Après le vote par le Parlement de la motion de destitution de la Présidente Park Geun-hye le 9 décembre 2016, les manifestations géantes qui se succèdent en République de Corée (Corée du Sud) depuis plus d'un mois ont pris une autre tournure : la célébration de la première victoire que représente le vote du Parlement, qui aurait été clairement inenvisageable il y a deux mois sans la mobilisation populaire. Or, précisément, le risque existe que rien ne change en Corée : que les conglomérats continuent de déterminer la vie de la nation, que des drames comme celui du naufrage du ferry Sewol continuent de se produire (un thème très présent dans l'expression des manifestants, souvent très jeunes), que les atteintes de plus en plus nombreuses aux libertés politiques et syndicales ne prennent pas fin... C'est pour toutes ces raisons que la mobilisation s'est poursuivie, non seulement à Séoul et dans les autres villes coréennes et dans le monde, à l'initiative des Sud-Coréens eux-mêmes, sans ingérence extérieure - avec évidemment des chiffres de mobilisation moins importants. Nous revenons ci-après en images sur la manifestation du 10 décembre 2016 à Paris, qui a réuni 150 participants, en remerciant Dominique de Miscault pour avoir permis ce reportage photo.
Le samedi 10 décembre 2016, le sénateur Jean-Claude Frécon, élu socialiste dans la Loire depuis 2001, est disparu brutalement, victime d'un infarctus, alors qu'il venait d'assister au marché aux vins de Chavanay. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) rend hommage à celui qui était aussi président du groupe d'études et de contact France - République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) au Sénat. L'AAFC présente ses condoléance à sa famille, à ses proches, à ses camarades socialistes et à ses collègues sénateurs qui ont perdu un travailleur acharné et une personnalité attachante, d'une générosité rare, fidèle en amitiés et en convictions.
Jean-Claude Frécon recevant au Sénat une délégation de la Fédération coréenne des personnes handicapées (Corée du Nord), le 24 février 2015.
Né à Castellane, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le 3 septembre 1944, Jean-Claude Frécon avait choisi le métier d'enseignant. Militant au Parti socialiste, il avait été conseiller général du canton de Feurs de 1979 à 2002 et maire de Pouilly-les-Feurs de 1983 à 2006. Elu sénateur de la Loire en 2001, il avait été brillamment réélu en 2011 - la liste qu'il conduisait obtenant trois sièges sur quatre au scrutin proportionnel. Il avait annoncé qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat aux élections sénatoriales de septembre 2017.
Brillant défenseur des territoire ruraux, tant au sein de l'Association des maires de France dont il avait été vice-président de 1988 à 2006 que de la commission des finances du Sénat, spécialiste reconnu de la fiscalité locale, Jean-Claude Frécon était aussi un militant européen convaincu, ayant été président du congrès des pouvoirs locaux et régionaux au Conseil de l'Europe de 2014 à 2016.
Travailleur infatigable, il s'était investi dans ses mandats sur des sujets techniques et parfois arides. C'est avec le même état d'esprit et la même volonté de faire triompher des causes qu'il estimait difficiles mais justes qu'il avait plaidé pour l'établissement de relations diplomatiques complètes entre la France et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), en tant que membre puis président du groupe d'études et de contact du Sénat France - RPD de Corée, convaincu de l'inefficacité des politiques d'isolement et de sanctions - ce qui ne l'empêchait pas, par ailleurs, en homme disant les choses franchement, de faire part aux Nord-Coréens de ses divergences de vues sur la poursuite du programme nucléaire ou la question des droits de l'homme.
L'Association d'amitié franco-coréenne mesure ainsi combien Jean-Claude Frécon pouvait être dans une situation ingrate quand il défendait sur la question coréenne des positions qui ne sont pas toujours celles des médias dominants. Elle en a apprécié d'autant plus son investissement réel dans les échanges France - RPDC qui, dans un contexte d'absences de relations diplomatiques complètes, ont donné au groupe du Sénat un rôle qui dépasse celui des seuls échanges interparlementaires, alors que ses activités avaient pratiquement mises en sommeil dans les années 1990. Le sénateur Jean-Claude Frécon s'était rendu en RPD de Corée à trois reprises, en 2002, 2011 (à la tête d'une délégation qui avait préparé l'ouverture du bureau français de coopération à Pyongyang) et 2013. Il avait également visité le Sud de la péninsule, notamment au sein du groupe interparlementaire d'amitié France - République de Corée, dont il était le premier vice-président, en 2009.
Le sénateur socialiste est mort d'un malaise cardiaque, samedi après-midi, à l'âge de 72 ans. Le Monde | * Mis à jour le M. Frécon a été conduit à l'hôpital de Givors où il n'a pas pu ê...
Le 27 octobre 2016, le premier comité de l'Assemblée générale des Nations unies a voté à une très large majorité (123 voix pour, 38 contre et 16 abstentions) la résolution L.41 prévoyant l'ouverture de négociations en 2017 sur un "instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète". Parmi les Etats ayant voté "pour" la résolution on trouve la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) ; parmi ceux ayant voté "contre" la France et les Etats-Unis - traduisant, au passage, un nouveau revirement de position de François Hollande qui s'était engagé à favoriser l'interdiction totale des armes nucléaires. Ce vote montre de manière explicite quels sont les pays qui veulent réellement le désarmement nucléaire, comme la RPD de Corée, et quels sont ceux qui, en multipliant les sanctions contre la RPD de Corée après chacun de ses essais nucléaires, révèlent ainsi que leur attitude est guidée par le seul souci de conserver le monopole de cette arme de destruction massive.
Essai nucléaire français "Licorne" (puissance : 1 Mt) sur l'atoll de Mururoa le 3 juillet 1970
La République populaire démocratique de Corée l'a toujours affirmé : elle a dû développer des armes nucléaires à des fins d'auto-défense, face à la politique hostile des Etats-Unis qui ont attaqué les pays dépourvus d'un potentiel suffisant de défense, comme l'Irak et la Libye. Face à cette menace, la Corée du Nord estime qu'elle ne peut donc pas désarmer unilatéralement. Mais sa position de principe est pour un monde sans armes nucléaires, comme l'a rappelé son vote en faveur de la résolution L.41 visant à l'ouverture de négociations dès 2017 pour l'interdiction et l'élimination des armes nucléaires.
Inversement, les Etats-Unis et leurs affidés ont voté contre la résolution L.41 (et donc pour un monde avec des armes nucléaires) : on trouve aussi parmi les opposants à cette résolution la République de Corée (Corée du Sud) et le Japon (dont l'opinion publique, très hostile au nucléaire, appréciera l'attitude de son gouvernement), l'Allemagne, Australie, la Belgique, le Canada, la France, Israël, la Pologne, le Royaume-Uni, la Turquie...
La France a été particulièrement en pointe dans l'opposition à ce texte, en faisant pression sur les eurodéputés français pour qu'ils s'opposent à une résolution au Parlement européen confortant la démarche de l'Assemblée générale des Nations unies. L'argumentaire français est qu'il fallait s'opposer à un texte "inefficace et déstabilisateur", et donc en rester aux instruments existants... qui ont fait la démonstration de leur inefficacité. Pour la France, le désarmement nucléaire est bien un sujet à géométrie variable : oui au désarmement nord-coréen, non au désarmement de tous les autres pays, dont la détention de l'arme nucléaire ne semble guère préoccuper les gouvernants français...
Par ailleurs, la Chine, l'Inde et le Pakistan se sont abstenus. La Russie a voté contre la résolution, approuvée en revanche par l'Iran.
La Corée du Nord est donc le seul Etat doté de l'arme nucléaire a avoir voté pour la résolution L.41.
