La visite du Président Moon Jae-in au nord de la Corée, du 18 au 20 septembre 2018, a permis d'acter de nouveaux progrès vers la dénucléarisation de la péninsule coréenne, aux termes de la déclaration commune signée à Pyongyang le 19 septembre 2018 : d'une part, "le Nord a décidé d’abord de détruire à jamais le champ d’essai de moteurs et la rampe de lancement de fusées de la commune de Tongchang en autorisant la visite d’experts des pays intéressés", et d'autre part "le Nord a exprimé son intention de continuer à prendre des dispositions supplémentaires, telles que celles concernant la suppression perpétuelle des installations nucléaires de Nyongbyon, si les Etats-Unis prennent les mesures correspondantes selon l’esprit de la Déclaration conjointe du 12 Juin RPDC-USA". C'est fort de ces engagements de Pyongyang que le Président Moon Jae-in a rencontré à New York, le 24 septembre 2018, le Président Donald Trump, auquel le Président Kim Jong-un avait proposé une nouvelle rencontre, après leur sommet du 12 juin 2018 à Singapour. Le président américain, qui avait favorablement réagi au message délivré par Pyongyang lors de la célébration du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée (pas de missiles balistiques intercontinentaux, pas d'armes nucléaires lors du défilé militaire), a annoncé qu'un nouveau sommet RPDC-Etats-Unis aurait lieu à une date "prochaine".
Le Président Trump aime cultiver les effets d'annonce ; il n'a pas failli à sa réputation en distillant les informations aux journalistes quant au prochain sommet entre Pyongyang et Washington, avant sa rencontre avec le Président Moon Jae-in :
Ce sera entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, donc dans un format similaire à celui que nous avons eu précédemment, probablement en un autre lieu. A nouveau, ce sera annoncé très bientôt.
Le secrétaire d'Etat Mike Pompeo, dont le Président Donald Trump avait différé fin aoûtsine die une nouvelle visite en RPD de Corée, se rendra à nouveau à Pyongyang d'ici la fin de l'année, pour préparer ce second sommet, qui devrait préciser les engagements pris lors du sommet historique de Singapour - qui était le premier de l'histoire entre un dirigeant suprême nord-coréen et un président américain en exercice, et ainsi d'une portée comparable à celle du premier sommet israélo-palestinien.
Alors que les Nord-Coréens ont multiplié depuis ce printemps les gestes de bonne volonté, Washington tarde à préciser ses engagements en matière de sécurité collective et de non-agression vis-à-vis de Pyongyang - lesquels seraient le corollaire indispensable à un traité de paix, clôturant 65 ans d'affrontements sporadiques, ayant trop souvent endeuillé les deux parties divisées de la Corée depuis la fin des combats de la guerre de Corée (25 juin 1950 - 27 juillet 1953).
Une déclaration officielle de la fin de la guerre de Corée et des garanties de sécurité ont été évoquées lors du sommet entre les présidents Donald Trump et Moon Jae-in au titre des "mesures correspondantes" en contrepartie des mesures de dénucléarisation déjà prises par les autorités nord-coréennes. Toujours selon les termes du compte rendu de la rencontre utilisés par l'agence officielle sud-coréenne Yonhap. les deux dirigeants ont discuté des mesures à prendre pour "récompenser la Corée du Nord pour ses mesures de dénucléarisation". Le Président Moon Jae-in a transmis à son homologue américain un message personnel du Président Kim Jong-un dont le contenu n'a pas été rendu public. Le Président Donald Trump a été élogieux à l'égard du dirigeant nord-coréen, en déclarant au Président Moon, toujours selon Yonhap :
Le président Kim est vraiment très ouvert et formidable, franchement, et je pense qu'il souhaite voir quelque chose se passer.
Si ces paroles doivent à présent se traduire en actes concrets, elles n'en témoignent pas moins d'une volonté manifestement de sortir de l'impasse. Il reste à présent à négocier le plus difficile, à savoir les étapes et le contenu du processus de dénucléarisation de la RPD de Corée, ainsi que (entre autres) un traité de paix et des garanties de sécurité pour Pyongyang, parallèlement à une levée des sanctions qui devra être menée par étapes et non en fin de processus si l'on souhaite que celui-ci aboutisse.
UNITED NATIONS (Sputnik) - US President Donald Trump ahead of a bilateral meeting with South Korean President Moon Jae-in on Monday told reporters that there will be a second summit between the ...
WASHINGTON - President Donald Trump said Monday he would be holding a second summit with North Korean dictator Kim Jong Un "in the not too distant future." In New York for high-level meetings at the
Le président Moon Jae-in et son homologue américain Donald Trump ont discuté lundi d'éventuels moyens de récompenser la Corée du Nord pour ses mesures de dénucléarisation parmi lesquels un ...
Le 9 septembre 2018 a été célébré le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée. A cette occasion, une délégation de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) était présente en RPD de Corée - et un compte rendu de son déplacement sera publié prochainement. Les cérémonies - une fois encore grandioses - ont mis l'accent sur la volonté de dialogue de Pyongyang, à la veille par ailleurs du sommet inter-coréen qui se tiendra à Pyongyang du 18 au 20 septembre 2018. L'offensive diplomatique en cours se caractérise aussi par le nombre et le niveau des délégations qui étaient présentes aux cérémonies de commémoration à Pyongyang.
Le Président Kim Jong-un, lors de la cérémonie d'ouverture des nouveaux jeux gymnastiques de masse, le 9 septembre 2018
Une parade militaire et civile le matin du 9 septembre, puis le soir la première représentation du nouveau spectacle de gymnastique de masse intitulé "La patrie brillante" et le lendemain soir un défilé aux flambeaux : le programme des célébrations a été conforme à un scénario bien huilé, les prouesses techniques atteignant de nouveaux sommets - notamment lors du défilé aux flambeaux sur la place Kim Il-sung, qui a été combiné avec le recours à des éléments colorés formant des motifs géants, dans la tradition des mouvements d'ensemble, ainsi qu'à des feux d'artifice et des jets d'eau.
Cependant, le contenu même des cérémonies a envoyé un message sans ambiguïté sur la volonté de Pyongyang d'approfondir le dialogue - tant vis-à-vis des Etats-Unis (en l'absence remarquée, cette année, de présentation des missiles balistiques intercontinentaux lors du défilé, l'accent étant mis sur les armes défensives, et il n'y pas eu davantage de mention des armes nucléaires lors du spectacle de gymnastique de masse) que de la République de Corée - l'apparition sur écran géant de l'image du Président Kim Jong-un étant combinée à celle du Président Moon Jae-in, à Panmunjom le 27 avril 2018, si bien que ce sont bien les deux chefs d'Etat qui ont alors été applaudis.
Au-delà de la forte portée symbolique des messages des cérémonies de célébration, les autorités nord-coréennes sont à l'initiative pour relancer le processus avec les Etats-Unis engagé lors du sommet historique entre les Présidents Donald Trump et Kim Jong-un à Singapour, le 12 juin 2018 : le Président Kim Jong-un a écrit au chef d'Etat américain pour lui proposer une deuxième rencontre. S'agissant des relations inter-coréennes, le progrès le plus marquant a été l'inauguration à Kaesong, le 14 septembre 2018, du bureau de liaison qui constituera un canal d'échanges permanent Nord-Sud, concrétisant l'un des engagements pris lors de la déclaration du Panmunjom du 27 avril 2018. A la veille des cérémonies du 9 septembre, le Président Kim Jong-un avait reçu une délégation spéciale du Président Moon Jae-in conduite par Chung Eui-yong, chef du Bureau de la sécurité nationale à la présidence de la République de Corée.
