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7 avril 2013 7 07 /04 /avril /2013 18:48

Depuis quelques jours, les Etats-Unis prétendent jouer la carte de l'apaisement en Corée : report d'un tir de missile balistique qui aurait officiellement été programmé, ainsi que d'une réunion militaire conjointe avec la Corée du Sud au plus haut niveau, dont il est avancé qu'elle aurait dû se tenir le 16 avril 2013 ; plus significatif (car ne s'appuyant que sur des faits qui auraient pu avoir lieu... selon le renseignement américain parlant du Pentagone !), le "ballet diplomatique" a repris avec des contacts officiels et de haut niveau entre les Etats-Unis et les autres parties aux pourparlers à six, à l'exception notable - et regrettable - de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), comme l'ont déploré de nombreuses voix en Corée du Sud et aux Etats-Unis, à commencer par le président du Parti démocrate (centre-gauche), principal parti d'opposition à Séoul. Pourquoi ce revirement ? Car la tactique américaine de l'épreuve de force a échoué : comme l'a révélé le Wall Street Journal dans son édition en ligne du 3 avril 2013, l'escalade des tensions a en effet été sciemment orchestrée par les Etats-Unis dans le cadre du plan "Playbook"... mais la réaction de la RPDC a dépassé ce que prévoyaient les stratèges du Pentagone, désormais affolés à l'idée d'une riposte nord-coréenne. Si bien qu'après avoir eux-mêmes allumé le feu dans la région Asie-Pacifique, les Américains veulent jouer le rôle des pompiers, mais arriveront-ils à éteindre l'incendie qu'ils ont provoqué, et dont la première onde de choc est la suspension des activités de la zone intercoréenne de Kaesong, qui avait jusqu'à présent surmonté toutes les précédentes crises ? Mis en oeuvre par l'administration Obama sur une idée des hauts gradés du Pentagone avec l'aval du secrétaire d'Etat à la défense Chuck Hagel, le plan "Playbook" apparaît comme un fiasco. Espérons à présent que le secrétaire d'Etat John Kerry, plus réaliste que les faucons de l'armée US, saura recoller les morceaux. Révélant de manière inédite en France les dessous du plan "Playbook", et tout en ne partageant pas tous les points de vue exprimés par les auteurs, l'AAFC reproduit ci-après et à titre de document et d'analyse, traduit de l'anglais par nos soins, un article publié le 3 avril 2013 par le Wall Street Journal de Adam Entous et Julian Barnes, intitulé "Les Etats-Unis font marche arrière sur leur démonstration de force en Corée". Cet article éclaire les erreurs d'analyse - une fois encore - et les tendances jusqu'au-boutistes du renseignement américain sur la Corée du Nord, dont on sait qu'il est excessivement influencé par les services sud-coréens, ainsi que la volonté du Pentagone de complaire aux nouvelles autorités conservatrices de Séoul - tout en gardant, et eux seuls, la maîtrise d'un agenda militaire qui n'est partagé qu'en apparence avec l'armée sud-coréenne.

 

Playback_plan_coree-du-nord_1.jpgAprès un déploiement de force militaire des plus visibles destiné à dissuader des provocations nord-coréennes, selon des officiels américains la Maison Blanche revient sur sa posture agressive de peur qu'elle puisse déclencher par inadvertance une crise encore plus grave.

Les Etats-Unis marquent une pause dans ce que plusieurs officiels ont décrit comme un plan graduel approuvé par l'administration Obama en début d'année, baptisé "Playbook", qui a conçu les séquences et le plan de communication pour les démonstrations de force américaines au cours des exercices de guerre annuels avec la Corée du Sud. "Playbook" comporte des vols, hautement médiatisés ces dernières semaines, à proximité de la Corée du Nord des bombardiers nucléaires B-52 et furtifs B-2, ainsi que des avions militaires sophistiqués F-22.

Cette semaine, les Etats-Unis ont reculé par rapport à leurs plans initiaux, alors que des officiels américains ont commencé à s'inquiéter que la Corée du Nord, qui dispose d'un petit arsenal nucléaire et d'un nouveau dirigeant imprévisible, pourrait être encore davantage provoquée que ne le souhaitaient les Américains, selon ces officiels. 

Selon un officiel de haut rang, "Notre inquiétude est que nous renforcions les possibilités de mésinterprétation de la part des Nord-Coréens, ce qui pourrait conduire à des erreurs de calcul".

Ces officiels ont affirmé que les Etats-Unis ne croyaient pas que la Corée du Nord ait des plans pour engager des actions militaires en réponse aux exercices. Le changement de position reflète plutôt les inquiétudes au sein de l'administration que la Corée du Nord, prise au dépourvu, ait une action irréfléchie, contrairement aux affirmations des services de renseignement selon lesquelles une réponse militaire à la démonstration de force américaine est improbable. 