Pour sa part, l'Association d'amitié franco-coréenne rappelle sa position constante pour la paix et le désarmement dans toute la péninsule coréenne, au-delà des postures soi-disant hostiles aux armes nucléaires d'un Barack Obama ou d'un François Hollande.
October 27, 2016 On 27 October 2016, the First Committee of the UN General Assembly adopted resolution L.41 to convene negotiations in 2017 on a "legally binding instrument to prohibit nuclear ...
Cela fait 71 ans que l'humanité vit avec la capacité de détruire la planète par la pression d'un simple bouton. Fin octobre, grâce à l'action de la société civile et d'États courageux, l'O...
Suite à la lettre adressée le 22 septembre 2016 par l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) aux sept candidats à l'élection primaire de la droite et du centre, portant sur les relations entre la France et les deux Corée, Bruno Le Maire a envoyé la réponse suivante.
Paris, le 2 novembre 2016
Chère Madame, cher Monsieur,
J'ai bien reçu votre courrier relatif à l'état des relations diplomatiques entre la France et la Corée du Nord.
Les relations bilatérales qu'entretiennent la République populaire démocratique de Corée et la République de Corée sont particulièrement importantes pour la stabilité régionale et je ne peux qu'approuver tout renforcement du dialogue entre les deux pays, avec le soutien de leurs partenaires internationaux respectifs.
Toutefois, la France se doit de porter un message clair à l'ensemble de ses partenaires internationaux, et en particulier la République populaire démocratique de Corée : les essais nucléaires menés par Pyongyang ne sont pas acceptables et doivent être dénoncés avec force. Je rejoins naturellement la position du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies de septembre dernier qui condamne, à l'unanimité, les tirs de missiles balistiques nord-coréens.
Dans tous les cas, vous pouvez compter sur moi pour défendre les intérêts de la France et m'assurer du maintien de la paix et de la stabilité régionale en Corée.
En vous remerciant à nouveau pour votre contribution, je vous prie d'agréer, chère Madame, cher Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Très cordialement,
Bruno LE MAIRE
L'Association d'amitié franco-coréenne remercie Bruno Le Maire de sa réponse.
Le candidat déclare "approuver tout renforcement du dialogue" entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et la République de Corée (Corée du Sud), précisant "avec le soutien de leurs partenaires internationaux respectifs", ce qu'on peut interpréter comme un soutien à l'application des déclarations inter-coréennes du 15 juin 2000et du4 octobre 2007.
Puis, affirmant que "la France se doit de porter un message clair à l'ensemble de ses partenaires internationaux", Bruno Le Maire classe la RPDC parmi ces partenaires internationaux de la France, même si c'est pour immédiatement dénoncer le programme nucléaire nord-coréen.
Enfin, Bruno Le Maire s'engage à "défendre les intérêts de la France et [s']assurer du maintien de la paix et de la stabilité régionale en Corée", sans toutefois préciser si la défense des intérêts français et le maintien de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne vont jusqu'à la normalisation des relations diplomatiques de la France avec la RPDC.
Tout en se réjouissant des divers points de convergence avec le candidat, et en prenant note des points de divergence, l'AAFC regrette l'absence de position déclarée sur les autres sujets : la pression exercée par les Etats-Unis en Corée (et en grande partie responsable du programme nucléaire nord-coréen), les sanctions frappant la RPD de Corée, la dégradation de la situation des droits de l'homme en Corée du Sud.
Suite à la lettre adressée le 22 septembre 2016 par l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) aux sept candidats à l'élection primaire de la droite et du centre, portant sur les relations entre la France et les deux Corée, Alain Juppé a envoyé la réponse suivante.
Paris, le 12 octobre 2016
Messieurs les membres du national de l'Association d'amitié franco-coréenne,
A la demande d'Alain Juppé, je vous remercie de votre courrier et de vos questions relatives à ce sujet majeur des relations internationales qu'est la situation de la péninsule coréenne.
Nous partageons totalement avec vous la volonté de travailler au service de la paix et de l'unité de la péninsule. La situation actuelle n'est que le produit d'un conflit d'un autre âge, ancré dans le contexte de la Guerre Froide. L'actuelle partition, qui résulte du rapport de forces sur le terrain en 1953, est contraire à toute l'histoire et à toute la culture de la péninsule. Je partage sincèrement la souffrance des Coréens, qui ont vu leurs familles séparées et leurs histoires se briser. C'est un sujet que la communauté internationale devrait chercher davantage à résoudre.
Nous sommes attentifs à ce qu'aucune des parties ne s'engage dans une déstabilisation qui serait dangereuse non seulement pour la péninsule mais aussi pour les pays du voisinage. Cela risquerait de compromettre pour l'avenir les chances d'une paix durable. Le programme nucléaire nord-coréen, développé en dehors du traité de non-prolifération de 1968, dont la République populaire de Corée a été pourtant signataire, est de nature à rompre la nécessaire confiance qu'il convient d'établir entre les parties. Plusieurs résolutions très claires du Conseil de sécurité ont été adoptées et le condamnent.
Nous sommes très attachés à ce qu'un règlement pacifique puisse être trouvé, avec le soutien de la communauté internationale et en laissant au peuple coréen la possibilité de décider de son avenir. Toute initiative allant dans le sens du dialogue doit être vue favorablement, à commencer par les échanges de vue directs entre les deux Corées. Vous pourrez compter sur nous pour apporter un soutien en ce sens.
Je vous prie de croire en l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
Bien à vous.
David Teillet
Chef de cabinet
L'Association d'amitié franco-coréenne remercie Alain Juppé de sa réponse, laquelle est intéressante à plusieurs titres.
D'abord, Alain Juppé, par l'intermédiaire de son chef de cabinet, reconnaît que la situation de la péninsule coréenne est bien un "sujet majeur des relations internationales" et déclare "[partager] totalement avec [l'Association d'amitié franco-coréenne] la volonté de travailler au service de la paix et de l'unité de la péninsule".
Ensuite, même s'il épouse la position classique de la diplomatie française en demandant que la RPD de Corée se conforme aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et respecte le Traité de non-prolifération nucléaire - auquel la RPDC n'est pourtant plus liée depuis janvier 2003 -, Alain Juppé affirme rester attentif "à ce qu'aucune des parties ne s'engage dans une déstabilisation qui serait dangereuse non seulement pour la péninsule mais aussi pour les pays du voisinage". Le candidat admet donc que les actions de la Corée du Sud et des Etats-Unis peuvent avoir un effet déstabilisateur en Corée. En cela, Alain Juppé se montre plus ouvert que l'actuelle diplomatie française.
Concernant le soutien que la France peut apporter au dialogue inter-coréen, Alain Juppé dit être attaché à un "règlement pacifique [...] laissant au peuple coréen la possibilité de décider de son avenir" et favorable à des "échanges de vue directs entre les deux Corées". Cela correspond à l'esprit des déclarations inter-coréennes du 15 juin 2000et du 4 octobre 2007, résumé par la formule "par les propres efforts de notre nation". L'AAFC ne peut qu'être satisfaite de la volonté affichée du candidat de soutenir, une fois élu, l'application des déclarations inter-coréennes de 2000 et 2007, même s'il ne dit pas quelle forme prendra ce soutien.
En revanche, l'AAFC regrette l'absence de réponse d'Alain Juppé concernant les sanctions frappant la RPD de Corée, la normalisation des relations diplomatiques entre la France et la RPDC, ou encore la dégradation de la situation des droits de l'homme en Corée du Sud.