Pour autant, la RPD de Corée ne néglige pas ses relations avec ses autres partenaires, dont beaucoup étaient représentés au niveau gouvernemental lors des cérémonies de commémoration de la fondation de la République : - aux côtés du dirigeant nord-coréen se trouvait Li Zhanshu, membre du Comité permanent du Bureau politique du Comité central (CC) du Parti communiste chinois (PCC) et président du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale de la République populaire de Chine (RPC), en visite en qualité de délégué spécial de Xi Jinping, Secrétaire général du CC du PCC et Président de la RPC ; le Président Kim Jong-un a organisé une représentation artistique et un banquet en l'honneur de la délégation chinoise ; - la Russie était représentée par Valentina Matvienko, Présidente du Conseil de la Fédération de Russie, en visite officielle en RPD de Corée ; - une délégation du Parti et de l'Etat cubains était conduite par Salvador Antonio Valdes Mesa, premier vice-président de Cuba, membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste de Cuba ; - Mohamed Ould Abdel Aziz, président de la Mauritanie, était également présent à Pyongyang pour les cérémonies de commémoration.
Malgré un début de mise en œuvre par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) de ses engagements pris lors du sommet de Singapour le 12 juin 2018, les relations entre Washington et Pyongyang patinent : l'administration américaine a reporté un nouveau déplacement du secrétaire d'Etat Mike Pompeo en RPD de Corée, faute selon elle de progrès suffisants dans la dénucléarisation de la Corée du Nord, tandis que le Président Donald Trump a dû démentir l'hypothèse d'une reprise dans un futur proche des exercices de guerre américano - sud-coréens, dont il avait annoncé lui-même la suspension au lendemain du sommet de Singapour. Décryptage.
En apparence, les deux Etats regardent dans des directions opposées : les Etats-Unis veulent une dénucléarisation complète et vérifiable de la Corée du Nord avant tout allègement des sanctions, la RPD de Corée veut un début de levée des sanctions et que les Américains précisent enfin le contenu des garanties de sécurité à apporter en contrepartie d'un calendrier de dénucléarisation. Un moyen terme pourrait être de progresser sur la voie de la conclusion d'un traité de paix et de sécurité collective, permettant de clore la situation de ni guerre, ni paix ouverte par l'armistice du 25 juillet 1953. Mais une telle hypothèse donne des poussées d'urticaire aux "faucons" des administrations occidentales, à Washington, Tokyo ou encore Paris, qui n'ont jamais envisagé de négociation avec la Corée du Nord sans préalablement la capitulation de Pyongyang. Seul problème : dans l'histoire diplomatique, aucun Etat n'a jamais accepté de diktat sauf à y être contraint. Mais les "faucons" n'en ont cure, car ils vivent dans un monde où, convaincus de la supériorité et du bon droit de l'Occident, ils estiment que les régimes des autres pays doivent se soumettre ou être démis - comme dans le cas de l'Irak en 2003 et de la Libye en 2011, dont les guerres avec leurs cortèges de morts et d'atrocités sont autant de modèles à suivre et à reproduire pour John Bolton et consorts.
L'échec du cycle de dialogue entre Washington et Pyongyang est-il pour autant gravé dans le marbre ? Non, car aucune des deux parties ne souhaite un échec et un retour à la situation de confrontation ex ante. A Pyongyang, on s'est bien gardé de tout commentaire sur le report de la visite de Mike Pompeo, ou de toute critique du président américain ; mieux, le dirigeant nord-coréen avait adressé quelques semaines plus tôt une lettre personnelle (dont le contenu n'a pas été rendu public) au Président Donald Trump . Et ce dernier se targue de ses excellentes relations personnelles avec le Président Kim Jong-un : en étant le seul chef d'Etat occidental en exercice à avoir rencontré le leader coréen, il joue sur la carte de la proximité d'homme à homme qui a fait ses preuves en d'autres circonstances (par exemple, Tony Blair qui s'était rendu en Russie pour visiter Vladimir Poutine dès le début de l'année 2000) et il envisage ouvertement une nouvelle rencontre au sommet qui pourrait débloquer la situation.
De fait, en fixant seulement les principes du dialogue qui s'ouvrait, la déclaration de Singapour du 12 juin 2018 était avare de détails. Il convient à présent de rentrer dans le vif du sujet, et tel pourrait être l'enjeu d'une nouvelle rencontre entre les présidents américain et nord-coréen.
En outre, le calendrier d'une nouvelle visite de Mike Pompeo fin août / début septembre 2018 était peu favorable : la question nord-coréenne est difficilement dissociable de celle des relations Etats-Unis - Chine, qui connaît un nouveau point bas avec la relance - par Washington - de la guerre commerciale, tandis que Donald Trump met en cause la Chine dans l'application des sanctions contre la RPD de Corée. Au moment où le Président Xi Jinping est attendu à Pyongyang pour la commémoration du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée, le 9 septembre 2018, il est urgent d'attendre que la situation se décante, Washington n'ayant aucun intérêt à voir la Chine jouer une partition différente de la sienne sur l'application des sanctions contre Pyongyang. En attendant, le resserrement de l'alliance sino - nord-coréenne renforce la position de négociation de la RPD de Corée vis-à-vis de Washington, dont le durcissement de ton ne trouve d'écho ni à Pékin, ni à Séoul.
Le secrétaire d'Etat Mike Pompeo a dû le concéder : les négociations avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) sont longues et difficiles, les Nord-Coréens ayant le mauvais goût de ne pas renoncer unilatéralement, immédiatement et sans garanties de sécurité à leurs armes nucléaires, qui sont leur assurance-vie face aux menaces d'agression américaines. Dans ce contexte, les autorités américaines brandissent à nouveau la menace des sanctions - un rapport que des "experts" viennent opportunément de remettre Conseil de sécurité des Nations unies déplorant que les Nord-Coréens sont des méchants et des hors-la-loi qui cherchent à contourner des sanctions destinées à les étrangler économiquement et à tuer des populations - hommes, femmes, enfants... - prises dans des enjeux qui leur sont étrangers. Mais qui sont vraiment les criminels : ceux qui refusent de négocier un pistolet sur la tempe, ou ceux qui tiennent le pistolet et prennent des populations entières en otage ?
Le conseil de sécurité des Nations unies
Tout d'abord, examinons les pièces du procès fait à la Corée du Nord :
- des transbordements de produits pétroliers auraient lieu en mer, et auraient porté sur 500 000 barils depuis le début de l'année, c'est-à-dire 6 heures de la consommation nationale de pétrole en France, soit moins de 1/1.400e de la consommation annuelle française, alors que la population nord-coréenne atteint près de la moitié de celle de la France ; oui, vous avez bien lu, l'objectif des sanctions est qu'il n'y ait plus du tout de pétrole en Corée du Nord, ramener le pays et sa population à l'âge de pierre étant sans doute le plus sûr moyen de l'amener à accepter les diktats américains et de leurs alliés ; - la vente de petits armements et d'armes légères, pour des montants certainement si dérisoires (en centaines de milliers d'euros, pour des exportations d'armes de la Corée du Nord qui étaient auparavant en dizaines ou en centaines de millions d'euros ?) qu'ils ne sont même pas indiqués ; - l'existence de plus de 200 "co-entreprises" avec la Corée du Nord, le rapport d'experts omettant naturellement de préciser si les co-entreprises en question ont (encore ?) une activité, si les comptes bancaires associés sont actifs et quel est le volume des transactions financières opérées, seul vrai critère en la matière, tout en pointant opportunément du doigt la Russie, autre pays dans le viseur des sanctions américaines ; - des exportations "illégales" de charbon, de fer, d'acier et d'autres marchandises nord-coréennes, notamment à la Chine et à l'Inde, qui auraient rapporté 14 millions de dollars à la Corée du Nord entre octobre 2017 et mars 2018, soit un peu plus de 2 million de dollars par mois... ou moins de 1 % des exportations mensuelles de la Corée du Nord avant l'imposition du plus drastique régime de sanctions jamais mis en place sous l'égide des Nations unies.
