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20 février 2018 2 20 /02 /février /2018 22:23

Le 20 février 2018, le ministre de la Défense de la République de Corée (Corée du Sud) Song Young-moo a annoncé qu'une annonce serait faite sur la reprise des manoeuvres militaires conjointes avec les Etats-Unis entre la clôture des Jeux paralympiques (le 18 mars 2018) et la fin du mois de mars, tant en ce qui concerne leur calendrier que leur ampleur. Ces exercices de guerre Key Resolve / Foal Eagle, qui se tiennent régulièrement mais augmentent en intensité et tendent à se tenir chaque année de plus en plus tôt, sont dénoncés par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) comme la préparation de plans d'invasion de son territoire - et, de fait, comportent des simulations de mise en oeuvre de tels plans. Cette année, à la demande des autorités sud-coréennes, ils avaient été repoussés pendant toute la durée de la trêve olympique. 

Exercice militaire conjoint américano-sud-coréen impliquant des unités de chars à Pocheon

Exercice militaire conjoint américano-sud-coréen impliquant des unités de chars à Pocheon

La trêve olympique aura donc une fin. Mais en annonçant suffisamment en amont la reprise de leurs exercices militaires conjoints avec les Etats-Unis (les plus importants au monde hors zones de guerre), les Sud-Coréens font preuve de prudence - tant vis-à-vis des Nord-Coréens (qu'ils évitent de prendre de court) que des Américains (au fond inquiets du rapprochement intercoréen à Pyeongchang, comme l'a fait apparaître l'attitude hostile du vice-président Mike Pence). 

Le Président Moon Jae-in, dont le pays avait été marginalisé pendant la crise de l'été dernier, a en tout cas réussi un spectaculaire rétablissement diplomatique en reprenant la main sur la question coréenne, en étant pleinement acteur du rapprochement Nord-Sud - lequel pourrait d'ailleurs avoir des conséquences inédites avec la possibilité évoquée par le gouverneur de la province sud-coréenne de Gangwon (qui accueille les Jeux olympiques d'hiver) le 18 février 2018 - que le Nord et le Sud co-organisent les Jeux asiatiques d'hiver 2021. Le Nord a réagi favorablement à cette proposition, qui serait une première dans les relations intercoréennes pour un événement sportif si elle se concrétisait. 

Si les observateurs s'inquiètent des réactions nord-coréennes après la reprise des exercices militaires Key Resolve et Foal Eagle, qui pourraient justifier que la RPDC reprenne ses programmes balistiques et nucléaires pour répondre à cette menace, l'attitude sud-coréenne sera examinée dans une perspective plus globale : la reprise (ou non), qui a été annoncée, des échanges d'informations dans le domaine militaire pour éviter une escalade non souhaitée et incontrôlée ; la réponse du Président Moon Jae-in à la proposition du Président Kim Jong-un de venir à Pyongyang ; enfin, l'attitude des Sud-Coréens par rapport aux sanctions internationales - et aux sanctions additionnelles mises en place unilatéralement par Séoul. 

Sources : 

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17 février 2018 6 17 /02 /février /2018 22:37

Si dans un bel ensemble les chaînes de télévision nationale agitent une improbable menace d'attaque nucléaire nord-coréenne, le programme nucléaire de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) sert en revanche de prétexte  commode à une menace nouvelle d'utilisation d'armes nucléaires qui est, elle, d'autant plus vraisemblable et plus dangereuse qu'elle émane de la première puissance militaire du monde, la plus interventionniste dans l'histoire de l'humanité et la seule au monde à avoir utilisé l'arme atomique. Dans l'indifférence des mêmes télévisions nationales hexagonales, le 2 février 2018 le Pentagone a fait état de la nouvelle "posture nucléaire" des Etats-Unis, qui complète sa stratégie de défense nationale : le peu qui a été rendu public de ce document  (une quinzaine de pages sur 54, laissant craindre le pire dans la partie restée secrète) ouvre des perspectives nouvelles et effrayantes d'utilisation de bombes nucléaires dites "miniatures". Plus que jamais, l'Association d'amitié franco-coréenne appelle à soutenir le dialogue intercoréen et les efforts pour la paix en Asie du Nord-Est ,dans le cadre des  actuels Jeux olympiques de Pyeongchang, afin que l'argument nord-coréen cesse de servir d'alibi à des menaces américaines de guerre nucléaire dont la mise à exécution serait apocalyptique.

Image parue dans "The Economist", avec comme titre "Un insurgé à la Maison blanche"

Image parue dans "The Economist", avec comme titre "Un insurgé à la Maison blanche"

L'hiver nucléaire se rapproche : au nom prétendument de la lutte contre la Chine, la Russie, l'Iran, la Corée du Nord, ainsi que de terroristes par définition non dotés d'armes nucléaires, la nouvelle "posture nucléaire" des Etats-Unis envisage, comme le précise Gille Paris dans un article du quotidien Le Monde, de compléter les composantes terrestre, aérienne et maritime de l'armement nucléaire américain par la production d'armes dites tactiques, "de faible puissance", "terre-terre ou mer-terre", embarquées à bord de sous-marins ou de bombardiers.

Mais de quoi s'agit-il ? Le lecteur du Monde n'en saura rien, sinon que ces nouvelles armes nucléaires n'entrent pas dans les catégories actuellement couvertes par les accords de limitation des armements nucléaires (et qu'elles devraient donc relancer la course à la bombe). De même, il devra se contenter des propos (mensongers, nous le verrons ci-après) du Pentagone selon lesquels il s'agirait de renforcer la "dissuasion" nucléaire face à des risques d'attaque "nucléaire ou non nucléaire" des Etats-Unis - attaque dont le journaliste Gilles Paris précise toutefois qu'elle est définie en termes tellement flous qu'il peut s'agit de "cyberattaques massives" - sans définir ce qui est "massif", alors même que la cyberguerre a d'ores et déjà commencé - avec des assaillants qui ne sont pas forcément ceux que l'on croit.


