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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 23:50

 

DeuxCor-e.jpgLe 24 mai 2010, le président sud-coréen Lee Myung-bak a dévoilé les mesures de représaille qu'il entend prendre contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) accusée d'avoir torpillé la corvette Cheonan le 26 mars. Les sanctions que Séoul veut mettre en œuvre constituent une étape supplémentaire, peut-être irréversible, dans la dégradation des relations intercoréennes, dégradation entamée dès l’entrée en fonction, en février 2008, du gouvernement conservateur de Lee Myung-bak. Ce dernier semble vouloir profiter du naufrage du Cheonan imputé à la RPDC pour imposer sa vision des relations intercoréennes. Les mesures de rétorsion annoncées sont intolérables pour la RPDC qui nie toute implication dans ce naufrage, d'autant que plusieurs éléments font douter des conclusions de l'enquête menée par une commission composée d'experts sud-coréens, américains, canadiens, britanniques et suédois, et des conditions mêmes dans lesquelles cette enquête a été conduite. La seule chose certaine dans l'incident du Cheonan est le parti que les conservateurs sud-coréens peuvent en tirer à la veille d'importantes élections.


On sait que le président conservateur sud-coréen Lee Myung-bak n'a jamais été un chaud partisan du rapprochement intercoréen initié par ses prédécesseurs libéraux Kim Dae-jung (1998-2003) et Roh Moo-hyun (2003-2008). En 2008, Lee Myung-bak avait même le projet de supprimer le ministère de la Réunification, les relations intercoréennes devant alors être du ressort du ministère des Affaires étrangères. Ce projet fut abandonné en raison du tollé suscité en Corée du Sud, mais le ministère de la Réunification fut confié à Hyun In-taek, farouchement hostile au rapprochement entre les deux Corée.


Le naufrage de la corvette Cheonan, le 26 mars 2010, et les accusations lancées contre la Corée du Nord à l'issue d'une enquête qui se voulait scientifique et objective mais dont les résultats sont loin de convaincre tout le monde, y compris en Corée du Sud, fournissent au gouvernement Lee Myung-bak un prétexte pour exercer sur la Corée du Nord  - qui nie toute implication - des menaces et pressions à la fois physiques et psychologiques. C'est le sens des mesures de rétorsion annoncées le 24 mai : l'armée sud-coréenne va reprendre la diffusion de messages de propagande par tracts et par haut-parleurs à la frontière avec le Nord ; des manœuvres sous-marines conjointes vont être organisées avec les Etats-Unis en mer de l'Ouest ; le détroit de Jeju, à l'extrême sud de la péninsule coréenne, va être fermé aux navires nord-coréens ; la Corée du Sud va suspendre ses relations commerciales avec la RPDC, y stopper tout investissement, et restreindre les contacts entre Coréens du Sud et du Nord. Sur le plan diplomatique, Séoul veut saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies pour alourdir les sanctions déjà en place contre la RPDC et en adopter de nouvelles.


Le gouvernement Lee Myung-bak a donc une occasion unique de tirer un trait sur tous les progrès du rapprochement intercoréen accomplis depuis la Déclaration Nord-Sud du 15 janvier 2000 et qui lui faisaient tant horreur. Mieux, l'affaire du Cheonan survient à la veille des élections régionales du 2 juin en Corée du Sud, lesquelles constitueront un véritable test de l'opinion publique vis-à-vis du gouvernement conservateur et un prélude aux élections parlementaires et présidentielles prévues en 2012.


Pour l'agence de presse officielle de RPDC, KCNA, l'affaire du Cheonan permet de faire souffler sur le prochain scrutin le « vent du Nord », expression désignant l'utilisation récurrente de la Corée du Nord comme thème de campagne électorale en Corée du Sud. Pour KCNA, il s'agissait, dès le 26 mars, d'établir un lien entre le naufrage du Cheonan et la RPDC. L'enquête sur les causes du naufrage du Cheonan n'a donc été « ni objective, ni menée sur une base scientifique, mais fondée sur des préjugés et l'arbitraire » pour faire souffler sur les prochaines élections régionales sud-coréennes ce fameux « vent du Nord ».


