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19 janvier 2025 7 19 /01 /janvier /2025 22:25

Après une première tentative ayant échoué le 3 janvier 2025, le président Yoon Seok-yeol a finalement été arrêté le 15 janvier 2025 puis placé en détention provisoire le 19 janvier 2025. Ces mesures exceptionnelles interviennent alors que le chef de l'Etat, ayant fait l'objet d'une motion de destitution après sa tentative d'imposer la loi martiale le 4 décembre 2024, refusait de répondre aux convocations des enquêteurs après avoir été entendu une première fois, tout en multipliant les communiqués contre ce qu'il qualifie de violations de l'Etat de droit.

Les policiers devant la résidence de Yoon Seok-yeol, où il s'était retranché, lors de la tentative d'arrestation du 3 janvier 2025

Les policiers devant la résidence de Yoon Seok-yeol, où il s'était retranché, lors de la tentative d'arrestation du 3 janvier 2025

Si Yoon Seok-yeol a appelé ses partisans à s'exprimer pacifiquement (le 15 janvier, il avait accepté son arrestation afin, selon ses termes, d'éviter "un bain de sang"), la décision de le placer en détention provisoire n'en a pas moins entraîné un assaut du tribunal - la Cour du district ouest de Séoul. 45 personnes ont été arrêtées pour les dégâts ainsi causés. Les cinq blessés graves à l'issue de ces affrontements sont exclusivement des policiers.  

La détention provisoire, d'une durée maximale de 20 jours, vise à éviter la destruction de preuves. Lors de l'audition du 19 janvier 2025 à laquelle Yoon s'est cette fois présenté, le Bureau d'enquête sur la corruption des hauts fonctionnaires (CIO) l'a accusé d'avoir ordonné l'encerclement de l'Assemblée nationale pour l'empêcher de se prononcer sur la loi martiale, d'avoir voulu arrêter des personnalités politiques de premier plan et tenté d'occuper les locaux de la Commission nationale des élections (CNE). Yoon Seok-yeol et ses avocats ont réfuté toutes ces accusations, en soulignant que la proclamation de la loi martiale faisait partie des pouvoirs propres du chef de l'Etat et en la justifiant par la mise en cause de plusieurs ministres, contraints à la démission, par une majorité de députés. Ils ont aussi prétendu que les forces militaires n'étaient pas assez nombreuses pour paralyser l'Assemblée nationale - niant l'évidence d'une volonté d'empêcher les députés de se réunir. 

Jouant au maximum la carte de la victimisation, Yoon Seok-yeol est ainsi parvenu à redonner des couleurs dans les sondages au Parti du pouvoir au peuple (PPP), alors que la radicalisation de certains partisans de Yoon est de nature à instaurer un climat de guerre civile.

Principales sources : 

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3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 14:34

Si la résistance héroïque des Sud-Coréens contre l'assaut du Parlement lors de la tentative d'imposer la loi martiale, les 3 et 4 décembre 2024, avait montré la vitalité de la démocratie en République de Corée, l'admiration le cède à la stupeur face à l'acharnement du président Yoon Seok-yeol, contre qui a été votée une motion de destitution, à se maintenir au pouvoir à tout prix, enfermé dans une attitude de déni, alors que ses partisans manifestent en permanence devant son domicile, où son arrestation a échoué le 3 janvier 2024. 

Des assistants parlementaires et des fonctionnaires barricadent l'accès à l'Assemblée nationale, avant l'arrivée des troupes de la loi martiale, lors de la tentative de coup d'Etat des 3 et 4 décembre 2024

Des assistants parlementaires et des fonctionnaires barricadent l'accès à l'Assemblée nationale, avant l'arrivée des troupes de la loi martiale, lors de la tentative de coup d'Etat des 3 et 4 décembre 2024

Yoon Seok-yeol refuse de répondre aux convocations du Bureau d'enquête sur la corruption des hauts fonctionnaires (CIO) et s'est retranché dans sa résidence de Séoul, protégé par des soldats du Commandement de défense de la capitale, d'une part, et les gardes du service de sécurité présidentielle (PSS), d'autre part - car, même s'il a fait l'objet d'une motion de destitution, il reste protégé. A proximité, des manifestants appellent les uns à son départ, les autres à ce qu'il résiste face à ce qu'ils considèrent comme un complot communiste, dans un amalgame entre l'opposition démocrate et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Des évangélistes conservateurs font aussi partie des ultras à la pointe du mouvement pro-Yoon : on peut estimer le courant de soutien au président Yoon à quelque 10 % de l'opinion publique sud-coréenne, une fraction de même importance ayant choisi de soutenir l'ancienne présidente Park Geun-hye après sa destitution en 2016. 

Et Yoon Seok-yeol n'entend pas décevoir ses partisans : il a promis de "lutter jusqu'au bout", cherchant à endosser le costume du résistant. 

Face à une attitude aussi peu coopérative, le CIO a décidé de lancer un mandat d'arrêt - une première contre un chef de l'Etat en exercice, même sous le coup d'une procédure de destitution. Les forces protégeant Yoon, et notamment de la PSS, ont empêché son arrestation le 3 janvier 2025 : les affrontements pendant plus de 5 heures et demie ont conduit le CIO à suspendre le mandat d'arrêt contre Yoon, afin notamment de protéger les enquêteurs. 

