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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 23:50

 

DeuxCor-e.jpgLe 24 mai 2010, le président sud-coréen Lee Myung-bak a dévoilé les mesures de représaille qu'il entend prendre contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) accusée d'avoir torpillé la corvette Cheonan le 26 mars. Les sanctions que Séoul veut mettre en œuvre constituent une étape supplémentaire, peut-être irréversible, dans la dégradation des relations intercoréennes, dégradation entamée dès l’entrée en fonction, en février 2008, du gouvernement conservateur de Lee Myung-bak. Ce dernier semble vouloir profiter du naufrage du Cheonan imputé à la RPDC pour imposer sa vision des relations intercoréennes. Les mesures de rétorsion annoncées sont intolérables pour la RPDC qui nie toute implication dans ce naufrage, d'autant que plusieurs éléments font douter des conclusions de l'enquête menée par une commission composée d'experts sud-coréens, américains, canadiens, britanniques et suédois, et des conditions mêmes dans lesquelles cette enquête a été conduite. La seule chose certaine dans l'incident du Cheonan est le parti que les conservateurs sud-coréens peuvent en tirer à la veille d'importantes élections.


On sait que le président conservateur sud-coréen Lee Myung-bak n'a jamais été un chaud partisan du rapprochement intercoréen initié par ses prédécesseurs libéraux Kim Dae-jung (1998-2003) et Roh Moo-hyun (2003-2008). En 2008, Lee Myung-bak avait même le projet de supprimer le ministère de la Réunification, les relations intercoréennes devant alors être du ressort du ministère des Affaires étrangères. Ce projet fut abandonné en raison du tollé suscité en Corée du Sud, mais le ministère de la Réunification fut confié à Hyun In-taek, farouchement hostile au rapprochement entre les deux Corée.


Le naufrage de la corvette Cheonan, le 26 mars 2010, et les accusations lancées contre la Corée du Nord à l'issue d'une enquête qui se voulait scientifique et objective mais dont les résultats sont loin de convaincre tout le monde, y compris en Corée du Sud, fournissent au gouvernement Lee Myung-bak un prétexte pour exercer sur la Corée du Nord  - qui nie toute implication - des menaces et pressions à la fois physiques et psychologiques. C'est le sens des mesures de rétorsion annoncées le 24 mai : l'armée sud-coréenne va reprendre la diffusion de messages de propagande par tracts et par haut-parleurs à la frontière avec le Nord ; des manœuvres sous-marines conjointes vont être organisées avec les Etats-Unis en mer de l'Ouest ; le détroit de Jeju, à l'extrême sud de la péninsule coréenne, va être fermé aux navires nord-coréens ; la Corée du Sud va suspendre ses relations commerciales avec la RPDC, y stopper tout investissement, et restreindre les contacts entre Coréens du Sud et du Nord. Sur le plan diplomatique, Séoul veut saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies pour alourdir les sanctions déjà en place contre la RPDC et en adopter de nouvelles.


Le gouvernement Lee Myung-bak a donc une occasion unique de tirer un trait sur tous les progrès du rapprochement intercoréen accomplis depuis la Déclaration Nord-Sud du 15 janvier 2000 et qui lui faisaient tant horreur. Mieux, l'affaire du Cheonan survient à la veille des élections régionales du 2 juin en Corée du Sud, lesquelles constitueront un véritable test de l'opinion publique vis-à-vis du gouvernement conservateur et un prélude aux élections parlementaires et présidentielles prévues en 2012.


Pour l'agence de presse officielle de RPDC, KCNA, l'affaire du Cheonan permet de faire souffler sur le prochain scrutin le « vent du Nord », expression désignant l'utilisation récurrente de la Corée du Nord comme thème de campagne électorale en Corée du Sud. Pour KCNA, il s'agissait, dès le 26 mars, d'établir un lien entre le naufrage du Cheonan et la RPDC. L'enquête sur les causes du naufrage du Cheonan n'a donc été « ni objective, ni menée sur une base scientifique, mais fondée sur des préjugés et l'arbitraire » pour faire souffler sur les prochaines élections régionales sud-coréennes ce fameux « vent du Nord ».


Faisant la liste des preuves produites par l'équipe internationale d'enquête, « 'une petite quantité d'ingrédients de poudre', 'des fragments d'alliage', un élément de 1,5 mètre de long appartenant à la partie arrière d'une torpille, avec écrit dessus 'dans le style d'écriture du Nord' la mention 'N ° 1', et diverses autres 'preuves matérielles définitives' », KCNA qualifie ces éléments d' « absurdes de A à Z ».


KCNA évoque le « groupe de traîtres [qui a employé] tous les moyens de contrôle, écartant en permanence les hypothèses et avis ne servant pas un scénario qu'il a élaboré, et recourant à la menace et au chantage tout au long de l'enquête ». La « version d'une implication du Nord » a pu ainsi tranquillement se répandre et enfler pour devenir « l'implication directe du Nord » puis « l'attaque à la torpille par le Nord », alors que les preuves pouvant réfuter une quelconque implication de la RPDC dans cette affaire « étaient oubliées les unes après les autres, ou carrément exclues de l'enquête ». Pour KCNA, la plus typique de ces preuves - à décharge - écartées est la turbine à gaz du Cheonan, « principal élément permettant de prouver la cause du naufrage  ».


Pour faire souffler le « vent du Nord », le gouvernement sud-coréen, qualifié de « clique fantoche » par KCNA, « défie les preuves scientifiques et les procédures objectives après avoir concocté une farce grossière destinée à surmonter sa crise actuelle. »


Et KCNA de conclure :


« Cette farce de brigand est un crime hideux à faire figurer dans l'histoire des relations intercoréennes en ce qu'elle constitue une négation ouverte et un rejet total de l'ère de réunification du 15 juin.


« L'armée et le peuple de la RPDC considèrent durement les actions du groupe de traîtres qui cherche à étouffer des compatriotes en imputant à la RPDC les causes du naufrage du navire, et se tiennent eux-même prêts à prendre des contre-mesures décisives.


« Si les forces fantoches sud-coréennes montrent, avec le soutien des impérialistes américains, le moindre signe de la moindre provocation, qu'elle soit politique, militaire ou économique, nous réagirons immédiatement avec les tactiques appropriées pour les éliminer un par un, pour éliminer tous les déchets de la nation de la péninsule coréenne, et pour construire sur celle-ci une Corée réunifiée, riche et puissante, où tous les Coréens connaîtront la prospérité.


« Nous ne traiterons jamais avec la Corée du Sud tant que la clique de traîtres de Lee Myung-bak, imprégnée jusqu'à la moelle des os d'une hostilité morbide à l'égard de la RPDC, restera à Cheongwadae [la Maison Bleue, siège de la présidence sud-coréenne]. 