Dans l'édition du 7 février 2018 du Canard enchaîné, Claude Angeli précise que la fabrication du premier lot (à savoir 30 bombes nucléaires "miniaturisées") de ces nouvelles armes de destruction massive est déjà programmée :

Ces petites merveilles de technologie mortifère, disponibles au plus tard dans deux ans, seront d'une puissance nettement inférieure à la bombe lancée en 1945 sur Hiroshima (environ 15 kilotonnes). Elles ne provoqueront jamais autant de destructions que les missiles de 150 à 475 kilotonnes dont disposent les armées américaines, mais, que l'on se rassure, elles auront des effets "incendiaires et radioactifs" remarquables, selon un expert militaire.

Il a fallu un an aux experts du Pentagone pour répondre à la demande de l'administration Trump, qui se mettait tout juste en place, formulée le 27 janvier 2017, de mettre au point ces nouvelles armes - avant donc le déclenchement du cycle des tensions qui ont crû autour de la Corée tout au long de l'année 2017, prouvant une nouvelle fois - si besoin était - que le programme nucléaire nord-coréen est évidemment un prétexte à la définition d'une posture stratégique qui répond à une volonté délibérée, et non à des circonstances spécifiques.

Comme le précise Claude Angeli, il s'agit d'envisager une nouvelle forme de conflit ciblé - utilisant des armes nucléaires, ce qui est sans précédent, et remettant en cause la logique de dissuasion nucléaire (invoquée hypocritement par les experts du Pentagone), laquelle sert aujourd'hui de justification au maintien d'un arsenal nucléaire par les Etats qui disposent aujourd'hui de la bombe. Selon Claude Angeli, les Etats-Unis deviennent ainsi le premier Etat au monde à théoriser et à revendiquer l'utilisation en premier d'armes nucléaires :

[Donald Trump] veut pouvoir tirer le premier et donner une méchante leçon à un présumé ennemi, tels la Corée du Nord ou l'Iran, si l'envie lui en prend. Le président américain aurait ainsi la possibilité de mener un conflit nucléaire limité, ce qui est une remise en question des principes de la dissuasion.

Ce comportement de la puissance américaine est non seulement contraire à tous les principes de dissuasion régissant l'emploi de l'arme nucléaire dans le monde contemporain, mais cette nouvelle doctrine nucléaire effrayante entraînerait de surcroît, et contré leur gré, les alliés des Etats-Unis (France, Corée du Sud...) dans une guerre nucléaire qu'ils refusent.

Il est temps que, tous ensemble, gouvernements comme opinions publiques, au-delà des différences de système politique et économique, disions stop à la folie nucléaire de l'administration Trump, si nous voulons empêcher l'apocalypse nucléaire que nous promettent de nouveaux docteurs Folamour derrière les écrans de fumée des menaces iranienne ou nord-coréenne fabriquées ou grossies à dessein.

Bombes nucléaires "miniatures" : jusqu'où ira la folie nucléaire américaine ?
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12 février 2018 1 12 /02 /février /2018 13:05

Isolement de la Corée du Nord ? Dès 7h du matin, lundi 12 février, dans le journal télévisé de Russia Today France (en français) a été diffusée l’opinion de l’AAFC.

Les Etats-Unis veulent-ils vraiment la paix en Corée ?

En effet, malgré une actualité tragique en Russie avec l’écrasement d’un avion de ligne qui a été le principal sujet du journal télévisé, Russia Today a sollicité le point de vue de Benoît Quennedey, président de l’AAFC sur l’aspect diplomatique des JO. Puis les différents journaux télévisés suivants ont repris son intervention.

La chaîne a présenté « l’attitude de marbre du vice-président Mike Pence lors de l’apparition de la délégation coréenne pendant la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques » qu’elle a qualifiée d’attitude symptomatique de « vouloir isoler économiquement et diplomatiquement la Corée du Nord » puis a questionné Benoît Quennedey sur sa perception des évènements : « rapprochement spectaculaire après une année terrible de montée des tensions », «volonté sincère du président Moon-Jae-in mais aussi du Dirigeant Kim Jong-un, exprimée dans son discours du premier janvier, de renouer le dialogue ».

La vraie question étant selon Benoît Quennedey de savoir ce qu’il en sera de l’attitude des autres puissances impliquées, et en particulier celle des Etats-Unis, une fois la trêve olympique terminée.

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26 janvier 2018 5 26 /01 /janvier /2018 16:51

Si les gouvernements occidentaux ont dit saluer le retour au dialogue intercoréen à l'occasion des Jeux olympiques de Pyeongchang, il y a loin de la coupe aux lèvres : en réalité, rien n'indique que les Etats-Unis et les Etats membres de l'Union européenne ont renoncé à leurs plans de guerre dans la péninsule coréenne : au contraire. Plus que jamais, il importe que tous les partisans de la paix se mobilisent pour inciter les gouvernements occidentaux à renouer réellement le dialogue sur la question coréenne.

Le général américain Robert B. Neller, actuel commandant du corps des Marines

Le général américain Robert B. Neller, actuel commandant du corps des Marines

Le 16 janvier, les Etats-Unis et le Canada co-organisaient une réunion entre Occidentaux et leurs alliés à Vancouver pour réaffirmer la nécessité, selon eux, de maintenir, voire d'accroître les sanctions contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) - alors que la RPDC est aujourd'hui le pays le plus sanctionné au monde avec des conséquences particulièrement néfastes sur les populations, Washington renonce moins que jamais à l'arme des sanctions comme alternative à la guerre pour provoquer un changement de régime.

Mais vouloir étrangler la RPDC n'exclut évidemment pas de poursuivre les provocations bellicistes : le 26 janvier 2018, le général Robert Neller, qui commande le corps des Marines, s'est félicité des exercices de guerre menés avec une intensité sans précédent autour de la péninsule coréenne, en rappelant que les préparatifs d'une guerre étaient en cours. Le même jour, le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis rappelait, après une tournée en Asie, que l'option militaire restait sur la table. Bien sûr, ces responsables américains prétendent être pour le dialogue ; en réalité, ils multiplient les initiatives et les déclarations de nature à empêcher toute diminution des tensions.