Le 20 et (en cas de second tour) le 27 novembre 2016 sera désigné le candidat des Républicains, du Parti chrétien-démocrate et du Centre national des indépendants et paysans (CNIP) à l'élection présidentielle française de 2017. A cette occasion, le comité national de l'Association d'amitié franco-coréenne a décidé, lors de sa réunion du 30 août 2016, d'interroger les candidats à la primaire de la droite du centre - dans la continuité des démarches entreprises lors des élections présidentielles de 2007 et 2012, qui avaient conduit l'AAFC à interroger les candidats à la présidentielle sur les relations entre la France et les deux Corée. Nous reproduisons ci-après les questions posées dans la lettre envoyée le 22 septembre 2016 par le Bureau national de l'Association d'amitié franco-coréenne à chacun des candidats à l’élection primaire de la droite et du centre, Jean-François Copé, François Fillon, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, Jean-Frédéric Poisson et Nicolas Sarkozy.
Malgré l’armistice de 1953, les deux Corée sont toujours « techniquement » en guerre, ce qui génère des tensions. Alors que les médias et certains pays se plaisent à souligner le programme nucléaire de la République populaire démocratique de Corée, les exercices militaires américains menés en République de Corée ne soulèvent aucune réprobation, alors qu’ils simulent clairement une invasion de la RPDC. Aux termes de l’article 39 de la Charte des Nations unies, de telles manœuvres peuvent pourtant être considérées comme une « menace contre la paix ». Estimez-vous nécessaire que la situation soit traitée dans sa globalité et que les comportements d’autres acteurs – à commencer par ceux des États-Unis d’Amérique - soient soulignés ?
Les sanctions internationales, mais aussi unilatérales, adoptées contre la RPDC n’ont nullement entamé la détermination des autorités nord-coréenne, tout en pénalisant en premier lieu la population de ce pays. Depuis des années, ces sanctions ont démontré leur inefficacité et ne font que détériorer la situation. Quelle est votre position sur les sanctions dont la RPDC fait l’objet ?
À l’exception de la France et de l’Estonie, tous les pays de l’Union européenne entretiennent des relations diplomatiques normales avec la RPDC. Cette situation est contraire à la tradition diplomatique de la France, qui est de reconnaître des États et non des régimes politiques, et nuit à la place de notre pays en Asie orientale, une des régions les plus dynamiques du monde. Après l’ouverture, en 2011, d’un premier bureau français de coopération à Pyongyang, comptez-vous faire évoluer cette situation pour normaliser les relations entre la République française et la RPDC, conformément à la pratique de nos principaux partenaires européens ?
La République de Corée connaît de vives tensions politiques, notamment depuis l’élection de la présidente Park Geun-hye en 2012. Le Parti progressiste unifié, un des principaux partis politiques sud-coréens, a fait l’objet d’une interdiction et on assiste à une répression accrue à l’encontre les syndicats. La République de Corée entend pourtant partager les mêmes valeurs et standards que les pays occidentaux. La répression en cours en Corée du Sud est peu soulignée, alors que les médias se plaisent à relayer la moindre rumeur sur la RPDC. Quelle est votre position sur les différentes restrictions apportées aux libertés démocratiques en Corée du Sud ?
Le dialogue intercoréen, que nous soutenons, reste peu connu à l’étranger. L’AAFC le soutient clairement comme seule voie possible dans le règlement des différends entre Coréens. Estimez-vous que la France doit encourager le dialogue entre les deux Corée et rappeler qu’il constitue le seul instrument sérieux pour trouver une solution pérenne à la crise coréenne ?
L'Association d'amitié franco-coréenne ne manquera pas de vous informer des réponses apportées à ces questions par les candidat(e)s.
En juin 2016, François Hollande, Président de la République française, a reçu avec faste Mme Park Geun-hye, Présidente de la République de Corée, fortement critiquée pour ses atteintes constantes et systématiques aux droits de l'homme. Quelques mois plus tard, le chef de l'Etat français entendait rencontrer le Président russe Vladimir Poutine mais dans un format non officiel et pour lui dire que l'attitude russe en Syrie était "inacceptable" selon la diplomatie française. Le Kremlin a alors annoncé le report du déplacement en France du Président russe, qui devait à cete occasion inaugurer le nouveau centre spirituel et culturel orthodoxe russe de Paris ainsi qu'une exposition de la Fondation Vuitton consacrée au mécène russe Sergueï Chtouchkine. Le porte-parole du Kremlin a indiqué que Vladimir Poutine était disposé à se rendre àParis "lorsque le président Hollande se sentira à l’aise". L'Association d'amitié franco-coréenne décrypte l'attitude française : complaisance vis-à-vis des autorités sud-coréennes dans un cas, critiques (et de surcroît à l'égard d'un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies) dans l'autre cas.
François Hollande tout sourire avec Mme Park Geun-hye : pas de sujets qui fâchent entre alliés des Etats-Unis
Est-ce que ce sont vraiment les choix de la diplomatie russe qui justifient la différence de traitement entre Vladimir Poutine et Mme Park Geun-hye ? Si la Russie est directement engagée dans le conflit syrien, la Corée du Sud a choisi l'escalade des tensions avec son voisin du Nord, jusqu'à menacer de réduire en cendres la capitale de la République populaire démocratique de Corée et d'assassiner le dirigeant nord-coréen. Mais le communiqué franco - sud-coréen publié à l'issue de la visite de Mme Park en juin avait au contraire justifié le bellicisme sud-coréen en invoquant l'attitude de la Corée du Nord : le pacifisme et les appels au dialogue de la diplomatie française sont décidément à géométrie variable.
S'agit-il pour la France de privilégier un cadre multilatéral respecteux des droits de l'homme ? Les autorités françaises veulent saisir la Cour pénale internationale pour les "crimes de guerre" commis en Syrie, comme l'a indiqué le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault :
Ça concerne tout le monde (…) Il y a des faits constitutifs de crimes de guerre (…). Après, il faut dégager les responsabilités (...) Nous allons prendre contact avec la procureure générale de la Cour internationale pour voir de quelle façon elle peut engager ces enquêtes.
Mais dans le cas sud-coréen les atteintes aux droits de l'homme, qui sont elles pleinement connues du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, sont superbement ignorées par le ministère des Affaires étrangères, comme celui-ci l'a indiqué dans une réponse lapidaire suite à la visite d'Etat de Mme Park Geun-hye en France, des parlementaires ayant voulu savoir si la question des droits de l'homme n'avait été, ne serait-ce qu'effleurée, lors de sa rencontre avec son homologue sud-coréenne, François Hollande allant même jusqu'à adopter le point de vue des autorités sud-coréennes justifiant l'inacceptable :
Les relations entre la France et la Corée sont fondées sur des valeurs partagées en matière de démocratie et de droits de l’Homme. La France est pleinement respectueuse de la souveraineté coréenne et de l’indépendance de son système judiciaire. Le gouvernement coréen actuel ne reconnait pas l’existence de prisonniers politiques en République de Corée. Six responsables du Parti progressiste unifié (PPU) ont été poursuivis pour violation de la loi sur la sécurité nationale et préparation d’une révolte armée, à la suite d’un appel à la sédition en cas de conflit armé avec la Corée du Nord. En 2015, la Cour suprême les a exonérés de ce dernier chef d’accusation mais les a déclarés coupables de violation de l’article 7 de la loi sur la sécurité nationale. La Cour constitutionnelle s’est par ailleurs prononcée en faveur de la dissolution du PPU, le 19 décembre 2014, estimant que les objectifs et les activités de ce parti visaient à effectuer un changement de régime et à renverser l’ordre démocratique (...).
