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3 mars 2013 7 03 /03 /mars /2013 22:12

200px-Park_Geun-hye.jpgLa période électorale et ses promesses désormais passée, la Présidente élue en Corée du Sud et désormais investie - malgré les soupçons de fraude - Mme Park Geun-hye révèle son vrai visage : le retour dans son équipe de collaborateurs de son père, le général Park Chung-hee, qui a mis en place le régime le plus autoritaire qu'ait connu la Corée du Sud de son coup d'Etat en 1961 jusqu'à son assassinat par le chef de ses services de renseignement en 1979, et l'oubli de ses promesses sociales ou visant à l'amélioration des droits des femmes. Dans ce contexte, la cote de popularité de Mme Park est la plus basse d'un président sud-coréen au moment de son investiture (44 % le 22 février 2013 selon l'institut de sondages Gallup Korea, en chute de 12 points depuis la mi-janvier) : dans le combat qui commence à présent pour la défense de la démocratie, les droits des travailleurs et la réunification de la Corée, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) sera à nouveau aux côtés des démocrates sud-coréens, comme elle l'était au moment où la junte militaire de Park Chung-hee et de Chun Doo-hwan faisait régner l'ordre à Séoul.
   
Philippe Mesmer, correspondant du Monde pour la Corée et le Japon, est un journaliste chevronné aux positions pondérées, conformément à la ligne éditoriale du quotidien : les critiques qu'il émet sur le style de gouvernement de Mme Park et le mode de nomination de ses collaborateurs, "secret et brouillon", n'en ont que plus de poids, et semblent bien traduire le désenchantement d'une majorité de l'opinion publique sud-coréenne pendant la période de transition qui a séparé l'élection du 19 décembre 2012 et l'investiture de Park Geun-hye le 25 février 2013.

La corruption, mal endémique de la vie politique sud-coréenne, a été à nouveau révélée lors de la renonciation du Premier ministre initialement pressenti, Kim Yong-joon, mis en cause dans une affaire de spéculation immobilière.

Mais le plus inquiétant est sans doute le retour de figures de l'ère Park Chung-hee, père de Park Geun-hye, ou de leurs descendants - un peu comme au Japon où les héritiers des criminels de guerre tendent à monopoliser les postes de pouvoir politique et économique. Le secrétaire général de la présidence, Huh Tae-yeol, était déjà en poste à la présidence entre 1974 et 1979. Au ministère du territoire et des transports, le choix de Mme Park s'est porté sur Suh Seong-hwan, fils de Suh Jong-cheol, co-responsable avec le général Park Chung-hee du coup d'Etat militaire de 1961 avant de servir comme ministre de la Défense entre 1973 et 1977. Il n'est pas non plus anodin qu'un autre admirateur de Park Chung-hee, le général Kim Byung-hwan, ait été choisi comme ministre de la Défense : ce dernier s'est d'ailleurs prononcé pour un gouvernement militaire si les circonstances le nécessitaient... soit très exactement la justification du coup d'Etat militaire de 1961 du général Park, qui avait alors enterré la démocratie sud-coréenne, et des déclarations conformes aux positions défendues par Park Geun-hye pendant sa campagne électorale, qui avait jugé le coup d'Etat de 1961 comme un mal nécessaire.

Mme Park est à ce point une fervente admiratrice de son père qu'elle a axé son discours d'investiture, le 25 février 2013, sur un "second miracle du fleuve Han", allusion au décollage économique sud-coréen quand son père était aux affaires... mais dans un oubli malencontreux, qu'on peut croire délibéré, des milliers de morts et de disparitions dont ce dernier a été directement responsable. Au demeurant, la manne économique américaine et japonaise des années 1960 et 1970 n'est plus là, et la Corée du Sud n'a plus, comme en 1961, le niveau de vie d'un pays de l'Afrique subsaharienne : alors qu'il est plus facile pour une économie de progresser quand le niveau initial de développement est très bas, la démagogie propre à la campagne électorale de Park Geun-hye feint de l'ignorer. Les puissants réseaux médiatiques néo-conservateurs (et qui dominent le paysage médiatique traditionnel), ainsi que l'appui du lobby militaire et des services de renseignement, ont créé un écran de fumée pendant la campagne - laissant accréditer l'idée, comme en 2007 avec l'élection du conservateur Lee Myung-bak à la Maison bleue à Séoul, que la droite relancerait la machine économique en recourant aux recettes éculées du libéralisme et de la libre entreprise. Or c'est tout l'inverse qui s'est produit : le mandat sortant de Lee Myung-bak a apporté le pire bilan économique à la Corée du Sud et aux Sud-Coréens depuis 1960.

Le retour aux réalités économiques risque d'être d'autant plus cruel pour la nouvelle administration sud-coréenne que les promesses sociales de la campagne de Park Geun-hye semblent devoir être définitivement enterrées, si l'on en juge par le profil du ministre de l'économie et du conseiller économique à la présidence : comme l'observe Philippe Mesmer, ont été promus à ces postes "deux hommes connus pour leur positionnement extrêmement libéral". Là encore, dans la droite continuité de Park Chung-hee, qui avait fait de la Corée du Sud des années 1970 le pays industrialisé où les journées de travail étaient les plus longues au monde.

Un dernier rideau de fumée se dissipe enfin : l'accession au pouvoir de Mme Park devait marquer l'arrivée aux responsabilités d'une nouvelle génération de femmes politiques, puisque selon Mme Park les femmes devaient être évaluées à l'égal des hommes et occuper 30 % des postes de la haute administration. Or le nouveau gouvernement ne comporte que deux femmes, de surcroît peu expérimentées, ce qui marque même un recul par rapport aux précédents gouvernements.

Source : Philippe Mesmer, "A Séoul, Park Geun-hye inaugure sa présidence, affaible par les polémiques", in Le Monde, article publié le 26 février 2013.

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