L'Association d'amitié franco-coréenne réaffirme plus que jamais que le camp de la paix doit se mobiliser, pour obtenir des gouvernements occidentaux des engagements concrets qui montreraient une vraie volonté des Etats-Unis et de leurs alliés de s'engager sur la voie du dialogue en Corée :

- procéder à une première diminution des sanctions nationales et internationales, afin de préserver la vie des populations, en autorisant en particulier la reprise des activités du complexe intercoréen de Kaesong, suspendu il y a deux ans ;

- prolonger le moratoire sur les exercices de guerre américano-sud-coréens au-delà de la trêve olympique, qui prendra fin avec les Jeux paralympiques de Pyeongchang fin mars ;

- stopper l'escalade militaire en Asie du Nord-Est, en suspendant immédiatement le déploiement du système de missiles antimissile THAAD ;

- répondre favorablement à la proposition sino-russe de double moratoire (sur ses essais nucléaires et balistiques par la RPDC, de leurs manoeuvres militaires par les Etats-Unis) ;

- établir des relations diplomatiques complètes entre la RPD de Corée, d'une part, la France, les Etats-Unis et le Japon, d'autre part ;

- encourager des échanges bilatéraux dans les domaines culturel et sportif pour renouer avec les coopérations concrètes qui permettent de renforcer les relations de coopération et de créer un climat propice au dialogue.

Sources :

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3 janvier 2018 3 03 /01 /janvier /2018 23:18

Dans son discours de Nouvel An, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a utilisé une image très classique pour rappeler que, la République populaire démocratique de Corée disposant désormais d'une force de dissuasion nucléaire, "le bouton nucléaire [était] toujours sur son bureau". Si ses voeux comportaient de (vraies) annonces - comme la proposition de rouvrir le dialogue inter-coréen, laquelle s'est traduite par la réouverture de la ligne téléphonique d'urgence entre les deux Etats coréens - c'est bien évidemment la phrase sur le "bouton nucléaire" qui a fait les gros titres de la presse néo-conservatrice, toujours à l'affût du moindre indice pour justifier une nouvelle guerre américaine, moteur de l'industrie de guerre et facteur de spéculation pour le plus grand profit du "big business" de Wall Street. Sauf que le Président Donald Trump en a fait - une nouvelle fois - des tonnes, au point de susciter interrogations, incrédulité, rires et stupeur. Mais, au fond, qui est vraiment Donald Trump pour s'exprimer ainsi ? (Psych)analyse (de salon).

Freud, reviens !

En déclarant dans un tweet que lui aussi avait un "bouton" nucléaire, mais qu'il était "plus gros", Donald Trump a une nouvelle fois illustré son sens avéré de la nuance, du mot mesuré, de la subtile analyse diplomatique : 

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un vient juste de déclarer que “le bouton nucléaire est constamment sur son bureau”. Quelqu'un dans son régime appauvri et affamé pourrait-il l'informer que moi aussi j'ai un bouton nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et puissant que le sien et mon bouton à moi fonctionne !

Le Figaro

La référence est évidemment inexacte (il ne s'agit pas d'un bouton nucléaire mais d'une mallette), inappropriée (le principe du dissuasion nucléaire - du faible au fort - ne se mesure pas en nombre d'ogives nucléaires, mais bien dans le fait de disposer d'une capacité de riposte nucléaire) et manifestement erronée (il y a aujourd'hui un consensus parmi les experts que la RPD de Corée dispose de missiles intercontinentaux vecteurs potentiels de têtes nucléaires et qu'elle maîtrise la capacité de miniaturiser des ogives). Mais il y a bien longtemps que les électeurs américains n'attendent plus de leur "commandant suprême" une compétence militaire ou diplomatique - sinon Donald Trump n'aurait jamais été élu.

Ce que révèle surtout ce dernier tweet de Donald Trump - après des précédents illustres, et avant bien d'autres - est un message qui n'a rien de subliminal pour quiconque a un minimum de connaissances en psychanalyse. Alors, s'il est vain de gloser en termes psychiatriques (ce qui, comme toute question médicale, est dépourvu de sens en l'absence d'examen clinique, et constitue une manière bien trop aisée d'évacuer une question politique en la renvoyant dans le champ de l'irrationnel), posons-nous franchement la seule question qui vaille : y a-t-il un psychanalyste à la Maison Blanche, qui permette de comprendre le refoulé et les aspirations d'un homme doté de pouvoirs sans équivalent au monde pour faire la guerre ? A cet égard, le fait que Donald Trump ait réévoqué des propos qu'il aurait tenus en 1994 pour dénoncer l'accord alors conclu par Bill Clinton sur le nucléaire nord-coréen révèle une volonté obsessionnelle de se justifier sans cesse et de se placer au centre de tout. La question psychanalytique n'est pas anodine : il en va de la sécurité du monde contre le risque d'une nouvelle guerre nucléaire. Heureusement, comme le rappellent avec humour certains caricaturistes face à la gravité de la menace, des collaborateurs veillent et retiennent leur Président...

Freud, reviens !
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22 décembre 2017 5 22 /12 /décembre /2017 21:23

A la suite du nouveau tir par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) d'un missile balistique intercontinental le 29 novembre 2017, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté le 22 décembre 2017, à l'unanimité de ses membres, la résolution 2397 qui alourdit encore davantage les sanctions contre la RPD de Corée. L'Association d'amitié franco-coréenne dénonce une décision qui frappera encore un peu plus les populations nord-coréennes, désormais menacées dans leur existence même, tout en éloignant toujours davantage les perspectives d'un retour au dialogue dans la péninsule coréenne - alors que les Etats-Unis et leurs alliés poursuivent délibérément une escalade dangereuse des tensions vers la guerre. 

Au centre : Nikki Haley, ambassadrice américaine aux Nations unies, vote la résolution 2397

Au centre : Nikki Haley, ambassadrice américaine aux Nations unies, vote la résolution 2397

Comme toujours, les Etats-Unis avaient placé la barre plus haut en vue de concessions à faire ensuite vis-à-vis de la Chine et de la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies dotés d'un droit de veto - qu'ils n'utilisent pas sur la question coréenne, affaiblissant d'autant leur position de possibles négociateurs entre les positions anglo-américaines, d'un côté, et nord-coréennes, de l'autre.

