Dans l'affaire du naufrage du PCC-772 Cheonan, les grands médias donnent peu la parole aux spécialistes, ONG, ou simples citoyens de Corée du Sud qui doutent de la version officielle ou émettent une opinion différente sur la conduite à tenir. La BBC a néanmoins recueilli les témoignages de citoyens sud-coréens sceptiques, et les chaînes américaines CNN, Democracy Now et PBS ont interviewé trois experts des questions coréennes, respectivement, le professeur Han Park, le professeur Bruce Cumings et Selig Harrison. Signalons aussi l'enquête du journaliste indépendant japonais Tanaka Sakai et l'analyse du commentateur politique américain Stephen Gowans, lesquels ont mis en lumière certaines questions soulevées par les citoyens sud-coréens. Parmi les citoyens sud-coréens exprimant un autre point de vue sur le naufrage du Cheonan, Shin Sang-cheol, expert des questions maritimes, a profité du passage à Séoul, le 26 mai 2010, de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton pour lui adresser une lettre ouverte, afin de la mettre en garde contre les résultats de l'enquête officielle. Recommandé par le Parti démocrate (opposition sud-coréenne), Shin Sang-cheol faisait initialement partie de l'équipe de civils et militaires enquêtant sur le naufrage du Cheonan. Il en a été ensuite exclu à la demande du ministère sud-coréen de la Défense, en raison de ses doutes sur l'enquête officielle, avant d'être poursuivi pour diffusion de fausses rumeurs. Alors que le gouvernement sud-coréen est décidé à faire taire ceux qui expriment leurs doutes sur les résultats de l'enquête imputant le naufrage du Cheonan à la Corée du Nord, l'AAFC propose ici la traduction de la lettre adressée à la secrétaire d'Etat américaine par Shin Sang-cheol, témoin direct – et acteur – de cette enquête. Cette lettre s'appuie sur des faits objectifs pour remettre en question la version officielle dite de la torpille nord-coréenne (les liens ont été ajoutés par l'AAFC).
De S.C. Shin à Hillary Clinton, secrétaire d'Etat des Etats-Unis
Le 26 mai 2010
Chère Hillary Clinton, secrétaire d'Etat des Etats-Unis
Je vous souhaite la bienvenue en Corée et espère que pourrez y avoir la grande opportunité de discuter de la paix en Asie de l'Est, y compris dans la péninsule coréenne.
Je m'appelle S.C. Shin, enquêteur civil recommandé par l'Assemblée nationale de Corée [du Sud] suite au naufrage du Cheonan, et je vous adresse aujourd'hui cette lettre pour que vous connaissiez la vérité ici en Corée.
J'ai été diplômé de l'Université maritime de Corée en 1982, j'ai servi deux ans dans la Marine comme officier de navigation et d'artillerie, j'ai travaillé pour Hanjin Shipping sur une ligne régulière de porte-conteneurs entre l'Extrême-Orient et la côte ouest des Etats-Unis en tant que navigateur pendant plusieurs années, et j'ai sept années d'expérience des affaires d'inspection dans la construction navale sur les principaux chantiers navals de Corée tels que ceux de Hyundai, Samsung, Daewoo et Hanjin Heavy Industry.
J'ai participé à la construction de trois vraquiers de 136.000 tonnes et de dix porte-conteneurs d'une capacité comprise entre 2000 et 4000 EVP, en charge de la structure de la coque, des machines et équipements d'embarquement, de la peinture et des instruments nautiques dont le système de navigation.
L'attitude et les conclusions incroyables du Gouvernement
Je n'étais pas d'accord avec les conclusions de l'administration militaire [sud-]coréenne et je suis maintenant poursuivi par elle pour diffamation.
Pouvez-vous imaginer cette situation? J'étais le seul à être d'une opinion contraire. C'est la seule raison pour laquelle je suis poursuivi. Je ne peux pas comprendre que cela arrive dans un pays démocratique en ce monde.
