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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 21:32

kim-jong-un_barack-obama.jpgLe 24 janvier 2013, la Commission de la défense nationale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a fermement rejeté la résolution 2087 Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) ayant élargi les sanctions contre la RPDC après le lancement du satellite Kwangmyongsong-3 le 12 décembre 2012, résolution qu'elle regarde comme illégale et contraire au principe de respect de la souverainté des Etats, qui est la base du droit international public. Mettant en cause la politique hostile des Etats-Unis à l'origine de la nouvelle résolution, la déclaration de la Commission de la défense nationale de la RPDC a précisé : « nous ne cachons pas que divers satellites et fusées à longue portée seront lancés par la RPDC l'un après l'autre et qu'un essai nucléaire de plus grande puissance sera conduit » dans « une nouvelle phase du combat antiaméricain [...] ciblant les Etats-Unis, ennemi juré du peuple coréen ». Les analystes étrangers ont alors considéré qu'un nouvel essai nucléaire, qui pourrait être à base d'uranium enrichi, pourrait être conduit prochainement. Dans un article intitulé « Nous n'avons pas d'autre choix » publié par le Rodong Sinmun, quotidien du Parti du travail de Corée, dans son édition du 26 janvier 2013, le journal nord-coréen a estimé qu'un « essai nucléaire » plus puissant que les précédents était une « exigence du peuple ». Les tensions qui traversent actuellement la péninsule coréenne sont malheureusement trop courantes pour être dues à de simples brouilles diplomatiques conjoncturelles : ce sont encore et toujours les mêmes logiques à l’œuvre qui, si elles ne sont pas profondément remises en question, mèneront inéluctablement à une escalade, voire à une militarisation après l'échec d’un dialogue déjà rendu difficile. La politique de sanctions économiques, qui touche beaucoup plus les peuples que les gouvernements, usée jusqu'à la corde, fait partie de ces facteurs déstabilisants qui peuvent mener jusqu’aux situations que nous connaissons aujourd’hui.

 

La République populaire et démocratique de Corée a toujours fait preuve d’indépendance dans la conduite de ses politiques. Elle était indépendante du bloc socialiste pendant la Guerre froide puisqu’elle n’a jamais adhéré au CAEM (Conseil d’assistance économique mutuelle) et elle a développé sa propre doctrine politique adaptée au contexte coréen, le Juche. Indépendante, elle l’est aussi vis-à-vis de la Chine, grand pays ami et allié depuis la guerre de Corée, puisque si la Corée du Nord montre beaucoup d’attention pour le modèle chinois elle ne cherche pas nécessairement à évoluer de la même manière. Enfin, Pyongyang se montre encore et surtout indépendant de l’Occident, et tout particulièrement des Etats-Unis, vus de RPDC comme étant la cause d’un certains nombre de problèmes internes, via la politique de sanctions proférée à l’égard de la RPDC depuis plus de soixante ans : l’embargo états-unien sur la Corée du Nord (auquel s’associe en partie la France) est en effet le plus vieil embargo mondial.

 

Les effets de cette politique têtue de sanctions économiques font très souvent l’actualité mais l’embargo n’est que très rarement désigné comme étant la cause de ces escalades (le plus souvent verbales). La Corée du Nord ne souhaite après tout qu’une chose : poursuivre son développement économique selon ses propres principes de politique économique, mais cette volonté est contrariée par l’étranglement constant qui, comme toute politique d’embargo, est beaucoup plus dévastateur pour les peuples qu’il ne l’est pour les régimes. Les exemples internationaux ne manquent pas : Cuba, pays relativement pauvre annoncé comme le premier pays socialiste à s’écrouler après la Guerre froide vient de recevoir les félicitations de l’UNICEF pour ses politiques sociales vis-à-vis de la petite enfance. L’Iran, qui fut longtemps un pays sous la coupe américaine, est précipité dans une course à la bombe nucléaire car il considère que c’est le seul moyen de garder à bonne distance toute tentative d’ingérence dans ses affaires internes. On pourrait aussi penser aux effets dévastateurs des sanctions contre l’Irak, la Libye… la liste est longue.

 

Le scénario iranien est particulièrement intéressant car il montre en quoi ces politiques imposées par le fort au faible sont en vérité catastrophiques pour ceux qui soutiennent des logiques de paix : ce que les politistes appellent, avec beaucoup d’euphémisme, « diplomatie coercitive » ne porte jamais ses fruits en terme de sécurisation des processus d’apaisement ; en effet, mettre un Etat souverain aux abois ne le fera jamais s’assoir à la table des négociations, au contraire, cette politique risque fortement de l’en éloigner. Mais Les Etats-Unis veulent-ils vraiment négocier ? C’est une tactique diplomatique bien connue : mettre des conditions à la reprise du dialogue inacceptables par l’autre partie (en l’occurrence, diminuer ses capacités de défense alors même que plusieurs dizaines de milliers de soldats américains patrouillent la frontière intercoréenne) pour paraître ouvert au dialogue alors qu’on vient juste de claquer la porte aux compromis.

 

Cette tactique politique grossière se double par ailleurs d’une certaine hypocrisie : l’Occident est bien conscient que la Corée du Nord, dont la doctrine nucléaire est très proche de celle de la France (qui n'a d'ailleur adhéré au Traité de non-prolifération qu'en 1992, après plusieurs vagues d’essais à Mururoa), montre une absence d'intention de se servir effectivement de cette arme (principe de dissuasion) qu’elle considère comme une garantie d’indépendance dans un contexte politique très difficile. Rappelons-le, la RPDC est soumise à de multiples pressions : pression d’abord militaire, puisque des exercices navals américano-sud-coréens ont régulièrement lieu en mer Jaune (mer de l’Ouest), pression économique, de par la stratégie de sanctions et pressions politiques de toutes natures, comme en témoigne les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU - ou d’autres instances - prises à l’encontre de la RPDC.

 

Les géopolitologues appellent ce phénomène le « paradoxe de la Reine Rouge » (en référence à Lewis Carrol et à Alice au pays des merveilles) : en effet sa doctrine, et a fortiori sa doctrine militaire, n’évolue jamais seule, mais procède par adaptation à son environnement : un environnement hostile aura très généralement tendance à pousser un Etat à augmenter ses capacités de défense. Il suffit de regarder la liste des pays détenteurs de l’arme atomique pour voir que peu d’entre eux s’inscrivent dans un tissu de relations internationales apaisé (Inde, Pakistan, Etats-Unis, Israël, Chine, etc).

 

Un renversement de perspectives permet de bien prendre conscience de cette politique du « deux poids, deux mesures » : les Etats-Unis ont-ils connu un déchaînement médiatique contre eux quand ils ont procédé à un test nucléaire le 5 décembre 2012 ? Y a-t-il eu une quelconque volonté de sanctions internationales onusiennes contre la première puissance mondiale ? Bien sûr que non. Cela montre bien que les politiques de sanctions économiques ne se situent pas sur le terrain du droit, mais dans les logiques militaires de la puissance.

 

L’association d’amitié franco-coréenne, qui soutient activement une politique de paix et de dénucléarisation de toute la péninsule coréenne, appelle donc à ce que chacun « balaie devant sa porte » afin de parvenir à une situation apaisée et surtout acceptable par tous, en toute indépendance et dans le respect de la souveraineté des Etats.

 

 

Sources : AAFC, KCNA (notamment, déclaration de la Commission de la défense nationale du 24 janvier 2013  condamnant la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies), ShanghaiDaily, règlement du Conseil de l'Union européenne du 27 mars 2007 concernant des mesures restrictives à l'encontre de la RPDC.

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