L'approvisionnement en produits pétroliers de la Corée du Nord est une fois encore réduit, désormais à hauteur de 75 % par rapport aux besoins ex ante (étant limité à 4 millions de barils par an, et 500 000 barils par an pour les produits raffinés), dans le but évident d'asphyxier l'économie nord-coréenne, quitte à faire mourir des dizaines ou des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants ainsi privés d'un accès essentiel à des ressources énergétiques indispensables - en empêchant les tracteurs de rouler, les bateaux de pêche de naviguer et les camions et trains de transporter les produits alimentaires vers les zones qui ne sont pas autosuffisantes. Le mensonge des autorités américaines en instaurant un embargo pétrolier (que Washington aurait voulu sinon total, du moins à hauteur de 90 % de la consommation du pays) consiste à tenter de faire croire que le pétrole importé par les Nord-Coréens servirait d'abord à des fins militaires, pour les programmes balistiques et nucléaires. Se joignant à ce concert de voix hypocrites, l'ambassadeur britannique Matthew Rycroft a osé affirmer que la résolution "garantissait que nous ne rendons pas la vie plus difficile pour les pauvres gens de Corée du Nord".

Les Etats membres disposeront de pouvoirs renforcés pour fouiller et arraisonner les navires nord-coréens - mais pas en haute mer, comme Washington en avait caressé l'espoir, au mépris du droit international de la mer.

Les travailleurs étrangers nord-coréens devront être rapatriés dans un délai de 2 ans (les Etats-Unis voulaient un délai d'un an, mais ont dû reculer sous la pression de la Chine et de la Russie).

La liste déjà très longue des produits nord-coréens touchés par les restrictions commerciales grandit encore : bois, certains équipements électriques, véhicules de transport, métaux industriels, magnésite...

Enfin, des personnalités et entités supplémentaires sont placées sur la liste noire des interdictions bancaires.

Pendant ce temps, les Etats-Unis peuvent continuer, en toute impunité, de menacer de détruire complètement la Corée du Nord, mener les plus grandes manoeuvres militaires en temps de paix, au large de la péninsule coréenne, et semer la guerre et la désolation aux quatre coins de la planète, tout en poursuivant le programme nucléaire militaire le plus avancé au monde. Le droit en général - et le droit international des organes des Nations unies en particulier - n'est jamais que le reflet des rapports de force : d'hier (avec le fait colonial) à aujourd'hui (avec la violation de la souveraineté des Etats, en Irak, en Libye et en Syrie), les puissances occidentales ont su instrumentaliser le droit international public au profit de leurs seuls intérêts et d'industries de guerre qui ont besoin que les gouvernements américain et européens entretiennent le cycle sans fin des tensions et des sanctions. Que vaut alors la vie de quelque 26 millions de Nord-Coréens face à une telle logique ?

Sources : 

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3 décembre 2017 7 03 /12 /décembre /2017 10:09

"Vigilant ACE" est la plus grande manoeuvre militaire aérienne conjointe américaine-sud-coréenne jamais menée, du 4 au 8 décembre 2017 : quelques jours seulement après le plus puissant tir de missile balistique nord-coréen réalisé à la date d'aujourd'hui (celui d'un missile nouveau, de type Hwasong-15), l'administration américaine choisit l'escalade militaire des tensions dans la péninsule coréenne. Pour sa part, l'Association d'amitié franco-coréenne continue de plaider pour la paix et le dialogue en refusant ces exercices de guerre, et en estimant que c'est la puissance militaire la plus forte - les Etats-Unis, dont le budget militaire est au bas mot 100 fois celui de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) - qui doit d'abord faire preuve de retenue pour désamorcer le risque d'un conflit dont les conséquences seraient désastreuses pour tous les peuples d'Asie du Nord-Est, au premier rang desquels les Coréens, les Japonais, les Chinois et les Russes. La "feuille de route sino-russe" est aujourd'hui le vecteur diplomatique le plus adapté pour retourner au dialogue dans la région Asie-Pacifique où se concentrent trois des plus puissantes armées du monde (celles des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie) et quatre Etats dotés de l'armée nucléaire (les trois précédents plus la Corée du Nord).

Le chasseur américain furtif de type F-22 participera aux plus grandes manoeuvres aériennes à ce jour menées conjointement par les aviations américaine et sud-coréenne.

Le chasseur américain furtif de type F-22 participera aux plus grandes manoeuvres aériennes à ce jour menées conjointement par les aviations américaine et sud-coréenne.

Si les exercices militaires aériens conjoints américano-sud-coréens sont menés fréquemment (de précédents exercices "Vigilant ACE" ont eu lieu en 2015), leur occurrence n'est pas régulière et ceux conduits du 4 au 8 décembre 2017 sont sans précédent par leur ampleur - quoi qu'en disent les communicants militaires de Washington et Séoul. Dans ce contexte, un éditorial du Rodong Sinmun, quotidien du Parti travail de Corée, au pouvoir à Pyongyang, a dénoncé une nouvelle "provocation", en rejetant ainsi la thèse américaine d' "exercices défensifs par nature", alors que l'administration américaine a menacé une nouvelle fois de destruction totale la Corée du Nord : 

C’est une provocation ouverte, tous azimuts, contre la [République populaire démocratique de Corée] qui pourrait déboucher sur une guerre nucléaire à tout moment.

L'agence sud-coréenne Yonhap a ainsi décrit les moyens déployés pour ces exercices militaires aériens, qui mobiliseront 230 appareils des flottes des deux pays : 

Un total de 230 avions militaires des deux pays se joindront à l'exercice, dont certains stationnés à l'étranger, dont 12 chasseurs furtifs, six F-22 et six F-35A. Seront également mobilisés six avions de guerre électronique, une dizaine de chasseurs F-15C et une dizaine d'avions de chasse F-16.

Quelques F-35B stationnés au Japon devraient voler au-dessus de la Corée du Sud durant l'exercice. Ils seront rejoints par les chasseurs F-15K, KF-16 et F-5.

Les deux pays mèneront des simulations de frappes aériennes contre des cibles nucléaires et balistiques nord-coréennes et des tracteur-érecteur-lanceurs (TEL) nord-coréens.

