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1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 18:54

Les tensions autour de la Corée ont encore monté d'un cran après un nouvel essai - raté - par Pyongyang de tir de missile à moyenne portée, le 29 avril 2017. Plus que le tir lui-même - qui n'est ni le premier, ni le dernier d'une longue série, alors que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a déclaré qu'il visait le lancement pour la première fois d'un missile balistique intercontinental qui serait donc susceptible d'atteindre le territoire américain - ce sont les réactions de Washington qui soulèvent le plus d'inquiétudes. Ainsi, les appels à la retenue de Pékin et Moscou, traditionnellement adressés en premier lieu à Pyongyang, sont à présent envoyés tout d'abord aux Etats-Unis de Donald Trump. 

Donald Trump

Donald Trump

Jusqu'où ira l'impatience stratégique de Donald Trump sur le dossier nord-coréen ? Face aux déclarations contradictoires des responsables américains - alternant déclarations prétendant privilégier le dialogue et propos belliqueux - qui semblent indiquer une grave absence de ligne politique, le pape François et le secrétaire général des Nations unies Antonio Gutteres ont l'un et l'autre appelé Washington à la retenue, en s'inquiétant de la possible survenance d'un conflit sur un malentendu qui aurait des conséquences dramatiques. Le Centre d'actualités de l'ONU a ainsi rappelé la position d'Antonio Gutteres qui, tout en rappelant Pyongyang au respect de ses obligations, plaide pour des efforts de la communauté internationale afin de parvenir à "une solution pacifique".

Le chef de l'ONU s'est dit « alarmé par le risque d'une escalade militaire dans la région, y compris par erreur de calcul ou à cause d'un malentendu ». Il s'est dit particulièrement préoccupé par la possibilité que les efforts visant à contrebalancer les activités déstabilisatrices de la RPDC « pourraient également entraîner un accroissement des tensions et de la course aux armements, empêchant davantage la capacité de la communauté internationale à maintenir son unité et arriver à une solution pacifique ».

http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=39384#.WQd6WH3SOWQ

Le double discours américain est particulièrement patent vis-à-vis de la Chine. Si le président américain Donald Trump loue la relation selon lui privilégiée qu'il a nouée (récemment) avec Xi Jinping, le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson, s'exprimant devant le Conseil de sécurité des Nations unies le 28 avril 2017, soit la veille du dernier tir nord-coréen, a évoqué la nécessité de renforcer encore davantage les sanctions à l'égard de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), en envisageant - fait sans précédent - la rupture des relations diplomatiques avec Pyongyang. Les observateurs y ont lu des pressions à peine voilées à l'égard de la Chine, qui représente plus de la moitié du commerce extérieur nord-coréen - alors même que Pékin n'est certainement pas la source des tensions autour de la Corée et que l'influence chinoise doit être ramenée à de justes proportions : les programmes balistiques et nucléaires nord-coréens se sont accélérés il y a plus de dix ans contre la volonté et les intérêts stratégiques de Pékin, qui n'a aucun intérêt à une course aux armements dans la région (qui verrait notamment la Corée du Sud, voire le Japon, se doter à leur tour de l'arme nucléaire).

Revenir au dialogue, mais sur quelles bases (Rex Tillerson a une nouvelle fois rejeté la proposition équilibrée de la Chine consistant à ce que les Etats-Unis suspendent leurs manoeuvres militaires conjointes en contrepartie d'un gel de ses programmes nucléaire et balistique par Pyongyang), et surtout avec qui ? Car si les Etats-Unis ne manquent pas d'experts éprouvés des questions coréennes, ceux-ci font cruellement défaut dans l'entourage proche du président américain.

Ainsi, selon Gérard Lopez, ancien expert du comité des Nations unies sur les sanctions à l'encontre de la Corée du Nord, Donald Trump "s'appuie trop sur les militaires. M. Trump ne s'est pas entouré d'experts en politique étrangère sur l'Asie de l'Est ou la Corée du Nord et il ne réalise sans doute pas très bien comment ses menaces sont perçues dans la région par des pays amis ou ennemis".

Le Français Barthélémy Courmont est encore plus explicite dans une tribune publiée sur Asialyst, et intitulée "Quand Washington perd le Nord en Corée" :

Parmi les conseillers au National Security Council (NSC) supposés apporter leur expertise sur le dossier nord-coréen et placés sous la direction du général McMaster, se trouve le général Joseph Dunford, surtout connu pour avoir servi en Afghanistan ; l’ancien sénateur d’Indiana Dan Coats qui n’a aucun antécédent sur l’Asie ; Christopher Ford, assistant-spécial sur les questions de non-prolifération nucléaire, qui a publié quelques travaux sur la Chine (mais pas sur la Corée) ; Matthew Pottinger, assistant-spécial sur l’Asie, ancien journaliste couvrant la Chine et Marine ayant servi en Afghanistan ; ou Victoria Coates, assistante-spéciale sur les questions stratégiques, ancienne consultante et conseillère de campagne de Ted Cruz. Parmi les autres membres du NSC légèrement plus expérimentés, mentionnons Kathleen McFarland (qui va devenir ambassadrice à Singapour) ou Dina Powell (plus connue pour ses antécédents économiques chez Goldman Sachs). Si on ajoute à cette liste les secrétaires (ministres) qui participent aux réunions du NSC, Mattis, Tillerson, et le Secrétaire à l’Énergie Rick Perry, en plus de Mike Pence et du clan Trump, force est de constater qu’il ne se dégage dans l’entourage du président américain pas un expert pointu de la Corée du Nord, ni même d’ailleurs des questions de prolifération et de contrôle des armements. C’est peut-être justement là le problème : après avoir essayé la fermeté sous l’administration Bush, puis le dialogue sous l’administration Obama, mais à chaque fois en imaginant des scénarii et en cherchant à percer les mystères de la Corée du Nord, la Maison-Blanche se risque au jeu du hasard.

Quant à la menace du Président Trump d'envoyer le porte-avions USS Carl Vinson au large de la Corée (alors qu'on sait depuis qu'il était à cette date dans le détroit de la Sonde), Barthélémy Courmont émet une autre hypothèse que celle d'un bluff du chef d'Etat américain : celle d'une ignorance d'un chef de l'Etat tenu non informé, qui révèle un "amateurisme" qu'il juge "extrêmement inquiétant".

De deux choses l’une : soit Donald Trump bluffait quand il affirmait que le bâtiment se dirigeait vers la Corée, auquel cas il devrait s’assurer d’avoir de meilleures cartes dans son jeu avant de faire une annonce aussi risquée ; soit il ne savait pas de quoi il parlait. On ose à peine croire à cette seconde hypothèse, et pourtant. La rumeur enfle à Washington : les officiels du Pentagone n’ont pas osé signaler à leur président que l’USS Carl Vinson ne se dirigeait pas vers la Corée. Pour ne pas le contrarier ? Ou alors en se disant que l’affaire passerait inaperçue ? Le commandant en chef des forces armées ne serait ainsi pas informé de l’état et de la disponibilité des forces sur lesquelles il entend s’appuyer pour rendre sa politique étrangère et de défense crédible ? Voilà qui est, au-delà de l’amateurisme dans la gestion de cette nouvelle crise nord-coréenne, extrêmement inquiétant.

L'AAFC ne peut que partager la conclusion de Barthélémy Courmont, de concert avec la Russie, la Chine, le secrétaire général des Nations unies ou encore le pape François : la navigation à vue de l'administration Trump sur le dossier nord-coréen expose à tous les dangers l'Extrême-Orient - et en tout cas pas le territoire américain, hors de portée des missiles nord-coréens.

Sources :

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