« L'histoire et la vérité sont vouées à être éclaircies et les tricheurs ne pourront pas échapper au jugement sévère de la justice quel que soit le délai de prescription. »


D'ores et déjà, le 25 mai, le Comité pour la réunification pacifique de la Corée, en charge des relations Nord-Sud en RPDC, a annoncé huit contre-mesures :


- rupture des relations intercoréennes,

- arrêt de tout contact avec le gouvernement sud-coréen actuel jusqu’à la fin du mandat de Lee Myung-bak,

- fermeture du bureau de liaison de la Croix-Rouge à Panmunjeom,

- coupure des lignes de communication intercoréennes,

- gel du bureau de coopération économique de la zone industrielle conjointe de Kaesong et expulsion des personnels sud-coréens,

- réplique contre les moyens de propagande à destination du Nord,

- interdiction de circulation des avions et navires sud-coréens dans les eaux territoriales et l'espace aérien nord-coréens,

- application des lois de la guerre pour tous les problèmes liés aux relations intercoréennes.


La réaction très ferme de la RPDC face aux allégations et aux mesures prises contre elle montre que, dans l'affaire du Cheonan, la manipulation des preuves par le gouvernement sud-coréen à des fins électorales pourrait ruiner de manière irrémédiable tous les progrès accomplis entre les deux Corée depuis dix ans. Au vu de ses antécédents, c'était peut-être ce qu'espérait le gouvernement Lee Myung-bak.

 

 

Sources principales :

 KCNA, "Military Commentator on Truth behind 'Story of Attack by North'", 25 mai 2010

KCNA, "CPRK Declares Resolute Actions against S. Korea", 25 mai 2010

Yonhap, « Elections régionales : la campagne officielle a débuté », 20 mai 2010

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 10:22

Le 20 mai 2010, une commission d'enquête internationale, composée d'experts sud-coréens, américains, britanniques, australiens et suédois, a conclu que la seule explication "plausible" au naufrage d'une corvette sud-coréenne, le Cheonan, le 26 mars dernier, était le lancement d'une torpille par un sous-marin nord-coréen. La Commission de la défense nationale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a dénoncé un résultat d'enquête "falsifié", en proposant - fait sans précédent - l'envoi de sa propre équipe d'enquête sur place, en précisant qu' "il faut qu’on nous donne les preuves matérielles". Les preuves matérielles soulèvent effectivement de nombreuses interrogations : nous reproduisons ci-après la traduction d'un article du quotidien sud-coréen Hankyoreh, proche de l'opposition, sur les questions soulevées après l'annonce des résultats de l'enquête sur le Cheonan.  

 

L'équipe d'enquête conjointe militaire et civile a présenté jeudi des fragments d'hélice d'une torpille nord-coréenne comme une preuve concluante de la cause du naufrage du Cheonan. Des questions demeurent cependant, comme la raison pour laquelle aucun sous-marin nord-coréen n'a été découvert après l'attaque du Cheonan.

 

Un sous-marin furtif ?

 

L'équipe d'enquête a déclaré qu'un sous-marin nord-coréen de type Sango et un sous-marin de type Yono avaient quitté leur base navale sur la Mer de l'Ouest quelque deux ou trois jours avant l'attaque et étaient retournés à leur base deux à trois jours après l'attaque. Elle a établi que le sous-marin Yono avait conduit l'attaque.

 

Un Sango, littéralement un requin, pèse 300 tonnes, tandis qu'un Yono, un saumon, pèse 130 tonnes.

 

Jusqu'à présent, les officiels militaires déclaraient n'avoir détecté aucun mouvement militaire inhabituel de la Corée du Nord.

 

"Du 24 au 27 mars, les militaires ont détecté deux sous-marins nord-coréens de type Sango, mais la probabilité de leur lien avec le naufrage a été jugée faible", a déclaré le ministre de la Défense Kim Tae-young devant l'Assemblée nationale le 2 avril.

 

"Nous n'avons détecté aucun mouvement inhabituel des militaires nord-coréens", a déclaré le commandant en chef américain des forces conjointes, Walter Sharp, lors d'une conférence de presse le 28 mars, deux jours après le naufrage.

 

En d'autres termes, à ce moment,-là le sous-marin de type Sango qui avait été détecté à l'époque n'était pas considéré comme directement lié au naufrage, quand le sous-marin de type Yono n'avait pas été détecté du tout.

 

L'équipe d'enquête a confirmé que, vers le moment de l'attaque, il n'avait pas été possible d'identifier clairement les sous-marins qui avaient quitté leur base. Un officiel du renseignement militaire avait déclaré plus tard que l'analyse exhaustive de tous les éléments de renseignement, y compris les interceptions de communication, les enregistrements vidéos et le renseignement humain, avaient appris ensuite qu'un sous-marin miniature de type Yono avait quitté le navire mère.

 

Cette explication, toutefois, échoue à clarifier toutes les questions. Un exercice naval conjoint américano - sud-coréen impliquant plusieurs bâtiments de guerre Aegis était en cours à ce moment, et le Cheonan était un patrouilleur de combat de type corvette (PCC) spécialisé dans la guerre anti-sous-marine. La question demeure s'il était possible pour un sous-marin nord-coréen d'infiltrer le cordon maritime alors que la sécurité avait atteint son niveau le plus élevé, et sans avoir été détecté par le Cheonan.

 

"Si les Nord-Coréens voulaient essayer de tendre un guet-apens pour se venger de l'incident naval de l'île Daecheong, ils ne l'auraient fait qu'après être certains du succès suite à plusieurs exercices d'infiltration au large de l'île Baengnyeong", a déclaré un ancien amiral. "L'annonce de l'équipe d'enquête déclare fondamentalement que la Corée du Nord a planifié une attaque avec une faible probabilité de succès sur le papier et l'a réussie à la première tentative, mais cette affirmation manque de crédibilité au plan militaire."

 

En fait, si les choses se sont passées comme l'a annoncé l'équipe d'enquête, alors un sous-marin nord-coréen a franchi le réseau de protection américano-sud-coréen, a attendu précisément l'approche du Cheonan, a coulé le Cheonan en un seul tir, et est alors disparu à loisir après avoir entièrement évité un réseau naval anti-sous-marin qui comprenait le navire Sokcho et des hélicoptères Linx.

 

Certains ont déclaré que, s'il était possible que le Cheonan ne puisse pas détecter le sous-marin, il reste difficile d'expliquer pourquoi il n'a pas pu détecter le tir de torpille.

 

"Un sous-marin est supposé être difficile à détecter militairement, mais la plupart des torpilles peuvent être détectées", a déclaré Kim Jong-dae, rédacteur en chef du journal D&D Focus, spécialisé dans les questions de défense. "Il est douteux qu'ils aient été entièrement incapables de détecter le lancement [de torpille]."