Concernant la procédure de destitution, sur les trois juges constitutionnels devant être nommés, le président par intérim Choi Sang-mok n'a accepté de nommer que deux des trois candidats proposés par les parlementaires - un candidat des démocrates et un autre du parti présidentiel, exigeant que l'opposition démocrate, majoritaire, trouve un compromis avec les conservateurs sur le troisième candidat. Une attitude qui montre que les conservateurs, malgré leur forte impopularité que ne fait que renforcer l'attitude du président Yoon, n'entendent rien lâcher de l'exercice du pouvoir, contribuant à encore approfondir la crise politique.

Principale source : 

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27 décembre 2024 5 27 /12 /décembre /2024 14:10

Depuis la tentative de coup d'Etat perpétrée par le président Yoon Seok-yeol (Parti du pouvoir au peuple, PPP, conservateur), la République de Corée (Corée du Sud) est en crise politique. Après qu'une motion de destitution a été adoptée par les députés à l'encontre du président Yoon, ce dernier a été suspendu de ses fonctions dans l'attente d'une décision de la Cour constitutionnelle qui statuera définitivement. Dans cette attente, l'intérim des fonctions de chef de l'Etat a été exercé par le Premier ministre Han Duck-soo, mais seulement pendant 13 jours, du 14 au 27 décembre 2024 : en effet, une motion de destitution à l'encontre de Han Duck-soo a été adoptée par le Parlement sud-coréen, le Gukhoe, le 27 décembre. 

Choi Sang-mok est le nouveau président par intérim

Choi Sang-mok est le nouveau président par intérim

Un chef d'Etat peut-il impunément renverser un régime démocratique et rester en fonctions ? Oui, si la justice tranche en ce sens... Or, en République de Corée, ce sont les neuf membres de la Cour constitutionnelle qui devront se prononcer à la majorité qualifié d'au moins six juges. Dans une tentative désespérée pour s'accrocher au pouvoir, les conservateurs avaient trouvé la parade : le président par intérim refusait de procéder à la nomination de trois membres de la Cour constitutionnelle, suivant les propositions d'un Parlement dominé par l'opposition - si bien qu'il aurait suffi que, parmi les six juges en fonctions, un seul se prononce contre la constitutionnalité de la motion de destitution adoptée par le Parlement pour que Yoon Seok-yeol revienne en poste, comme si de rien n'était.

Dans ce contexte, les députés ont annoncé qu'ils adopteraient une motion de destitution à l'encontre du président par intérim, le Premier ministre Han Duck-soo. Mais si une majorité qualifiée des deux tiers des députés est clairement requise pour l'adoption d'une motion de destitution à l'encontre d'un président de la République élu, ce seuil de majorité s'applique-t-il en cas d'intérim des fonctions présidentielles ? Oui, selon le PPP, non, selon le président de l'Assemblée nationale Woo Won-shik, pour qui une majorité simple (151 députés sur 300) suffit... La motion de destitution a été adoptée par les 192 députés de l'opposition, pour une série de motifs dépassant la seule question de la nomination de nouveaux juges constitutionnels, et faisant plus largement référence aux manoeuvres d'obstruction des conservateurs - selon les démocrates - dans les suites à apporter à la tentative de coup d'Etat. Selon Yonhap :

Dans le texte de la motion de destitution contre le président par intérim, le Parti démocrate a critiqué Han pour son refus des motions pour des enquêtes spéciales sur les affaires impliquant Kim Keon Hee, l'épouse du président Yoon, et sur la mort d'un caporal des Marines, ainsi que pour complot, approbation tacite et délaissement volontaire des actes d'insurrection, tentative de gouvernance conjointe du pays avec Han Dong-hoon (l'ancien chef du parti au pouvoir), refus de la nomination d'un procureur indépendant permanent pour l'enquête sur l'insurrection et refus de nommer des juges constitutionnels.

Si le chef du PPP a annoncé qu'il saisirait la Cour constitutionnelle d'un vote selon lui illégal, le Premier ministre a pris acte que ses fonctions de président par intérim étaient suspendues dans l'attente d'une décision de la Cour constitutionnelle, qui devra donc se prononcer également sur cette seconde motion de destitution. Choi Sang-mok, vice Premier ministre et ministre de l'économie et des finances, a immédiatement commencé à exercer l'intérim des fonctions présidentielles. 

Le paradoxe du système politique sud-coréen est que le Gouvernement ne reflète pas la majorité politique de l'Assemblée nationale. Après avoir échoué aux élections législatives du 10 avril 2024, le président Yoon Seok-yeol avait refusé le verdict des urnes en continuant de choisir des ministres conservateurs et en opposant son veto aux textes adoptés par les démocrates majoritaires au Parlement - y compris sur le budget pour l'année 2025, ce qui l'avait amené à décréter la loi martiale en prenant prétexte d'une prétendue instabilité intérieure et extérieure. Il avait notamment tenté - en vain - de provoquer une escalade avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), en multipliant les survols de drones au dessus de Pyongyang. Le ministre de la Défense, le général Kim Yong-hyun, aurait planifié ces opérations. Kim Yong-hyun a ensuite été placé en détention, suspect d'avoir proposé au président Yoon de décréter la loi martiale puis d'avoir ordonné l'assaut contre le Parlement. Risquant la peine de mort, Kim Yong-hyun a tenté de se suicider immédiatement après son arrestation, le 10 décembre 2024.