La vérité est que ni la paix, ni les droits de l'homme ne sont des déterminants de la diplomatie française. Mme Park Geun-hye est l'alliée le plus fidèle des Etats-Unis en Extrême-Orient, et doit à ce titre être soutenue de manière inconditionnelle. Vladimir Poutine mène, lui, une diplomatie indépendante des Etats-Unis et de leurs alliés, ce qui est tout simplement inacceptable pour François Hollande : quand le Président français rencontre des chefs d'Etat étrangers, il les aime pro-américains. La politique gaullienne puis mitterrandienne d'indépendance de la diplomatie française est aujourd'hui bel et bien morte et enterrée.
Depuis le 18 juin et jusqu'au 17 octobre 2016, le Musée national Adrien Dubouché à Limoges présente l'expositionCorée, 1886. Roman d'un voyageur, à partir de la figure centrale de Victor Collin de Plancy (1853-1922), qui a été le premier représentant officiel de la France en Corée entre 1888 et 1906. Cette exposition, très pédagogique, avait auparavant été présentée à la Manufacture de Sèvres (Cité de la Céramique), du 20 janvier au 20 juillet 2015 - parallèlement à la présentation des œuvres de deux artistes coréens contemporains, Kim Yik-yung Kimet Kim Yeun-kyung, sous le titre colectif Corée mania. Nous revenons ci-après sur le rôle joué par le diplomate français, érudit et collectionneur, dans la constitution des collections de céramiques coréennes en France, à partir du catalogue de l'exposition.
Phénix dans un paysage fantastique (Musée Guimet)
Soucieux de faire connaître la culture coréenne en France, ayant favorisé les voyages en Corée de voyageurs (comme Charles Varat, à l'origine des collections coréennes du Musée Guimet), ethnographes et photographes, Victor Collin de Plancy joua un rôle fondamental dans la constitution des collections de céramiques coréennes en France en s'employant à regrouper des collections diverses, et l'exposition Roman d'un voyageur rend compte de ces échanges et de la découverte d'une culture alors inconnue des Français à partir, notamment, d'un riche fonds iconographique de photos.
Depuis sa fondation en 1806, le Musée des arts céramiques de la Manufacture de Sèvres avait bénéficié de dons et d'envois de collectionneurs, marins, diplomates ou voyageurs, et Victor Collin de Plancy s'inscrit dans cette tradition, avec l'envoi de 260 pièces de céramique coréenne lors de son premier séjour en Corée (1888-1891), inventoriées seulement en 1894, alors que les collections coréennes du Musée de Sèvres étaient très récentes - les deux premières pièces ayant été données en 1851 par le diplomate Charles de Montigny, qui avait fait naufrage sur les côtes coréennes alors qu'il était en poste à Shanghaï. Collin de Plancy reçu l'appui d'un autre érudit, basé à Pékin où il occupait une chaire de chimie, Anatole Adrien Billequin.
Les collections ont pris leur essor suite à un échange de dons : après que le Président de la République Sadi Carnot eut remis en 1889 un vase de Salamine et deux vases Clodion au roi de Corée, deux bols en céladon de l'époque Koryo (918-1392) ont été offerts en remerciement par le souverain coréen, et conservés dans les collections muséales françaises par un don du Président Sadi Carnot.
Collectionneur avisé, Victor Collin de Plancy a voulu que la politique d'acquisition de Sèvres reflète la diversité et la richesse des créations coréennes. En 1900, des pièces de la collection personnelle du diplomate français avaient été prêtées pour le pavillon coréen de l'exposition universelle. Sa collection personnelle fut dispersée en 1911.
D'autres pièces données ont en revanche mystérieusement disparu, comme celles données par Charles Varat après son voyage en Corée... Les carences de l'inventaire ont rajouté aux interrogations sur le devenir de ces pièces, et le fortuné Parisien ne figure pas dans la liste des donateurs du Musée de Sèvres.
Source : Roman d'un voyageur. Victor Collin de Plancy, l'histoire des collections coréennes en France, Sèvres, Musée de la Céramique, éditions Loubatières, 2015.
Il y a bien deux France et deux Corée (du Sud) qui se sont retrouvées face à face ces derniers jours. Côté cour, du 1er au 4 juin 2016, Mme Park Geun-hye a effectué une visite d'Etat en France - et a été reçue avec tous les honneurs dus à son rang par le Président François Hollance. Côté rue, une manifestation a été organisée place Saint-Michel, à Paris, le 3 juin, par le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), en présence de représentants d'organisations sud-coréennes frappées par la répression à Séoul : l'Alliance coréenne et "Jeunes de gauche". L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), qui a soutenu la manifestation du CILD, revient sur cette dichotomie qui révèle deux conceptions différentes de la diplomatie française et des droits de l'homme.
Au plan protocolaire, rien n'a manqué à la visite d'Etat en France de la Président sud-coréenne Mme Park Geun-hye : réception à l'Elysée, dîner d'Etat (et toast porté en son honneur), conférence de presse conjointe avec le Président François Hollande, et pour finir un tour rapide à Grenoble, où elle avait étudié six mois en 1974 - occasionnant accessoirement quelques embouteillages, les mêmes embouteillages qui - ironie du sort - servent de prétexte à restreindre la liberté de manifestation en Corée du Sud.
Mais de quoi ont bien pu parler M. Hollande et Mme Park ? De la situation politique en Corée du Sud, où Mme Park Geun-hye refuse de reconnaître sa défaite aux élections législatives du 13 avril 2016, en changeant de gouvernement et - accessoirement, si l'on peut dire - de ligne politique ? De juteux contrats économiques ? De coopérations culturelles, sportives, artistiques, dans le prolongement de l'année croisée France-Corée du Sud, qui coïncide avec le 130e anniversaire de l'établissement en 1886 des relations diplomatiques (qui, soit dit en passant, ont surtout été une ouverture forcée de la Corée sous l'effet de la politique de la canonnière) ? Il y a certes eu quelques contrats signés (notamment dans le domaine des nouvelles technologies, où les Sud-Coréens excellent), mais l'essentiel était ailleurs, si l'on s'en tient du moins aux thèmes abordés lors de la conférence de presse conjointe de François Hollande et Park Geun-hye : les deux chefs d'Etat ont surtout parlé d'un pays tiers, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Selon l'éclairant communiqué de l'agence de presse officielle sud-coréenne Yonhap,
La Corée du Nord est soumise aujourd’hui aux plus lourdes sanctions onusiennes pour son quatrième essai nucléaire et son lancement de fusée à longue portée du début de l'année. Elle continue toutefois à rejeter l’appel de la communauté internationale pour l'abandon de son programme nucléaire qu'elle considère comme un moyen de dissuasion contre la soi-disant politique hostile de Washington à son encontre.
En outre, Park et Hollande ont déclaré qu'ils mettront en œuvre de façon exhaustive les sanctions onusiennes contre le Nord et prendront des mesures additionnelles, si nécessaire, pour s'assurer que la Corée du Nord abandonne son programme nucléaire et s'engage sur la voie d'un changement véritable, selon le communiqué conjoint publié après le sommet.
Les deux pays ont enjoint la Corée du Nord d'améliorer la situation des droits de l'Homme en son sein et se sont dit inquiets de cette dernière.
Des tensions dans la péninsule coréenne ? Selon ce communiqué, elles sont entièrement imputables à la Corée du Nord et il n'y aurait pas de politique hostile de Washington à l'encontre de Pyongyang. Si c'est réellement ce qui a été dit, rarement la France se sera alignée aussi étroitement sur les positions des néoconservateurs américains et sud-coréens en matière de politique étrangère. Ou M. Hollande se serait-il converti aux délires néoconservateurs va-t-en-guerre de ceux qui, hier, lançaient la guerre d'Irak en 2003, avec ces centaines de milliers de morts, ce qui a créé le terreau fertile où a ensuite prospéré le radicalisme islamiste djihadiste ?