Au regard de ces chiffres, la conclusion s'impose d'elle-même : si les "experts" n'ont rien trouvé, malgré des efforts déployés des mois durant, c'est soit qu'ils sont très mauvais (mais dans ce cas, pourquoi faire autant de bruit pour rien ? ), soit qu'il n'y a rien - ou plutôt quasiment rien - à trouver.
Mais s'est alors que s'est opéré le miracle de cette arme qu'est la propagande : comme disait Goebbels, un mensonge cent fois répété devient une grande vérité. Or, quelle vérité nous assènent nos "experts" des Nations unies ? Que les sanctions imposées l'an dernier seraient "sans effet" ! Les exportations nord-coréennes se sont effondrées, les preuves de contournement de l'embargo sont pratiquement inexistantes... bref les sanctions fonctionnent à plein régime, mais ce n'est pas encore assez. Comme le bourreau qui torture sa victime, tant que celle-ci n'est pas morte, quelques raffinements de cruauté seront les bienvenus pour extorquer les aveux tant attendus (en l'espèce, la dénucléarisation immédiate, unilatérale et sans contreparties tangibles de la Corée du Nord).
Et alors que les sanctions sont devenues pour les Etats-Unis une des alternatives privilégiées à la guerre ouverte (avec l'avantage qu'elles coûtent moins de vies en soldats américains, que les pacifistes n'ont généralement pas conscience de l'effet criminel des sanctions et se mobilisent bien faiblement contre ces guerres qui ne disent pas leur nom, et enfin que les morts - de faim - sont moins visibles que les charniers des champs de bataille et peuvent être mis sur le compte du régime honni avec cet argument imparable "s'ils faisaient ce qu'on leur dit de faire, leurs populations ne mourraient pas"), la presse occidentale entonne le grand air des vilains Nord-Coréens qui violeraient l'ordre juridique international, forcément incontestable, représenté par le Conseil de sécurité des Nations unies - qui, en l'espèce du moins , est pourtant instrumentalisé au profit des intérêts de la superpuissance américaine, en violation flagrante des principes de la charte des Nations unies.
Lisons en effet ce que nous disent quelques médias français.
Pour RFI / Reuters, le coupable, c'est la Corée du Nord, qui "viole" les sanctions et refuse de dénucléariser (deux arguments massue, le premier systématisé et exagéré contre toute évidence et le second largement contestable ; ces arguments sont une reprise en droite lignes des "éléments de langage" - comme l'on dit aujourd'hui pour éviter le mot "propagande", réservée aux régimes ennemis - de l'administration américaine) :
(...) la Corée du Nord a dénoncé l'impatience de Washington sauf qu'il n'y a toujours aucun véritable signe de dénucléarisation. Dans un rapport remis à l'ONU hier, plusieurs experts détaillent comment le régime de Kim Jong-un viole les sanctions prises par les Nations-Unies.
Sauf que le rapport parle du contournement des sanctions, pas de la poursuite des programmes nucléaires et balistiques ! L'idée subliminale est ainsi de faire croire que si ces programmes se poursuivent, c'est parce que les sanctions sont violées. Habile, n'est-ce pas ? Le Pentagone n'aurait pas trouvé mieux. Même si la suite de l'article est plus mesurée et évoque les positions nord-coréennes, tout bon communicant sait que de nombreux articles de journaux ne sont pas lus au-delà de leur titre et (souvent) des premiers paragraphes. Les nuances échappent à 90 % des lecteurs, et c'est à eux que ciblent les opérations de désinformation massive.
Paresse intellectuelle à Libération - même dépêche AFP reprise sans recul ni esprit critique, et même titrage fallacieux qui, cette fois, opère directement le lien entre contournement supposé des sanctions et poursuite des programmes nucléaires et balistiques :
La Corée du Nord poursuit son programme nucléaire et contourne les sanctions de l’ONU
Les spin doctors que sont les communicants aux ordres de la Maison Blanche et du Pentagone peuvent être fiers d'eux : la presse occidentale a gobé avec empressement la propagande qui lui a été servie sur un plateau, en en rajoutant dans la surenchère.
A partir du 4 août 2018 les représentants de 27 pays se réuniront à Singapour dans le cadre du Forum régional de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE, plus connue sous son acronyme anglais : ASEAN), où la question coréenne devrait être une nouvelle fois abordée. Dans ce contexte, un premier bilan peut être établi de la mise en oeuvre des engagements pris, près de deux mois plus tôt, lors du sommet de Singapour entre les présidents Donald Trump (Etats-Unis d'Amérique) et Kim Jong-un (République populaire démocratique de Corée, RPDC ou Corée du Nord). Afin de mener une analyse objective, nous sommes partis du texte de la déclaration signée entre les deux hommes d'Etat , en commençant par le point 4 de ce texte et dans l'ordre inverse jusqu'au point 1, c'est-à-dire en commençant par les engagements les plus précis, les plus concrets et les plus immédiats, et en terminant par les engagements plus globaux et à plus long terme, dont l'atteinte est largement déterminée par la création d'un climat de confiance que doit permettre d'instaurer la réalisation des objectifs de plus court terme.
"Les Etats-Unis et la RPDC s’engagent à récupérer les restes de prisonniers de guerre/portés disparus, y compris à rapatrier immédiatement ceux qui ont déjà été identifiés"
La question du rapatriement des restes de soldats américains morts en Corée est une question extrêmement sensible et un baromètre des relations bilatérales, comme nous l'avions souligné dans notre édition du 22 juin 2018, tout en nous interrogeant sur la portée d'une déclaration ambiguë alors faite par le Président Donald Trump selon laquelle les restes de dépouilles de 200 GIs américains auraient été rapatriés.
Sur ce point, la déclaration de Singapour a toutefois déjà porté ses fruits : une cérémonie a eu lieu le 1er août 2018 sur la base américaine aérienne d'Osan à Pyeongtaek, en République de Corée (Corée du Sud), pour marquer le rapatriement de 55 lots de dépouilles de soldats américains morts pendant la guerre de Corée, après une restitution par les Nord-Coréens le 27 juillet 2018 - date symbolique marquant le 65e anniversaire de l'armistice ayant mis fin aux combats de la guerre de Corée.
Un minutieux travail d'identification doit à présent être mené, comme l'a souligné une dépêche de l'agence sud-coréenne Yonhap :
Après la restitution par l'Etat communiste vendredi, les restes ont été examinés et catalogués à la base aérienne d'Osan par l'US Defense POW/MIA Accounting Agency (DPAA) jusqu'à mardi. POW signifie Prisoners of War (prisonniers de guerre) et MIA Missing in Action (disparus au combat).
Après la cérémonie de rapatriement, les restes seront transportés vers un laboratoire de la DPAA à la base commune de Pearl Harbor-Hickam à Hawaï, où des historiens et scientifiques travailleront pour leur identification médico-légale, a précisé le commandement.
Au laboratoire de la DPAA, qui compte plus de 30 anthropologues, archéologues et odontologistes légistes, les dépouilles seront examinées pour établir des profils biologiques qui comprendront le sexe, la race et l'âge des défunts. Les scientifiques utilisent diverses techniques, telles que l'analyse des restes du squelette et l'échantillonnage de l'ADN mitochondrial. Ils analysent également les preuves matérielles, y compris les uniformes, les effets personnels et les étiquettes d'identification.
Lorsque le processus d'identification est terminé, les dépouilles seront retournées à leurs plus proches parents pour être enterrées.