Si l'équilibre des pouvoirs en République de Corée est inspiré de celui américain, l'impossibilité de parvenir à des compromis transpartisans en montre clairement les limites. Le très conservateur, très autoritaire et très impopulaire président Yoon est l'un des responsables majeurs de cette impasse politique. Dans un régime démocratique, seules trois issues sont envisageables : soit un changement des pratiques politiques, en imposant au chef de l'Etat une cohabitation avec un Premier ministre ayant le soutien d'une majorité de députés ; soit une élection présidentielle anticipée, en faisant trancher les électeurs (mais les conservateurs du PPP, en très mauvaise posture dans les sondages, retardent au maximum une telle échéance) ; soit une révision constitutionnelle (qui suppose toutefois l'approbation de 200 députés sur 300), qui donnerait au président de la République des fonctions comparables à celles, par exemple, de son homologue allemand, ou du roi d'Espagne.

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14 décembre 2024 6 14 /12 /décembre /2024 14:10

Onze jours après la tentative de coup d'Etat par la proclamation de la loi martiale, qui avait finalement été levée après un délai de six heures, le 14 décembre 2024 le Gukhoe a adopté une motion de destitution à l'encontre du président de la République de Corée (Corée du Sud) Yoon Seok-yeol (Parti du pouvoir au peuple, PPP, conservateur). Le Premier ministre Han Duck-soo (PPP) exerce l'intérim des fonctions de chef de l'Etat, en attendant la décision de la Cour constitutionnelle qui doit se prononcer dans un délai maximum de 180 jours. En cas d'approbation de la Cour constitutionnelle, une élection présidentielle anticipée devra être organisée dans un nouveau délai de 60 jours. 

Des manifestants bloquent l'entrée du Parlement aux troupes de la loi martiale

Des manifestants bloquent l'entrée du Parlement aux troupes de la loi martiale

Près de huit ans après la destitution de Park Geun-hye, l'histoire bégaie. Déjà, une présidente de la République conservatrice avait été destituée à la suite du vote d'une motion de destitution par une partie des députés du parti présidentiel, ayant renforcé les voix de l'opposition. A l'époque, son adversaire démocrate malheureux à la précédente élection présidentielle, Moon Jae-in, avait remporté l'élection présidentielle anticipée. A nouveau aujourd'hui, Lee Jae-myung, battu de peu à l'élection présidentielle de 2022 par Yoon Seok-yeol, fait figure de favori pour lui succéder - à condition que la Cour constitutionnelle valide la motion de destitution. Dans l'histoire de la République de Corée depuis le rétablissement de la démocratie en 1987, une troisième motion de destitution contre un chef de l'Etat sud-coréen, le démocrate Roh Moo-hyun, n'avait pas franchi le seuil du contrôle de constitutionnalité en 2004 - et le président Roh avait alors repris ses fonctions.

Mais les comparaisons avec le précédent de la présidente Park Geun-hye s'arrêtent là : les chefs d'accusation contre Yoon Seok-yeol - à savoir une tentative d'insurrection - sont autrement plus graves. Quant au parti présidentiel, il a tout fait pour sauver son leader, tout d'abord en ne votant pas une première motion de destitution, puis en laissant à Yoon Seok-yeol un délai pour démissionner. Cette ultime tentative s'était heurtée à une attitude de refus de Yoon Seok-yeol, déterminé à rester en place et à exercer le pouvoir tant qu'il ne serait pas condamné. Croit-il sérieusement prouver que sa tentative de coup d'Etat était justifiée ?

Dans ce contexte, le dirigeant du PPP Han Dong-hoon a cette fois laissé les députés du parti majoritaire voter en leur âme et conscience une seconde motion de destitution : aux 192 députés de l'opposition se sont joints 12 des 108 députés du PPP, permettant, avec 204 votes pour la motion, de franchir - de justesse - le seuil constitutionnel des deux tiers des parlementaires (200). 85 députés du PPP ont voté contre la motion, 8 se sont abstenus et 3 ont voté blanc ou nul. La motion de destitution de Park Geun-gye avait été adoptée par une fraction plus importante de députés de son parti, dont plusieurs avaient ensuite formé de nouveaux partis, classés au centre-droit de l'échiquier politique, qui n'avaient ensuite pas réussi à briser le bipartisme traditionnel en Corée du Sud entre les démocrates et les conservateurs.

Une explosion de joie a accueilli, partout en Corée, le vote de la motion de destitution du plus autoritaire président qu'ait connu la République de Corée depuis 1987. Comme en 2017, il est probable que les conservateurs vont essayer de faire bloc autour de Han Duck-soo pour sauver ce qu'ils peuvent de leur pouvoir, quitte à agiter la menace de la subversion des ennemis de l'intérieur et de l'extérieur, avant une élection présidentielle anticipée qui semble désormais inéluctable.

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8 décembre 2024 7 08 /12 /décembre /2024 12:49

Le 7 décembre 2024, la motion de destitution contre le Président Yoon Seok-yeol, qui avait tenté quelques jours plus tôt d'abolir la démocratie en décrétant la loi martiale, n'a pas été adoptée par l'Assemblée nationale de la République de Corée (Rdc, Corée du Sud). En effet, en raison du refus de siéger de la quasi-totalité des députés du parti présidentiel (Parti du pouvoir au peuple, PPP, conservateur), le quorum des deux tiers des sièges (soit 200 sur 300) n'a pas été atteint : aux 192 députés de l'opposition, signataires de la motion de destitution, ne s'étaient joints que 3 députés du PPP.