 

Un officiel militaire a déclaré qu'ils avaient été incapables de détecter la torpille car celle utilisée dans l'attaque avait une portée radio différente de celles établies par l'armée sud-coréenne, mais certaines répondent qu'il est difficile de comprendre pourquoi ils n'avaient pas des informations audio contenues déjà dans des brochures relatives à un sous-marin produit depuis les années 1980. Par conséquent, afin de lever ces doutes, les autorités militaires sont appelées à rendre public les interceptions de communication qui montrent l'intention d'attaquer du sous-marin nord-coréen. Il a été dit que l'équipe d'enquête, pourtant, n'avait pas pu se procurer des données de renseignement qui confirmeraient clairement les circonstances de l'attaque, à part le fait qu'un sous-marin de type Yono avait quitté sa base en Corée du Nord.

 

Un fragment de torpille ?

 

1_beon_number_1.jpg

 

Il y a aussi des interrogations concernant le fragment de torpille nord-coréenne, qui a été présenté comme une preuve concluante. Tout d'abord, certains experts ont relevé que l'inscription "1 beon", "No. 1", présentée comme une preuve clé qu'il s'agissait d'une torpille nord-coréenne, était différente des inscriptions nord-coréennes typiques.

 

"La Corée du Nord n'utilise pas fréquemment pas le terme 'beon'", a déclaré un expert de la Corée du Nord. "A la place, ils utilisent le terme 'ho', comme dans Daepodong 1-ho, Gangnam 1-ho, etc."

 

De fait, une torpille d'entraînement nord-coréenne obtenue par les militaires sud-coréens il y a sept ans était marquée "4 ho". A la lumière du fait que le "beon" découvert sur le fragment de torpille et que le "ho" trouvé sur la torpille d'entraînement sont différents, l'équipe d'enquête n'a pas pu conduire une analyse d'écriture précise. L'équipe a dit envisager un programme pour déterminer une similarité dans l'analyse de l'encre utilisée, sans qu'il soit sûr qu'il en résultera une réponse claire.

 

Les deux inscriptions semblent avoir été écrites à la main pour des raisons d'organisation et de conservation, mais la question est pourquoi l'une est écrit "beon" et l'autre "ho".

 

Source : "Questions raised following Cheonan announcement", Hankyoreh, 21 avril 2010 (traduit de l'anglais par l'AAFC). Les liens ont été ajoutés par l'AAFC. 

 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 23:50

Le mercredi 20 mai 2010, la République de Corée (du Sud) a mis en cause la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) dans le naufrage du Cheonan, le 26 mars au large de l'île de Baengnyeong, dans une zone maritime contestée, à l'issue des travaux d'une commission d'enquête constituée d'experts sud-coréens et d'autres pays alliés de la Corée du Sud (Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni), ainsi que suédois. Pyongyang a immédiatement réagi en contestant les résultats de l'enquête, qu'elle a jugés "falsifiés" : la Commission de la Défense nationale de la RPD de Corée a annoncé l'envoi sur place d'une équipe d'inspection, en précisant qu'elle répondrait fermement à des mesures de sanction. Au regard des interrogations que soulève le rapport d'enquête, une des rares certitudes est le risque d'une nouvelle dégradation des relations intercoréennes.

 

cheonan_wreck.jpg

 

Après le naufrage de la corvette sud-coréenne Cheonan (photo de l'épave ci-dessus) qui a fait 46 morts, Yoon Duk-yong, co-responsable de l'équipe internationale d'enquête, a mis en cause la Corée du Nord, citant le rapport : "Nous sommes arrivés à la conclusion évidente que le Cheonan a été coulé à la suite d'une explosion sous-marine externe causée par une torpille qui a été fabriquée en Corée du Nord. [...] Les preuves conduisent à la conclusion que la torpille a été lancée par un sous-marin nord-coréen. Il n'y a pas d'autre explication plausible."

 

La Corée du Sud prête à saisir le Conseil de sécurité des Nations-Unies, avec l'appui des Etats-Unis, quand la Corée du Nord dément fortement

 

park_sun_kyu.jpg

 

Le porte-parole de la Maison Bleue, Park Sun-kyu, a déclaré que "le président Lee Myung-bak ferait preuve de fermeté en tant que chef de l’Etat et des armées pour les sanctions à l’égard de la Corée du Nord, le responsable du naufrage." Concernant le résutat de l'enquête, il a précisé : "La partie propulsion de la torpille, la pièce à conviction de l’affaire, a été découverte le 15 mai et a mené à la conclusion de l’enquête scientifique et objective." Il a également annoncé que, "à la réunion du Conseil de sécurité nationale qui aura lieu demain, différents sujets, comme la situation de la sécurité nationale, la cause du naufrage et les contre-mesures, seront abordés." Chun Young-woo, vice-ministre des Affaires étrangères, a d'ores et déjà évoqué une saisine du Conseil de sécurité des Nations-Unies.

 

Dans un communiqué du même jour, la Commission de la Défense nationale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a dénoncé un résultat d'enquête "falsifié" et annoncé, fait peu ordinaire attestant d'une certaine confiance, l'envoi sur place de sa propre équipe d'experts afin de confronter les preuves : "Comme la Corée du Sud a déclaré que nous sommes liés au naufrage du Cheonan, nous allons envoyer une équipe d’inspection sur place", en ajoutant qu' "il faut qu’on nous donne les preuves matérielles". Le communiqué a également mis fermement en garde contre toute mesure de sanction : "Nous répondrons aux sanctions et aux contre-mesures qui peuvent heurter nos intérêts nationaux par des mesures fermes, en leur faisant une guerre totale. La guerre que nous allons mener sera une guerre sainte contre les traîtres et leurs subordonnés qui ont falsifié les faits, pour bâtir un grand pays unifié pour l’ensemble du peuple coréen."

 

Dans un communiqué du 20 mai, les Etats-Unis ont immédiatement repris les conclusions de l'enquête. Selon le porte-parole de la Maison blanche Robert Gibbs, "le rapport publié aujourd’hui par l’équipe d’enquêteurs internationaux présente de façon scientifique et objective les preuves. [...] Le résultat de l’enquête mène à la conclusion que la Corée du Nord est le responsable de cette attaque." Deux jours plus tôt, le président américain Barack Obama avait appelé son homologue sud-coréen Lee Myung-bak pour "exprimer sa profonde sympathie au président Lee et au peuple coréen". Selon le secrétaire à la Défense Robert Gates, alors que les Etats-Unis stationnent toujours plus de 28.000 soldats en Corée du Sud placés sous commandement américain en cas de conflit, le Pentagone mène désormais des "consultations étroites avec les Sud-Coréens pour déterminer la voie à suivre", en précisant qu'"il rev(enai)t en premier lieu aux Sud-Coréens de décider quelles sont les suites à donner". P.J. Crowley, porte-parole du département d'Etat américain, a parlé de "conséquences" pour la Corée du Nord pour faire face à une "grave provocation". Dans le cadre d'un tournée asiatique qui l'aura conduite précédemment à Pékin et Séoul, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton est attendue à Séoul  dès le 26 mai prochain.