Faisant la liste des preuves produites par l'équipe internationale d'enquête, « 'une petite quantité d'ingrédients de poudre', 'des fragments d'alliage', un élément de 1,5 mètre de long appartenant à la partie arrière d'une torpille, avec écrit dessus 'dans le style d'écriture du Nord' la mention 'N ° 1', et diverses autres 'preuves matérielles définitives' », KCNA qualifie ces éléments d' « absurdes de A à Z ».


KCNA évoque le « groupe de traîtres [qui a employé] tous les moyens de contrôle, écartant en permanence les hypothèses et avis ne servant pas un scénario qu'il a élaboré, et recourant à la menace et au chantage tout au long de l'enquête ». La « version d'une implication du Nord » a pu ainsi tranquillement se répandre et enfler pour devenir « l'implication directe du Nord » puis « l'attaque à la torpille par le Nord », alors que les preuves pouvant réfuter une quelconque implication de la RPDC dans cette affaire « étaient oubliées les unes après les autres, ou carrément exclues de l'enquête ». Pour KCNA, la plus typique de ces preuves - à décharge - écartées est la turbine à gaz du Cheonan, « principal élément permettant de prouver la cause du naufrage  ».


Pour faire souffler le « vent du Nord », le gouvernement sud-coréen, qualifié de « clique fantoche » par KCNA, « défie les preuves scientifiques et les procédures objectives après avoir concocté une farce grossière destinée à surmonter sa crise actuelle. »


Et KCNA de conclure :


« Cette farce de brigand est un crime hideux à faire figurer dans l'histoire des relations intercoréennes en ce qu'elle constitue une négation ouverte et un rejet total de l'ère de réunification du 15 juin.


« L'armée et le peuple de la RPDC considèrent durement les actions du groupe de traîtres qui cherche à étouffer des compatriotes en imputant à la RPDC les causes du naufrage du navire, et se tiennent eux-même prêts à prendre des contre-mesures décisives.


« Si les forces fantoches sud-coréennes montrent, avec le soutien des impérialistes américains, le moindre signe de la moindre provocation, qu'elle soit politique, militaire ou économique, nous réagirons immédiatement avec les tactiques appropriées pour les éliminer un par un, pour éliminer tous les déchets de la nation de la péninsule coréenne, et pour construire sur celle-ci une Corée réunifiée, riche et puissante, où tous les Coréens connaîtront la prospérité.


« Nous ne traiterons jamais avec la Corée du Sud tant que la clique de traîtres de Lee Myung-bak, imprégnée jusqu'à la moelle des os d'une hostilité morbide à l'égard de la RPDC, restera à Cheongwadae [la Maison Bleue, siège de la présidence sud-coréenne]. 


« L'histoire et la vérité sont vouées à être éclaircies et les tricheurs ne pourront pas échapper au jugement sévère de la justice quel que soit le délai de prescription. »


D'ores et déjà, le 25 mai, le Comité pour la réunification pacifique de la Corée, en charge des relations Nord-Sud en RPDC, a annoncé huit contre-mesures :


- rupture des relations intercoréennes,

- arrêt de tout contact avec le gouvernement sud-coréen actuel jusqu’à la fin du mandat de Lee Myung-bak,

- fermeture du bureau de liaison de la Croix-Rouge à Panmunjeom,

- coupure des lignes de communication intercoréennes,

- gel du bureau de coopération économique de la zone industrielle conjointe de Kaesong et expulsion des personnels sud-coréens,

- réplique contre les moyens de propagande à destination du Nord,

- interdiction de circulation des avions et navires sud-coréens dans les eaux territoriales et l'espace aérien nord-coréens,

- application des lois de la guerre pour tous les problèmes liés aux relations intercoréennes.


La réaction très ferme de la RPDC face aux allégations et aux mesures prises contre elle montre que, dans l'affaire du Cheonan, la manipulation des preuves par le gouvernement sud-coréen à des fins électorales pourrait ruiner de manière irrémédiable tous les progrès accomplis entre les deux Corée depuis dix ans. Au vu de ses antécédents, c'était peut-être ce qu'espérait le gouvernement Lee Myung-bak.

 

 

Sources principales :

 KCNA, "Military Commentator on Truth behind 'Story of Attack by North'", 25 mai 2010

KCNA, "CPRK Declares Resolute Actions against S. Korea", 25 mai 2010

Yonhap, « Elections régionales : la campagne officielle a débuté », 20 mai 2010

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