"En réaffirmant la déclaration de Panmunjom du 27 avril 2018, la RPDC s'engage à oeuvrer à la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne"
Après le sommet de Singapour, le Président Donald Trump s'est félicité que la RPD de Corée a commencé à démanteler un de ses sites de lancement de missiles. Dans le même temps, les autorités nord-coréennes, tout en poursuivant le gel de leurs essais nucléaires et balistiques, n'entendent nullement mettre fin à leurs programmes nucléaires et balistiques tant que les Etats-Unis n'auront pas pris des engagements concrets (en matière de garanties de sécurité et de relations bilatérales, cf. infra) - suivant le principe "mesure contre mesure", appliqué lors des précédents cycles de négociations sur le nucléaire nord-coréen.
Les négociations entre Washington et Pyongyang sont ainsi sur une crête étroite, comme l'a reconnu le secrétaire d'Etat Mike Pompeo devant la commission des Affaires étrangères du Sénat américain le 25 juillet 2018, en déclarant tour à tour que les Nord-Coréens "continuent à produire des matières fissiles", c'est-à-dire qu'ils poursuivent leurs programmes d'enrichissement de matières fissiles (uranium et plutonium) pour produire des bombes nucléaires, tout en évoquant des "progrès" dans les discussions bilatérales (à cet égard, le rapatriement des restes de soldats américains en a apporté une illustration deux jours après son audition, cf. supra).
Une deuxième révélation, faite cette fois-ci par le Washington Post, a indiqué quelques jours plus tard que la RPD de Corée poursuit activement ses programmes balistiques, en construisant de nouveaux missiles intercontinentaux de type Hwasong-15, ces nouvelles se basant sur des sources du renseignement américain :
Des preuves obtenues récemment, y compris des photos prises par satellites ces dernières semaines, indiquent que le travail est en cours sur au moins un, voire peut-être deux, ICBM (missile intercontinental, NDLR) à carburant liquide dans un grand complexe de recherche à Sanumdong, à proximité de Pyongyang
Mais le Washington Post a aussitôt pris soin d'indiquer qu'il ne fallait pas y voir le signe d'une rupture par Pyongyang de ses engagements pris à Singapour. Toujours selon le quotidien,
Ces nouveaux renseignements ne suggèrent pas une augmentation des capacités de la Corée du Nord, mais cela montre que le travail sur des armements avancés se poursuit plusieurs semaines après que le président Trump a déclaré sur Twitter que Pyongyang "n'est plus une menace nucléaire".
En réalité, la RPD de Corée n'avait pas pris d'engagements sur ses programmes balistiques à Singapour le 12 juin 2018. Le fait que de telles informations sortent dans les médias doit en réalité s'interpréter comme un avertissement lancé par les Américains aux Nord-Coréens sur le mode : "nous ne disons pas que vous ne respectez pas vos engagements, mais nous savons ce que vous faites et cela ne va pas dans le sens d'une dénucléarisation. Nous laissons les médias, qui sont chez nous indépendants, parler à ce sujet... et l'opinion publique pourrait douter elle aussi de vos intentions. Que pouvons-nous faire contre l'opinion publique ? Il faut que vous nous apportiez des signes tangibles de dénucléarisation, avec un calendrier". En d'autres termes, cela s'appelle mettre la pression (les Nord-Coréens, courroucés, avaient déjà parlé, quant à eux, de "méthodes de gangster"). En tout état de cause, les Nord-Coréens ne peuvent pas ignorer les signes d'impatience de l'administration Trump, qui a besoin de résultats à faire valoir aux électeurs avant les élections parlementaires de mi-mandat, cet automne.
"Les Etats-Unis et la RPDC joindront leurs efforts pour construire un régime de paix durable et stable sur la péninsule coréenne"
Comme l'a souligné une autre dépêche de l'agence officielle sud-coréenne Yonhap, il s'agit d'un objectif partagé des deux Etats coréens, souligné lors du sommet de Panmunjom du 27 avril 2018 entre les Présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in, et réaffirmé par le leader nord-coréen lors de sa rencontre au sommet avec le Président Donald Trump :
Un mouvement pour concrétiser cette initiative avant la fin de l'année a été promis par Moon et le leader nord-coréen Kim Jong-un lors de leur premier sommet intercoréen qui s’est déroulé le 27 avril. Les dirigeants des Corées divisées se sont revus le 26 mai.
Kim a réaffirmé son engagement à instaurer la paix dans la péninsule coréenne lorsqu'il a rencontré le président américain Donald Trump à Singapour le 12 juin.
Dans la mesure où la Chine a participé aux combats de la guerre de Corée, elle devrait également être partie prenante à la signature d'un traité de paix - et le sujet a d'ailleurs fait l'objet de discussions bilatérales entre Séoul et Pékin en juillet 2018.
Or des interrogations demeurent sur la volonté américaine de parvenir effectivement à un traité de paix : si le Président Donald Trump avait salué avec enthousiasme le sommet intercoréen de Panmunjom du 27 avril 2018 en évoquant la perspective de la paix, ce thème a été depuis occulté dans sa communication. Faut-il y voir des hésitations américaines sur les contours du mécanisme de sécurité collective, multipartite, qui serait le corollaire indispensable à un traité de paix ? En tout état de cause, cette question est intimement liée à deux autres enjeux : la dénucléarisation de la péninsule coréenne et les relations bilatérales entre Washington et Pyongyang.
"Les Etats-Unis et la RPDC s'engagent à établir de nouvelles relations Etats-Unis-RPDC en conformité avec le désir des peuples des deux pays pour la paix et la prospérité"
Chaque mot de la déclaration ayant été pesé, celle-ci n'évoquait pas - pas encore - la normalisation des relations entre les Etats-Unis d'Amérique et la République populaire démocratique de Corée. Toujours est-il que les autorités nord-coréennes avaient immédiatement mis en oeuvre cet engagement, en supprimant les signes d'hostilité vis-à-vis de l'impérialisme américain, comme l'avaient souligné plusieurs journalistes occidentaux à Pyongyang - par exemple, Chloé de Saint-Laurent pour Le Figaro.
Ce premier point de la déclaration de Singapour doit être mis en relation avec un autre engagement que les Etats-Unis ont toutefois pris soin de faire figurer dans le préambule de la déclaration et non dans les quatre points de leur déclaration commune,"le président Trump s’est engagé à fournir des garanties de sécurité à la RPDC". Les autorités nord-coréennes ont manifesté leur mécontentement lors de la dernière visite à Pyongyang du secrétaire d'Etat Mike Pompeo, qui était son premier déplacement dans le pays depuis le sommet du 12 juin, en l'absence, manifestement, de toute proposition américaine (calendrier, contenu) au titre des "garanties de sécurité" attendues des Etats-Unis - évoquant des "méthodes de gangster"... et renouant ainsi avec une rhétorique anti-américaine.
Le Président Donald Trump avait toutefois fait un geste immédiatement après le sommet de Singapour, en suspendant les "exercices de guerre" américano-sud-coréens, et avait ainsi pris une mesure essentielle pour l'établissement d'un climat de confiance entre les deux parties.
En ce qui concerne la "prospérité" de (toute) la Corée, celle-ci passe non seulement par une diminution du fardeau des dépenses militaires, mais aussi par une levée - au moins partielle - des sanctions internationales contre la RPD de Corée : la question des sanctions a été délibérément absente de la déclaration de Singapour du 12 juin 2018 (comme celle des programmes balistiques nord-coréens), ce texte marquant seulement une première étape dans le dialogue américano-nord-coréen en évitant d'afficher ouvertement les points de désaccord, à ce stade des échanges. Pour les Etats-Unis, les sanctions ne seront levées qu'à la fin du processus de dénucléarisation - même si une brèche pourrait être ouverte en utilisant la possibilité qu'offrent les textes de lancer des coopérations économiques autorisées chacune, à titre d'exception, par la commission des sanctions des Nations unies (ce qu'a aujourd'hui en tête la Corée du Sud pour favoriser les échanges économiques inter-coréens, à présent quasi-inexistants).