 

Un rapport d'enquête qui soulève des interrogations

 

L'enquête a été longue, très longue, tout en éclipsant des questions aussi essentielles que les lacunes de la sécurité nationale sud-coréenne révélées par la vulnérabilité du Cheonan, quelle que soit la cause du naufrage : pourquoi n'a-t-il pas pu détecter à temps la torpille qui serait à l'origine de l'accident ?

 

Le constat d'évidence, ainsi dressé par le gouvernement sud-coréen et ses alliés américain, japonais, britannique ou français (la France a offert sa "pleine solidarité" et appelé "la Corée du Nord à abandonner la voie de la violence meurtrière"), est pourtant loin d'être aujourd'hui partagé par d'autres Etats, comme la Chine, et par une large partie de l'opinion publique sud-coréenne, alors que les résultats de l'enquête renforcent la droite sud-coréenne au pouvoir, à quinze jours d'élections locales en Corée du Sud.

 

Il est ainsi pour le moins surprenant que seule une inscription graphique ait été présentée comme une pièce à conviction déterminante : selon le rapport, dont des extraits ont été publiés par la BBC, "la marque en coréen, qui se lit  '1번(No. 1)', trouvée à l'intérieur de la section à propulsion, correspond à une marque précédemment obtenue sur une torpille nord-coréenne. Cette évidence ci-dessus a autorisé [les enquêteurs] à confirmer que les parties récupérées avaient été fabriquées en Corée du Nord." Le rapport ne semble disposer d'aucune autre preuve, s'agissant notamment des caractéristiques techniques de la torpille, que celle-ci serait bien d'origine nord-coréenne.

  

Toujours selon le rapport, une preuve supplémentaire est que des petits sous-marins et un navire-mère ont quitté leur base en Mer de l'ouest deux à trois jours avant l'accident, et y sont retournés deux ou trois jours après. L'information (deux ou trois jours) n'est guère précise. Surtout, pourquoi la marine sud-coréenne n'a-t-elle alors pas pu (ou su) détecter le sous-marin à l'origine supposée du tir de torpille ?

 

La conclusion, enfin, qu'une torpille nord-coréenne est la seule explication "plausible" écarte d'emblée d'autres hypothèses, comme par exemple celle d'un exercice militaire sud-coréen qui aurait mal tourné, pour ne retenir que la possibilité d'une agression nord-coréenne... chinoise ou russe (comme le sous-entend cette remarque du rapport : "les torpilles russes ou chinoises sont marquées dans leur propre langue...").

 

Prudence chinoise et doutes en Corée du Sud 

    

Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies et disposant à ce titre d'un droit de veto, la Chine est l'hôte des pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne et elle est avant tout soucieuse de stabilité en Asie du Nord-Est. Ma Zhaoxu, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a déclaré que "toutes les parties doivent rester calmes et faire preuve de retenue". Il a ajouté que la Chine, qui souhaite une enquête scientifique et objective de l'incident du Cheonan, va livrer sa propre évaluation de l'enquête. De fait, elle n'a pas été associée à l'enquête conduite par les Sud-Coréens.

  

Les représentants de l'opposition sud-coréenne traduisent aussi les doutes d'une partie même de l'opinion sud-coréenne, dont l'expression sur Internet a donné lieu cette fois à des contrôles sévères au nom de la loi de sécurité nationale, laissant le champ libre à la presse - conservatrice dans son écrasante majorité - et aux télévisions qui, des semaines durant, ont ouvert leurs journaux sur le drame du Cheonan.

 

Président du Parti démocrate (opposition, centriste), Chung Se-kyun a ainsi demandé que le Président Lee Myung-bak présente des excuses officielles pour le désastre qu'a constitué le naufrage du Cheonan, à l'origine de 46 morts. Pour sa part, le porte-parole du Parti démocrate, Woo Sang-ho, a déclaré que l'enquête avait produit des résultats insuffisants, en s'interrogeant sur l'implication du Nord.

 

Des questions sans réponse : secret défense ?

 

Alors que les seules informations directes sont venues de l'armée sud-coréenne, l'enquête militaire ayant été d'emblée retenue au lieu de l'enquête parlementaire demandée par l'opposition, l'AAFC avait souligné plusieurs questions que soulevait l'accident, et restées sans réponse :

 

- Pourquoi l'armée sud-coréenne a-t-elle donné trois heures différentes pour l'explosion qui a provoqué la perte du Cheonan  

 

- Pourquoi le Cheonan, malgré sa taille (1.200 tonnes), naviguait-il sur des hauts fonds, à seulement 1,8 kilomètre au large de l'île de Baengnyeong ? Quelle était sa mission ?

 

- Pourquoi un autre navire de guerre, le Sokcho, était-il en opération à proximité du Cheonan à l'heure de l'incident? Au lieu de se porter immédiatement au secours du navire en perdition, le Sokcho a ouvert le feu sur des cibles volantes que les radars militaires ont plus tard identifié comme étant des oiseaux, selon la version officielle.

 

Conclusion : quel avenir pour les relations intercoréennes ?

 

Le seule certitude est que les relations intercoréennes, déjà mal en point, risquent encore de se dégrader, notamment en ce qui concerne la zone économique intercoréenne de Kaesong. Ne faut-il pas favoriser d'autres perspectives dans la péninsule coréenne ? L'objectif  ultime de la réunification de la Corée n'appelle-t-il pas, enfin, une autre politique intercoréenne à Séoul ?

 

 

Principale sources :

- AAFC

- AFP, "North Korean torpedo sank South Korean warship, say investigators", 21 mai 2010

- BBC News, "US vows punishment for North Korea over ship sinking", 20 mai 2010

- Extraits du rapport d'enquête sur le site de la BBC

- Yonhap, "Cheonan : la Corée du Sud confirme qu’une torpille nord-coréenne a coulé le navire", 20 mai 2010

- Yonhap, "Le président Lee fera preuve de fermeté à l'égard de la Corée du Nord", 20 mai 2010

- Yonhap (citant des sources nord-coréennes), "La Corée du Nord annonce "l’envoi d’une équipe d’inspection au Sud et la guerre totale contre les sanctions", 20 mai 2010

- Yonhap, "Les Etats-Unis dénoncent Pyongyang pour le torpillage du navire militaire sud-coréen", 20 mai 2010

 

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26 avril 2010 1 26 /04 /avril /2010 21:34

Cheonan_question.JPGLes 15 et 24 avril 2010, la poupe et la proue du Cheonan, la corvette sud-coréenne qui a fait naufrage en mer de l'Ouest le 26 mars, ont été ramenées à la surface. L'enquête sur le naufrage va enfin pouvoir s'appuyer sur des éléments concrets. Mais sans attendre les conclusions de cette enquête, et avant même que l'épave du Cheonan soit complètement remontée, l'armée sud-coréenne et les éléments les plus conservateurs de la société sud-coréenne ont mis en cause la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) dans le naufrage, affirmant que la corvette a été coulée par une torpille tirée par un sous-marin nord-coréen. La RPDC a nié toute implication dans le naufrage du Cheonan, tandis que, en Corée du Sud, plusieurs voix se sont élevées pour réclamer des éclaircissement sur les circonstances du drame du 26 mars ainsi que sur les mauvaises décisions prises par les autorités sud-coréennes avant et après la catastrophe.