Ce changement est aussi intervenu après que la Navy a confirmé lundi que les Etats-Unis avaient envoyé deux destroyers lanceurs de missiles dans les eaux sud-coréennes - un déploiement que, selon les officiels, la Maison Blanche et le Pentagone n'avaient pas l'intention de rendre public et qui ne faisait pas partie de "Playbook".

Les officiels disaient que rendre publique la présence des destroyers risquaient d'augmenter les tensions avec la Corée du Nord au-delà de ce que souhaitait la Maison Blanche. De même, selon eux, les officiels de la Maison Blanche ont été déçus que cette révélation ne corresponde pas au déroulé bien orchestré d'une information qu'ils entendaient contrôler. 

La Maison Blanche a suspendu les étapes suivantes de "Playbook" quand elle a évalué la réaction du Nord, selon ces officiels, bien que l'administration n'ait pas exclu de futures démonstrations de force. Mardi, l'attaché de presse du Pentagone George Little a déclaré que les Etats-Unis voulaient faire baisser la "température" sur la péninsule.

Mercredi [3 avril 2013], le secrétaire à la Défense Chuck Hagel - un des principaux soutiens de "Playbook" - a déclaré publiquement que les Etats-Unis et les autres puissances de la région ne voulaient pas aggraver encore une "situation compliquée, explosive". Il a appelé la Corée du Nord à adoucir son langage, dressant la perspective d'un "chemin vers la paix".

Les officiels du Pentagone ont déclaré que la décision de mercredi de positionner un système sophistiqué de batteries anti-missiles sur l'île de Guam, dans le Pacifique, était défensive et non offensive, tout comme les vols de B-2, et correspondait aux précédents mouvements des Etats-Unis pour prévenir une attaque nord-coréenne contre les Etats-Unis et leurs alliés avec des missiles à moyenne et longue portée.

Le commandement américain du Pacifique a commencé à imaginer le plan "Playbook" après une série de provocations du Nord, dont le lancement d'une fusée de longue portée en décembre [NdT : il s'agissait en réalité d'un satellite artificiel], alors qu'il préparait les exercices militaires annuels avec le Sud.

La politique de relations publiques avait comme objectif non seulement d'adresser un message à la Corée du Nord, mais aussi d'assurer au nouveau gouvernement faucon de Corée du Sud qu'il avait le plein soutien des Etats-Unis et qu'il ne lui était pas nécessaire de répondre militairement aux provocations du Nord.

Etats-nucleaire_carte.jpg

Les agences de renseignement américaines avaient évalué les risques associés à "Playbook" et conclu que la probabilité d'une réponse militaire nord-coréenne était faible, car la priorité du régime était sa propre préservation. Les officiels américains estiment que le Corée du Nord comprend qu'entreprendre une action militaire entraînerait une contre-attaque foudroyante des Etats-Unis et de la Corée du Sud qui déstabiliserait le régime.

"Tout le monde est inquiet d'une possible erreur de raisonnement et du déclenchement d'une guerre. Mais l'idée au sein du gouvernement américain est que les Nord-Coréens n'iront pas à une guerre totale", selon un haut fonctionnaire de l'administration Obama. "Ils sont d'abord et avant tout intéressés par la survie du régime."

Au cours des discussions, les soutiens [au plan "Playbook"] ont déclaré qu'il était préférable que les Etats-Unis contrôlent les étapes de l'escalade, pour s'assurer qu'ils ne perdent pas le contrôle de la situation. Toujours selon ces officiels, le plan était aussi et pour une part destiné à ce que le nouveau gouvernement sud-coréen ne se sente pas obligé de répondre aux menaces nord-coréennes, qui apparaissent souvent au moment des exercices, alors que la Corée du Nord tient sa session parlementaire annuelle.  

Mais au sein de l'administration, certains se sont inquiétés des conséquences imprévisibles en provoquant la Corée du Nord. Plusieurs se sont posés la question de la crédibilité qu'accorde la Maison Blanche et le Pentagone aux agences de renseignement, qui ont un bilan mitigé s'agissant des prévisions sur le comportement nord-coréen.

Les brèches du renseignement sont particulièrement béantes s'agissant d'apprécier le nouveau dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, qui reste une personnalité méconnue et quelqu'un que les agences de renseignement elles-mêmes décrivent comme plus imprévisible que son père. 

Toutefois, peu d'objections ont été soulevées au plus haut niveau au cours des rencontres, selon les participants - à la différence d'autres décisions de l'administration Obama sur le recours à la force militaire à l'étranger, y compris en Libye, en Afrique du Nord-Ouest et en Syrie, où les débats s'étaient prolongés. Le Président Barack Obama a donné le feu vert pour engager "Playbook", selon ces personnes.