Manifestations à Séoul après la proclamation de la loi martiale

Manifestations à Séoul après la proclamation de la loi martiale

En présentant publiquement ses excuses quelques heures avant le vote crucial de l'Assemblée nationale sur la motion de destitution, le Président Yoon Seok-yeol a alors remis son destin entre les mains du PPP, dirigé par l'un de ses adversaires, Han Dong-hoon. Le lendemain du rejet de la motion de destitution, Han Dong-hoon et le Premier ministre Han Duck-soo (qui exercerait les fonctions de chef de l'Etat par intérim en cas de départ de Yoon Seok-yeol) se sont prononcés pour "un départ anticipé et de manière ordonnée" du Président Yoon Seok-yeol, selon eux pour prévenir le "chaos". En d'autres termes, le chef de l'Etat démissionnerait - sans qu'aucune date ne soit fixée. La priorité pour le PPP semble manifestement l'adoption d'un budget 2025 conforme à leurs attentes, alors que la majorité démocrate au Parlement - confirmée par les élections législatives d'avril dernier - ne permettait déjà plus au Président Yoon de réellement gouverner, ce qui l'avait conduit à décréter la loi martiale pour reprendre la main - par l'abolition de la vie politique et de la liberté des médias. 

L'opposition a vivement dénoncé des manoeuvres du camp présidentiel pour tenter de conserver le pouvoir. Dirigeant le Parti démocrate, principale force d'opposition, Lee Jae-myung a ainsi réagi aux déclarations de Han Dong-hoon et Han Duck-soo :

Le chef du parti au pouvoir et le Premier ministre sont en train de détruire de nouveau l'ordre constitutionnel (...) [Le plan de Han Dong-hoon et Han Duck-soo consiste à] maintenir une situation d'insurrection en plaçant sur les devants de la scène une force complice dans cette insurrection, et avec Yoon continuant secrètement de tirer les ficelles.

Lee Jae-myung est le favori des sondages en cas d'élection présidentielle, après avoir été l'adversaire malheureux de Yoon Seok-yeol au scrutin de 2022. Fin 2023, il avait engagé une grève de la faim après des poursuites judiciaires qu'il avait dénoncées comme téléguidées par l'exécutif, après la levée surprise de son immunité à la suite du vote de députés de son propre parti (appartenant à une faction concurrente de la sienne) : la proximité partisane des juges sud-coréens avec les conservateurs - selon l'opposition démocrate - est l'un des défis majeurs de la démocratie sud-coréenne, ce qui interroge sur l'issue de poursuites judiciaires auxquelles reste exposé Yoon Seok-yeol après l'échec de la motion de destitution, et que réclament l'opposition et les manifestants. Son immunité comme chef d'Etat ne couvre pas les chefs d'accusation de rébellion et de trahison : dans le cas présent, la rébellion apparaît de nature à être retenue.

Il est patent que la majorité présidentielle ne veut pas d'élection présidentielle dans un délai trop rapproché car le scrutin signerait probablement la perte par les conservateurs de tous les leviers du pouvoir, comme après la destitution de la présidente Park Geun-hye fin 2016.

Les dirigeants occidentaux, alliés de la République de Corée, se sont divisés. Les Etats-Unis, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni ont déploré la tentative de coup d'Etat. D'autres (France, Italie, Israël) ont adopté une posture plus attentiste, ce qui traduit une politique du deux poids deux mesures sur les atteintes aux droits de l'homme selon qu'elle sont commises par un allié ou un adversaire - comme le disait Franklin D. Roosevelt en 1939 à propos du président du Nicaragua Anastasio Somoza Garcia :

C'est peut-être un salaud, mais c'est notre salaud.

C'est probablement également ce que pensent les pontes du PPP. Une telle situation ne peut qu'attiser la colère des Coréens, que le Président Yoon - dont la popularité était déjà en berne à la veille de sa tentative de coup de force - voulait interdire de manifester en proclamant la loi martiale, car ils auraient été soi-disant manipulés par la Corée du Nord... Les immenses manifestations des Coréens - y compris à Paris, ce samedi 7 décembre - exigent le départ du pouvoir d'un homme qui en a déshonoré la pratique.

La crise actuelle en République de Corée montre combien les pouvoirs d'exception, loin d'être une garantie en démocratie en cas de circonstances exceptionnelles, peuvent au contraire servir de prétexte à confisquer le pouvoir par des chefs d'Etat peu soucieux de démocratie. Le choix par le Président Yoon de la loi martiale atteste aussi qu'il considérait un coup d'Etat militaire comme une option acceptable, alors que la République de Corée était encore dirigée par une junte en 1987. Faudra-t-il atteindre la disparition de la génération ayant grandi sous le régime militaire (Yoon est né en 1960) pour qu'une fraction de l'opinion sud-coréenne, obsédée par le péril communiste à laquelle elle assimile l'exercice des libertés politiques et syndicales, arrête de faire arbitrer par un putsch les conflits politiques avec une opposition dirigée par des démocrates - dont les options politiques sont proches de celles de leurs homologues américains, et éloignées même de la social-démocratie européenne ? 

