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15 avril 2009 3 15 /04 /avril /2009 19:21
Le 13 avril 2009, les quinze membres du Conseil de sécurité des Nations Unies ont fini par se mettre d'accord sur un texte condamnant le lancement d'une fusée par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Il s'agit d'une déclaration, non contraignante, fruit d'un compromis entre, d'une part, la Chine et la Russie, toutes les deux membres permanents du Conseil - disposant donc d'un droit de veto - et opposées à toute nouvelle sanction contre la RPDC, et, d'autre part, les autres membres permanents du Conseil, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, alliés à un membre non permanent, le Japon. Suite à l'adoption de ce texte, et comme elle l'avait laissé entendre, la RPDC a annoncé son retrait des pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne et la reprise de son programme nucléaire militaire. Cette nouvelle application des "deux poids et deux mesures" à la Corée du Nord a-t-elle porté un coup fatal aux négociations sur son programme nucléaire? Pas si sûr.
 
La déclaration adoptée le 13 avril 2009 par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour condamner le lancement d'une fusée par la RPDC le 5 avril est un texte "de compromis" pour reprendre les termes de l'ambassadeur de Russie à l'ONU, Vitaly Tchourkine.
 
En effet, des divergences sont apparues au sein du Conseil après le lancement de la fusée nord-coréenne. Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni - trois puissances nucléaires et balistiques - ainsi que le Japon ont préconisé une condamnation ferme du lancement de ce qu'ils considèrent être un missile à longue portée, le Japon et les Etats-Unis réclamant ouvertement l'adoption d'une résolution assortie de nouvelles sanctions. La Chine et la Russie se sont quant à elles montrées réticentes à élargir les sanctions à l'encontre de la RPDC, d'abord pour préserver les pourparlers à six qui réunissent depuis 2003 les deux Corée, la Chine, les Etats-Unis, le Japon et la Russie à propos de la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Pékin a aussi souligné le droit de tout pays à l'utilisation pacifique de l'espace, conformément au Traité de 1966 sur l'espace auquel a adhéré la RPDC en mars 2009. Les Occidentaux ont alors rétorqué que la technologie est la même, qu'on mette en orbite un satellite, un missile "ou un ours en peluche", selon le mot d'un diplomate...

Occupant la présidence tournante du Conseil de sécurité,
l'ambassadeur du Mexique auprès de l'Organisation des Nations Unies, Claude Heller,
donne lecture de la déclaration adoptée le 13 avril 2009 (photo : Getty Images)

La déclaration du 13 avril, sans avoir le caractère légalement contraignant d'une résolution, affirme que le lancement d'une fusée par la RPDC "contrevient à sa résolution 1718" d'octobre 2006, qui interdit à Pyongyang tout essai nucléaire ou tir de missile, alors que la RPDC dit avoir procédé le 5 avril au tir d'un engin spatial et non d'un missile balistique. La déclaration "exige" aussi que la Corée du Nord "s'abstienne de tout nouveau tir" et prévoit "d'ajuster" certaines mesures de la résolution 1718 qui établissaient un régime de sanctions à l'égard de la Corée du Nord après qu'elle eut procédé à une série de tirs de missiles en juillet 2006, puis à un essai nucléaire en octobre de la même année.

Selon les diplomates, cela signifie que le Conseil de sécurité désignera avant fin avril des entreprises nord-coréennes qui tomberont sous le coup d'un gel de leurs avoirs financiers à l'étranger. Le principe d'un tel dispositif est contenu dans la 1718, y compris la création d'un comité du Conseil de sécurité pour appliquer et superviser les sanctions. Mais ce comité n'avait jamais été activé, pour ne pas compromettre les pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne. La déclaration adoptée le 13 avril demande par ailleurs que ces pourparlers à six "reprennent rapidement".