En conclusion, et pour reprendre une formule de Mike Pompeo lors d'une audition par le Sénat américain le 25 juillet 2018, il reste bien "un très long chemin à parcourir" jusqu'à la dénucléarisation de la RPDC et (précisons-nous) pour la définition d'un régime de paix permanent en Asie du Nord-Est, la normalisation des relations entre Washington et Pyongyang et la levée des sanctions qui frappent les populations nord-coréennes. Mais comme l'a précisé une dépêche du Monde et de Reuters citant le secrétaire d'Etat américain lors de cette même audition, le terme de ce processus est, au plus tard, la fin du mandat du Président Donald Trump, c'est-à-dire janvier 2021 :
Mike Pompeo a admis mercredi qu’il restait « un très long chemin à parcourir » mais a déclaré que le but de Washington était d’obtenir de Pyongyang une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible avant la fin du mandat actuel de Trump, qui prend fin en janvier 2021. « Et si possible, avant », a ajouté le secrétaire d’Etat.
Le 17 juillet 2018, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) et le Forum coréen international ont co-organisé une conférence-débat à Paris à la veille du 65e anniversaire de la signature de l'accord d'armistice de 1953 qui a mis fin aux combats de la guerre de Corée (mais pas à la guerre elle-même). dans un contexte nouveau marqué notamment par les sommets intercoréens des 27 avril et 26 mai 2018 à Panmunjom et le sommet Etats-Unis-Corée du Nord du 12 juin 2018 à Singapour. Trois mois et demi après la conférence organisée à la Bourse du travail de Paris, le 29 mars 2018, entre l'AAFC, l'association Droit Solidarité (membre de l'Association internationale des juristes démocrates), le Mouvement de la Paix et l'Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (ARAC), l'urgence est de favoriser la paix, la dénucléarisation et un système de sécurité collective en Corée.
Stephen Cho, animateur du Forum coréen international, et Benoît Quennedey, président de l'AAFC
En ouverture de la conférence, Benoît Quennedey, président de l'AAFC, a rappelé que cette manifestation s'inscrivait dans les activités traditionnelles de l'Association à l'occasion du mois de solidarité avec le peuple coréen, entre le 25 juin (date du déclenchement de la guerre de Corée en 1950) et le 27 juillet (date de la signature de l'accord d'armistice en 1953). Puis il a donné la parole à Stephen Cho, animateur du Forum coréen international.
Stephen Cho a établi le lien entre l'histoire récente de la péninsule coréenne et les développements récents de l'actualité. Il a rendu hommage à Roland Weyl, qui était assis au premier rang des participants, sur la nécessité de faire respecter le droit international, bafoué lors de la guerre de Corée qui a été une opération de police diligentée par les Etats-Unis, et d'établir un système de paix plus qu'un traité de paix lui-même - le conflit en Corée n'ayant pas été formellement une guerre. Les termes "régime de paix" figurent d'ailleurs explicitement dans la déclaration signée à Singapour le 12 juin 2018 entre les présidents Donald Trump et Kim jong-un.
Il a souligné que le conflit militaire entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'était déplacé sur le terrain diplomatique, en observant que les conditions de ce changement avaient été préparées dès la fin de l'année 2017 par des échanges directs entre Américains et Nord-Coréens. La situation actuelle présente de nombreux points communs avec de précédents cycles de tensions et de négociations, notamment la période 1993-1994, avec cette différence majeure qu'en 2017-2018 le gouvernement sud-coréen du démocrate Moon Jae-in avait joué un rôle de relai et de facilitateur. Cependant, si les Nord-Coréens ont multiplié les gestes de bonne volonté (depuis la destruction du site d'essais nucléaires de Punggye-ri jusqu'à la suspension de leurs tirs de missiles balistiques et d'essais nucléaires), les Américains ont été beaucoup plus réticents à s'engager - n'ayant concédé, et tardivement, que la suspension de leurs manoeuvres militaires au large de la Corée, tandis que les "faucon" (John Bolton en tête) s'agitent pour faire échouer le processus de dialogue en rajoutant de nouvelles exigences. C'est pourquoi les autorités nord-coréennes ont pu dénoncer les "méthodes de gangster" de Washington lors de la dernière visite à Pyongyang de Mike Pompeo, après le sommet de Singapour, faute d'engagement concret des Etats-Unis quant aux garanties de sécurité qu'ils apporteraient à Pyongyang en contrepartie de sa dénucléarisation.
Dans ce contexte, Stephen Cho a souligné le rôle dévolu aux militants progressistes sud-coréens, et plus largement aux forces progressistes concernant la situation en Corée : garantir la souveraineté du peuple coréen, qui passe par le retrait des bases américaines de Corée, lutter contre le capitalisme prévaricateur des conglomérats (les chaebols), et poursuivre la lutte pour les libertés démocratiques et les droits sociaux - les mesures réformistes accordées par le gouvernement sud-coréen étant le fruit des luttes de tout le peuple coréen (y compris les capitalistes nationaux) pour contenir la force du mouvement progressiste, qui constitue une force révolutionnaire.
Dès l'annonce du sommet de Singapour, nous observions qu'une partie des médias occidentaux, relayant des positions anti-Donald Trump et anti-Corée du Nord, ferait tout pour torpiller le fragile processus de discussion venant de s'établir entre Washington et Pyongyang. Nos craintes étaient prémonitoires : une vaste entreprise de désinformation ou de mésinformation est en cours pour faire croire aux opinions publiques que la Corée du Nord aurait berné le président américain et poursuivrait ses programmes nucléaires et balistiques en contradiction avec les engagements pris à Singapour. Nous avons analysé ci-après les deux principales pièces à conviction du mauvais procès fait aux autorités nord-coréennes.
Première (fausse) pièce à conviction : une interprétation erronée et tronquée du très bien informé site 38 North
Pour illustrer notre propos, citons par exemple Arnaud Vaulerin, de Libération, qu'on a connu jadis mieux informé sur la Corée du Nord :
La semaine dernière, le site d’expertise 38 North sur la Corée du Nord écrivait, photo et analyses à l’appui, que les «améliorations sur l’infrastructure du centre de recherche scientifique nucléaire de Yongbyon se poursuivaient à un rythme rapide». Et concluait à la «poursuite des activités à l’usine d’enrichissement d’uranium» sur ce site installé à une centaine de kilomètres de Pyongyang.
Sauf que 38 North ne dit absolument pas cela, mais conclut... en sens inverse du journaliste de Libération, en précisant que rien ne prouve une rupture des engagements pris par la Corée du Nord ! Selon 38 North,
La poursuite des travaux sur le site de Yongbyon ne doit pas être vue comme ayant un quelconque lien avec l'engagement de la Corée du Nord à dénucléariser. Il est attendu que le cadre des activités nucléaires de la Corée du Nord se poursuive comme d'ordinaire dans l'attente que des ordres spécifiques viennent de Pyongyang.
Deuxième (fausse) pièce à conviction : la poursuite par Pyongyang de ses activités balistiques dénoncée comme une rupture de ses engagements
Sur ce point, il y a un florilège de sources : des images satellites de Planet Labs analysées par l’Institut d’études internationales de Middlebury aux Etats-Unis, une source du renseignement indiquant que la RPDC poursuivrait la construction d'engins transporteur-érecteur-lanceur (TEL) pour des missiles balistiques, et une citation abondante d'un rapport du renseignement américain selon lequel la Corée du Nord tenterait de tromper les Etats-Unis en poursuivant ses programmes balistiques et nucléaires.
Problème : il s'agit de« sources anonymes bien informées des renseignements », qui ne peuvent bien sûr pas être citées ni vérifiées... quelle aubaine pour les médias qui relaient l'information, qui sont souvent (est-ce un hasard ?) parmi les plus farouches opposants à Donald Trump. Comme l'observe un spécialiste russe de la question coréenne, Constantin Asmolov, cité par Sputnik :
«Cela prête à penser que ces médias sont prêts à tout pour inventer quelque chose afin de montrer au monde entier que Trump ne maîtrise pas la situation et qu'il n'est pas un président digne et compétent. Il faut présenter la situation comme si le dirigeant américain s'était trompé et que la Corée du Nord l'avait mené en bateau comme certains s'y attendaient», explique Constantin Aslomov.