Relativement comparable à celui américain (avec cette différence notamment qu'un Premier ministre dirige le gouvernement à Séoul), le système politique sud-coréen est issu d'un compromis après le rétablissement de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct en 1987. En cas de discordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire, rien n'oblige le chef de l'Etat à une cohabitation. Yoon Seok-yeol n'a jamais eu de majorité parlementaire depuis son accession au pouvoir en 2022, et il a échoué à en obtenir une lors des législatives du printemps dernier. Il n'existe pas aujourd'hui, en République de Corée, de modalités satisfaisantes pour résoudre les conflits de pouvoir entre le législatif et l'exécutif : il est temps d'envisager des procédures de droit ou de fait, comme le principe d'une cohabitation ou la démission du Président de la République en cas d'échec aux élections législatives, la possibilité de mettre fin à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct couplée ou non à celle de le cantonner à un rôle d'arbitre (comme en Autriche et en Allemagne), en confiant la direction du pouvoir exécutif à un Premier ministre investi par une majorité de députés. Les Sud-Coréens ont montré leur attachement courageux et déterminé à la démocratie en défendant le Parlement que l'armée tentait d'investir après la proclamation de la loi martiale : nul doute qu'ils sauront instaurer des mécanismes institutionnels et politiques afin d'empêcher que la tentative de coup d'Etat du 4 décembre 2024 ne se reproduise. 

Sources :

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4 décembre 2024 3 04 /12 /décembre /2024 12:07

Après l'échec du président conservateur Yoon Seok-yeol à imposer la loi martiale (il y a lui-même renoncé après le vote contre de 190 députés sur 300), les partis d'opposition ont déposé ce 4 décembre 2024 une motion de destitution du chef de l'Etat. Elle n'a cependant été signée par aucun député de la majorité présidentielle du Parti au pouvoir au peuple, dont le dirigeant Han Dong-hoon a proposé le départ du ministre de la défense qui avait proposé l'instauration de la loi martiale.

Portrait officiel du Président Yoon Seok-yeol

Portrait officiel du Président Yoon Seok-yeol

La démocratie est un processus fragile : les événements des dernières heures en République de Corée l'ont rappelé. Sans le courage des députés et des citoyens, le président Yoon aurait imposé une loi martiale qui aurait mis fin à toute activité politique et instauré le contrôle des médias. Si l'ancien procureur de la République, déjà connu pour son autoritarisme, a échoué, il a essayé d'opérer un amalgame entre les oppositions politiques et syndicales et bien sûr la Corée du Nord, épouvantail habituel des aventures autoritaires au Sud de la péninsule comme justificatif de l'acte de décès de la démocratie sud-coréenne.

Reste désormais à savoir s'il subira le même sort que sa prédécesseur Park Geun-hye, destituée en 2016, qui en comparaison apparaissait comme un parangon de démocratie, et sur laquelle - comble de l'ironie - il s'était acharné comme juge. 

Si désormais une fraction de son propre parti vote la destitution, le seuil de deux tiers des députés sera atteint, permettant à celle-ci d'être adoptée. Mais même le quotidien Chosun Ilbo (extrême-droite) dénonce le président Yoon. 

Sources : 

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3 décembre 2024 2 03 /12 /décembre /2024 20:07

Le 3 décembre 2024, le président sud-coréen Yoon Seok-yeol (Pouvoir au peuple, conservateur) a décrété la loi martiale en accusant l'opposition (à majorité démocrate) de "tentative de renversement du régime". Alors que le président du Parti démocrate Lee Jae-myung a dénoncé la proclamation de la loi martiale comme "illégale et anticonstitutionnelle", l'Assemblée nationale a réagi en demandant la levée de la loi martiale par une majorité de 190 sièges (sur 300), l'opposition - qui détient une majorité de sièges au Gukhoe - étant rejointe par 18 députés (sur 108) du parti Pouvoir au peuple, tandis que les autres députés de la majorité présidentielle étaient absents de l'hémicycle au moment du vote. Si l'incertitude règne sur les suites de cette crise politique, il est patent que le Président Yoon Seok-yeol a cherché à surmonter un conflit politique avec la majorité du Parlement par le recours à des procédures d'exception de manière anticonstitutionnelle : une telle façon de faire s'apparente à une tentative de coup d'Etat militaire, car ayant utilisé l'armée qui avait été lancée à l'assaut du Parlement. Des appels à la destitution du chef de l'Etat ont été lancés. 

Le Parlement sud-coréen issu des législatives du 10 avril 2024 : Parti progressiste: 3 sièges   Reconstruire la Corée: 12 sièges   Nouvelle alliance progressiste: 2 sièges   Parti démocrate: 169 sièges  Indépendants: 2 sièges  Nouveau parti du futur: 1 siège   Nouveau parti de la réforme: 3 sièges  Pouvoir au peuple: 90 sièges   Parti du futur du peuple: 18 sièges

Le Parlement sud-coréen issu des législatives du 10 avril 2024 : Parti progressiste: 3 sièges Reconstruire la Corée: 12 sièges Nouvelle alliance progressiste: 2 sièges Parti démocrate: 169 sièges Indépendants: 2 sièges Nouveau parti du futur: 1 siège Nouveau parti de la réforme: 3 sièges Pouvoir au peuple: 90 sièges Parti du futur du peuple: 18 sièges

Depuis son élection en 2022, le président Yoon Seok-yeol n'a jamais disposé d'une majorité au Parlement, étant à nouveau désavoué lors des élections législatives du 10 avril 2024. Dans ce contexte, les tensions avec les démocrates (opposition, centre à centre-gauche) sont allées croissantes : en particulier, un projet de budget réduit pour 2025 a été adopté par la commission du budget, tandis qu'ont été déposées des motions de destitution contre le chef de la Commission de contrôle et d'inspection, d'une part, le plus haut procureur du Parquet central du district de Séoul, d'autre part. 