Interrogé par l'AAFC deux jours avant le lancement de la fusée Unha-2 sur la réaction de son pays en cas de saisine du Conseil de sécurité des Nations Unies, le délégué général de la République populaire démocratique de Corée en France déclarait qu'une simple déclaration du président du Conseil de sécurité serait considérée comme un "acte hostile et brutal" envers la RPDC, remettant en question les pourparlers à six basés sur un "esprit de respect mutuel et d'égalité", par exemple l'égalité dans l'accès à un programme spatial.

Dès le 14 avril, un communiqué du ministère nord-coréen des Affaires étrangères, rapporté par l'agence officielle
KCNA, a donc rejeté la déclaration du Conseil de sécurité des Nations Unies et averti de la reprise du programme nucléaire de la RPDC :
 
"Premièrement, la RPDC rejette résolument l'action injuste du Conseil de sécurité des Nations Unies qui ne respecte pas la souveraineté de la RPDC et porte gravement atteinte à la dignité du peuple coréen.
Deuxièmement, les pourparlers à six auxquels participait la RPDC sont devenus inutiles. Puisque les pourparlers à six sont désormais devenus une tribune servant à porter atteinte à la souveraineté de la RPDC et à forcer la RPDC à désarmer pour abattre son système, la RPDC ne participe plus à ces négociations et ne se sent plus liée par les accords conclus lors des pourparlers à six.
Troisièmement, la RPDC développera par tous les moyens sa force de dissuasion nucléaire dans un but d'auto-défense. Elle prendra les mesures visant à rétablir dans leur état initial les installations nucléaires désactivées en vertu des accords conclus lors des pourparlers à six, à les remettre normalement en service et à retraiter totalement les barres de combustible usagé retirées de la centrale nucléaire expérimentale [de Yongbyon]." 
   
Les autres participants aux pourparlers à six ont vivement regretté la décision de Pyongyang. La Chine, qui accueille les pourparlers, et la Russie ont exhorté la RPDC à ne pas abandonner les négociations. Le Japon a, lui, convié "fermement" Pyongyang à "revenir à la table des négociations", des négociations le Japon a parfois eu du mal à tenir ses engagements...

La RPDC a également décidé d'arrêter sa coopération avec l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) et a demandé aux inspecteurs de l'AIEA de quitter son territoire.

Yongbyon_5MWe_Magnox_reactor.jpg"La République populaire démocratique de Corée a informé les inspecteurs de l'AIEA dans l'installation [nucléaire] de Yongbyon qu'elle cessait immédiatement toute coopération avec l'AIEA", a indiqué Marc Vidricaire, porte-parole de l'agence, dans un communiqué publié à Vienne. "Elle a demandé l'enlèvement de tous les équipements de surveillance [...], à la suite de quoi l'accès des inspecteurs de l'AIEA à l'établissement ne sera plus autorisé", et "les inspecteurs ont également été priés de quitter la RPDC le plus tôt possible", selon le communiqué de l'agence
 
Une reprise rapide des pourparlers à six paraît donc exclue sans qu'on puisse dire si la dernière condamnation par la "communauté internationale" - atténuée par la Chine et la Russie - de l'exercice du droit d'un pays souverain, membre des Nations Unies, à mener un programme spatial a porté un coup fatal aux négociations sur le programme nucléaire de la RPDC. Pour plusieurs analystes, la balle est désormais dans le camp des Etats-Unis, les seuls pouvant vraiment mettre fin à l'état d'insécurité qui pousse la Corée du Nord à se doter d'outils de dissuasion. "Quand la Corée dit qu'elle en a fini avec les négociations à six, elle le pense", déclare Scott Bruce, du Nautilus Institute de l'Université de San Francisco, évoquant la nécessité pour l'administration Obama "de repartir de zéro [...] dans un autre cadre, potentiellement bilatéral avec des contacts directs entre Washington et Pyongyang." Si Scott Bruce voit juste, et si l'administration Obama consent à un tel dialogue, les responsables américains devront avoir à l'esprit que le démantèlement du programme nucléaire militaire nord-coréen constitue (constituait?) l'objectif final des pourparlers à six, et non un préalable aux négociations. (sources : AAFC, AFP, KCNA)


 

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