Il y a 20 ans, la République de Corée (Corée du Sud) devenait membre de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Pour le 20e anniversaire de l'accession de la Corée du Sud à l'OCDE, le magazine anglophone de l'OCDE (OECD Observer) a consacré un numéro spécial (n° 308, décembre 2016) à la Corée du Sud. Si ce type de publication, comme il est d'usage, fait largement la promotion des pays membres, plusieurs articles méritent de retenir l'attention par leur approche relativement objective (bien que sous un angle essentiellement libéral, considérant l'éducation comme devant d'abord former les futurs travailleurs de l'entreprise capitaliste) du développement économique de la Corée du Sud et des défis actuels qu'elle rencontre. Dans ce cadre, l'AAFC a traduit ci-après de l'anglais un article intitulé "Education : la classe coréenne confrontée à de nouvelles épreuves" (titre original en anglais : Education : Korea's class act faces new tests). Dans cet article, le mot "Corée" doit se lire comme désignant "la République de Corée" (du Sud).
La transformation de la Corée en une mine économique en seulement 20 ans s'explique pour une large part par ce qui est souvent considéré comme sa seule ressource naturelle : ses habitants. Des investissements massifs dans l'éducation et la formation ont dynamisé la productivité et la croissance, transformant le pays en un acteur international avec une économie basée sur les exportations et un secteur high-tech en développement rapide.
Entre 1970 et 2000, la Corée a généralisé l'éducation primaire et secondaire, et en 2010 elle avait la plus forte proportion de 25-34 ans disposant au moins d'un niveau d'éducation secondaire parmi les pays membres de l'OCDE. Les jeunes Coréens de 15 ans ont aussi un niveau élevé. L'étudiant moyen atteint le score de 542 en lecture, en mathématiques et en sciences dans le programme PISA de l'OCDE (Programme for International Student Assessment), au-dessus de la moyenne de l'OCDE (497) et aux plus hauts niveaux du classement.
Les excellents résultats académiques de la Corée sont un des fondements de la croissance économique, mais son système éducatif ne rend pas les citoyens aussi heureux qu'ils pourraient l'être. La pression pour réussir à l'école est incessante. Le seul examen d'entrée à l'université, le suneung, est si crucial que les avions sont cloués au sol le jour de l'examen de compréhension auditive pour ne pas perturber les élèves. Seulement 60 % des élèves coréens répondent oui à la question de savoir s'ils sont heureux à l'école, ce qui les place en bas du classement ; la moyenne de l'OCDE est de 80 %. Les élèves âgés de 11 à 15 ans sont les plus stressés parmi ceux des 30 pays développés membres de l'OCDE, et le suicide est la première cause de mortalité parmi les adolescents.
Les jeunes gens considèrent également que le passage de l'école au travail est difficile, d'abord en raison d'une disparité entre leurs acquis éducatifs et les compétences sur le lieu de travail. Bien qu'étant parmi les meilleurs en termes d'aptitudes, comme le mesure l'étude de l'OCDE sur les capacités des adultes (PIAAC), moins de la moitié des 15-29 ans étaient sur le marché du travail en 2013 - 42 % pour les hommes et 44,4 % pour les femmes, ce qui est faible par rapport aux moyennes de l'OCDE qui atteignent, respectivement, 64,1% et 53 %.
Le chômage des jeunes a augmenté depuis la fin de l'année 2012, et a atteint 10,9 % en 2015 - auquel s'ajoute un certain nombre de jeunes de 15 à 24 ans qui ne sont ni sur le marché du travail, ni dans le système éducatif ou en formation, en particulier parmi les titulaires d'un diplôme de troisième cycle. Dans le cadre de l'initiative pour une économie créative, le gouvernement doit maintenant offrir de nouvelles possibilités, comme l'éducation et la formation professionnelles qui introduiraient une compétence basée sur le travail, et initier une implication des employeurs ayant une expérience des secteurs industriels appropriés dans la définition des programmes et des formations.
La Corée a développé des standards nationaux de compétences (SNC) depuis 2013, avec des modules d'apprentissage fondés sur les SNC pour les écoles de formation professionnelle et les premiers cycles universitaires. Ont également été mis en place des programmes de "semestres libres" pour les lycéens afin de favoriser la motivation, le bien-être et le bonheur en développant le goût de la discussion, des expérimentations, des projets, des exercices physiques, des arts et d'autres activités ne comportant pas d'examens écrits.
Le réseau des universités Meister a aussi commencé à aligner le niveau des étudiants sur le monde réel. Créés en 2010, ces instituts soutenus par l'industrie ont un programme basé sur le développement de capacités qui préparent les étudiants à la vie professionnelle. Ils offrent une quasi-garantie d'emploi à leurs diplômés. Une autre initiative intéressante est le "Monde du Travail", qui a ouvert ses portes dans la ville de Seongnam en 2012. Il apporte un guide de carrière de manière interactive, avec comme but d'offrir à ses 3 000 visiteurs quotidiens un aperçu réaliste des possibles choix professionnels.
Développer des capacités plus adaptées aiderait à créer une force de travail mieux insérée, ce qui à son tour pourrait compenser le fardeau financier à venir d'une population vieillissante. Les travailleurs plus âgés ont des compétences moindres, significativement inférieures à la moyenne pour les plus de 45 ans - qui luttent pour trouver du travail s'ils doivent quitter leur emploi de manière anticipée. Les employeurs devraient être encouragés à changer leur approche envers cette tranche d'âge, souvent exclue des programmes de formation à cause de l'idée d'une employabilité à moins long terme.
Cependant, les élèves coréens ont déjà montré leur capacité à s'adapter à un environnement plus approprié. Dans la première enquête PISA de 2012 sur la résolution de problèmes faisant appel à la créativité, les étudiants coréens ont été parmi les meilleurs, en montrant qu'ils apprenaient vite, étaient très curieux et capables de résoudre des problèmes non structurés dans des contextes qui ne leur sont pas familiers.
L'avenir semble donc brillant, suggérant qu'il n'y a plus besoin du système d'éducation intensif qui a propulsé si fortement la Corée depuis 1996, mais qu'il faut plutôt une expérience qui aiguise les capacités à résoudre les problèmes et qui inclut des connaissances de terrain, et qui prenne aussi en compte l'intérêt de seulement laisser jouer les enfants.