Alors que les dirigeants sud-coréens - à l'instar de leurs homologues japonais - misaient sur une victoire de Mme Hillary Clinton pour renforcer encore davantage l'étau sur la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), jusqu'à une possible intervention militaire, la victoire du candidat républicain Donald Trump à la présidentielle américaine a fait sur eux l'effet d'une douche froide. Si le nouveau chef d'Etat américain a rassuré la présidente sud-coréenne Park Geun-hye lors d'une conversation téléphonique de dix minutes le jeudi 10 novembre 2016, en affirmant que "les Etats-Unis sont toujours aux côtés de la Corée du Sud", et qu'il travaillerait avec la Corée du Sud pour "la protéger contre l'instabilité en Corée du Nord", un certain nombre d'évolutions sont à envisager dans l'alliance américano - sud-coréenne.
Si Donald Trump n'est pas à proprement parler un isolationniste (alors que Mme Hillary Clinton était en revanche clairement une interventionniste), il entend néanmoins établir une hiérarchie entre les objectifs politiques et stratégiques des Etats-Unis. La lutte contre l'organisation Etat islamique (Daech) a ainsi été placée au premier plan. A contrario, la question coréenne ne figure pas au premier rang de ses priorités.
Vis-à-vis de la République de Corée (du Sud), comme à l'égard d'autres alliés des Etats-Unis, Donald Trump entend rééquilibrer le partage financier de l'effort de défense : s'il est hautement improbable que les Etats-Unis retirent leurs 28 500 GIs et leurs armements stationnés au sud de la péninsule, il est attendu une plus grande participation financière des autorités sud-coréennes au financement de cette présence militaire américaine en Corée - ce qui augure de discussions, probablement assez longues, sur ce point. A ce stade, l'idée que la Corée du Sud se dote de l'arme nucléaire (comme l'avaient avancé certains faucons de l'administration sud-coréenne) n'est pas à l'ordre du jour, la Corée du Sud restant sous la protection du parapluie nucléaire américain.
Un autre sujet de préoccupations à Séoul est une éventuelle remise en cause des conditions des échanges commerciaux avec les Etats-Unis. Pendant sa campagne, Donald Trump a dénoncé de manière générale l'impact des accords de libre-échange sur l'activité économique et les emplois aux Etats-Unis. Il n'avait toutefois pas détaillé de programme de remise en cause des accords déjà signés par Washington, notamment sur la possibilité de réinstaurer des barrières douanières.
Alors que la politique de "patience stratégique" de l'administration Obama a échoué dans son objectif de stopper le programme nucléaire et balistique nord-coréen, Donald Trump est attendu sur l'éventualité qu'il choisisse la voie du dialogue pour résoudre la question des armes nucléaires de la RPDC. Pendant sa campagne, il avait déclaré être prêt à discuter avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, mais avait adopté un profil bas après l'essai nucléaire nord-coréen du 9 septembre 2016 - qui n'a d'ailleurs toujours pas donné lieu à un nouveau train de sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies, lequel passe notamment par un accord américano-chinois. Logiquement, l'administration Obama devrait se rapprocher de la future équipe de Donald Trump pour aborder ce dossier - sauf si Donald Trump laisse la main au président sortant, en considérant que ce n'est pas un sujet prioritaire et/ou qu'il n'a pas de divergences fondamentales sur ce point avec Barack Obama. Un tel choix affaiblirait les chances, à plus long terme, de reprise du dialogue avec Pyongyang, tant bilatéral que multilatéral. Concernant les discussions multilatérales, Donald Trump devra prendre langue avec les dirigeants chinois. Très critique quant à la concurrence commerciale des produits chinois, Donald Trump n'a pas été prolixe sur une possible coopération stratégique sino-américaine.
Sans avoir pour l'heure cité Donald Trump après son élection, la Corée du Nord a rappelé qu'elle devait désormais être considérée comme un Etat doté de l'arme nucléaire, indiquant ainsi le cadre d'un éventuel dialogue sur son programme nucléaire. Elle a fait écho aux déclarations de James R. Clapper, directeur du renseignement national aux Etats-Unis, pour qui la dénucléarisation de la Corée du Nord était "probablement une cause perdue".
Un premier indice de la tonalité de la diplomatie qu'entend conduire Donald Trump sera le choix de ses collaborateurs, en particulier au gouvernement, pour les affaires étrangères et la défense. Pressenti comme secrétaire d'Etat (en charge de la politique étrangère), Newt Gingrich est partisan du libre-échange sur le plan économique, interventionniste dans le domaine militaire.
La question du déploiement du système de missiles THAAD en Corée du Sud n'a pas été un sujet de campagne électorale aux Etats-Unis. Dans la mesure où ce dispositif vise plus la Chine et la Russie que la Corée du Nord, et que Donald Trump entend améliorer les relations russo-américaines, il est probable que cette question sera abordée dans ses échanges avec Vladimir Poutine, également soucieux d'accroître le poids de la Russie sur le dossier coréen - au grand dam des néo-conservateurs au pouvoir à Séoul qui ont adopté cette année une série de mesures unilatérales particulièrement défavorables aux intérêts russes, sous couvert de "punir" la Corée du Nord. Ces derniers, pris dans le tourbillon du scandale Choi Soon-sil et sous le feu des projecteurs pour les atteintes croissantes aux droits de l'homme à Séoul, utilisent une rhétorique toujours plus agressive à l'égard de la Corée du Nord (dont THAAD est une des composantes, à l'instar du discours sur les droits de l'homme au nord de la péninsule) pour se maintenir au pouvoir en faisant souffler, encore et toujours, le vent du Nord.
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