Que M. Hollande s'inquiète des droits de l'homme au Nord est son libre choix, mais a-t-il eu au moins un mot pour les prisonniers politiques sud-coréens, dont l'un d'eux, Mme Kim Hye-young, est en train de mourir après avoir engagé une grève de la faim car elle ne reçoit pas de traitement approprié en prison ? Rien ne permet de penser que M. Hollande ait eu le moindre mot sur les atteintes gravissimes aux libertés démocratiques en Corée du Sud, alors que la lettre que lui a adressé Jean Salem, président du CILD, sur la libération des prisonniers politiques en Corée du Sud n'a même pas reçu un accusé de réception. Parler du Nord tout en fermant les yeux sur ce qui se passe au Sud, c'est adopter le point de vue des réactionnaires sud-coréens qui, hier tuaient des milliers d'opposants, aujourd'hui les emprisonnent et les torturent (avant de les tuer à nouveau ?) en arguant de la menace nord-coréenne et de la situation des droits de l'homme dans le Nord de la péninsule.
De la même façon qu'il honorait le ministre de l'Intérieur saoudien de la légion d'honneur, M. François Hollande a tenu à distinguer Mme Park Geun-hye : pour la première fois, un chef d'Etat étranger a été honoré du titre de doctor honoris causa par l'Université de médecine Pierre et Marie Curie, pour sa contribution (on ne rit pas) au développement, entre autres, de l'économie créative. Ceci n'a aucun rapport avec la médecine ? Ce n'est pas grave : il faut bien satisfaire les caprices de Mme Park, qui aurait tant aimé poursuivre des études en France.
Mais il y a une autre France, et une autre Corée du Sud : une France et une Corée du Sud qui, elles, se situent résolument du côté de la défense de la paix en Corée en favorisant le dialogue et pas la guerre, et de la libération des prisonniers politiques et de la fin de la répression contre les militants politiques et syndicaux.
La France et la Corée du Sud qui résistent à la guerre et refusent le fascisme manifestaient le soir du vendredi 3 juin 2016, à la fontaine Saint-Michel dans le sixième arrondissement de Paris, à l'appel du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, qui a établi un compte rendu détaillé. Ils n'étaient pas seuls, l'appel à manifester ayant été reproduit sur la page Facebook du Mouvement de la paix, et sur d'autres sites (notamment Mouvement communiste) tandis qu'un article de Lina Sankari dans L'Humanité, intitulé "A Paris, Séoul vend son capitalisme autoritaire", a repris les analyses du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), explicitement cité, sans malheureusement rappeler la date et le lieu de la manifestation, ni indiquer le site du CILD (l'article sur Internet n'étant lui qu'en version payante). Pour défendre les libertés démocratiques en Corée du Sud et stopper une dérive libérale (en économie) - autoritaire (en politique), l'AAFC appelle plus que jamais à rejoindre le CILD, face à une situation dont l'urgence est chaque jour plus avérée.
Site officiel de la Présidence de la République Française : l'actualité du Président François Hollande, ses discours, son agenda, son portrait, la visite en vidéo du Palais de l'Élysée, le...
C'est une histoire aussi sinistre que rocambolesque qui a eu lieu en France et a impliqué les services de renseignement sud-coréens : en octobre 1979, l'ancien chef de l'Agence centrale de renseignement de Corée (du sud), la KCIA – prédécesseur de l'actuel Service national de renseignement (NIS)-, fut enlevé à Paris et éliminé par des agents aux ordres du régime sud-coréen de l'époque. Depuis 1979, malgré la mise en place d'une commission d'enquête en 2004, le mystère demeure sur les circonstances précises de cette affaire. Celle-ci est autant l'affaire d'une élimination, dans des conditions que certains qualifieront de « mafieuses », d'un ancien ami devenu gênant que l'affaire des différentes versions savamment distillées pour semer la confusion dans le public. Mais, malgré le brouillard volontairement entretenu, les services de renseignement sud-coréens apparaissent comme une organisation agissant selon le bon vouloir d'un régime alors dictatorial plutôt que selon la loi, en cumulant de manière exceptionnelle les compétences de la CIA et du FBI américains. Ainsi, en 1979, pour répondre aux besoins du régime sud-coréen aux abois, la KCIA a agi au mépris de la souveraineté d'un pays étranger – en l'occurrence la France – et même de la réputation internationale et de l'intérêt national de la République de Corée (du Sud).
L'ancien directeur de la KCIA, Kim Hyung-wook, lors de sa déposition devant la Chambre des représentants des Etats-Unis, en juin 1977
Né en 1925, Kim Hyung-wook dirigea de 1963 à 1969 l'Agence centrale de renseignement de Corée (Korea Central Intelligence Agency, ou KCIA, nom de l'agence sud-coréenne de renseignement entre 1961 et 1981), se montrant d'une fidélité sans bornes à l'égard du général Park Chung-hee, à la tête de la Corée du Sud de 1961 à 1979 et père de l'actuelle présidente sud-coréenne Park Geun-hye. En particulier, Kim Hyung-wook pilota en 1967 l'enlèvement de 17 citoyens sud-coréens résidant en Allemagne de l'Ouest d'où ils furent rapatriés à Séoul pour y être torturés sur des accusations de violation de la loi de sécurité nationale sud-coréenne et d'activités pro-Corée du Nord. Cet enlèvement faillit provoquer la rupture des relations diplomatique entre la République fédérale d'Allemagne et la Corée du Sud.
Puis Kim Hyung-wook tomba en disgrâce, prit ses distances avec le régime de Park Chung-hee, et, finalement, se réfugia aux Etats-Unis en 1973. Pendant son exil américain, il se montra un farouche opposant au régime Park, révélant la corruption et l'oppression de ce dernier. En juin 1977, il témoigna devant la Sous-commission sur les organisations internationales de la Commission sur les relations internationales de la Chambre des représentants (Commission Fraser), enquêtant sur les relations entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Là, l'ancien directeur de la KCIA dévoila notamment la corruption de membres du Congrès américain achetés par Park Chung-hee. En 1979, les mémoires de Kim Hyung-wook furent publiés au Japon, malgré les tentatives du régime Park de les bloquer.
Puis, en octobre 1979, Kim Hyung-wook se rendit en France, à Paris, où il disparut... quelques jours avant l'assassinat de Park Chung-hee par son propre chef des services de renseignement !
Depuis leur création, les services secrets sud-coréens – qu'il s'agisse de l'Agence centrale de renseignement, de l'Agence de planification de la sécurité nationale ou du Service national de renseignement – ont rarement hésité sur les moyens à employer, en Corée et à l'étranger. Ainsi, la KCIA aux ordres du général Park Chung-hee eut souvent recours à l'enlèvement et au meurtre vis-à-vis de ses opposants – dont l'enlèvement du futur président Kim Dae-jung, alors dissident, en 1973. Mais la disparition en 1979, à Paris, d'un ancien chef des services secrets sud-coréens devenu un farouche opposant au régime Park est sans doute l'énigme qui a suscité les hypothèses les plus folles.