Durant une conférence de presse réunie d'urgence au bureau présidentiel, le président Yoon Seok-yeol, dont le taux de popularité est très faible, a justifié en ces termes la première proclamation de la loi martiale depuis le rétablissement de la démocratie en République de Corée (la précédente loi martiale, en 1981, avait justifié un bain de sang par la junte militaire alors au pouvoir à Séoul) : 

Je protégerai et rétablirai une république de Corée libre qui est tombé dans un abîme à travers cette loi martiale et j'éradiquerai les forces anti-étatiques qui ruinent la nation et le noyau qui a fait le mal (...) C'est une mesure inévitable pour protéger la liberté, la sécurité et la durabilité de la nation contre les forces anti-étatiques qui visent le renversement du régime.

Les forces militaires de la loi d'urgence ont tenté d'investir le Parlement mais en ont été empêchées par la majorité démocrate, soutenue par des citoyens, qui s'est barricadée.

Une mesure aussi lourde de conséquences pour la démocratie que la proclamation de la loi martiale aurait évidemment nécessité un respect des procédures. Selon l'article 77 de la Constitution, le chef de l'Etat doit immédiatement informer l'Assemblée nationale de la déclaration de la loi martiale et celle-ci doit être levée si une majorité de députés s'y oppose. Le choix du président Yoon de s'adresser directement au peuple en court-circuitant le Parlement relève d'un détournement de pouvoir. Le vote de refus de la loi martiale par les parlementaires est intervenu avec un soutien transpartisan, incluant les quelques députés centristes et la faction du parti Pouvoir au peuple hostile au président de la République, animée par le chef du parti, Han Dong-hoon. 

Cho Kuk, qui préside le Parti de la reconstruction de la Corée (opposition, démocrate), a appelé à la destitution du Président Yoon Seok-yeol, coupable selon lui de "rébellion militaire" : 

Nous ne sommes pas en état d'alerte (à l'heure actuelle) et (la déclaration de la loi martiale) n'est pas passée par une réunion du cabinet (...) Le président ne fait pas l'objet d'enquêtes pour des crimes sauf la rébellion, mais la déclaration de la loi martiale de Yoon équivaut à une rébellion militaire et doit faire l'objet d'une enquête immédiate (...) La loi martiale a été levée, mais nous devrons procéder à la destitution (de Yoon) dès que la situation se sera stabilisée.

Sources : 

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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 11:32

Lors des élections législatives du 10 avril 2024 en République de Corée (Corée du Sud), la chanteuse Kim Jae-won - plus connue sous son nom de scène RIAA - a été élue députée : elle figurait en 7e place sur la liste de l'ancien ministre démocrate Cho Kuk, fondateur du parti Reconstruire la Corée qui a obtenu 12 sièges. Alors qu'il est rare que les vedettes du showbiz coréen s'engagent en politique (à la différence de l'Inde et, dans une moindre mesure, du Japon), cette figure de la scène rock alternatif coréenne a mis en avant la lutte contre un système judiciaire qu'elle estime corrompu pour justifier de devenir une actrice de la scène politique.

Kim Jae-won (RIAA)

Kim Jae-won (RIAA)

Née en 1975, Kim Jae-won, fille d'un père alpiniste, a grandi au Népal. Interprète de pansori lors de ses études, elle est aussi une admiratrice de Simon et Garfunkel, ce qui l'a guidée dans son choix de devenir chanteuse en ayant commencé par interpréter des titres de Whitney Houston, notamment la chanson phare The greatest love of all à l'antenne de MBC. En activité depuis 1994, ses titres Tears et Personality l'ont propulsée sur le devant de la scène musicale en mêlant les styles rock moderne et pop. Tout en étant professeur de chant à l'Université des arts de Baekje, elle mène en parallèle une carrière de pilote de course : elle a remporté en mars 2010 le championnat de Corée de courses de dragsters à bord d'un modèle Hyundai Genesis Coupé.

Touche à tout, RIAA est entrée en politique à l'occasion d'un concert donné en 2012 pour la campagne de la candidate conservatrice Park Geun-hye. Ayant ensuite regretté ce choix qui selon elle ne correspondait pas à ses opinions politiques, mais était guidé par la recherche d'une rémunération, elle rejoint le camp démocrate en 2017 en entendant un discours de son candidat Moon Jae-in, qui succède à Park Geun-hye, destituée quelques mois plus tôt, à la présidence de la République. Indignée par le scandale de manipulation de cours boursiers impliquant l'épouse de l'actuel chef de l'Etat, Kim Jae-won a mené campagne aux côtés de Cho Kuk pour dénoncer l'influence des procureurs et l'instrumentalisation politique de la justice. Le chef des démocrates vainqueurs du scrutin du 10 avril 2024, Lee Jae-myung, avait d'ailleurs engagé une grève de faim pour protester contre ce qu'il considérait comme un acharnement judiciaire à son encontre. 