 

Le 17 avril 2010, l'agence de presse officielle nord-coréenne KCNA a réagi aux accusations lancées à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée par les milieux conservateurs sud-coréens suite au naufrage de la corvette Cheonan qui a entraîné la mort de 46 marins le 26 mars. L'agence nord-coréenne a nié toute implication de la RPDC dans cet accident qualifié de « regrettable ».

 

KCNA a pointé les revirements des autorités sud-coréennes, et du président Lee Myung-bak en particulier, qui ont d'abord expliqué que la probabilité d'une attaque venue du Nord était faible, avant d'effectuer un virage à 180 degrés et de tenter d'impliquer la RPDC dans le naufrage du 26 mars, en s'appuyant notamment sur les témoignages des survivants faisant état d'une explosion à l'extérieur du navire.

 

Pour KCNA, « incapables d'identifier la cause du naufrage du navire, les va-t-en-guerres de l'armée fantoche [sud-coréenne], les politiciens conservateurs de droite et l'ensemble des autres traîtres de Corée du Sud cherchent maintenant à lier stupidement et à tout prix cet accident avec le Nord. »

 

Pour l'agence de presse, cette mise en cause de la RPDC a deux objectifs : éviter une trop lourde défaite du Grand Parti national au pouvoir en Corée du Sud lors des prochaines élections régionales du 2 juin, et justifier la politique de confrontation avec le Nord menée depuis 2008 par le gouvernement Lee Myung-bak.

 

De fait, rien ne vient étayer les accusations lancées à l'encontre de la RPDC, avant même que l'épave du Cheonan soit entièrement remontée à la surface.

 

Pour certains responsables militaires sud-coréens l'affaire est entendue : la corvette a été coulée par une torpille tirée par un sous-marin nord-coréen. Les services de renseignement de l'armée sud-coréenne aurait même transmis une analyse en ce sens au président Lee Myung-bak juste après le naufrage du Cheonan. Le 2 avril, pour conforter cette thèse, le ministre de la Défense sud-coréen, Kim Tae-young déclarait devant l'Assemblée nationale que l'armée avait « perdu la trace de deux sous-marins nord-coréens entre le 24 et le 27 mars. »

 

Plus prudente, une commission d'enquête civile et militaire a livré le 20 avril ses conclusions provisoire sur la cause du naufrage : le drame du 26 mars a eu pour origine une forte explosion externe s'étant produite à proximité du navire, et n'est pas dû à une attaque directe sur la coque du navire. C'est ce que révèlent l'examen de la poupe du navire remontée le 15 avril et les photos de l'épave.

 

Le Cheonan n’a donc pas été directement touché par une torpille ou par d’autres armes sous-marines, mais il y a eu une explosion sous le navire ou très proche de celui-ci.

 

Face à l'évidence, le ministre de la Défense, Kim Tae-young, cité par l'agence sud-coréenne Yonhap, est revenu  le 25 avril sur ses premières déclarations quelque peu péremptoires, pour admettre que la cause probable de la perte du Cheonan était un « jet de bulle » créé par une explosion externe sous le navire, sans cette fois faire allusion à la Corée du Nord.

 

D’après les enquêteurs, un jet de bulles se produit lorsqu’une mine ou une torpille explose sous un bateau à une certaine distance. Le jet de bulles ainsi créé donne naissance à une gigantesque colonne d’eau, provoquée par le brusque changement de pression, qui rentre au contact du vaisseau.

 

Une autre source citée par Yonhap a fait remarquer que, selon les résultats d’analyses effectuées sur l’intérieur de la section de la proue remontée le 24 avril, il n’existait aucune trace montrant qu’une torpille ou une autre arme sous-marine avait percé le navire avant d’exploser à l’intérieur. De plus, étant donné qu’aucune trace d’incendie n’avait été observée à l’intérieur de la section et que l’état des gaines des fils électriques était similaire à celui de ceux présents à l’intérieur de la section de la poupe, cela permettait de juger qu’il s’agissait bien d’une explosion extérieure.

 

Quelle est l'origine de cette explosion sous-marine à proximité du Cheonan dans les eaux sud-coréennes?

 

Même les Américains et les Japonais, pourtant si prompts à dénoncer la « menace nord-coréenne », se sont montrés sceptiques quant à l'hypothèse d'une attaque venue de Corée du Nord.

 

James Steinberg, secrétaire d’Etat adjoint américain, a déclaré juste après le naufrage qu’« aucun argument ne permettait d’évoquer une intervention extérieure ». Le commandant des forces américaines stationnées en Corée du Sud, le général Walter Sharp, confirmait le 6 avril : « Nous n’avons observé aucun agissement particulier de l’armée nord-coréenne. » Et Philip Crowley, porte-parole du département d’Etat, a affirmé le 15 avril « ne disposer d’aucune information sur un quelconque acte qui aurait été commis à proximité du bateau. »

 

Ceci vient contredire les premières déclarations du ministre de la Défense sud-coréen et les conclusions de l'« analyse » effectuée par les services de renseignement de l'armée sud-coréenne juste après le naufrage, et si complaisamment relayées par les médias conservateurs. Ou alors l'armée sud-coréenne ne partage pas ses informations avec son allié américain...

 

Par ailleurs, le silence du Japon sur cette affaire amène également à relativiser la « piste nord-coréenne »


NLL BaengnyeongLa corvette sud-coréenne Cheonan a coulé le 26 mars 2010 en mer de l'Ouest, au sud de l'île de Baengnyeong

 

L'enquête sur le naufrage du Cheonan devra s'attacher à répondre aux premières questions soulevées par le drame du 26 mars :

 

- Pourquoi l'armée sud-coréenne a-t-elle donné trois heures différentes pour l'explosion qui a provoqué la perte du Cheonan? L'armée a d'abord déclaré que l'explosion avait eu lieu à 21h45. Elle a ensuite annoncé 21h30, puis 21h25. La police maritime a dit de son côté que l'explosion avait été entendue à 21h15.

 

- Pourquoi le Cheonan naviguait-il sur des hauts fonds, à seulement 1,8 kilomètre au large de l'île de Baengnyeong ? Il est inhabituel qu'un navire aussi gros (1.200 tonnes) soit si proche des terres. Quelle était sa mission?