Le 15 janvier 1981, parut dans le quotidien français Le Monde un article intitulé « Corée du Sud : un ancien chef des services secrets aurait été enlevé, à Paris, en octobre 1979 puis exécuté par Park-Chung-hee », présentant une version spectaculaire de la disparition de l'ancien chef de la KCIA, soufflée par de mystérieux « opposants sud-coréens » :
M. Kim Hyung-wook se serait mis à fréquenter les maisons de jeux, à Paris, en compagnie de M. Lee Sang-ryul, qui avait gagné sa confiance. Selon les opposants sud-coréens, celui-ci 'administra, alors, un anesthésique à M. Kim, en fit un colis qui passa sans problème à la douane et l'embarqua sur un avion cargo de la KAL (la compagnie aérienne sud-coréenne)', le 7 octobre [1979]. 'Le 16 octobre, poursuivent les opposants, alors qu'éclataient les émeutes de Pusan, M. Kim Hyung-wook, encadré d'agents de la KCIA, était introduit dans une pièce située au sous-sol de la Maison Bleue (la résidence du président)', où l'attendait Park Chung-hee, alors chef de l'Etat, qui devait être assassiné à son tour dix jours plus tard. Après un échange d'invectives 'le président Park exécuta lui-même M. Kim Hyung-wook, tirant à deux reprises sur lui, pratiquement à bout portant, tout en vociférant'.
Dans un reportage diffusé par la chaîne sud-coréenne MBC le 28 novembre 1999, Edwy Plenel, directeur de la rédaction du Monde de 1996 à 2004, dit ne pas en savoir plus sur les sources de l'article du 15 janvier 1981 :
Comment cela a-t-il été écrit à l'époque ? Ceux qui traitaient ces sujets-là sont partis à la retraite ou ont quitté le journal. Donc le chef du service international de l'époque n'est plus au Monde, le responsable du desk Asie - ceux qui traitent les informations à Paris-même - n'est plus là. […] Je pense que c'était un des journalistes du service international, qui était en relation, ici, avec des opposants sud-coréens, qui a recueilli leurs témoignages et qui a donné cette information.
Il fallut attendre 2005, soit 26 ans après les faits, pour qu'émerge une version officielle de la disparition de l'ancien chef de la KCIA. Sans lever toutes les interrogations, loin de là.
En Corée du Sud, pendant la présidence démocrate de l'ancien opposant Roh Moo-hyun, une Commission pour la vérité du Service national de renseignement fut créée, en novembre 2004, dans le but de conduire « des activités de recherche de la vérité concernant l'exercice illégal de la puissance publique par le NIS dans le passé, lequel a contribué à des abus en matière de droits de l'homme et à d'autres activités illégales ». Cette Commission pour la vérité était composée de membres de l'agence de renseignement et d'experts civils. En particulier, il était demandé au NIS de faire « tous les efforts pour gagner la confiance du public et empêcher de tels méfaits de se reproduire ».
Parmi les affaires troubles sur lesquelles devait se pencher la Commission pour la vérité figuraient, entre autres, l'enlèvement de citoyens sud-coréens en Allemagne en 1967, l'enlèvement de l'opposant Kim Dae-jung en 1973, la destruction en vol d'un avion de la compagnie sud-coréenne Korean Air en 1987 et, bien sûr, la disparition de Kim Hyung-wook.
Concernant la disparition de l'ancien directeur de l'agence de renseignement, la presse sud-coréenne se fit largement l'écho de l'enquête avant et après la publication du rapport de la Commission. La perspective d'une élucidation de cette affaire, après tant d'années de supputations diverses, fut perçue par les plus optimistes comme l'occasion de renforcer la démocratie et les droits de l'homme en Corée du Sud. Comme l'écrivait le journal sud-coréen de gauche Hankyoreh dans un éditorial du 19 février 2005 :
L'affaire montre la vérité hideuse et nue d'une dictature qui a utilisé un montant important de fonds publics pour tenter de calmer quelqu'un divulguant ses aberrations et allant finalement jusqu'à l'assassiner pour le faire taire à jamais. Le pays et le peuple étaient tenus à l'écart par une agence de renseignement qui était le fidèle serviteur d'un homme au pouvoir absolu. C'est la confirmation que le pouvoir absolu corrompt absolument.
Toutefois, à mesure qu'approchait la fin de l'enquête de la Commission pour la vérité, les versions de la disparition de Kim Hyung-wook, parfois incohérentes, se multiplièrent dans les médias sud-coréens.
Le 18 février 2005, quelques semaines avant la publication du rapport officiel de la Commission pour la vérité, le supplément mensuel du quotidien sud-coréen conservateur Chosun Ilbo distillait l'information d'un meurtre perpétré par des criminels opérant pour le compte d'agents de la KCIA, suivant une version qu'on peut penser être de nature à plutôt disculper la KCIA (compte tenu de la proximité du quotidien avec les services de renseignement) tout en donnant corps à des rumeurs salissant l'ancien maître espion devenu opposant accusé à demi-mots de vénalité:
L'ancien directeur de la KCIA qui a disparu, Kim Hyung-wook, a été assassiné à Paris en 1979 par une organisation criminelle locale aux ordres d'un agent de la KCIA, rapporte le Monthly Chosun. Il est dit que la KCIA a attiré Kim dans la capitale française où le gang s'est débarrassé de son corps, un service pour lequel il a été payé par l'agent.
La dernière édition du magazine publiée vendredi cite le témoignage de plusieurs anciens hauts responsables de la KCIA et de l'ancien député du Parti démocrate du millénaire Kim Gyeong-je, lequel fut le nègre de l'ancien directeur de la KCIA pour la rédaction de ses mémoires.
Mais l'agent désigné par les anciens responsables de la KCIA comme le cerveau de cette opération des services de renseignement à Paris a refusé de confirmer ces affirmations lors d'une rencontre avec le magazine.
Le magazine a rapporté qu'une actrice a été utilisée pour attirer Kim de son domicile dans le New Jersey à Paris,et que l'agent, se faisant passer pour un étudiant étranger, a guidé Kim dans la capitale française et l'a remis au gang parisien.
Dans un entretien accordé au Monthly Chosun, Kim Gyeong-je a dit que l'ancien chef de la KCIA lui a montré des 'lettres d'amour' envoyées par l'actrice d'origine coréenne juste avant qu'il disparaisse. L'ancien député a déclaré que Kim Hyung-wook est allé à Paris pour la rencontrer.
Plusieurs anciens hauts responsables de la KCIA ont affirmé que l'agent de renseignement est revenu en Corée deux jours après le meurtre. Ils ont dit que les services de renseignement français ne faisaient que suspecter ce qui était arrivé mais ne disposaient pas d'assez d'éléments pour mener une enquête active. Les anciens responsables ont attesté que les services de renseignement sud-coréens, ayant tiré les leçons de l'enlèvement bâclé du dissident Kim Dae-jung [qui sera élu président de la Corée du Sud en 1997], n'étaient pas impliqués eux-mêmes dans l'élimination de Kim. A la place, ils ont embauché un gang français local pour faire le boulot.
Pendant ce temps, Yun Il-gyun, qui était à l'époque le vice-directeur des opérations extérieures de la KCIA, a dit au Monthly Chosun qu'il s'est rendu au domicile de Kim dans le New Jersey en novembre 1978, et, après trois jours de négociations, a obtenu le manuscrit original des mémoires de l'ancien maître espion en échange de 500 000 dollars.
Mais Kim est revenu sur l'accord et a publié ses mémoires au Japon en avril 1979, date à laquelle les opérations ponctuelles destinées à empêcher leur publication ont cessé, a affirmé Yun. Son témoignage met fin à la croyance répandue que la KCIA avait offert à Kim 1,5 million de dollars pour arrêter la publication de ses mémoires, et que Kim est allé à Paris pour récupérer le million de dollars qu'il n'avait pas encore reçu.