Ces exercices s'ajoutent aux manoeuvres militaires menées plusieurs fois par an autour de la péninsule coréenne par les Etats-Unis et leurs alliés, lesquels participent plus ouvertement à la mise en oeuvre du plan opérationnel OPLAN 5027 qui préparent notamment  « l'élimination du régime nord-coréen » et l'anéantissement de l'armée nord-coréenne. Les plans opérationnels américains de guerre en Corée ont été actualisés et complétés cette année par l'administration américaine, dans le contexte de montée des tensions avec la RPD de Corée. 

Sources :

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29 novembre 2017 3 29 /11 /novembre /2017 08:55

Le 29 novembre 2017, la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a procédé à un nouveau tir de missile balistique intercontinental (acronyme anglais : ICBM) d'un missile de type Hwasong-15, capable d'atteindre l'ensemble du territoire américain. Les autorités nord-coréennes se sont félicité que leur pays dispose d'une force de dissuasion nucléaire complète pour faire face aux menaces des Etats-Unis. 

L'annonce du tir réussi a été faite à la télévision centrale de la RPD de Corée par la présentatrice Ri Chun-hee

L'annonce du tir réussi a été faite à la télévision centrale de la RPD de Corée par la présentatrice Ri Chun-hee

Selon les autorités nord-coréennes, l'engin a atteint une altitude de 4 475 kilomètres avant de s'abîmer en mer de l'Est à 950 kilomètres du site de lancement, après avoir survolé l'archipel nippon. Au regard de sa trajectoire, sa portée a été estimée à 13 000 kilomètres - la plus importante pour un missile balistique intercontinental nord-coréen à ce jour. Selon les experts occidentaux, le missile de type Hwasong-15 peut ainsi atteindre la totalité du territoire américain, ce qu'a confirmé l'agence nord-coréenne KCNA :  

Le système d'armes de type ICBM Hwasong-15 est un missile intercontinental équipé d'une ogive lourde extra-large capable de frapper la totalité du continent américain.

Doté d'une ogive nucléaire, ce missile de type ICBM représente ainsi une capacité de frappe (et donc de dissuasion) nucléaire complète. Le Point, dans un article ayant pour source l'Agence France Presse, a ainsi parlé de "bras d'honneur au président Trump", qui avait réaffirmé, lors de sa récente tournée asiatique, que jamais la RPD de Corée ne se doterait d'une telle force de dissuasion nucléaire et avait multiplié ces dernières semaines les manifestations hostiles à l'encontre de la Corée du Nord - manoeuvres militaires, nouvelles sanctions unilatérales, réinscription de la RPDC sur la liste des Etats soutenant le terrorisme. Comme toujours, cette attitude a provoqué la réaction de Pyongyang : le tir du 29 novembre 2017 montre sa volonté continue de renforcer ses capacités d'autodéfense, et non de céder à un diktat imposé par le plus lourd régime de sanctions jamais instauré au monde depuis la création des Nations unies en 1945.

Face à l'échec de la politique américaine de montée continue des tensions et des sanctions pour endiguer la puissance militaire nord-coréenne, dont le fiasco menace la paix en Asie du Nord-Est et dans le monde, l'Association d'amitié franco-coréenne plaide une nouvelle fois pour la paix par une sortie de crise dans le cadre d'un dialogue renouvelé, impliquant l'ensemble des parties concernées - comme le propose notamment la feuille de route sino-russe d'un double moratoire (de ses essais nucléaires et balistiques par Pyongyang, de ses manoeuvres militaires par Washington).

Source : 

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11 novembre 2017 6 11 /11 /novembre /2017 11:24

Poursuivant en Chine sa tournée asiatique, le Président Donald Trump a renoué avec sa rhétorique fleurie et toute en nuances sur le dirigeant nord-coréen et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Parallèlement, le 11 novembre 2017, ont commencé de nouveaux exercices militaires conjoints américano-sud-coréens, prévus pour une durée de quatre jours. Ces nouvelles initiatives, qu'on peut qualifier soit de provocations et/ou d'incitations à la guerre soit de démonstrations de force suivant le point de vue adopté, confrontent en réalité les Etats-Unis à un risque accru d'impuissance militaire et d'isolement diplomatique sur le dossier coréen, signant l'échec d'une politique élaborée au coup par coup, en l'absence d'une vision stratégique approfondie qui prendrait en compte les intérêts et les objectifs des différentes parties. 

Le porte-avions USS Ronald Reagan dans la mer de l'Est, au large de la Corée (photo d'archives)

Le porte-avions USS Ronald Reagan dans la mer de l'Est, au large de la Corée (photo d'archives)

Dans la tête de Donald Trump : une logique binaire et l'occultation d'un risque sans précédent d'isolement diplomatique américain sur la question coréenne

Un jour Donald Trump tente de séduire les Sud-Coréens en évitant les propos insultants et belliqueux vis-à-vis des Nord-Coréens, et un autre à Pékin il vitupère à nouveau contre la RPD de Corée... Cette inconstance ne doit pas s'interpréter en termes relevant d'une psychologie de café du commerce (invoquant, au choix, la folie, la colère ou une imprévisibilité maladive), mais bien dans le cadre de l'objectif que poursuit, de manière constante, le numéro un américain : il avait affirmé, en début d'année, que, lui président et contrairement à ses prédécesseurs taxés d'impuissance et de faiblesse, jamais il n'accepterait que la Corée du Nord se dote d'une capacité de dissuasion nucléaire comportant des armes et des vecteurs susceptibles d'atteindre le territoire américain. Cette perspective étant devenue réalité, et le Président Donald Trump refusant de se dédire, il estime dès lors ne disposer que de deux choix : soit la Corée du Nord renonce (volontairement ou sous la contrainte) à sa capacité de dissuasion nucléaire, soit elle est vouée à disparaître en tant qu'Etat et régime politique, dans le cadre d'une guerre ou (à moindres frais, en termes de vies de soldats américains) sous l'effet de sanctions sans précédent visant à l'effondrement économique, politique et social de la RPD de Corée. 

