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26 avril 2017 3 26 /04 /avril /2017 16:26

La politique nord-coréenne de Barack Obama avait été qualifiée de "patience stratégique", dans la mesure où elle ne visait pas un conflit direct avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), mais consistait à attendre, sinon un changement de politique de Pyongyang en matière d'essais nucléaires et balistiques sous l'effet de sanctions internationales toujours accrues, du moins un effondrement de la RPD de Corée. Face à l'échec de cette stratégie, Donald Trump avait dit qu'il mènerait une autre politique - mais sans préciser laquelle. De fait, il a repris l'essentiel des pratiques de l'administration Obama - intensifier les manoeuvres militaires, accélérer la course aux armements (notamment le déploiement en Corée du Sud du système de missiles THAAD), accroître toujours plus les sanctions contre la RPD de Corée et faire pression sur la Chine pour leur application - sans aller (du moins à ce jour) jusqu'à la confrontation, en n'hésitant pas à pratiquer le bluff. Sauf que Donald Trump manifeste aussi, à la différence de Barack Obama, des signes d'impatience, appelant aussi plus ouvertement à un changement de régime de Pyongyang : en un mot, la position américaine a glissé de la patience à l'impatience stratégique, avec son cortège d'imprévisibilité et de risques accrus de guerre.

Donald Trump "Puis-je appuyer sur le bouton maintenant ?", son interlocuteur "Non, Monsieur le Président", D. Trump : "Et maintenant ?", son interlocuteur "Non, Monsieur le Président", etc.

Donald Trump "Puis-je appuyer sur le bouton maintenant ?", son interlocuteur "Non, Monsieur le Président", D. Trump : "Et maintenant ?", son interlocuteur "Non, Monsieur le Président", etc.

Le 25 avril 2017, à l'occasion de la célébration du 85e anniversaire de la fondation de l'Armée populaire de Corée, la RPD de Corée a mené des exercices de tir de grande envergure autour du port de Wonsan. Comme en écho, le lendemain les Etats-Unis et la République de Corée (Corée du Sud), dans le cadre de leurs manoeuvres conjointes, ont mené eux aussi des exercices de tir à Pocheon, dans la province du Gyeonggi, qui ont impliqué plus de 3 000 soldats des deux pays, des hélicoptères d'attaque Apache AH-64E et des véhicules de combat Bradley M1A2. Si les médias occidentaux aiment à montrer le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un supervisant les manoeuvres et les tirs de son pays, nous avons appris, à l'occasion d'une publicité peu ordinaire des exercices américano - sud-coréens soulignée par l'agence Yonhap ("c'est la première fois que des exercices de tirs ont été montrés au public"), que les dirigeants sud-coréens étaient impliqués de la même manière que leurs homologues nord-coréens : selon Yonhap, "le président par intérim et le Premier ministre Hwang Kyo-ahn, le ministre de la Défense Han Min-koo, plusieurs milliers de résidents locaux et des journalistes ont observé cet exercice".

Mais les Etats-Unis veulent aller encore plus loin : le 25 avril 2017, de nouveaux équipements du dispositif Terminal High Altitude Area Defense (THAAD) sont arrivés en Corée du Sud, en particulier des équipements radar. THAAD consiste à détruire les missiles balistiques de portée moyenne ou intermédiaire en phase finale d'approche  en s'écrasant contre eux (hit-to-kill). La Chine a fait part aux Etats-Unis de ses graves préoccupations dans un contexte de montée des tensions, en appelant Washington et Séoul à arrêter le déploiement de THAAD. Lors de la conférence annuelle de Moscou sur la sécurité internationale, Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, a critiqué THAAD comme constituant un "facteur extrêmement déstabilisant" en Asie du Nord-Est, en appelant à ne pas avoir "la main lourde", faute de quoi les conséquences pourraient être "catastrophiques". Pékin - qui, comme la Russie, a déployé des troupes près des frontières coréennes - a été encore plus explicite sur l'origine des tensions, en appelant ouvertement Washington à la retenue. Signe manifeste d'un agacement chinois vis-à-vis des Etats-Unis, alors que Pékin avait suspendu pendant trois semaines ses vols à direction de et vers la Corée, ceux-ci viennent de reprendre.


Alors que Pyongyang a utilisé une rhétorique guerrière (elle s'est déclarée prête à répondre aux menaces américaines, en diffusant une vidéo montrant une attaque balistique contre les Etats-Unis), l'administration de Donald Trump a annoncé qu'elle procèderait à un test de missile balistique intercontinental (ICBM) à tête nucléaire Minuteman III. Si ces essais ont lieu en moyenne quatre fois par an, le moment semble particulièrement mal choisi. En outre, selon David Krieger, président de la Fondation pour l'âge de la paix nucléaire, la politique américaine - consistant à faire ce qu'elle interdit aux autres - témoigne d'un "deux poids, deux mesures évident", selon l'expression de l'agence russe RT. D'après David Krieger,

[Les Américains] voient leurs propres tests comme justifiés et utiles, alors qu'ils considèrent ceux de la Corée du Nord comme menaçants et déstabilisants (...) Ce dont nous avons besoin, c'est de diplomatie plutôt que de provocations militaires (...) Les menaces, que ce soit sous forme de tweets, de groupes de porte-avions à capacité nucléaire ou d'essais de missiles nucléaires, ne font qu'augmenter les dangers pour nous tous.

Si la diplomatie consiste bien à prévenir les provocations militaires et à éviter les actions déstabilisatrices, espérons que les dirigeants occidentaux sauront faire preuve de sang-froid vis-à-vis de leur collègue Donald Trump en l'incitant à la retenue, alors que lui-même et les membres de son administration ont engagé une tournée diplomatique dont nous pouvons subodorer le but : obtenir le blanc-seing d'une improbable "communauté internationale" pour engager une guerre, le moment venu. La paix est en danger, mobilisons-nous !

Sources :

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