Les exercices militaires conjoints américano-sud-coréens Key Resolve et Foal Eagle se déroulent cette année du 27 février au 30 avril. Présentés comme « défensifs » par Washington et Séoul, ces manœuvres sont génératrices d'un climat de tension en Asie du Nord-Est, au risque de faire capoter les discussions qui ont repris, après quatre mois d'arrêt, entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) au sujet des moyens de relancer les pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne.
Le Commandement des forces combinées (CFC) américaines et sud-coréennes a annoncé que les exercices annuels Key Resolve et Foal Eagle auraient lieu, respectivement, du 27 février au 9 mars 2012 et du 1ermars au 30 avril 2012. Cette année, Key Resolve engage 2 100 militaires américains aux côtés de l'armée sud-coréenne, ainsi que d'autres pays membres du Commandement des Nations Unies. Le CFC décrit Key Resolve, comme un « exercice de poste de commandement […] basé sur des scenarii réalistes, utilisant diverses suppositions de menaces ». L'exercice Key Resolve est encore présenté par le CFC comme « de routine et défensif, destiné à améliorer la préparation, à protéger la région et à maintenir la stabilité dans la péninsule coréenne ». De son côté, l'exercice Foal Eagle 2012 mobilise 11 000 soldats américains aux côtés des forces sud-coréennes dans une série d'opérations terrestres, aériennes et navales décrites par le CFC comme « défensives et destinées à s'assurer que les forces de la République de Corée [du Sud] et des Etats-Unis sont prêtes à exécuter les tâches et missions requises pour la protection de la République de Corée ».
En 2011, les exercices Key Resolve et Foal Eagle avaient mobilisé pendant deux mois 12 800 soldats américains aux côtés de 200 000 soldats sud-coréens. Le CFC justifiait alors cet important déploiement par le naufrage, un an plus tôt, de la corvette sud-coréenne Cheonan en mer de l'Ouest (mer Jaune).L'enquête officielle menée par Washington et Séoul a imputé ce naufrage à une torpille tirée par un sous-marin nord-coréen, dans des conclusions contestées non seulement par la Corée du Nord, mais aussi par un membre de l'équipe d'enquête officielle, des scientifiques indépendants et les experts de la Marine russe. Le naufrage du Cheonan, dans lequel périrent 46 marins sud-coréens, était survenu lors de l'exercice Foal Eagle de 2010, suscitant la thèse d'un « tir ami » (avancée notamment par le journaliste japonais Tanaka Sakai dans The Asia-Pacific Journal).
Outre les risques d'accident, les manœuvres militaires à répétition organisées par les forces américaines et sud-coréennes aggravent les tensions dans la péninsule coréenne où ne prévaut qu'un simple cessez-le-feu depuis 1953, aucun traité de paix n'ayant été signé après la Guerre de Corée.
Le 25 février 2012, à la veille du lancement de l'édition 2012 des exercices Key Resolve et Foal Eagle, la Commission de la défense nationale de la RPD de Corée a protesté avec force contre les manœuvres militaires américano-sud-coréennes, en les comparant à une « déclaration de guerre » et en les qualifiant de « délit flagrant à la paix et à la sécurité de la péninsule coréenne ». Le 20 février, l'armée sud-coréenne s'était déjà livrée à des exercices de tir à balles réelles en mer de l'Ouest, à proximité de la Ligne de limite Nord (Northern Limit Line, NLL), frontière maritime de facto tracée de manière unilatérale par la Marine américaine en 1953 et contestée par la RPD de Corée.
Dans son communiqué du 25 février, la Commission de la défense nationale de la RPDC déclare que l'armée et le peuple de RPDC « déjoueront les agissements guerriers des traitres à la nation [coréenne] et des fauteurs de guerre dans le pays et à l'étranger en menant une guerre sacrée » et « encourageront fermement les Coréens du Sud et d'Outre-mer dans leur lutte à l'échelle nationale visant à faire tomber le régime [du président sud-coréen] Lee ». La Commission de la défense nationale adresse aussi un avertissement aux Etats-Unis : « Ce sont les agresseurs impérialistes américains qui sont principalement à blâmer pour avoir amené à une phase de guerre la situation instable de la péninsule qui ne connaît ni la guerre ni la paix depuis si longtemps. […] Les armes nucléaires ne sont pas le monopole des Etats-Unis. Nous avons des moyens guerriers plus puissants que les armes nucléaires américaines et des équipements de frappe ultra-modernes jamais possédés par quiconque. »
De fait, les exercices militaires américano-sud-coréens interviennent au moment où les Etats-Unis et la RPDC ont repris leurs discussions (après les rencontres de juillet et octobre 2011) visant à trouver des moyens de relancer les pourparlers à six pays (deux Corée, Etats-Unis, Chine, Russie, Japon) sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, pourparlers interrompus depuis avril 2009. Les 23 et 24 février 2012, Glyn Davies, représentant américain pour les questions nord-coréennes, et Kim Kye-gwan, vice-ministre des Affaires étrangères nord-coréen, se sont ainsi retrouvés à Pékin, le représentant américain évoquant « de petits progrès ».
Mais, suite aux nouvelles provocations militaires des Etats-Unis et de leurs alliés sud-coréens, qui font peser des doutes légitimes sur la sincérité de Washington, la RPDC acceptera-t-elle d'abandonner sa force de dissuasion nucléaire? Plus que jamais, se pose la question de la conclusion d'un véritable traité de paix en Corée, en remplacement de l'accord d'armistice de 1953. L'Association d'amitié franco-coréenne continue d'appeler à la signature d'un tel traité, seule véritable garantie de sécurité en Corée et dans le monde.
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