Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 00:01

Après son audition par l'Assemblée nationale sud-coréenne le 9 février 2009, le nouveau ministre de la Réunification, Hyun In-taek, a pris ses fonctions le 12 février. Cet ancien professeur d’université âgé de 55 ans avait été nommé par le président Lee Myung-bak le 19 janvier. L'arrivée de Hyun à la tête du ministère en charge des relations intercoréennes provoque des réactions mitigées en Corée du Sud : sa qualité d’expert des questions internationales et sa proximité avec le président créent une certaine excitation, mais ses idées conservatrices et le fait qu’il accorde davantage de valeur à l’alliance entre la Corée du Sud et les Etats-Unis qu’aux relations intercoréennes suscitent de l’inquiétude. Personnalité controversée, Hyun a surtout réussi à réunir les critiques contre lui.

Le porte-parole de la présidence sud-coréenne a expliqué le choix du professeur Hyun In-taek comme ministre de la Réunification par le " rôle moteur " qu'il a joué dans la conception du plan " Vision 3.000 : dénucléarisation et ouverture ". Ce plan, au coeur de la politique nord-coréenne suivie par le président Lee Myung-bak, veut porter le revenu nord-coréen par habitant à 3.000 dollars en dix ans en échange de la dénucléarisation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Pour la RPDC, le plan " Vision 3.000 " constitue une ingérence insupportable dans ses affaires intérieures, en contravention avec l’esprit des déclarations intercoréennes du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007. Même si Hyun nie aujourd'hui être l'architecte de " Vision 3.000 ", la politique du président Lee vis-à-vis de la Corée du Nord risque donc de rester la même et rien ne devrait être entrepris pour améliorer les relations intercoréennes et résoudre le différend actuel entre les deux Corée.

Au ministère de la Réunification, Hyun In-taek apparaît comme la mauvaise personne au mauvais endroit. C'est d'abord un " faucon " qui a soutenu la désignation de la Corée du Nord comme " principal ennemi " par le ministère de la Défense. Ensuite, il méconnaît les relations intercoréennes. La thèse de doctorat de Hyun était ainsi consacrée au partage des dépenses militaires entre la Corée du Sud et les Etats-Unis et il a seulement mené ses recherches dans le domaine de la sécurité nationale et de la politique internationale. Les deux principales faiblesses de Hyun à la tête du ministère de la Réunification sont donc son manque de compréhension du caractère unique des relations intercoréennes et son absence d'expertise sur la Corée du Nord. Pour un expert de la Corée du Nord cité par le quotidien sud-coréen Hankyoreh, " concevoir le plan 'Vision 3.000 : dénucléarisation et ouverture' était possible " pour Hyun car " il n'était pas familier avec la Corée du Nord et voit le Nord comme un problème diplomatique. "


Durant la campagne présidentielle de 2007, Hyun In-taek était le conseiller pour la politique étrangère du candidat Lee Myung-bak. En tant que spécialiste de politique internationale, Hyun a souvent été pressenti pour devenir le principal conseiller diplomatique du président, ou même ministre des Affaires étrangères. C'est d'ailleurs sur les conseils de Hyun – ce qu'il nie également aujourd'hui – que Lee Myung-bak avait envisagé de supprimer le ministère de la Réunification dès son élection. Les relations intercoréennes auraient alors été du ressort des Affaires étrangères. En effet, pour Hyun In-taek, " la question intercoréenne devrait être envisagée sous plusieurs angles parce que ce n'est pas seulement une question Nord-Sud mais aussi une question internationale... " Devant le tollé provoqué par ce projet, le président Lee avait dû reculer et maintenir un ministère de la Réunification mais la nomination de Hyun indique qu'il n’a pas totalement renoncé à faire des relations intercoréennes un sujet de politique étrangère. 

L'arrivée d’un " élément anti-réunification " à la tête du ministère en charge des affaires intercoréennes n'a fait que précipiter la décision de la RPDC de mettre fin, le 30 janvier 2009, à tous les accords visant à réduire les tensions politiques et militaires dans la péninsule coréenne. Dès le 25 janvier 2009, le Minju Joson, organe du gouvernement nord-coréen cité par l’agence officielle KCNA, n'avait pas de mots assez durs pour condamner la nomination de Hyun In-taek :

Lee Myung-bak cherche encore à détériorer les relations intercoréennes cette année en suivant sa ‘politique envers le Nord’, dont le principe central, ‘dénucléarisation, ouverture et 3.000 dollars’, a été condamné par tous les compatriotes.[…] La nomination de Hyun comme ministre de la ‘Réunification’ est ouvertement une provocation qui revient à déclarer que la Corée du Sud continuera à chercher la confrontation avec la RPDC. Lee a l’intention de forcer le Nord à changer d’attitude quant à la mise en œuvre des déclarations intercoréennes. Lee ne veut pas que les relations Nord-Sud s’améliorent, ni la paix, ni la réunification de la nation. Il cherche seulement une escalade supplémentaire de la confrontation entre compatriotes, cette année comme l’an dernier, et à pousser davantage les relations intercoréennes dans l’abysse de la confrontation et de la ruine. Maintenant que Lee a désigné Hyun, auteur de la ‘politique envers le Nord’ poussant les compatriotes à la confrontation, comme ministre de la ‘Réunification’, personne ne peut prédire les conséquences catastrophiques que subiront les relations Nord-Sud. "

