cambodge, a souligné que la réalisation du musée s'inscrivait dans le cadre des relations d'amitié entre les deux pays, marquées par la relation personnelle qu'avait nouée le Président Kim Il-sung de la RPD de Corée et le roi Norodom Sihanouk (lire sur le site de l'AAFC http://www.amitiefrancecoree.org/article-kim-il-sung-et-norodom-sihanouk-une-histoire-d-amitie-111381329.html).

Un restaurant nord-coréen de la chaîne Pyongyang est déjà implanté sur le site d'Angkor, qui constitue par ailleurs l'une des destinations privilégiées des touristes sud-coréens en Asie du Sud-Est.

Inauguration du musée panoramique d'Angkor, construit par les artistes nord-coréens des ateliers Mansudae

Sources :

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11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 11:43

Enseignant, Denis Gorteau s'intéresse de longue date à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et est en contact avec l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), notamment Benoît Quennedey, vice-président des actions de coopération, auteur de L'Economie de la Corée du Nord : naissance d'un nouveau dragon asiatique ? - qu'il a interviewé, dans un entretien repris par Denis Gorteau dans l'ouvrage qu'il vient de publier : se présentant comme un essai, Corée du Nord, le pays qui n'était pas là a le grand mérite de bousculer les idées reçues, avec une volonté d'objectivité.

Au-delà des idées reçues : "Corée du Nord, le pays qui n'était pas là" de Denis Gorteau

Le mythe d'une seule Corée conduit parfois à exclure du champ de l'existant l'Etat qui occupe la moitié Nord de la péninsule, la République populaire démocratique de Corée (RPD de Corée) - au point que ce serait un Etat qui n'existe pas, "qui ne serait pas là", pour reprendre l'expression qui retient l'attention de Denis Gorteau. Les autorités sud-coréennes n'ont-elles pas protesté officiellement contre le gouvernement japonais ayant annoncé qu'il envisageait une attaque en premier contre la RPD de Corée, non pas parce que la présidente sud-coréenne serait soudain devenue pacifiste, mais parce que le gouvernement conservateur de Séoul s'offusque d'une action militaire sur un territoire... qu'il considère être le sien !

Denis Gorteau ne prétend pas être un expert - mais faire oeuvre de pédagogie, en géographe qui s'intéresse aux relations internationales, dans son essai consacré à la Corée du Nord. Et au moyen de chapitres courts et d'une plume alerte il réussit à démonter les idées reçues qui entourent la RPDC, de façon plus synthétique et plus incisive que ne le font les (trop souvent) longs articles du blog de l'AAFC (pour ne citer qu'eux, autocritique bien ordonnée commençant pa soi-même).

L'approche finale de l'avenir de la RPD de Corée, dans le champ géopolitique, a le mérite de la modestie et du réalisme, loin des prévisions et des supputations dépourvues de toute rigueur d'analyse.

Evidemment, le parti pris de l'essai n'exclut pas certaines affirmations qui mériteraient approfondissement et discussion - notamment sur les origines de la guerre de Corée, l'utilisation désormais avérée d'armes chimiques par les Américains pendant ce conflit, le manque de fiabilité d'un Shin Dong-hyuk, défecteur nord-coréen, ou encore les points communs entre les systèmes politiques nord-coréen et chinois qui tend à relativiser l'exceptionnalité de la RPDC... Mais il aurait été difficile, voire impossible, de garder une approche utilement synthétique en se lançant dans de tels débats, qui méritent par ailleurs d'être posés.

Corée du Nord, le pays qui n'était pas là est ainsi une première approche précieuse et utile pour qui veut comprendre la RPD de Corée, au-delà des clichés et des passions.

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