Le 11 avril 2005, le magazine sud-coréen Sisa Journal, réputé pour le sérieux de ses analyses, sortit un scoop dans lequel un ancien agent de la KCIA, répondant au nom de Lee, avouait avoir enlevé et assassiné Kim Hyung-wook à Paris dans des conditions particulièrement sordides :
Nous avons enlevé l'ancien chef de la KCIA Kim Hyung-wook à Paris le 7 octobre 1979 dans un restaurant proche d'un casino. Nous surveillions l'entrée du restaurant où Kim avait prévu de rencontrer une actrice coréenne, et nous l'avons enlevé en prétendant être envoyés par l'actrice. Nous avons anesthésié Kim dans une Cadillac, nous l'avons emmené la nuit suivante dans un élevage de poulets situé à quatre kilomètres au nord-ouest de Paris, et nous l'avons jeté dans un broyeur pour en faire de l'aliment pour les volailles.
Au Sisa Journal, l'ancien agent livra aussi des détails sur la préparation et les suites de la mission : en 1978, M. Lee et les autres membres de l'équipe furent envoyés en Israël pour y être entraînés par le Mossad (le service de renseignement extérieur israélien). L'équipe chargée de l'assassinat quitta Israël dans un avion cargo et arriva en Belgique où les attendait une voiture pour les conduire à Paris. Ils restèrent à Paris seulement deux jours et, une fois leur mission accomplie, allèrent vers le sud, traversèrent la frontière espagnole comme de simples randonneurs et gagnèrent Gibraltar pour revenir en Israël toujours par avion cargo. Enfin, ils rentrèrent en Corée du Sud en passant par le Japon.
Mais Lee refusa de révéler si Park Chung-hee avait donné l'ordre d'éliminer Kim Hyung-wook. Ce détail avait son importance : une implication directe du président Park Chung-hee dans l'assassinat de son ancien chef des services secrets, en territoire étranger de surcroît, auraient pu ruiner les ambitions politiques de sa fille, alors à la tête du parti conservateur d'opposition en Corée du Sud. Comme l'écrivait le quotidien sud-coréen Dong-A Ilbo le 4 février 2005 :
S'il est avéré que l'ancien président Park a directement ordonné d'enlever et d'assassiner Kim Hyung-wook, cela pourrait porter un coup fatal à la fille de l'ancien président et actuelle dirigeante du Grand Parti national, Park Geun-hye, laquelle a repris l'actif et le passif de son père.
Bien sûr, les aveux de l'agent Lee au Sisa Journal firent réagir le NIS et la Commission pour la vérité. Le 26 avril 2005, un article du site sud-coréen Ohmynews cita une source du NIS participant à la Commission et selon laquelle les personnes impliquées dans l'affaire Kim Hyung-wook étaient prêtes à livrer leur « confession de conscience ». En revanche, toujours selon cette source, le NIS ne disposait d'aucun élément démontrant que la personne ayant parlé au Sisa Journal était bien un agent de la KCIA. Un autre élément particulièrement macabre du récit de M. Lee était pointé pour son incohérence par le chef de la Commission lui-même, le pasteur Oh Chung-il : comment transformer un corps humain en aliments pour volailles alors que ce type d'aliment est composé de matières sèches ?
Le 3 mai 2005, un autre article du site Ohmynews fit état de l'enquête menée par des journalistes de la chaîne MBC venus en France pour y vérifier les déclarations faites par M. Lee au Sisa Journal. En France, les journalistes de MBC découvrirent que le type de broyeur d'aliments pour volailles dans lequel Kim Hyung-wook était censé avoir été tué n'était pas en usage dans les années 1970. Quant à l'actrice qui, selon M. Lee, avait servi d'appât pour attirer Kim Hyung-wook à Paris, elle niait catégoriquement s'être trouvée dans cette partie du monde à l'époque.
Pressée par ces révélations multiples, la Commission pour la vérité du Service national de renseignement publia un rapport intermédiaire sur l'affaire Kim Hyung-wook le 25 mai 2005 (le rapport final de la Commission, rassemblant toutes les affaires étudiées, ne sera publié qu'en 2007).
La version contenue dans ce rapport était quelque peu différente des versions avancées précédemment : d'après la Commission, Kim Hyung-wook avait été liquidé à Paris le 7 octobre 1979 par des agents de la KCIA et des hommes de main embauchés pour accomplir la sale besogne, et son cadavre abandonné dans une forêt. Dans son compte rendu du rapport de la Commission pour la vérité, le quotidien sud-coréen JoongAng Ilbo écrivait le 26 mai 2005 :
Selon le rapport du service de renseignement, Kim Jae-kyu, qui dirigeait l'agence entre 1976 et 1979, ordonna aux responsables de l'agence en France de tuer l'ancien chef espion 'renégat'
Le rapport présente en détail comment Kim Jae-kyu demanda en septembre 1979 à Lee Sang-yul, alors principal agent de la KCIA à Paris, d'organiser l'assassinat. Le rapport dit que M. Lee fit appel à deux fonctionnaires de l'agence à Paris ainsi qu'à deux Européens de l'Est pour accomplir le meurtre.
Le 7 octobre 1979, Kim Hyung-wook appela M. Lee pour emprunter de l'argent, affirme le rapport. Monsieur Lee fit venir l'ancien chef espion aux Champs-Elysées en lui disant qu'il lui présenterait des prêteurs.
Les fonctionnaires de l'agence et les Européens de l'Est enlevèrent M. Kim en utilisant la voiture officielle de M. Lee. Les deux Européens de l'Est possédaient un pistolet fourni par les membres de l'agence d'espionnage [sud-]coréenne. Le rapport affirme qu'ils ont tué M. Kim de sept balles dans une petite forêt à l'extérieur de Paris. Puis ils ont recouvert son corps de feuilles avant de quitter les lieux. Les agents coréens ont refusé de révéler où ils avaient abandonné le cadavre de M. Kim, a déclaré le service.
Le service de renseignement a dit que la description des événements était basée sur les déclarations des fonctionnaires coréens de l'agence et sur des documents internes du service de l'époque. Il a dit que M. Lee, figure clé de l'affaire, a refusé de faire la moindre déclaration. Les journalistes ont tenté en vain de contacter M. Lee.
Kim Jae-kyu a été exécuté en 1980 pour avoir assassiné Park Chung-hee. Un responsable du renseignement a déclaré hier : 'Il n'a pas été établi que le Président Park a demandé à Kim Jae-kyu de tuer Kim Hyung-wook. Nous avons besoin d'informations supplémentaires.'
Le rapport de la Commission offrait donc une nouvelle version de l'histoire (la troisième) et était loin de répondre à toutes les questions : Lee Sang-yul, si prolixe avec le Sisa Journal un mois plus tôt, était soudain devenu muet. Quant à l'absence d'« informations supplémentaires » permettant, notamment, d'établir l'existence d'un ordre direct de Park Chung-hee d'éliminer son ancien homme de confiance, l'opinion y était préparée dès le mois de mars 2005 quand on apprit que des documents utiles à la manifestation de la vérité avaient mystérieusement disparu, probablement détruits par les services de renseignement eux-mêmes :
On a appris […] que des documents importants relatifs à la disparition de l'ancien directeur de l'Agence centrale de renseignement de Corée (KCIA), Kim Hyung-wook et à l'enlèvement de l'ancien président, alors dissident, Kim Dae-jung, ne sont plus en possession du Service national de renseignement (NIS), amenant certains à penser qu'ils ont été détruits. La Commission pour la vérité enquêtant sur des incidents suspects du passé de l'agence nationale de renseignement a déclaré avoir obtenu des documents du renseignement au sujet du directeur de la KCIA qui a disparu, lequel avait fui aux Etats-Unis en 1973 et menait des activités en opposition au président de l'époque, Park Chung-hee, mais qu'il n'existe aucun rapport sur les mouvements de Kim à partir de la veille de son arrivée à Paris le 1er octobre 1979. Kim a disparu quelques jours plus tard, le 7 octobre. La Commission enquête sur la possibilité que ces documents aient été intentionnellement détruits. Elle a appelé à témoigner plusieurs personnes liées à l'affaire, dont Lee Sang-yul, un ancien agent de renseignement qui opérait alors en France sous couverture d'un fonctionnaire de l'ambassade [de Corée du Sud], mais elle affirme qu'elles ne se montrent pas coopératives.