Force est de constater que les premières décisions du ministère sud-coréen de la Réunification après la nomination de Hyun In-taek n’augurent rien de bon pour le rapprochement intercoréen. Le quotidien Hankyoreh rapporte ainsi que le 4 février, soit deux semaines seulement après la nomination de Hyun, le Comité Sud pour la réalisation de la déclaration conjointe du 15 juin (6.15 Gongdong Seoneon Silcheon Nam Cheuk Wiwonhoe) a été informé par le ministère du rejet de sa demande – déposée en octobre dernier – de pouvoir échanger des articles de presse avec son organisation homologue du Nord. Cette décision est la première du genre. En effet, le mensuel sud-coréen Minjok 21 échange déjà, depuis 2001, des articles avec l'hebdomadaire nord-coréen Tongil Sinbo, tandis que l'agence de presse sud-coréenne Yonhap News et l'agence nord-coréenne KCNA ont signé en 2006 un " accord de souscription ". Quant au site Internet sud-coréen Tongil News, il échange depuis 2007 des articles avec la Société éditoriale du 15 juin qui gère le site nord-coréen d'information Uri Minjok Kkiri.

En octobre 2008, lors de leur quatrième réunion tenue à Pyongyang, les représentants des organisations de médias du Nord et du Sud ont convenu d’échanger des articles, des photographies et des séquences filmées pour les diffuser sur le site Internet officiel du Comité Sud,
Tongil Eollon et sur le site nord-coréen Uri Minjok Kkiri. Mais prenant cette fois le prétexte d'une " atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre public ", le ministère de la Réunification a refusé d’autoriser l'échange. En effet, le ministère craint qu'un échange entre organisations de médias, plutôt qu'entre entreprises de presse individuelles, soit utilisé par le Nord à des fins de propagande.

Le Comité Sud pour la réalisation de la déclaration conjointe du 15 juin n’est pas convaincu par les arguments du ministère. Le projet " n’a jamais été de seulement mettre en ligne des articles du Nord sur Tongil Eollon dès leur réception par courrier électronique ", explique Kim Gyeong-ho, membre du Comité Sud et président de l’Association coréenne des journalistes. " Chaque article est supposé être examiné par le ministère de la Réunification ", dit-il, écartant les inquiétudes concernant la sécurité nationale. " Nous pouvons seulement en conclure qu’en disant non à l’ensemble du programme, ils ont pris une décision politique liée au nom de notre Comité comprenant la mention ‘déclaration conjointe du 15 juin’, alors qu’ils pouvaient facilement approuver ou désapprouver chaque article ", regrette M. Kim. " Nous allons demander au ministère de révéler les raisons exactes et nous avons l’intention de faire appel de cette décision. " Il est difficile de savoir si Hyun In-taek est à l’origine de cette interdiction mais elle correspond en tout cas assez à ce qu’on sait de sa " vision " des relations intercoréennes…

Enfin, déjà fragilisé par ses positions sur les relations intercoréennes, le nouveau ministre de la Réunification doit maintenant faire face à des soupçons de fraude fiscale. Ainsi, au vu des registres de propriété et autres documents soumis au parlement pour la confirmation de sa nomination, le journal Hankyoreh révèle que, en 2006, Hyun a acquis pour 148,5 millions de wons (77.000 euros) un terrain appartenant à une société de taxi dirigée par ses parents dans la ville de Jeju. Différents documents montrent que le père et la mère de Hyun ont démissionné le lendemain de cette vente, les autres principaux postes de l’entreprise étant toujours détenus par des membres de la famille de Hyun In-taek. On a aussi appris qu’un des frères de Hyun avait acquis le même jour un autre terrain appartenant à l’entreprise de leurs parents. Ces deux acquisitions simultanées posent question : le père du ministre a-t-il permis que ses enfants héritent d’actifs de son entreprise sous forme d’achats de terrains ? Les transactions entre membres d’une même famille sont généralement considérées comme un " héritage illégal ", l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu du capital étant bien plus faibles que les droits de succession. En réponse à ces soupçons de fraude, un porte-parole de Hyun In-taek a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une transaction entre membres d’une même famille puisque Hyun aurait acheté le terrain dix jours après le départ de son père, alors que celui-ci avait transmis la gestion et les actifs de son entreprise à une tierce personne. Le nouveau ministre n’a toutefois jusqu'à présent fourni aucun détail sur les motivations de son achat, sur l’origine des fonds ayant servi à la transaction, sur le prix d’achat réel, et sur sa situation fiscale. (sources : Hankyoreh, KCNA)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Recherche

D'où venez-vous?