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10 avril 2024 3 10 /04 /avril /2024 22:04

Alors que les sondages avaient un temps laissé entrevoir une possible victoire du parti Pouvoir au peuple du président conservateur Yoon Seok-yeol, permettant à ce dernier d'espérer ainsi pouvoir mener son programme, les élections générales du 10 avril 2024 en République de Corée (Corée du Sud) ont finalement conforté la majorité démocrate qui détenait déjà l'opposition dans le Parlement sortant - sans toutefois atteindre le seuil des deux tiers des sièges qui aurait permis de mener une révision constitutionnelle sans consensus bipartisan, de passer outre les vetos du chef de l'Etat, voire d'engager à son encontre une procédure de destitution, à l'instar de celle ayant frappé son prédécesseur Park Geun-hye.  [Article mis à jour le 11 avril 2024 avec les résultats définitifs]

 

Cho Kuk, ancien ministre démocrate de la justice (au centre), réagit à l'annonce des premiers résultats

Cho Kuk, ancien ministre démocrate de la justice (au centre), réagit à l'annonce des premiers résultats

Le parti Pouvoir au peuple (conservateur) et ses alliés n'ont obtenu que 108 sièges sur les 300 du Parlement. Les démocrates et leurs alliés (dont le Parti du revenu de base et le Parti progressiste, marqué à gauche et qui a finalement conclu un accord électoral) sont crédités de 176 sièges, auxquels il faut ajouter les 12 sièges qu'a remportés Reconstruire la Corée, qui ne concourait que pour les 54 sièges attribués au scrutin proportionnel, et qui était mené par l'ancien ministre de la justice Cho Kuk. Ayant pratiquement fait jeu égal avec les démocrates pour les sièges attribués à la proportionnelle (24,25 % contre 26,69 %), Reconstruire la Corée est un des grands vainqueurs du scrutin, toujours proche de l'opposition démocrate. Poursuivi par la justice, Cho Kuk a dénoncé le pouvoir des procureurs, réputés conservateurs - Yoon Seok-yeol étant lui-même un ancien procureur, par ailleurs mis en cause pour le manquement supposé à la probité de son épouse Kim Keon-hee, éclaboussée par un possible scandale de manipulation de cours boursiers.  L'instrumentalisation manifestement de la justice à des fins politiques est un sujet de préoccupation pour les droits de l'homme en Corée du Sud.  

Dans ce contexte, les autres formations n'ont réalisé que de très faibles scores. En dehors des deux principaux blocs, et de la formation Reconstruction de la Corée, seul le Nouveau parti de la réforme, centriste qui n'est aligné sur aucune des deux principales coalitions, a franchi la barre des 3 % (3,61 %) pour obtenir des sièges au scrutin proportionnel (2 sièges), auxquels s'ajoute un siège obtenu dans les circonscriptions. Le Parti du nouveau futur (1,70 % au scrutin de liste) a aussi remporté un siège au scrutin majoritaire. Pour sa part, le Parti de la Justice (social-démocrate), allié pour la première fois aux écologistes, n'a obtenu que 2,14 % des voix au scrutin proportionnel et n'est plus représenté au Gukhoe. Toujours à gauche, le Parti du travail (0,09 %) et le Parti du futur (0,04 %), mené par un ancien objecteur de conscience, Oh Tae-yang, concouraient sous leurs propres couleurs. Les seuls députés de gauche au Parlement, 3 membres du Parti progressiste, ont été élus en coalition avec les démocrates. Les chrétiens évangélistes, ultra-conservateurs, ont une nouvelle fois échoué à faire élire des députés au scrutin de liste (2,26 %).

Le scrutin majoritaire tend toutefois à amplifier les mouvements électoraux. Si les conservateurs sont lourdement défaits en nombre de sièges, ils remportent encore 36,67 % des voix au scrutin proportionnel et restent la seule alternative aux démocrates susceptible de devenir majoritaire.

Mais le président Yoo Seok-yeol, issu de leurs rangs et que la Constitution n'autorise pas à se représenter immédiatement à l'issue de son mandat, en 2027, apparaît d'ores et déjà marginalisé. Il lui reste le pouvoir de continuer à opposer son veto aux réformes que continuera d'adopter la majorité démocrate au Parlement, aucun dispositif institutionnel ne l'obligeant à choisir un Premier ministre issu de l'opposition. Il devrait en tout cas rester dans les annales politiques comme le premier président sud-coréen à n'avoir pas eu de majorité parlementaire pendant tout son mandat.

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10 mars 2024 7 10 /03 /mars /2024 14:18

Le 10 avril 2024, les Sud-Coréens renouvelleront les 300 sièges du Parlement monocaméral - attribués suivant un mode de scrutin mixte (254 sièges répartis au scrutin majoritaire à un tour, et 46 sièges au scrutin proportionnel pour les formations ayant recueilli plus de 3 % des voix au scrutin de liste). Alors que, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les démocrates avaient remporté une large victoire en 2020, le président conservateur Yoon Seok-yeol, entré en fonctions en 2022, compte obtenir une majorité parlementaire pour pouvoir mettre en oeuvre le programme sur lequel il a été élu. 

Intentions de vote selon un sondage de l'Institut Realmeter réalisé les 28 et 29 février 2024. En bleu à gauche : les démocrates, immédiatement sur leur droite en rouge : les conservateurs.

Intentions de vote selon un sondage de l'Institut Realmeter réalisé les 28 et 29 février 2024. En bleu à gauche : les démocrates, immédiatement sur leur droite en rouge : les conservateurs.