Les termes de cette équation ainsi posés, Donald Trump sait qu'il a besoin de la Chine pour asphyxier la Corée du Nord, dont elle est (de très loin) le premier partenaire économique, et juge que, vis-à-vis de Pékin, la politique de la mise en garde est la plus efficace - mâtinée de menaces à peine voilées de rétorsions, en partie mises en oeuvre, contre les intérêts économiques chinois. Concernant la Corée du Sud, ce doit être un allié à ménager, tant en termes militaires (les Etats-Unis préférant toujours que les supplétifs étrangers de leurs soldats s'exposent le plus fortement et perdent le plus grand nombre d'hommes) qu'au regard de sa capacité à potentiellement saper les objectifs de politique nord-coréenne de l'administration Trump : le Président Moon Jae-in est contre la guerre, hostile à ce que son pays se dote d'armes nucléaires - comme l'avait ouvertement envisagé Donald Trump - et favorable au dialogue intercoréen pour sortir de la crise actuelle.

Si lors de sa récente visite à Séoul Donald Trump a essayé de plaire aux dirigeants et à l'opinion publique de la République de Corée, c'est parce qu'il n'avait pas le choix. Mais le spectaculaire réchauffement des relations sino-sud-coréennes mises à mal par le déploiement de THAAD, ce progrès étant à mettre à l'actif du Président Moon Jae-in, ne signe-t-il pas au contraire pour l'administration Trump le risque que se dessine une stratégie alternative à la sienne ? Donald Trump ne peut ignorer que la politique nord-coréenne des Etats-Unis est fortement impopulaire à l'étranger (sauf peut-être dans les milieux conservateurs, qui sont majoritaires, au Japon), car elle comporte les risques d'une escalade militaire vers une guerre qui satisferait essentiellement l'objectif stratégique d'une invulnérabilité du territoire américain, tout en exposant à de très lourdes pertes non seulement la Corée du Nord, mais aussi ses voisins dont Washington recherche pourtant l'assentiment et l'appui.

La Chine, comme l'observe d'ailleurs un dossier de l'hebdomadaire L'Express qu'on ne peut pas accuser d'anti-américanisme primaire, renforce ainsi sa position d'acteur incontournable d'une sortie de crise en Corée : en ne prenant pas partie pour la RPDC tout en votant et en appliquant (après les avoir modérées au regard des intentions américaines) les sanctions internationales contre la Corée du Nord, Pékin apparaît comme une puissance ayant une diplomatie raisonnable, favorable au dialogue, susceptible de rallier à ses positions tous les Etats concernés par la crise en cours, y compris potentiellement les Etats-Unis s'il y aura une prise de conscience de l'impasse actuelle. Plus Donald Trump multiplie les provocations verbales et militaires, plus il renforce la diplomatie chinoise qui a tenté, certes jusqu'ici sans grand succès (à part en direction de la Russie), de rallier d'autres pays (l'Allemagne, la France...) à ses appels à une sortie de la crise par la voie diplomatique. Mais l'idée chemine, et pourrait un jour mettre en échec la politique nord-coréenne des Etats-Unis fondée sur une fuite en avant dont l'objectif final (une guerre nucléaire ou l'effondrement d'un pays doté d'armes nucléaires, qui seraient disséminées dans le monde, parallèlement à des flux massifs de population en dehors de la RPDC), constituent des scénarios catastrophes, sauf dans la tête de Donald Trump et d'une poignée de représentants de l'appareil d'Etat américain qui semblent ne pas correctement prendre en compte toutes les données de l'équation.

Exercices de guerre : le gouffre financier et l'impuissance militaire au regard des coûts humains d'un improbable conflit au sol

Dans l'esprit de Donald Trump, ce qui compte le plus n'est en effet pas tant ce que peuvent penser ses homologues à Séoul, Pékin ou Tokyo que d'apparaître, aux yeux de l'opinion publique américaine (et donc des médias qui façonnent l'opinion), comme le commandant militaire invincible de la Grande Amérique, et cette nécessité est sans cesse renforcée par les revers réels ou potentiels sur la scène intérieure ou en d'autres endroits du monde. C'est contre l'intelligentsia qu'il a gagné de manière inattendue l'élection américaine. C'est à nouveau contre tout ce que les Etats-Unis (et le monde occidental) compte d'experts et d'analystes de la question coréenne qu'il entend imposer sa politique nord-coréenne comme prétendument rationnelle et consensuelle, en mobilisant pour sa cause des médias qu'il n'hésite pas à vilipender par ailleurs. Le procédé n'est pas nouveau : la propagande de guerre repose sur ce schéma invariant, plus d'une fois mis en oeuvre dans les guerres conduites par l'hyperpuissance américaine.

Un des éléments de langage majeurs porte sur les manoeuvres militaires américaines, qu'il faut donc légitimer comme nécessaires et défensives par nature face à la menace supposée d'un régime nord-coréen qui serait incontrôlable et prêt à tout. A compte du 11 novembre 2017, comme le signale l'AFP, des exercices inédits de grande ampleur associent ainsi de nouveau GIs et soldats sud-coréens, moins d'un mois après les précédentes manoeuvres conjointes

Des bâtiments de la marine de guerre sud-coréenne se sont joints samedi à trois porte-avions américains, dans une démonstration de force inédite à l'adresse de la Corée du nord, dont les ambitions nucléaires sont au centre de la tournée en Asie du président américain Donald Trump.

L'exercice conjoint dans le Pacifique occidental, qui doit se poursuivre durant quatre jours, mobilise les porte-avions USS Ronald Reagan, USS Nimitz et USS Theodore Roosevelt, ainsi que sept navires sud-coréens, dont trois destroyers, a précisé le ministère sud-coréen de la Défense.

C'est la première fois depuis dix ans que des manœuvres de ce type mobilisent trois porte-avions.

"L'exercice est destiné à renforcer la dissuasion contre les menaces nucléaires et les missiles de la Corée du nord, et à démontrer notre préparation à repousser toute action provocatrice du Nord", a déclaré un porte-parole du ministère.