L'absence de preuves démontrant un ordre direct de Park Chung-hee déçut les défenseurs de la démocratie en Corée du Sud, comme le journal Hankyoreh qui écrivait dans un éditorial du 27 mai 2005 :
On ne peut pas dire que l'affaire Kim Hyung-wook a été révélée dans sa totalité. Il est difficile de croire l'explication selon laquelle la KCIA a fait seule ce qu'elle a fait, juste pour se protéger elle-même. La KCIA était une organisation subordonnée à Park, les événements menant directement à ce qui est arrivé concernaient la publication par Kim de mémoires traitant de détails intimes du régime et son témoignage à leur sujet devant une commission de la Chambre des représentants des Etats-Unis, et, de plus, Park montra en plusieurs occasions sa rage et son sentiment de trahison. Il y a besoin d'une clarification sur l'existence ou non d'un ordre de Park [pour éliminer Kim Hyung-wook]. Il y a eu tant de controverse quant à savoir si la KCIA avait entrepris d'elle-même d'enlever Kim Dae-jung en 1973, que ce serait beaucoup de penser qu'elle aurait pu fait une telle chose de sa propre initiative plus tard.
De leur côté, le Grand Parti national et les médias conservateurs sud-coréens, opposés au Président Roh Moo-hyun et méprisant la Commission pour la vérité du Service national de renseignement, n'avaient de cesse de mettre en doute la crédibilité de cette dernière. Ainsi, deux jours après la sortie du rapport de la Commission, le Chosun Ilbo, principal organe conservateur en Corée du Sud, publia un article critiquant un rapport « plein d'angles morts » et appelant à « enquêter sur la Commission » :
Une Commission pour la vérité du Service national de renseignement (NIS) sondant des épisodes troubles du passé du service a décidé de mettre fin, pour ainsi dire, à un mystère qui ne veut pas partir, à savoir ce qui est arrivé à l'ancien directeur de l'Agence centrale de renseignement de Corée (KCIA) Kim Hyung-wook. Tout ce que nous savons avec certitude est qu'il a disparu pendant la présidence de Park Chung-hee.
La Commission pour la vérité a publié un rapport intermédiaire dans lequel nous apprenons que des agents de la KCIA basés à Paris, sur les ordres du successeur de Kim à la tête de la KCIA, et un duo de gangsters d'Europe de l'Est qu'ils ont embauchés pour 100 000 dollars, ont emmené l'ancien maître espion dans une forêt à l'extérieur de Paris et l'ont abattu avec un pistolet à silencieux.
Il est dit que les témoignages en ce sens proviennent de l'homme de la KCIA à Paris à l'époque, Shin Hyeon-jin, qui a pris part à l'opération. Mais le rapport est plein d'angles morts.
Pour commencer, il est écrit dans le rapport que les tueurs ont recouvert le corps de Kim avec des feuilles mortes avant de quitter les lieux. Il a été dit que ces bois où Kim a été assassiné étaient situés à 50 mètres d'une route de banlieue. Il est donc difficile d'avaler que personne ne soit venu à cet endroit en 26 ans. Où sont passés les restes de Kim ? Shin, en tout cas, n'a pas pu se rappeler où se trouvent les bois, révèle la Commission. La cible du meurtre qu'il a commis était l'ancien chef de son organisation, mais Shin ne peut pas se rappeler où il l'a fait. Cela n'a aucun sens.
La Commission n'a pas non plus été en mesure de fournir des preuves matérielles parce que les tueurs ont égaré le pistolet à silencieux.
Parmi les dix membres civils de la Commision, aucun n'a rencontré Shin, apparemment. Les membres civils sont placés là pour surveiller la Commission afin que le NIS, qui est après tout la partie probablement coupable dans ces épisodes troubles, ne puisse pas fabriquer les résultats de l'enquête qui lui conviennent. Et ces membres civils ont simplement entériné ce que les responsables du NIS leur ont dit de leur enquête sur leurs anciens collègues et n'ont demandé aucune autre preuve.
Pourquoi cette hâte ? Quelle urgence a incité la Commission à rendre publics les résultats de cette enquête bâclée ? Si les questions sur le passé sombre de l'agence finissent par donner naissance à davantage de soupçons et de théories du complot, nous devrons mettre en place une autre commission pour la vérité afin d'enquêter sur la Commission pour la vérité.
Il est vrai que les conclusions de l'enquête de la Commission pour la vérité étaient loin d'être satisfaisantes. Mais, à la décharge de la Commission, les conservateurs sud-coréens, par l'intermédiaire de leurs médias, quand ce ne sont pas les services de renseignement eux-mêmes, ont bien contribué à embrouiller les choses et à lui mettre des battons dans les roues, y compris en répandant des rumeurs et en dissimulant des éléments nécessaires à la manifestation de la vérité.
Ainsi, quelques jours avant la publication du rapport de la Commission pour la vérité, la presse sud-coréenne fit état d'une nouvelle version (la quatrième, au moins) de la disparition de Kim Hyung-wook, à partir d'un « document déclassifié » américain contredisant l'hypothèse d'un assassinat à Paris. Le 20 mai 2005, il était écrit dans le Chosun Ilbo :
Un document déclassifié du département d'Etat américain contredit l'histoire selon laquelle l'ancien directeur de la KCIA Kim Hyung-wook a été attiré à Paris et assassiné dans des circonstances tout droit sorties d'un thriller d'espionnage, donnant une nouvelle vie à un mystère qui refuse de partir. Le document indique aussi que Kim s'est évaporé le 9 octobre 1979, deux jours après ce qu'on pensait.
L'édition de New York du Hankuk Ilbo a rapporté qu'un 'Rapport hebdomadaire sur la situation en Corée' adressé par le département d'Etat à l'ambassade des Etats-Unis en Corée [du Sud] le 29 février 1980 a affirmé être certain que Kim avait quitté Paris le 9 octobre avec un autre Coréen et s'était rendu à Dhahran en Arabie Saoudite en passant par Zurich en Suisse. C'est là qu'on perd sa trace.
Le rapport a dit que l'ambassade du Japon à Washington avait donné au département d'Etat les résultats des investigations menées en continu par Tokyo avec la police de Paris [sic] concernant la disparition de Kim. Il a ajouté que la police française n'avait pas eu d'autre choix que de clore son enquête après la confirmation que Kim était parti pour l'Arabie Saoudite.
Malgré le brouillage volontaire des pistes, toutes les versions - ou presque - de l'affaire Kim Hyung-wook s'accordent sur un point : des agents sud-coréens en poste à Paris ont joué un rôle dans la disparition de l'ancien chef de la KCIA, suivie de son meurtre probable. Plongés dans la tourmente de révélations sur un passé peu glorieux, les services de renseignement sud-coréens ont plus tard su se montrer reconnaissants pour le soutien apporté par la fille du général Park et ses amis conservateurs. Le retour d'ascenseur a pris la forme d'une élection présidentielle manipulée en 2012... La fille du général Park Chung-hee est désormais au pouvoir en Corée du Sud et les services de renseignement sud-coréens, rebaptisés NIS en 1999, peuvent à nouveau se comporter en dignes héritiers de la KCIA de la « grande époque ». En Corée comme à l'étranger.