Avec une majorité de 163 sièges sur 300 (contre 113 pour les conservateurs), le Parti démocratique de Corée a non seulement mis en échec les projets du président Yoon mais a également utilisé ses pouvoirs de contrôle - en particulier, en adoptant un projet de loi tendant à désigner un procureur spécial pour enquêter sur une possible manipulation du cours de l'action de Deutsch Motors au profit de Kim Keon-hee, épouse du chef de l'Etat. Peu après le début de son mandat, ce dernier avait été affaibli par la bousculade mortelle survenue à Itaewon en octobre 2022. Le Président de la République a opposé son veto à de multiples reprises, devenant le chef de l'Etat à y recourir le plus fréquemment depuis la présidence de Syngman Rhee.


Alors que les démocrates dominaient largement les conservateurs dans les sondages jusqu'en janvier 2024, et ont bénéficié d'un courant de sympathie après la tentative d'assassinat au poignard, en janvier 2024, contre le chef de l'opposition Lee Jae-myung qui a dénoncé une cabale judiciaire à son encontre, la situation s'est retournée en février et a depuis lors globalement tourné à l'avantage des conservateurs. Les démocrates (39,1 %) sont distancés de 7 points par les conservateurs de Pouvoir au peuple (PPP), crédités de 46,7 % des intentions de vote, dans le dernier sondage de Realmeter réalisé fin février 2024.

Pour le Président Yoon Seok-yeol, un échec aux législatives le placerait, comme nombre de ses prédécesseurs, dans une situation de canard boîteux jusqu'à la fin de son mandat - d'autant qu'en Corée du Sud, le chef de l'Etat n'est pas immédiatement rééligible. Ses projets de réformes libérales portent sur la santé, l'éducation, le travail et les pensions - ainsi qu'une relance de l'économie. Sa fermeté face à la grève des médecins, qui en Corée du Sud bénéficient de salaires plus élevés et sont relativement peu nombreux, a joué en sa faveur. En effet, une majorité de l'opinion considèrent que les praticiens veulent préserver un statu quo qui leur est favorable en maintenant une rareté de l'offre médicale par une opposition à une hausse de la population médicale, cette situation leur permettant de disposer de rémunérations plus fortes que dans les autres pays industrialisés.

Si le mode de scrutin essentiellement majoritaire laisse peu de places aux autres formations politiques, celles-ci seraient dans une position charnière dans l'hypothèse où les élections conduiraient à une absence de majorité absolue pour l'un des deux principaux partis. Ceux-ci ont d'ailleurs récemment subi des scissions, comme souvent à l'approche des élections. Issu du PPP du chef de l'Etat, le nouveau Parti de la réforme (NPR) de l'ancien Premier ministre Lee Nak-yon a organisé son congrès fondateur le 20 janvier 2024 puis a fusionné quatre jours plus tard avec la formation Espoir de la Corée de Yang Hyang-ja, suscitant un certain élan lui permettant d'espérer occuper à nouveau l'espace du centre (jusqu'à 6 % des intentions de vote). Mais un mois plus tard, le 20 février 2024, Lee Nak-yon a quitté la coalition en formant avec d'anciens démocrates le Parti du nouveau futur (PNF). Le NPR (2 à 3 % des intentions de vote) et le PNF (1 à 2 % des intentions de vote) ont chacun 4 sièges dans l'assemblée sortante. En revanche, le Parti du revenu de base (1 siège) a annoncé reconduire sa coalition électorale avec les démocrates. Toutefois, la principale formation tierce - en dehors de la gauche, sur laquelle nous reviendrons - devrait être le Parti de l'innovation de la patrie (1 siège), constitué le 3 mars 2024 par l'ancien ministre démocrate de la Justice Cho Kuk, et qui dénonce une dictature judiciaire conduite par le président Yoon Seok-yeol, lui-même ancien procureur : pour le scrutin de liste désignant les 46 sièges attribués à la proportionnelle, la nouvelle formation était créditée, début mars, de 13 % à 15 % des intentions de vote, ce qui lui assurerait ainsi une représentation parlementaire si elle confirme sa popularité dans les urnes jusqu'au 10 avril.

Tel n'est pas le cas en revanche de la gauche, qui n'a jamais abordé les élections législatives dans une telle situation de faiblesse. Le Parti de la justice (6 sièges) a formé une alliance avec le Parti vert de Corée, qui jusqu'ici n'a jamais élu d'élus, tant localement que nationalement. Le parti Vert-Justice obtient de 0,5 % à 2 % des intentions de vote. Son rival à gauche, le Parti progressiste, revenu au Parlement à l'occasion d'une législative partielle en avril 2023, est crédité de 1 % à 2 % des intentions de vote, alors qu'il faut au moins 3 % des voix pour obtenir une partie des sièges répartis au scrutin proportionnel. 

Les élections législatives n'ont de réelle portée que pour les mesures de politique intérieure. Il ne semble pas que la situation internationale - qu'il s'agisse des tensions avec le Nord ou de la guerre entre Israël et le Hamas, la guerre en Ukraine étant ici perçue comme lointaine - puisse avoir un impact décisif. Le temps où soufflait "le vent du Nord" (les démocrates étant favorables au dialogue intercoréen, à la différence des conservateurs) semble bien loin. Même si certains observateurs estiment que Pyongyang préfèrerait une majorité démocrate au Gukhoe sud-coréen, la convergence objective d'intérêts entre les "faucons" du Nord et du Sud de la péninsule permet d'en douter. 

Sources : 

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