Faut-il pour autant considérer comme acquis que la Corée du Nord a cessé ses programmes nucléaires et balistiques ? Certainement pas, d'autant plus qu'elle n'a jamais annoncé qu'elle mettrait fin à ces programmes militaires : son seul engagement concret est la suspension de ses essais nucléaires et de tirs balistiques. Jusqu'à preuve du contraire et jusqu'à présent, elle tient parfaitement cet engagement.
Enfin, l'accord signé à Singapour a été volontairement restreint : les Etats-Unis refusant le moindre allègement des sanctions contre Pyongyang, la Corée du Nord n'a pas pour sa part mentionné nulle part dans cet accord d'engagements dans le domaine balistique. Si les Etats-Unis veulent réellement la dénucléarisation de la Corée du Nord, ils devront s'engager au-delà des formules incantatoires sur la paix et les promesses de prospérité pour Pyongyang. Faute ainsi d'engagements complets, vérifiables et irréversibles de l'administration américaine, les Nord-Coréens ne désarmeront jamais unilatéralement, et maintiendront donc opérationnelles leurs capacités nucléaires et balistiques. Vu les différences de points de vue, il y aura nécessairement des accrocs et des tensions dans le processus de désarmement nord-coréen, sans qu'il soit besoin - comme le font aujourd'hui certains médias - d'inventer des problèmes qui n'existent pas.
De nouvelles images satellitaires révèlent que le régime de Pyongyang développe un vaste complexe industriel pour perfectionner ses engins et mieux les lancer en dépit de ses engagements de ...
Moins d'un mois s'est écoulé depuis la signature d'un accord entre la Corée du Nord et les États-Unis, mais de toute évidence cela n'a pas permis d'accroître la confiance entre les deux pays.
A 38 North exclusive with analysis by Frank V. Pabian, Joseph S. Bermudez Jr. and Jack Liu. Commercial satellite imagery from June 21 indicates that improvements to the infrastructure at North ...
Le 20 juin 2018, le président américain Donald Trump a annoncé que les restes de 200 GIs américains morts pendant la guerre de Corée (1950-1953) avaient été rapatriés le jour même - même s'il semblait plutôt s'agir de l'annonce de la décision de rapatriement que du rapatriement lui-même. En tout état de cause, tout indique la mise en oeuvre rapide d'une des décisions du sommet de Singapour avec le président nord-coréen Kim Jong-un, qui revêt un fort contenu symbolique et émotionnel quant aux relations entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée.
Cérémonie de rapatriement de soldats américains morts en Corée (en 2003)
Ne pas pouvoir faire le deuil d'un proche parce que son sort final est incertain est sans doute l'une des pires épreuves psychologiques. On comprend dès lors la portée de la lettre qu'avait adressée Keith Harman, président de l'association d'ancien combattants Veterans of Foreign Wars ("Vétérans des guerres étrangères"), au Président Donald Trump avant son départ pour Singapour :
Pour les familles de ceux qui ne sont jamais revenus, le temps qui passe ne guérit pas les blessures.
Aussi Donald Trump s'était-il félicité, dans un message publié sur Twitter, de l'accord de principe trouvé à Singapour quant à la restitution des dépouilles des GIs américains morts sur le sol coréen :
On va rendre les dépouilles de nos héros à leurs familles.
En effet, aux termes du point 4. de l'accord de Singapour, "les Etats-Unis et la RPDC s’engagent à récupérer les restes de prisonniers de guerre/portés disparus, y compris à rapatrier immédiatement ceux qui ont déjà été identifiés." Mais combien sont-ils, qu'a-t-il déjà été fait en ce domaine, et quels sont les obstacles au rapatriement de tous les restes d'anciens soldats américains ?
33 000 soldats américains sont morts pendant la guerre de Corée, et 7 700 portés disparus (dont 5 300 dans le Nord de la péninsule) s'ajoutent à ce nombre, dont un nombre incertain de prisonniers de guerre qui n'auraient pas été rapatriés après l'accord d'armistice. Logiquement, il est estimé que ce sont donc les restes de 5 300 soldats américains qui resteraient à rapatrier de la RPD de Corée aux Etats-Unis - la pratique américaine étant désormais de rapatrier les dépouilles des soldats morts au champ de bataille, et non plus de leur consacrer des cimetières en territoire étranger (d'autant plus que la Corée du Nord et les Etats-Unis ont été ennemis pendant la guerre de Corée) - comme ce fut notamment le cas après le débarquement en Normandie.
Entre 1990 et 2007, la Corée du Nord a rapatrié les restes de 443 soldats américains (dont 229 entre 1995 et 2005), soit à peine plus de 8 % du total théorique, à supposer - comme il est peu probable - que ce nombre de 443 soit exhaustif.
Comment expliquer l'ampleur du chemin qui reste à parcourir ?
Plusieurs obstacles sont à lever : le premier - et pas le moindre - a trait aux longues, coûteuses et incertaines opérations d'identification. A cet égard, les autorités nord-coréennes ont demandé des dédommagements - qui ont fait l'objet de critiques (sommes jugées par certains trop importantes, par d'autres comme un contournement des sanctions américaines à l'encontre de la RPD de Corée) que l'on peut juger comme choquantes ou déplacées eu égard à la douleur des familles concernées. De ce point de vue, le chiffre de 200 dépouilles annoncé par le président américain porte vraisemblablement sur des restes déjà identifiés par les Nord-Coréens comme étant ceux d'anciens soldats américains - notamment depuis la dernière opération de rapatriement, effectuée en 2007 - et mentionnés dans l'accord du 12 juin 2018 comme pouvant faire l'objet d'un rapatriement immédiat.
Le second obstacle est en effet politique et diplomatique : le rythme des rapatriements est un baromètre des relations américano - nord-coréennes, relativement élevé au début des années 1990, et totalement interrompu depuis l'imposition de sanctions de plus en plus lourdes contre Pyongyang à l'initiative de Washington, et justifiées par les progrès accomplis par la RPDC dans ses programmes nucléaires et balistiques. Le dernier rapatriement de restes de soldats américains a eu lieu en 2007, à l'occasion d'une visite de l'ancien gouverneur américain Bill Richardson, longtemps l'un des plus principaux artisans du dialogue bilatéral aux Etats-Unis.
Tenue pour quantité négligeable par certains analystes mal informés, la question du rapatriement des restes de GIs américains morts pendant la guerre de Corée est en tout cas bien un sujet à part entière des relations entre la RPD de Corée et les Etats-Unis.
Lors du sommet Trump-Kim de Singapour, un accord semble avoir été conclu pour ramener sur le sol américain les dépouilles de milliers de GI's tombés pendant la guerre de Corée (1950-53). Les ...
2018/06/21 16:56 KST WASHINGTON, 20 juin (Yonhap) -- Le président américain Donald Trump a déclaré aujourd'hui que la Corée du Nord avait renvoyé les restes de 200 soldats américains tués l...