La première démonstration de force a eu lieu le 8 mars, pendant l'exercice américano-sud-coréen connu sous le nom de Foal Eagle, quand des bombardiers à longue distance B-52 ont conduit des manoeuvres à basse altitude. Quelques semaines plus tard, en plein jour deux bombardiers furtifs B-2 partis d'une base aérienne du Missouri ont largué des bombes factices sur un champ de tir sud-coréen.

Comme prévu, les agences de renseignement américaines ont analysé les réponses de la Corée du Nord. Après ces vols, la Corée du Nord a répondu comme le Pentagone et les agences de renseignement l'avaient prévu, dans un discours de colère et de menaces d'attaque contre le Sud et les Etats-Unis.

Le dimanche, les Etats-Unis ont envoyé deux avions sophistiqués F-22 vers la Corée du Sud, ce qui a entraîné une autre réaction de mécontentement du Nord.

Au cours du week-end, alors que le Nord renforçait ses menaces d'attaque du Sud et des Etats-Unis, deux destroyers lanceurs de missiles - l'USS John S. McCain et l'USS Decatur - furent envoyés par le Pentagone vers des destinations dans le Pacifique Sud, ce que certains militaires décrivirent comme un renforcement "prudent" afin de garder un oeil sur la Corée du Nord dans l'hypothèse du lancement d'une fusée.

Le Pentagone n'avait pas annoncé les déploiements du McCain et du Decatur au cours du week-end et ils ne faisaient pas partie des mouvements de "Playbook", selon des fonctionnaires. Certains officiels craignaient que l'introduction de ces vaisseaux soit vue par la Corée du Nord comme une escalade et voulaient la taire.

Mais quand des médias annoncèrent que les navires se dirigeaient vers la Corée du Sud, des officiels de la Navy confirmèrent ces missions.

Bien que défensif par nature (sic), ce mouvement accrut la perception d'une menace qui conduisit, d'après un officiel, à tirer la sonnette d'alarme à la Maison Blanche.

D'après cet officiel, "la composante navale a fait basculer l'équilibre des inquiétudes".

Les officiels affirment que les agences de renseignement ont déclaré aux décideurs politiques qu'ils pourraient probablement pousser la Corée du Nord plus loin qu'ils ne le prévoyaient sans entraîner de réponse militaire sérieuse. Tel est l'avis d'officiels recevant les rapports du renseignement.

Au sein de la communauté du renseignement, les responsables doutent toujours d'une action militaire de la Corée du Nord. Cette semaine, des officiels du renseignement ont défendu leurs analyses : selon l'un d'eux, "à ce stade, tout ce qu'on continue de voir de la Corée du Nord, ce sont des mots". "Rien n'indique quelque action de la part de Corée du Nord, ce qui semble conforter les analyses du renseignement."

Mais la prudence va grandissante dans certains cercles de l'administration.

Selon un officiel de haut rang, "En quelque sorte, nous avons tellement réussi, nous avons eu un tel succès [dans l'envoi d'un message à la Corée du Nord] qu'on réfléchit d'une certaine manière à revenir en arrière tout en continuant à apporter des garanties à la Corée du Sud".

 

Source : Wall Street Journal (y compris photos ; en haut : missile THAAD lancé de la base Kauai dans le Pacifique en 2008 ; les Américains ont annoncé le déploiement de missiles THAAD sur l'île de Guam). Traduction AAFC.

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commentaires

P
<br /> Et quelle utilité d'envoyer ce message à la RPDC ? Les dissuader de poursuivre leur programme nucléaire ? Ça paraît absurde puisque cela ne peut que les motiver davantage à obtenir l'arme<br /> nucléaire pour dissuader les États-Unis de toute attaque...<br /> <br /> <br />  <br />
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A
<br /> <br /> C'est effectivement ce que nous pensons. Mais les réactions diplomatiques ne sont pas toujours logiques... En fait, après la mise sur orbite réussie du satellite Kangmyongsong-3 par la RPDC en<br /> décembre 2012, le Pentagone estime que la politique de sanctions n'a pas permis de stopper le programme nucléaire et le programme balistique nord-coréens. Clairement, d'autres politiques sont à<br /> l'étude... Le plan Playbook était une option. La diplomatie américaine, tout en affichant le même discours sur la question coréenne, est en fait en phase d'expérimentation. Avec les résultats peu<br /> enviables que l'on constate<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Quel est concrètemment ce "message" que les étasuniens veulent faire passer aux nord-coréens ? <br />
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A
<br /> <br /> Manifestement, qu'ils sont prêts à agir militairement en premier, en envoyant des bombardiers à proximité immédiate de leurs frontières...<br /> <br /> <br /> <br />

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