 

- Pourquoi un autre navire de guerre, le Sokcho, était-il en opération à proximité du Cheonan à l'heure de l'incident? Au lieu de se porter immédiatement au secours du navire en perdition, le Sokcho a ouvert le feu sur des cibles volantes que les radars militaires ont plus tard identifié comme étant des oiseaux, selon la version officielle.

 

Intervenant le 2 avril à l'Assemblée nationale sud-coréenne face au ministre de la Défense, le député du Parti démocrate (opposition) Jeon Byung-heon a mis en cause la gestion de cette crise par le gouvernement en le soupçonnant de vouloir « intercepter, dissimuler et manipuler l'information ».

 

JeonByungheon_AN_02042010.jpgLe député Jeon Byung-heon (à droite) face au ministre de la Défense, Kim Tae-young,

à l'Assemblée nationale sud-coréenne le 2 avril 2010 (source : Parti démocrate de Corée du Sud)

 

Le député Jeon a posé trois questions :

 

- Pourquoi le ministère de la Défense ne rend-il pas publiques les données des écrans radar du Cheonan et du Sokcho juste avant le naufrage, ces données étant enregistrées et conservées par le système de données tactiques de la Marine sud-coréenne? Ces données permettront, notamment, de prouver si le Sokcho a vraiment ouvert le feu sur une nuée d'oiseaux, 130 fois en cinq minutes à partir de 23 heures, avec son canon principal de 76 mm, comme l'affirme le ministère de la Défense ; s'il a tiré en réponse à une attaque venue de Corée du Nord comme le dit la rumeur; ou même si ces coups de canon étaient seulement destinés à faire croire à une attaque venue de Corée du Nord.

 

Jinhae.jpg- Pourquoi le gouvernement a-t-il déployé tous les chasseurs de mines de la Marine sud-coréenne à Jinhae, au sud de la péninsule, au lieu de les répartir sur toutes les côtes du pays, retardant ainsi les opérations de recherche de l'épave du Cheonan? A cause de cette décision prise en dépit du simple bon sens, le chasseur de mines Ongjin a mis près de 50 heures pour arriver sur le site de l'accident, en mer de l'Ouest, quand 11 heures seulement auraient suffi si le Ongjin était resté basé à Pyongtaek, sur la côte ouest, comme sous le gouvernement Roh Moo-hyun (2003-2008). Un temps précieux a donc été perdu alors que le temps de survie des marins pris au piège dans l'épave du Cheonan était estimé à 69 heures. Selon le député Jeon Byung-heon, le déploiement de tous les chasseurs de mines à Jinhae pourrait avoir été décidé pour calmer les craintes pour l'économie locale, suscitées par le déménagement du quartier général de la Marine sud-coréenne de Jinhae pour Busan.

 

- Pourquoi le gouvernement Lee Myun-bak, disposant dès le début de toutes les informations sur le naufrage du Cheonan, a-t-il réagi de manière aussi peu appropriée? Avec les enregistrements des communications et de l'écran radar fournis par le système de données tactiques de la Marine sud-coréenne, le film du naufrage pris par le dispositif d'observation thermique, et les témoignages des 58 survivants du Cheonan, dont son capitaine, Lee Myung-bak et son gouvernement avaient tous les éléments pour connaître avec précision les circonstances de l'accident du Cheonan. Malgré cela, ils ont agi dans la confusion, prenant des mesures et apportant des réponses difficilement compréhensibles par une opinion publique qui pourrait maintenant demander des comptes.

 

L'incurie du gouvernement sud-coréen dans la gestion de la crise du Cheonan peut avoir de lourdes conséquences pour le Grand Parti national au pouvoir lors des élections régionales du 2 juin, comme l'a souligné l'agence KCNA. Dans ce contexte, jeter l'opprobre sur la Corée du Nord constitue une diversion fort commode.

 

Mais en s'appuyant sur la catastrophe du 26 mars pour agiter la « menace nord-coréenne », certains responsables militaires sud-coréens peuvent aussi chercher à reporter le transfert du contrôle des opérations militaires en cas de conflit dans la péninsule coréenne. Négocié par le précédent président Roh Moo-hyun - détesté par les milieux sud-coréens les plus conservateurs -, ce transfert prévoit que les Etats-Unis transmettent d'ici à 2012 le contrôle des opérations militaires en temps de guerre à l'armée sud-coréenne. L'actuel président sud-coréen Lee Myung-bak aurait néanmoins discuté à plusieurs reprises avec le président américain Barack Obama d'un possible report de ce transfert en cas de crispation des relations inter-coréennes, la dernière fois à Washington lors du « Sommet sur la sécurité nucléaire » des 12 et 13 avril 2010.

 

S'exprimant devant un institut de recherche sur la défense navale le 24 février 2010 à Séoul, le ministre de la Défense et ancien chef d'état-major sud-coréen, Kim Tae-young, n'avait pas caché son opposition au transfert du contrôle opérationnel, déclarant espérer que « le schéma d'une défense dirigée par les Etats-Unis demeurera encore, compte tenu de la menace nucléaire et balistique nord-coréenne. » En suivant un tel avis, une catastrophe navale permettant d'agiter la « menace nord-coréenne » constitue une « divine surprise » pour les milieux les plus conservateurs de Corée du Sud, fût-ce au prix d'un second naufrage, celui de la recherche de la vérité.

 

 

Sources :

KCNA, " Military Commentator Denies Involvement in Ship Sinking ", 17 avril 2010

AFP, « Naufrage navire: l'armée sud-coréenne met en cause le Nord », 22 avril 2010

Yonhap, « L’équipe d’enquête commune conclut provisoirement à une 'attaque sans contact sous-marin' », 25 avril 2010

AFP, « Naufrage navire: l'armée sud-coréenne met en cause le Nord », 22 avril 2010

AFP, " US official doubts NKorea role in warship sinking ", 30 mars 2010   

AFP, " No unusual N.Korea activity after warship sinks: US general ", 6 avril 2010

Point de presse de Philip Crowley, porte-parole du département d’Etat, 15 avril 2010   

Jeon Byung-Heon, "Another Viewpoint for the Examination of the Substantive Truth for the Reason of the Sunken Cheonan Ship", 4 avril 2010 (via le site No Base Stories of Korea

KBS, « Vers un report du transfert du contrôle des forces armées en temps de guerre ? », 22 avril 2010

Jung Sung-ki, " 'ROK-US Combined Defense More Effective to Counter NK' ", The Korea Times, 24 février 2010

 

 


 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 11:43

Après le naufrage de la corvette sud-coréenne Cheonan, le gouvernement de Séoul a donné l'impression qu'il cherchait à dissimuler des informations sur ce qui s'est vraiment passé à bord du navire. Pour des familles de marins et des observateurs des affaires militaires, le président Lee Myung-bak et son gouvernement ont déformé et manipulé les faits concernant l'incident dans ce qui est apparu comme une tentative d'échapper à leurs responsabilités et de plaire à la frange la plus conservatrice de la société sud-coréenne, sans égard pour les victimes, leurs familles et la vérité.