La dépêche de l'AFP aurait pu être encore plus favorable à la politique nord-coréenne de Donald Trump, en mentionnant les tirs nucléaires et balistiques de la RPDC (interrompus depuis plus de deux mois, contrairement aux initiatives américaines qui, elles, n'ont jamais cessé). Mais elle n'en sert pas moins lourdement les intérêts de la propagande de guerre (ou de préparation à la guerre) américaine, en mentionnant les dernières déclarations du Président Trump vis-à-vis de la Corée du Nord et en évitant de dire que ses envolées verbales, s'ajoutant aux provocations militaires, relèvent de la seule volonté américaine, et pas d'une dissuasion contre un ennemi cent fois moins puissant militairement.

Poursuivons en effet la citation de cette dépêche de l'AFP qui, après une concession à la neutralité attendue d'une agence de presse (son auteur dit que les Nord-Coréens seront mécontents, mais minimise ces critiques en employant les termes non neutres de "régime de Pyongyang"), cite encore une fois les éléments de langage du gouvernement américain et évite soigneusement à l'endroit des Etats-Unis les termes "provocations", "exercices de guerre" et autres expressions toujours réservées à la seule Corée du Nord, tout en prêtant à la seule partie nord-coréenne le fait, pourtant avéré dans les documents stratégiques américains, que ces manoeuvres militaires ont bien un caractère offensif. Enfin, la dépêche de l'APF conclut de manière assez extraordinaire sur la volonté prétendue de dialogue et de conciliation du Président Donald Trump : 

Le régime de Pyongyang dénonce régulièrement ces manœuvres, destinées selon lui à préparer une invasion de son territoire, et réplique parfois avec ses propres manœuvres militaires ou des tirs de missile. Les bâtiments américains vont conduire des exercices de défense, de surveillance maritime, de riposte aérienne, entre autres opérations, a indiqué de son côté la marine américaine.

Ces manœuvres interviennent dans la foulée de la visite du président Trump à Séoul et Pékin, dominées par la menace nucléaire nord-coréenne. Dans un discours musclé devant l'Assemblée nationale sud-coréenne, Donald Trump a appelé mercredi le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un à ne jamais sous-estimer la détermination de l'Amérique et à renoncer à son programme nucléaire, avant de dénoncer les horreurs d'une "dictature cruelle".

Mais au cours de sa tournée actuelle en Asie, Donald Trump s'est parfois montré plus conciliant en évoquant des "progrès" et de possibles négociations.

Mais l'administration américaine voudrait-elle mener une nouvelle guerre de Corée qu'il est douteux qu'elle dispose des moyens nécessaires, y compris en termes de préparation stratégique. Dans un rapport rédigé à la demande du Congrès américain, le Pentagone, par la voix de l'amiral Michael Dumont, vice-directeur de l'état-major interarmées, a indiqué que découvrir et  "neutraliser" les armes nucléaires nord-coréennes - qui est l'objectif affiché d'un conflit avec la RPDC - nécessiterait l'envoi de troupes au sol, ce que les Etats-Unis sont en général particulièrement réticents à opérer étant donné la faible acceptation par l'opinion publique américaine de pertes humaines importantes dans un conflit. Or, une guerre au sol entraînerait des pertes élevées, que le rapport du Pentagone reconnaît par ailleurs être incapable d'évaluer dans un aveu d'impréparation qui a inquiété des députés démocrates. Enfin, le même rapport estime probable, en cas de guerre terrestre, l'utilisation par la Corée du Nord d'armes biologiques et chimiques - alors même que les Etats-Unis ont utilisé de telles armes en Corée entre 1950 et 1953 - ce qui dépasse le seuil de tolérance des Américains. Mais si l'on remplaçait les soldats américains au sol par des Sud-Coréens ? Une telle guerre américaine aérienne avec des supplétifs sud-coréens au sol relève en réalité d'une double erreur d'analyse, en ce qui concerne l'acceptation d'un conflit par les Sud-Coréens et d'une capacité américaine à ne perdre pratiquement aucun homme : la Corée du Nord dispose des moyens et d'une volonté de résistance à une invasion que n'avait pas l'Irak de 2003...

En outre, les manoeuvres militaires à répétition des Etats-Unis et de leurs alliés sont coûteuses pour le contribuable américain. Ce sujet budgétaire n'est pourtant jamais évoqué dans la couverture médiatique de ces exercices, sans doute parce qu'il serait de nature à affaiblir le consensus qui tend à s'établir dans la société et la classe politique américaine en cas de conflit - propagande de guerre oblige. Il n'en demeure pas moins que l'hostilité de l'appareil d'Etat américain à une guerre aujourd'hui mal anticipée, qui pourrait constituer un nouveau bourbier comme naguère au Vietnam, conjuguée aux critiques de nombreux élus démocrates, force l'administration Trump à en rabattre : plus l'armée américaine montre ses muscles, moins elle est capable d'agir réellement dans une guerre. Au fond, dans l'alternative présentée ci-dessus quand nous avons essayé de comprendre le mode de pensée du président américain, Donald Trump (ou à défaut les généraux et les diplomates qui lui sont fidèles) sait que la voie la plus sûre serait de soumettre la Corée du Nord à un régime de sanctions tel que le pays n'aurait d'autre choix que l'alternative suivante :

- négocier un diktat où elle désarmerait unilatéralement face à un pays qui pourrait continuer de la menacer,

- être exposée au risque d'un effondrement et d'une révolte intérieure dont rêvent, en vain, les néo-conservateurs depuis un quart de siècle. En cela, l'administration Trump diffère sensiblement de celles qui l'ont précédées, en cherchant à provoquer encore plus activement un processus d'effondrement qui ne s'est pas produit. 

Oui, mais comment justifier aux yeux des autres pays du monde qu'il faut encore renforcer les sanctions contre le pays déjà le plus lourdement sanctionné au monde, qui exerce un droit d'auto-défense, et dont les populations sont confrontées, sinon à l'effondrement à court terme, du moins à une pénurie d'énergie et à une nouvelle famine sous l'empire des sanctions actuelles ? 

L'espoir américain d'une réaction nord-coréenne qui permettrait d'accroître les sanctions internationales et de provoquer l'effondrement espéré de la Corée du Nord 

Pour renforcer les sanctions contre la RPDC, l'administration Trump a impérativement besoin que la Corée du Nord réagisse à ses manoeuvres militaires et à ses provocations verbales dûment assumées - ou, pour reprendre une métaphore du monde de la corrida, ait l'attitude du taureau face auquel le toréador agite un chiffon rouge avant de l'abattre.