La nouvelle ne figurait pas dans le communiqué conjoint américano - nord-coréen du 12 juin 2018 : elle n'avait été annoncée par le président américain Donald Trump qu'à l'issue de son sommet avec le président nord-coréen Kim Jong-un, et avait d'ailleurs surpris tant les dirigeants de la République de Corée (Corée du Sud) que le haut commandement militaire américain, faute manifestement de concertation en amont. Le commandant suprême des Etats-Unis avait fait savoir qu'il entendait arrêter les manoeuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud - les plus grandes au monde en temps de paix - pendant les négociations avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) sur sa dénucléarisation. Il s'agit d'une mesure destinée à construire la confiance avec les Nord-Coréens, et qui apparaît comme le pendant à la suspension par ces derniers de leurs essais nucléaires et balistiques. L'annonce officielle conjointe par Séoul et Washington de l'arrêt des manoeuvres militaires est désormais attendue cette semaine selon l'agence sud-coréenne Yonhap, suivant des modalités à déterminer (prise d'effet immédiate ou différée ? champ de la mesure quant aux manoeuvres militaires concernées ? inclusion, implicite ou explicite, d'une clause de reprise des manoeuvres en cas d'initiative nord-coréenne considérée comme ne favorisant pas la poursuite du processus de dénucléarisation par Pyongyang ?).
Les termes dans lesquels le président américain avait dénoncé, le 12 juin 2018, les manoeuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud - qui n'ont cessé de gagner en ampleur et en intensité depuis leur lancement il y a plus de 40 ans - avaient décontenancé tous les partisans de la pression "maximale" sur la Corée du Nord : en parlant d' "exercices de guerre" "provocateurs", Donald Trump reprenait des termes également utilisés par les Nord-Coréens, et non les éléments de langage traditionnels de l'administration américaine qui s'était évertuée, année par année, de présenter ces exercices comme soi-disant "défensifs" par nature, et qui auraient légitimement répondu aux "provocations" nord-coréennes. Mais l'argument devenait de plus en plus difficilement recevable au regard des décisions prises par Pyongyang de suspendre ses essais nucléaires et ses tirs balistiques intercontinentaux, et enfin de détruire le site d'essais nucléaires de Punggye-ri.
Désirant sincèrement le dialogue, ayant publiquement fait savoir, à la veille du sommet avec le Président Kim Jong-un qu'il n'était pas favorable à la politique de la pression maximale, le Président Donald Trump a donc mis en concordance ses paroles et ses actes et annoncé la suspension de ces exercices de guerre le temps des discussions - se réservant bien sûr la possibilité de les reprendre en cas d'accrocs (et il y en aura) dans les discussions avec Pyongyang sur le processus de dénucléarisation. Au demeurant, fidèle en cela à une tradition isolationniste d'une partie de la classe politique américaine, il a ajouté que ces manoeuvres militaires étaient "coûteuses" - là encore, l'argument n'est pas nouveau, puisque Donald Trump avait fait savoir, dès sa campagne présidentielle, qu'il entendait revoir les aspects financiers de l'alliance militaire avec la Corée du Sud, notamment le stationnement au sud de la péninsule de plus de 28 000 GIs américains (il est d'ailleurs à noter que la remise en cause de cette présence, du moins à court et à moyen termes, n'a été ni évoquée par le président américain, ni demandée par les Nord-Coréens, contrairement à un certain discours médiatique qui veut présenter le Président Trump comme le liquidateur de l'alliance entre Washington et Séoul).
Si l'on considère la nature même des exercices militaires Key Resolve et Foal Eagle, il n'y a guère de doutes sur leur nature offensive, l'AAFC ayant souligné à plusieurs reprises qu'ils s'inscrivent dans la mise en oeuvre de plans opérationnels régulièrement mis à jour et visant ouvertement à "l'élimination du régime nord-coréen" :
Même présentés comme « routiniers » et « défensifs », les exercices Key Resolve et Foal Eagle préparent l'application du plan opérationnel 5027 (OPLAN 5027), soit une offensive tous azimuts dont les buts revendiqués sont « l'élimination du régime nord-coréen » et l'anéantissement de l'armée nord-coréenne. Conçu en 1974 par les stratèges du Pentagone, le plan opérationnel 5027 a régulièrement été mis à jour pour inclure, entre autres, des frappes préventives contre la RPDC (OPLAN 5027-98) ou l'emploi de moyens antimissiles (OPLAN 5027-04).
Connu pour son style direct, Donald Trump a donc appelé un chat un chat en décrivant les manoeuvres militaires Key Resolve, Foal Eagle et Ulji Freedom Guardian comme ce qu'elles sont, et non comme ce que le Pentagone veut faire croire qu'elles seraient. Le renversement de position est patent par rapport à ses propres déclarations et actions de l'année 2017, notamment lorsqu'en décembre 2017 les Etats-Unis menaient "Vigilant ACE", un exercice militaire aérien sans précédent entre Washington et Séoul.
Dans ce contexte, la prudence est de mise : tous ceux qui aux Etats-Unis et dans le monde veulent le renversement de la Corée du Nord, notamment par une politique de sanctions toujours accrues, tenteront d'exploiter le moindre aléa du dialogue américano-nord-coréen naissant pour que reprennent les exercices de guerre - quitte à oublier qu'ils avaient déjà été suspendus une première fois, en 1992, à l'époque (déjà) d'un dialogue entre Washington et Pyongyang. Le front du refus est large et disparate : il inclut d'anciens membres de l'administration Obama, qui s'était révélé un adepte de la théorie de l' "effondrement" de la Corée du Nord ; des bellicistes comme le conseiller présidentiel John Bolton, grand défenseur de la guerre en Irak en 2003 et artisan du mensonge sur les armes de destruction massives irakiennes ; les conservateurs sud-coréens, qui ont subi une cuisante défaite aux élections locales du 13 juin 2018 mais continuent de représenter un quart de l'électorat sud-coréen ; des gouvernements étrangers partisans de la pression maximale sur Pyongyang, au premier rang desquels ceux du Japon et de la France (la ministre des Affaires européennes a presque regretté la tenue du sommet de Singapour) ; des officines néo-conservatrices, liés à des pans complets d'agences nationales du renseignement, appuyés par un puissant lobby médiatique et religieux, et qui ont d'ores et déjà replacé sur le devant de la scène des réfugiés nord-coréens dont les intérêts matériels sont liés à la diabolisation du régime nord-coréen en instrumentalisant la question des droits de l'homme...
Pour sa part, l'Association d'amitié franco-coréenne, tout en étant consciente de la personnalité versatile de Donald Trump et des amitiés ou au contraire aversions pour certains pays, prend positivement acte du fait que pour la première fois un président américain en exercice a été prêt à tenir un sommet historique avec un dirigeant suprême nord-coréen : il convient de soutenir pleinement la poursuite d'un processus par nature long, difficile et incertain, mais qui apporte l'espoir d'une paix durable en Asie du Nord-Est et d'une réunification de la Corée par la volonté des Coréens eux-mêmes, et non par la voie des armes.
Le sommet de Singapour entre les présidents Donald Trump et Kim Jong-un n'a pas fait que des heureux : les partisans de la pression maximale sur la République populaire démocratique de Corée - voire de l'option militaire - ont cherché à minimiser la portée de la déclaration conjointe entre Washington et Pyongyang, voire à la critiquer sinon comme contre-productive, du moins comme insuffisante. Ces positions ont notamment des partisans dans les cercles gouvernementaux au Japon - mais aussi en France, où la ministre des Affaires européennes Mme Nathalie Loiseau, invitée de LCP, "en est presque venue à critiquer la décision de Donald Trump de signer un document devant les caméras à l'issue d'une rencontre qui a duré plus de quatre heures" comme l'a observé Le Huffington Post. Sans ignorer que le sommet historique du 12 juin 2018 n'est que le début d'un processus long et incertain vers la paix et la dénucléarisation de la Corée, l'Association d'amitié franco-coréenne a jugé utile de répondre point par point aux arguments des sceptiques, relayés notamment dans des médias français.