Je tiens donc à vous dire quel est mon avis, car je pense que cette information pourrait vous être utile pour vous amener à la vérité sur l'accident malheureux survenu en Corée.
Comme vous le savez, c'est un problème si important pour la paix dans la péninsule coréenne qu'il affecte la paix du monde à laquelle vous et votre pays cherchez à parvenir avec empressement.
L'administration militaire a conclu que le Cheonan avait été coupé en deux et coulé par l'« explosion d'une torpille ».
Mais mon avis est assez différent de cette version car je n'ai pu trouver le moindre signe d'« explosion », mais j'ai pu trouver un certain nombre de preuves d'un échouement/déséchouement1 de ce navire.
Je souhaite que vous compreniez bien qu'une toute petite voix en faveur de la vérité peut éviter une catastrophe inattendue et assurer la sécurité de 70 millions de personnes dans la péninsule coréenne.
Je vais donc vous exposer la situation dans laquelle se trouve l'île de Baengnyeong et, en particulier, la géométrie de son environnement naturel, critique pour les navires traversant cette zone.
1- Où se trouve l'île de Baengnyeong?
L'île de Baengnyeong est une île de Corée du Sud située en mer Jaune (mer de l'Ouest), au large de la péninsule d'Ongjin en Corée du Nord. Elle se trouve à moins de 10 miles de la côte nord-coréenne, et à plus de 100 miles de la partie continentale de la Corée du Sud.
2- Vue aérienne des îles de Baengnyeong et Daecheong
Le paysage vu du ciel paraît très beau et calme, alors que les conditions sous-marines sont extrêmement mauvaises.
3- Des eaux peu profondes, des champs de rochers et un fort courant de marée
Sur cette carte des opérations, les marques rouges indiquent la position du naufrage telle que l'a expliquée la deuxième Flotte de la Marine aux familles des victimes au lendemain de l'accident, la position où le navire s'est brisé, la position des secours et la position de l'avant et de l'arrière.
4- Un chemin trop étroit et dangereux
Les eaux peu profondes et les champs de rochers entre les îles de Baengnyeong et Daecheong perturbent sérieusement la navigation d'est en ouest et d'ouest en est.
Tout navire empruntant cet étroit détroit n'a pas d'autre choix que de garder son cap en raison des eaux peu profondes à gauche et à droite.
Un navire peut facilement faire face à des situations dangereuses dans ce genre de zone exceptionnelle et se retrouver avec le statut « Echoué » ou « Collision ».
Indépendamment de l'accident du Cheonan, cette zone doit être étudiée et des mesures pertinentes sont nécessaires afin de prévenir les catastrophes.
5- Caractéristiques géologiques
Le fleuve nord-coréen Daedong contient de bons sables et dans le sol de son lit s'accumulent la diatomite et la silice, des matières premières du verre.
Le fleuve les charrie vers la mer et de forts courants de marée les transportent jusqu'à la zone de Baengnyeong pour en faire beaucoup de collines de sable le long du rivage, ce qui rend la zone difficile à traverser.
6- Qu'est-il arrivé le 26 mars 2010?
Le premier appel du PCC-772 au poste de commandement disait « Echoué! ».
Le premier appel du poste de commandement à la Garde côtière de Corée disait « Echoué! ».
Le premier rapport fait au Gouvernement disait « Echoué! ».
7- Confusion sur l'heure exacte du premier accident
L'administration de la Défense nationale a d'abord annoncé que l'accident est survenu vers 21h45, mais a modifié cette heure tous les jours jusqu'à ce que le KIGAM (Institut des géosciences et ressources minérales de Corée) rapporte l'heure exacte de l'onde sismique.
8- Découverte d'une carte des opérations indiquant le « premier échouement »
L'administration de la Marine et les survivants ont fait un exposé aux familles des victimes le 27 mars, lendemain de l'accident, en indiquant la position exacte de l'échouement sur une carte des opérations où l'heure du courant de marée et la profondeur des eaux étaient notées dans le coin supérieur gauche.
