Oeil pour oeil, dent pour dent : dans l'escalade actuelle des tensions autour de la péninsule coréenne, avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), d'une part, les Etats-Unis et leurs alliés (Corée du Sud, Japon), d'autre part, aucune des deux parties ne veut laisser à l'autre le sentiment qu'elle pourrait baisser la garde. Le budget militaire de la RPDC représente moins de 1% de celui des Etats-Unis, d'où son choix de recours à des armes non conventionnelles, comme l'arme nucléaire, dans une logique de dissuasion "du faible au fort". Mais si la moindre puissance de la RPDC est de nature à expliquer les propos musclés de ses forces de commandement, qui ne sont pas inhabituels en période de crise, les Etats-Unis, pour leur part, n'avaient pas habitué l'opinion internationale à de telles réactions : après la présentation publique de ce qui constitue fondamentalement un plan d'attaque conjoint contre la Corée du Nord, le survol de la péninsule coréenne par deux bombardiers furtifs américains B-2, le 28 mars 2013, est une menace directe contre la RPD de Corée. Ce type d'initiative, d'une utilité discutable au regard de l'écrasante supériorité militaire américaine, apparaît comme de nature à jeter de l'huile sur le feu dans une situation déjà suffisamment tendue.
Il y a deux façons d'interpréter l'escalade en cours des tensions autour de la péninsule coréenne : du point de vue nord-coréen, qui considère que, face aux menaces des Etats-Unis, il faut réaffirmer le droit de chaque Etat à exercer sa souveraineté, tout en rejetant les sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies comme autant d'ingérences dans les affaires intérieures d'un pays et l'expression d'une règle du "deux poids, deux mesures" ; du point de vue américain, largement relayé dans les médias occidentaux, selon lequel la Corée du Nord procède à des provocations qui justifieraient le déploiement de forces en cours, dans le cadre des exercices militaires conjoints américano-sud-coréens Key Resolve et Foal Eagle et de la mise en place, avec la Corée du Sud, d'un "plan opérationnel conjoint anti-provocations".
Mais du point de vue de l'intérêt du peuple coréen, ce qui compte aujourd'hui est de prévenir tout nouveau risque de conflit qui, au regard de la concentration des forces militaires en présence, conduirait à un carnage qui se chiffrerait en centaines de milliers ou en millions de morts. Une nouvelle guerre de Corée serait ainsi d'une toute autre ampleur que les affrontements localisés en cours en Syrie et en Afghanistan, en engageant pour la première fois de manière directe et globale deux puissances nucléaires, les Etats-Unis et la Corée du Nord. La paix dans le monde, enjeu fondamental, se joue bien, ici et maintenant, en Corée.
Dans le cadre de leurs manoeuvres militaires actuellement en cours, menées conjointement avec les forces militaires de la Corée du Sud, les Etats-Unis ont choisi d'impliquer deux bombardiers furtifs B-2 Spirit, en plus des bombardiers B-52. Le 28 mars 2013, les deux appareils, dotés de la technologie la plus récente, ont parcouru plus de 10 000 kilomètres depuis leur base de Whiteman dans le Missouri jusqu'en Corée, avant de retourner aux Etats-Unis : ils ont largué des munitions factices au-dessus d'un champ de tir dans le sud de la péninsule. Réputés indétectables, les bombardiers B-2 peuvent emporter jusqu'à 18 tonnes d'armement conventionnel ou nucléaire, dont seize bombes de 900 kilos guidées par satellite ou huit GBU-37 antibunker. Pour le commandement américain, cela "démontre la capacité des Etats-Unis à réaliser sans délai et sans restriction des frappes de précision à longue distance".
Clairement, la guerre nucléaire est aux portes de la Corée, et ce ne sont pas les bombardiers ou les missiles balistiques nord-coréens qui viendraient narguer les Etats-Unis, même si la RPDC a annoncé deux jours plus tôt que les bases américaines, notamment celles du Pacifique, étaient à portée de ses missiles balistiques si elle était provoquée, en réaction à l'engagement de bombardiers B-52 au-dessus de la Corée. Ce sont bien les bombardiers américains qui s'approchent dangereusement de la RPD de Corée, délivrant un signal qui pourra être qualifié d'avertissement ou de provocation selon le point de vue duquel on se situe.
En RPD de Corée, le climat est à la mobilisation de tous, civils et militaires, contre tout risque d'attaque américaine : le Dirigeant Kim Jong-un a multiplié les inspections d'unités militaires et participé à des exercices menés en réplique aux manoeuvres conjointes américano-sud-coréennes, lesquelles s'étalent cette année sur deux mois (mars et avril). Les troupes nord-coréennes ont été placées en position de pouvoir répondre immédiatement à toute menace ennemie. Le 26 mars, après l'interruption du téléphone rouge entre les deux Corée, l'agence nord-coréenne KCNA a annoncé que toutes les communications militaires intercoréennes étaient coupées "dans une situation où une guerre peut éclater à tout moment" et "aussi longtemps que dureront les actes hostiles et anachroniques du Sud".
Un expert américain interrogé par CNN a souligné que les Nord-Coréens conduiraient des combats acharnés en cas de guerre, à l'instar des Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, balayant le scénario d'une hypothétique avancée militaire rapide, comme en Irak : "Ils ne sont pas l'armée de Saddam [Hussein], ils devraient se battre comme les Japonais dans le Pacifique."
Plus que jamais, l'Association d'amitié franco-coréenne réaffirme son engagement pour la paix, maintenant.
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