CheonanOn ne sait toujours pas ce qui est arrivé au Cheonan (PCC-772), la corvette sud-coréenne de 1.200 tonnes qui a coulé suite à une mystérieuse explosion le 26 mars 2010 en mer de l'Ouest, près de la limite maritime avec la Corée du Nord. Le seul fait certain est que le Cheonan s'est brisé en deux après l'explosion, emportant par le fond 46 des 104 membres de son équipage. Les opérations de recherche et de sauvetage ont été retardées par le mauvais temps et la force des courants, diminuant les chances de retrouver d'autres survivants parmi les marins disparus. Le naufrage du Cheonan a mis en évidence l'incapacité de l'armée et du gouvernement sud-coréens à passer de la théorie à la pratique en cas d'urgence et les citoyens de Corée du Sud s'interrogent désormais sur l'aptitude de leur gouvernement à gérer les crises de ce genre et exigent des réponses. 


Dans un éditorial publié le 1er avril 2010, le quotidien sud-coréen Korea Times a pressé les autorités de « faire leur maximum pour remonter aux origines de l'incident et montrer leur capacité à en limiter les conséquences pour la défense du pays et la vie de tous les jours des gens. » Faute de quoi, s'est inquiété le journal, « les Sud-Coréens ne feront que considérer le gouvernement et l'armée d'un oeil soupçonneux. » Le président Lee Myung-bak a beau avoir demandé à ses ministres de faire preuve de clarté et de transparence et de tout révéler sur la perte du Cheonan, le quotidien sud-coréen a dit craindre que Lee ait seulement « fait semblant » ou que ses ministres « n'en aient tenu aucun compte ».


Le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Tae-youg, a été particulièrement critiqué pour ses propos incohérents sur la cause probable de l'explosion. Après avoir d'abord exclu une attaque extérieure, il a commencé à évoquer une implication de la Corée du Nord dans le naufrage du Cheonan, fût-ce à cause d'une mine nord-coréenne égarée datant de la Guerre de Corée. Après tout, comme l'a rappelé le ministre, quelque 3.000 mines furent posées en mer de l’Ouest et en mer de l’Est entre 1950 et 1953, et deux de ces engins furent encore découverts en 1959 et en 1984. Selon plusieurs observateurs, le ministre de la Défense aurait ainsi cherché à fuir ses propres responsabilités et à plaire à la base la plus conservatrice du Grand Parti national au pouvoir à Séoul.


Le quotidien Hankyoreh a décrit les circonstances et les motivations possibles de ce revirement des autorités sud-coréennes.


Immédiatement après le naufrage du Cheonan, la présidence de Corée du Sud et l'armée décrivaient comme peu probable une implication de la Corée du Nord. Le soir du vendredi 26 mars, à l'issue d'une rencontre entre le président Lee Myung-bak et les ministères liés à la sécurité, la porte-parole de la présidence de Corée du Sud, Kim Eun-hye, se montrait prudente : « A l'heure actuelle, nous n'avons pas de réponse claire à la question d'un lien avec la Corée du Nord. » Le samedi 27 mars, s'exprimant devant l'Assemblée nationale de Corée du Sud, Lee Ki-sik, chef du bureau des opérations de renseignement de l'état-major interarmes, rejetait à son tour une quelconque implication de la Corée du Nord : « Aucun navire de guerre nord-coréen n'a été détecté, et il n'est pas possible que [les Nord-Coréens] aient approché de la zone où l'accident a eu lieu. » En outre, l'armée a indiqué à de multiples reprise n'avoir repéré aucune « tendance inhabituelle » dans les mouvements de l'armée nord-coréenne.


C'est le lundi 29 mars, devant la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale, que le ministre sud-coréen de la Défense a commencé à vouloir établir un lien entre le drame du 26 mars et la Corée du Nord : « La Corée du Nord pourrait faire quelque chose et puis garder le silence afin de se couvrir, ou elle pourrait avoir l'intention d'éviter les malentendus ou de provoquer au maximum . »


Le mercredi 31 mars, un responsable militaire sud-coréen est allé encore plus loin en avançant la possibilité d'une « provocation intentionnelle » de la Corée du Nord, tout en reconnaissant l'absence de preuves formelles : « Le gouvernement considère probable à plus de 90% que le responsable de l'attaque à la torpille [contre le Cheonan] est la Corée du Nord. »


Sous la pression des médias conservateurs, la présidence sud-coréenne est alors revenue sur ses premières déclarations, un responsable expliquant le 31 mars que la présidence « n'exclut pas la possibilité d'une implication de la Corée du Nord ».


Certains observateurs ont vu dans cette évolution de la position de la présidence sud-coréenne une stratégie visant à répondre à certains milieux conservateurs affirmant, sans la moindre preuve, que le Cheonan avait été attaqué par la Corée du Nord, le gouvernement dissimulant ce fait pour ne pas compromettre la reprise des pourparlers à six sur le programme nucléaire nord-coréen ou un troisième sommet inter-coréen. L'administration sud-coréenne a dû tenir compte de ce groupe de pression conservateur qui représente la majeure partie de ses soutiens.


Selon d'autres observateurs, l'armée a tenté de détourner l'attention du public en évoquant un « impact externe » ou même une « attaque extérieure », pour éviter que certaines personnes soient appelées à prendre leurs responsabilités ou que des réparations soient demandées par les familles des marins disparus.


Un député du Parti démocratique, principal parti sud-coréen d'opposition, Park Young-sun, a rappelé que, « en Corée du Sud, les dirigeants de l'armée et la presse conservatrice ont tendance à conclure que ce genre d'incident est un acte ennemi et à fomenter un climat de terreur. » Le député Park a ajouté que, en cas de contrôle de l'information par ces franges les plus conservatrices de la société sud-coréenne, « il deviendra possible de délibérément reconstituer l'incident d'une manière déconnectée de la vérité. » Une allusion évidente à l'emprise croissante de l'administration Lee Myung-bak sur les médias depuis deux ans.


Par la voix d'un haut responsable cité par le quotidien Hankyoreh, la présidence sud-coréenne a reconnu que « si le gouvernement refuse de donner une réponse honnête, les gens deviendront méfiants et cela ne contribuera pas non plus à la sécurité nationale à long terme. » Ce responsable a ajouté que le gouvernement « doit rapidement fournir l'information nécessaire pour que les gens fassent leur jugement. »


Les responsables militaires devront surtout apporter des réponses « honnêtes » à trois questions - pointées par le Korea Times - sur une des pires catastrophes navales survenues en Corée du Sud :


1) Pourquoi l'armée sud-coréenne a-t-elle donné trois heures différentes pour l'explosion qui a provoqué la perte du Cheonan? L'armée a d'abord déclaré que l'explosion avait eu lieu à 21h45. Elle a ensuite annoncé 21h30, puis 21h25. La police maritime a dit de son côté que l'explosion avait été entendue à 21h15.