L'administration de la Marine dit : « Cette carte est bien à nous, mais le parent d'une victime l'a prise pour y écrire une note. »
Mais, lors d'un entretien accordé à chaîne KBS (Korea Broadcasting System) pour l'émission Trace 60 Minute, un autre parent de victime a déclaré que l'administration a utilisé cette carte pour donner une explication de l'accident et a clairement parlé de « premier échouement ». (ci-dessous, un parent de victime déclare : « J'ai entendu la Marine parler d'un 'premier échouement' à l'aide de cette carte. »)
Et récemment, nous avons trouvé un film qui montre la Marine expliquant la situation aux familles des victimes avec cette carte, comme ci-dessous.
9- Les preuves d'un « échouement »
(1) Des éraflures importantes sur la partie inférieure de la coque latérale.
(2) Des dommages sur la quille de roulis [bilge keel] et des pénétrations à proximité.
(3) Des entailles sur les cinq pales d'hélice à tribord.
Ces entailles dirigées vers l'avant prouvent que le navire a fait « machine arrière toute » en s'échouant sur une colline de sable ou qu'il s'est embourbé pour sortir de sa terrible situation.
(4) Comparez l'état des tôles inférieures du PCC-772 et du PKM-357 qui est resté dans l'eau pendant 53 jours après avoir coulé en mer Jaune, au cours du deuxième affrontement de Yeonpyeong qui a eu lieu en juin 2002 (il repose aujourd'hui dans la cour de la deuxième Flotte de la Marine coréenne où vous vous trouvez actuellement).
10- Les cas d' « échouement » faisant référence
Kim Tae-youg, ministre de la Défense nationale [de Corée du Sud], a dit : « Il n'y a pas eu d''échouement' puisque nous pouvons voir que le dôme sonar n'a pas été endommagé. »
Mais, comme vous vous en rendez compte, cela échappe à tout bon sens, car c'est comme dire à un joueur de baseball qui vient de glisser dans la base de départ « Tu es "Out", parce que ton genou gauche est propre. » C'est ridicule!
Le PCC-772 fait 88 mètres de long et 10 mètres de large. Le dôme sonar mesure seulement 90 centimètres de long et 30 centimètres de large. Il n'y a aucun rapport entre l'échouement du navire et des dégâts sur le dôme sonar.
Quand un navire s'échoue le dôme sonar peut être endommagé, mais le fait que « le dôme sonar n'a pas été endommagé » ne garantit pas qu'« il n'y a pas eu d'échouement », comme vous pouvez le voir sur les photos ci-dessous montrant l'extrémité intacte de la partie avant.
11- Le rapport intermédiaire du Gourvernement du 25 avril
- Aucune marque de pénétration.
- Aucune brûlure.
- Aucune trace de chaleur.
- Pas d'éclats.
- Les gaines des câbles ne sont pas endommagées.
- Les zones des réservoirs de carburant et de vidange n'ont subi aucun dégât.
C'est tout. Cela suffit pour déclarer « Il n'y a pas eu d'explosion! ». Mais la conclusion [du gouvernement sud-coréen] a été « torpille sous-marine sans contact ».
C'est incroyable. Une torpille a explosé 3 mètres sous le PCC-772 sans provoquer de dommages et en « découpant » seulement l'acier !
12- Si une torpille a explosé
- Comment les organes d'une victime trouvée près de la zone de déchirure peuvent-ils être si intacts, alors qu'une forte explosion a eu lieu, assez puissante pour briser en deux le navire?
- Comment le fond de la coque peut-il ne pas être pénétré du tout par des éclats provenant de la torpille?
- Comment les gaines de vinyle des câbles peuvent-elles n'avoir subi aucun dommage?
- Pourquoi n'avons-nous pas pu trouver un seul poisson mort dans cette zone alors qu'une forte explosion a eu lieu?
- Pourquoi personne n'a eu d'affections ORL? Même pas un saignement de nez?
13- Quel est le second accident ayant provoqué des dégâts sévères après le « déséchouement »?
(1) Un crash sur des rochers (2) Une explosion (3) Une rupture due à la fatigue (4) Une collision
Quoi d'autre? Cela pourra suffire...
