En marge du forum de Davos, dans un entretien accordé le 29 janvier 2010 à la BBC, le président sud-coréen Lee Myung-bak s’est déclaré prêt à rencontrer son homologue nord-coréen Kim Jong-il. Si l’éventualité d’un troisième sommet intercoréen peut être interprétée comme une inflexion de la politique intercoréenne de Lee Myung-bak, de nombreux obstacles doivent être levés préalablement.
Que voulait le président sud-coréen Lee Myung-bak en évoquant, le 29 janvier dernier, un possible troisième sommet intercoréen avec le dirigeant Kim Jong-il, président de la Commission de la défense nationale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) ?
Le 1er février 2010, la présidence sud-coréenne a expliqué que le but d’un tel sommet serait de définir un nouveau cadre pour les relations intercoréennes. Cette proposition sud-coréenne doit en effet être conciliée avec la démarche jusqu’ici très ferme de Lee Myung-bak vis-à-vis du Nord. Tout en considérant que n’étaient plus d’actualité les politiques conduites sur la base des sommets intercoréens de juin 2000 et octobre 2007 (sans toutefois déclarer formellement caducs les accords du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007 !), le président et du sud-coréen poursuit un objectif constant de ses prédécesseurs démocrates : l’engagement, voire l’institutionnalisation, d’un dialogue intercoréen au plus haut niveau. Il est d’ailleurs significatif que le principal parti d’opposition, le Parti démocrate, ait appuyé le principe d’un sommet intercoréen (que son leader Chung Se-kyun avait appelé de ses vœux début janvier), tout en s’interrogeant sur une possible récupération politique à l’approche des élections locales de juin. A contrario l’opposition de droite du Parti libéral progressiste a appelé à la prudence, dans la continuité des positions de son leader à l’élection présidentielle de 2007 : Lee Hoe-chang avait fait campagne sur une ligne de plus grande intransigeance vis-à-vis du Nord que le candidat élu Lee Myung-bak.
L’annonce sud-coréenne intervient dans un contexte de relatif détente des relations Nord-Sud, au moment de la reprise des discussions intercoréennes dans la zone industrielle de Kaesong, au cours desquelles Pyongyang a demandé une hausse des salaires des ouvriers nord-coréens. Des exercices d’artillerie nord-coréens sont toutefois intervenus pendant trois jours, la semaine dernière, dans la zone maritime disputée entre les deux Corée, après les affrontements intercoréens de novembre 2009.
Mais quelles sont les chances réelles de tenir un sommet intercoréen, que Lee Myung-bak a envisagé au cours de l’année 2010 – sans toutefois fixer de date butoir ? La réitération de sa proposition de "grand marché", consistant notamment en une aide économique du Sud en contrepartie de l’abandon préalable de ses armes nucléaires par Pyongyang, n’est pas acceptable en l’état par la Corée du Nord. Pour Pyongyang, la question nucléaire concerne ses relations avec les Etats-Unis, et pas avec la Corée du Sud ; par ailleurs, avancer l’idée d’une aide économique (et non d’une coopération, comme sur la base des accords de 2000 et 2007) ne peut que raviver le refus par Pyongyang d’une politique d’assistanat. Enfin, les nominations au gouvernement de personnalités réputées pour leur intransigeance vis-à-vis de la Corée du Nord, comme le ministre de la Réunification Hyun In-taek et le ministre de la Défense Kim Tae-young (qui a répondu à l'offre de paix nord-coréenne du 11 janvier 2010 en menaçant la RPDC de frappes préventives), ont été de mauvais signaux adressés à Pyongyang.
Le président Lee Myung-bak souhaite montrer à son opinion publique que, contrairement à ses prédécesseurs, il serait, lui, capable d’organiser un sommet intercoréen en prenant plus en compte les positions sud-coréennes. Mais c’est ignorer que les accords de 2000 et 2007 ont été basés sur des formules de compromis entre le Nord et le Sud.
De la même façon que George W. Bush avait progressivement changé de ligne politique vis-à-vis de la Corée du Nord (d'abord classée en 2002 parmi les pays de "l’axe du mal") jusqu’à négocier deux accords majeurs, en septembre 2005 et en février 2007, il est possible que Lee Myung-bak envisage d'infléchir sa politique intercoréenne. Mais de très nombreux obstacles restent à lever, tant sur le contenu d’un tel accord que sur l’envoi préalable de signaux de détente vis-à-vis du Nord. A cet égard, une atmosphère plus favorable pourrait d’abord être créée par des avancées des discussions sur la zone de Kaesong, ou la réouverture attendue des circuits touristiques - interrompus depuis 2008 - dans les monts Kumgang, conformément à la déclaration intercoréenne du 4 octobre 2007 et suite aux discussions entre le PDG de Hyundai, Mme Hyun Jeong-eun, et le gouvernement nord-coréen lors de la visite effectuée par Mme Hyun en RPDC en août 2009.
Sources : AAFC, KBS World (articles du 1er février 2010 : retour sur l’annonce d’un possible sommet intercoréen, précisions de la présidence sud-coréenne, réactions des partis politiques)
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