2) Pourquoi le Cheonan naviguait-il sur des hauts fonds, à seulement 1,8 kilomètre au large de l'île de Baengnyeong ? Il est inhabituel qu'un navire aussi gros soit si proche des terres. Quelle était sa mission?


3) Pourquoi un autre navire de guerre, le Sokcho (PCC-778), était-il en opération à proximité du Cheonan à l'heure de l'incident? Au lieu de se porter immédiatement au secours du navire en perdition, le Sokcho a ouvert le feu sur des cibles volantes non identifiées qui se sont avérées par la suite être des oiseaux, selon les radars militaires.


Les choses auraient pu être bien différentes si le Sokcho avait agi au bon moment pour sauver les marins du Cheonan. Ces derniers ont malheureusement dû attendre l'arrivée d'un bâtiment de la police maritime sud-coréenne pour être secourus. Quelle mission était plus importante pour le Sokcho qu'une opération de sauvetage?


L'armée sud-coréenne est donc critiquée pour avoir agi tardivement, mais aussi pour avoir perdu du temps dans ses recherches de l'épave du Cheonan. Il a fallu près de trois jours pour retrouver la poupe où se trouvaient plus de 30 marins, avec l'aide d'un pêcheur l'ayant localisée grâce à son sonar. Au bout de trois jours, il n'y avait presque plus d'espoir de retrouver des survivants.


Les mauvaises décisions prises par l'armée après le naufrage du Cheonan et les revirements successifs du gouvernement ont poussé le Korea Times à écrire qu'un système de gestion de crise délabré a rendu le gouvernement et l'armée incapables de mener les opérations de recherche et de sauvetage. « Le ministre et ses supérieurs devront porter toute la responsabilité pour leur échec à gérer correctement cet incident », a conclu le Korea Times.


Sources :

Hankyoreh, « Government shifts tenor on N.Korea-Cheonan connection », 1er avril 2010

KBS, « Il n’ y a aucune preuve impliquant la Corée du Nord dans le naufrage du Cheonan », 30 mars 2010

 Korea Times, « Questions Grow Over Crisis Management Capability », 1er avril 2010


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28 mars 2010 7 28 /03 /mars /2010 00:01

Le 26 mars 2010, un patrouilleur sud-coréen a fait naufrage en mer de l'Ouest, causant - selon un premier bilan provisoire - 46 disparus et 13 blessés, alors que diminuent les espoirs de retrouver des survivants. Cet incident tragique, dû à une explosion d'origine indéterminée, a alimenté les plus folles rumeurs - notamment celle d'une attaque nord-coréenne - complaisamment relayées par les médias occidentaux. Pourtant, la vérité, banale mais terrible, est celle de familles en colère, face au manque d'informations du gouvernement sud-coréen.

naufrage_cheonan.jpg

Elles veulent la vérité. Le samedi 27 mars 2010, 150 personnes ont tenté d'investir une base militaire au sud de Séoul, faute de savoir ce que sont devenus leurs proches, 46 marins portés disparus après l'explosion la veille au soir d'une corvette sud-coréenne de 1.200 tonnes, le Cheonan (PCC-772), près de l’île de Baekryeong, en mer de l'Ouest. Cinquante-huit marins ont pu être sauvés dans la nuit de vendredi à samedi, parmi lesquels 13 blessés.

Cet incident tragique - alors que les espoirs de retrouver des survivants se réduisent d'heure en heure - soulève la juste colère des familles des disparus, face à l'inacceptable manque d'informations - quand ce n'est pas la désinformation - qu'a privilégié le gouvernement sud-coréen.

En effet, l'accident étant survenu dans une
zone contestée par les deux Corée, la thèse d'une attaque nord-coréenne a d'abord eu la faveur de certains médias en quête de sensationnalisme. L'état-major sud-coréen a finalement réagi en déclarant qu'il n'y avait pas de preuve d'une implication nord-coréenne. Mais pourquoi avoir laissé la rumeur courir pendant de longues heures ? Immédiatement après l'accident, la chaîne de télévision sud-coréenne YTN a déclaré que le gouvernement enquêtait pour savoir si le naufrage était dû à une attaque du Nord, pendant que Yonhap faisait état d'une réunion d'urgence des ministres chargés de la sécurité. Les médias occidentaux pouvaient alors reprendre, à l'envi, l'hypothèse d'une nouvelle guerre de Corée... causé par une attaque du Nord. 

 

NLL_Baengnyeong.JPG


Ainsi, pour le quotidien français Le Figaro, la cause est entendue : "l'hypothèse d'une nouvelle provocation de Pyongyang a immédiatement semé un vent de panique." Car même si Pyongyang n'a pas provoqué l'attaque, il peut encore profiter lâchement de la faiblesse du Sud ! Et le quotidien français de poursuivre : "le président sud-coréen, Lee Myung-bak, présidait une réunion d'urgence alors que les forces mili­taires sur la frontière étaient mises en alerte pour parer à toute provocation communiste." Alors, doit-on s'inquiéter face à la menace nord-coréenne ? Non, car comme nous l'explique doctement Le Figaro, le Président Lee Myung-bak est là, tentant de "temporiser pour éviter une escalade avec le Nord." En quelques phrases, l'incurie - réelle - du Sud dans la gestion de ses forces militaires a cédé la place aux risques de guerre causés par des provocations imaginaires du Nord.

Car, selon la presse sud-coréenne, le Cheonan était, plus simplement, bourré de torpilles et d'autres munitions, ce que l'état major sud-coréen ne pouvait pas ignorer. Certains conservateurs sud-coréens, de retour au pouvoir à Séoul depuis deux ans, semblent avoir été tentés de renouer avec leurs mauvaises habitudes des années du régime militaire, lorsque la menace communiste venue du Nord servait de prétexte facile pour dissimuler les turpitudes de la junte au pouvoir à Séoul.

Cette attitude n'est pas digne. On ne travestit pas la réalité quand des vies humaines sont en jeu.

Pour l'AAFC, la course aux armements apparaît comme la cause de l'incident tragique du Cheonan. Pour que de telles tragédies ne se reproduisent pas, il est temps de mettre fin à la
guerre de Corée, par un traité de paix en lieu et place de l'accord d'armistice qui perdure dans la péninsule coréenne depuis la fin de la guerre en 1953. Pour que d'autres Coréens ne soient plus les victimes d'une guerre qui doit désormais prendre fin.

Sources : AAFC,
Euronews, Le Figaro, KBS World

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