(1) Il n'y avait pas de rochers dans la zone où le navire a été détruit. Les rochers sont donc exclus!
(2) On n'a pas pu trouver le moindre signe d'explosion. Une explosion est donc exclue!
(3) La cassure a commencé à partir du bas. Un effet dû à la fatigue est donc exclu!
Il reste le cas (4). Il s'agit d'une collision!
C'est pourquoi j'arrive à cette conclusion : le premier accident est un « échouement » et le second est une « collision », compte tenu de toutes les connaissances, expériences et analyses.
14- Une collision avec quoi?
(1) Cela pourrait être un navire militaire. Le règlement instauré par les autorités militaires interdit de pêcher la nuit et exige d'être de retour une heure avant le coucher du soleil dans cette zone.
(2) Il peut, bien sûr, s'agir d'un navire « en surface » ou « immergé ».
(3) Qui le sait? Est-ce que Dieu seul le sait?
15- Mon avis en résumé
(1) La chose la plus importante est qu'il y a eu deux accidents et pas un seul.
(2) Le premier accident a été un « échouement » compte tenu des preuves exposées ci-dessus.
(3) L'« échouement sur le sable » a généré certains dégâts et provoqué une inondation, mais pas une situation aussi grave qu'une cassure en deux.
(4) Le second accident a porté un coup fatal jusqu'au naufrage.
(5) Je n'ai pas pu trouver le moindre signe d'une « explosion ».
(6) Le second accident était une « collision » compte tenu de mon analyse ci-dessus.
Chère secrétaire d'Etat,
Telle est ma conclusion suite à une analyse approfondie et je crois que mon opinion est très proche de la vérité.
Aviez-vous connaissance de tout cela? Alors, s'il vous plaît, réfléchissez encore aux tensions dans la péninsule coréenne.
Si vous ne le saviez pas, demandez à vos collaborateurs : « Donnez-moi un autre rapport qui contient la 'Vérité'! »
Il ne s'agit pas seulement d'un accident dans un pays d'Asie de l'Est, mais il s'est développé jusqu'à devenir le sujet le plus sensible dans le monde.
Monsieur Obama, Président des Etats-Unis, a dit dans son discours : « Concernant les problèmes qui surviennent et au sujet desquels le commandant en chef doit prendre des décisions, j'ai fait preuve du jugement nécessaire pour diriger. Ce sont ces qualités de dirigeant que je veux démontrer quand je serai Président des Etats-Unis. »
Le moment est venu, je crois, que mon héros Obama fasse preuve de ses qualités de dirigeant, de vérité, de foi et de justice afin de résoudre ce problème qui laisse perplexe, pour la paix dans la péninsule coréenne.
Nous voulons l'examiner encore, précisément et scientifiquement, en respectant le bon sens et à l'aide de preuves parfaites. C'est tout.
Ce serait la façon juste d'aborder cette question et cela aidera à renforcer la relation entre la Corée et les Etats-Unis.
Pour vous dire la vérité, je suis très préoccupé que tant de gens en Corée soient inquiets en se demandant : « Comment les Etats-Unis peuvent accepter si simplement ces conclusions – l'explosion d'une torpille – sans douter? »
Je le dis avec tout mon coeur, il n'y a pas eu d'explosion. Il n'y a pas eu de torpille non plus. Je n'ai pu trouver que des dommages mécaniques, avec beaucoup de preuves d'un échouement.
Comme [le gouvernement sud-coréen] a lancé des poursuites contre moi, je vais établir la cause de l'accident devant le tribunal à l'aide de toutes les preuves que j'ai trouvées. Pourriez-vous, s'il vous plait, prier pour que je réussisse?
Je vous remercie de m'avoir accordé votre temps, et je serais très reconnaissant si je pouvais recevoir vos idées sur cette question, si c'est possible.
Sincèrement.
S. C. Shin
Source : seoprise.com
1 A la différence d'un échouage, un échouement est fortuit, involontaire (NdT)
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