Nathalie Loiseau, ministre française des Affaires européennes, n'a pas été enthousiasmée par la rencontre, en déclarant sur LCP que "signer un document avec Kim Jong-un c'est quand même pratiquement récompenser quelqu'un qui a été à l'encontre de tous les traités internationaux"
"La déclaration conjointe ne comporte aucun engagement nouveau / aucun engagement concret" (variante : "La déclaration conjointe marque un recul par rapport aux précédents engagements de Kim Jong-un")
Ceux qui critiquent la déclaration conjointe insistent notamment sur le fait qu'elle ne mentionne que la dénucléarisation "complète" de la Corée du Nord, et non sa dénucléarisation "complète, vérifiable et irréversible". Mais une dénucléarisation "complète" doit par nature être vérifiable vérifiée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). De même une dénucléarisation complète est par définition totale et sans retour en arrière, sinon cela s'appellerait une suspension des programmes nucléaires.
Au demeurant, parler d'un processus irréversible, c'est ignorer l'adage "fontaine, je ne boirai pas de ton eau". La diplomatie est affaire de circonstances : pourquoi la RPD de Corée s'engagerait-elle à - tout - céder et définitivement aux Etats-Unis sur la question nucléaire, alors qu'elle n'a reçu à ce stade que d'encore vagues engagements de sécurité et de non-agression de la part de Washington ? Comment renoncerait-elle définitivement à sa force de dissuasion quand les motifs de la dissuasion (le risque d'une attaque) n'ont pas disparu ? N'en déplaise à ceux qui préféreraient qu'un diktat soit imposé à la Corée du Nord, il s'agit d'une processus de négociations, de discussions entre des Etats parties libres ou non de s'engager conformément à leurs intérêts. C'est le principe même de la diplomatie.
Enfin, en termes de dénucléarisation la Corée du Nord s'est certes engagée auprès des Etats-Unis dans les mêmes termes que vis-à-vis de la Corée du Sud le 27 avril 2018 - mais avec cette différence (de taille) que les Etats-Unis sont le pays dont elle estime qu'il la menace directement, Pyongyang mettant en avant les précédents irakien de 2003 et libyen de 2011.
"Donald Trump a trop cédé à Kim Jong-un"
Dans le détail, Donald Trump n'a au contraire rien cédé sur la levée des sanctions économiques contre la RPD de Corée (qui constitue pour elle une priorité) et a renvoyé à plus tard l'éventuel établissement de relations diplomatiques bilatérales, sans davantage de calendrier sur ces deux points que la Corée du Nord concernant son processus de dénucléarisation. Ces détails - dont nous avons toujours souligné, à l'AAFC, qu'ils sont fondamentaux - sont renvoyés à des discussions ultérieures, qu'annonce précisément la déclaration conjointe en précisant qu'elles seront conduites, côté américain, par le secrétaire d'Etat Mike Pompeo.
Une concession importante a cependant été faite, mais lors de la conférence de presse du Président Donald Trump et non dans la déclaration elle-même : la suspension des manoeuvres militaires américano-sud-coréennes décrites par le chef d'Etat américain comme des "exercices de guerre" et des "provocations". Cette suspension en elle-même n'est toutefois en rien exceptionnelle : un quart de siècle plus tôt il s'agissait déjà d'une mesure mise en place par les Etats-Unis dans le cadre du dialogue avec Pyongyang, afin d'établir un climat de confiance. Pour donner une comparaison, la procédure est comparable à celle, lorsque deux pays sont en guerre, qu'ils évitent de continuer les combats. La proposition de Donald Trump est une mesure de bon sens de nature à favoriser la désescalade des tensions, et qui trouve son pendant dans la suspension des essais nucléaires et de ses tirs balistiques déjà annoncée par Pyongyang et qui constituaient la réponse, précisément, aux manoeuvres militaires des Américains et de leurs alliés - qui étaient jusqu'à aujourd'hui les plus importantes au monde en temps de paix.
Proposer de réduire l'ampleur des exercices militaires, comme le formulent certains, n'est pas un argument sérieux : que penserait-on d'une proposition similaire de Pyongyang de limiter la puissance de ses essais nucléaires, plutôt que de les suspendre ? Une telle proposition serait évidemment rejetée comme un leurre.
"Donald Trump a rehaussé le statut diplomatique d'un dirigeant qui ne respecte pas les droits de l'homme et ne mérite pas de tels égards"
L'argument est particulièrement spécieux car il présume qu'on ne peut pas discuter avec le dirigeant nord-coréen. La diplomatie est pourtant l'art de discuter avec ses partenaires, voire ses ennemis... Pendant la guerre froide, aurait-on dû refuser toute négociation avec l'Union soviétique au motif qu'elle n'était pas une démocratie libérale ? Les défenseurs d'une telle position sont, en fait, implicitement, des partisans de la guerre - ou de sa poursuite sous d'autres formes (embargo, blocus, sanctions).
Cet argument est une reprise en droite ligne de l'argument d'autorité des néo-conservateurs de tous pays, notamment sud-coréens, extrêmement hostiles à une approche conciliante avec le Nord. En outre, d'une part il résume l'alliance bilatérale à ses aspects militaires, et d'autre part il en donne une vision particulièrement étriquée : en quoi défend-on mieux la Corée du Sud en poursuivant des manoeuvres militaires qui ont justifié la poursuite de ses programmes nucléaires et balistiques par la Corée du Nord, potentiellement une menace pour Séoul en cas de conflit ? Enfin, lorsque l'on sait que c'est le Président Moon Jae-in qui a souhaité reporter en début d'année les manoeuvres militaires avec les Etats-Unis après les Jeux olympiques de Pyeongchang auxquels ont participé les Nord-Coréens, il est permis de douter que le refus du dialogue avec Pyongyang corresponde aux intérêts de l'actuelle administration sud-coréenne, qui n'a pourtant à aucun moment émis le désir de s'éloigner de l'alliance avec Washington...
"La signature d'un traité de paix est une chimère renvoyée à un avenir lointain"
Un traité de paix a au contraire une portée très concrète : mettre en place des mécanismes de sécurité collective qui préviennent les affrontements qui ont, à de trop nombreuses reprises, endeuillé la péninsule coréenne depuis la signature de l'accord d'armistice (ayant mis fin aux combats de la guerre de Corée) le 27 juillet 1953.
Comme la guerre de Corée a été menée par trois parties (y compris la Chine), et que la Corée du Sud aurait vocation à rejoindre un tel traité de paix, il est parfaitement logique que la déclaration de Singapour n'ait pas conduit à la signature d'un tel accord. Réaffirmer un tel objectif, dans un document signé en commun par les Présidents Kim Jong-un et Donald Trump, est le maximum de qui pouvait être fait.
"Donald Trump a fait le jeu de la Chine"
L'intérêt de la Chine est de garantir la stabilité dans la péninsule coréenne et de permettre sa dénucléarisation : ce n'est pas parce que ces objectifs sont poursuivis par la déclaration commune qu'ils correspondent nécessairement à une manipulation chinoise... fort heureusement, les partisans de la paix ne sont pas tous les agents d'influence ou les mercenaires de Pékin.
Au demeurant, Pyongyang a conduit depuis longtemps une politique indépendante de Pékin, et voir dans son attitude la main de la Chine est particulièrement méconnaître la nature des relations sino-nord-coréennes.
"La Corée du Nord n'abandonnera jamais ses armes nucléaires, car elle n'a pas respecté ses précédents engagements"
C'est oublier que les Etats-Unis n'ont pas tenu non plus leurs engagements de l'époque : blâmer la seule Corée du Nord est une réécriture de l'histoire non conforme à la réalité des faits, chaque partie n'entendant alors pas abandonner ses intérêts unilatéralement et sans contreparties. Dans ce contexte, le processus était voué à l'échec.
La différence fondamentale est que le processus actuel traduit une implication directe des plus hauts dirigeants des pays concernés, à travers une série de rencontres au sommet sans précédent. Peut-on légitimement croire que tous ces acteurs jouent un double jeu consistant à n'afficher qu'un consensus de façade ? Il y a bien de toute évidence une volonté partagée d'aboutir, en prenant en compte les attentes des différentes parties.