Malheureusement pour Washington, l'administration nord-coréenne, loin de tomber dans ce piège, combine de manière très rationnelle les objectifs d'autodéfense du pays (qui ont justifié l'accélération de la mise en place d'une force de dissuasion complète face à une administration américaine considérée comme décidée à lui faire subir le sort de l'Irak en 2003 et de la Libye en 2011) et une auto-restriction dans la poursuite de ses programmes nucléaires militaires et balistiques au regard de l'impact des sanctions internationales sur l'économie du pays et les conditions de vie de la population. Dans ce contexte, les autorités nord-coréennes ont évité, jusqu'à présent, de réagir face aux provocations américaines de Donald Trump lors de son actuelle tournée asiatique - ce qui a conduit ce dernier à affirmer bruyamment qu'il avait remporté une manche dans son bras-de-fer contre la Corée du Nord, et que sa politique nord-coréenne serait donc (selon lui) couronnée de succès, alors que les risques d'isolement diplomatique n'ont jamais été aussi élevés et l'impuissance militaire aussi patente.

Dans ce contexte, les Nord-Coréens ont rappelé une nouvelle fois qu'ils étaient ouvert au dialogue, mais pas à un diktat qui consisterait pour eux à abandonner tout moyen de défense face à la politique hostile des Etats-Unis, comme le rappelle une autre dépêche de l'AFP citée par Le Point

"Nous ne sommes pas opposés au dialogue mais nous ne mettrons jamais les questions liées aux intérêts suprêmes de la Corée du Nord et de la sécurité de ses citoyens sur la table des négociations", soulignait une tribune publiée dans le journal gouvernemental Minju Joson.

Face à l'escalade des tensions et des sanctions entretenues par l'administration Trump, la porte du dialogue et d'une issue négociée à la crise reste ainsi ouverte. Mais les partenaires des Etats-Unis sauront-ils trouver les moyens de les convaincre de sortir d'une impasse qui leur permet, à court terme, d'affermir l'image d'un Donald Trump se posant en chef de guerre toujours victorieux (car évitant soigneusement le combat réel), se rêvant en leader d'un monde dit libre dans sa croisade contre le Mal, nostalgique de la geste reaganienne ayant conduit à la victoire américaine dans la guerre froide ? Le monde a changé, mais les logiciels intellectuels de certaines têtes (mal-)pensantes sont restés bloqués dans un passé révolu, quand leurs concurrents - Chine et Russie en tête - se frottent les mains de pouvoir exercer une influence renforcée par les erreurs d'analyse américaines.

Sources : 

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7 novembre 2017 2 07 /11 /novembre /2017 23:18

Le Président américain Donald Trump n'est pas aimé de l'immense majorité des Sud-Coréens, qui s'inquiètent - y compris dans les rangs des services secrets - d'être les premières victimes d'un conflit que pourrait déclencher l'imprévisible chef d'Etat américain. Par ailleurs, il avait inutilement moqué son homologue sud-coréen en affirmant, cet été, qu'il était inutile de rechercher l'apaisement avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Sans doute faut-il voir dans sa volonté de réconquérir les coeurs sud-coréens la raison principale du ton nettement plus conciliant qu'il a adopté lors de sa visite des 7 et 8 novembre 2017 en République du Corée (Corée du Sud), soucieux de séduire un allié de premier plan dans son bras-de-fer avec la Corée du Nord. 

Manifestation à Séoul le 5 novembre 2017

Manifestation à Séoul le 5 novembre 2017

C'est aux cris de "Nous sommes contre la guerre !" et "Il faut négocier la paix !" que les progressistes sud-coréens ont défilé à Séoul le 5 novembre 2017, deux jours avant le début de la visite de Donald Trump dans leur pays. Moins nombreux, les conservateurs ont pour leur part manifesté pour afficher leur soutien à la politique américaine et à l'alliance Séoul-Washington. 

Mais le 7 novembre 2017 le président américain ne s'était pas laissé aller à l'une de ses formules à l'emporte-pièce qui font les choux gras des commentateurs de son compte Twitter. Au contraire, l'heure était à l'apaisement et à la célébration de l'unité entre les Etats-Unis et la Corée du Sud qui aurait, selon Washington et Séoul, fait plier Pyongyang...


Séducteur, Donald Trump a donc dit ce que les Sud-Coréens attendaient d'entendre : qu'il serait souhaitable de revenir à une solution négociée, en affirmant également - lors de sa visite à Camp Humphreys : "On trouve toujours une solution, il faut qu'on trouve une solution". Il a également réaffirmé l'engagement de défense des Américains envers les Sud-Coréens. Enfin, alors que l'accord de libre-échange est en cours de renégociation, le Président américain s'est dit confiant que les discussions aboutissent à un accord équitable - sans préciser ce que restait le contenu d'un tel accord. Dans ce contexte, le Président Moon Jae-in a pu réaffirmer publiquement son souhait d'empêcher une nouvelle guerre de Corée sans apparaître en porte-à-faux avec un Donald Trump naguère ouvertement va-t-en-guerre.

Les deux chefs d'Etat lors de leur conférence de presse conjointe

Les deux chefs d'Etat lors de leur conférence de presse conjointe

En contrepoint, plusieurs mesures ont cependant été annoncées dans le sens d'une poursuite de la course aux armements, y compris nucléaires : la charge utile des missiles sud-coréens ne sera désormais plus limitée et les Sud-Coréens se doteront de moyens nouveaux, dont des sous-marins nucléaires - ce qui entre d'ailleurs en contradiction avec le principe selon lequel il ne serait pas réintroduit d'armes nucléaires au Sud de la péninsule. Le ton change, mais les intentions bellicistes demeurent. Il en faudra ainsi encore beaucoup pour amener les Etats-Unis à envisager sincèrement des négociations de paix, seules à même de permettre une désescalade des tensions qui ont atteint cet été un degré de dangerosité sans précédent depuis au moins 1994.

Sources : 

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