Les diplomaties de la République de Corée (Corée du Sud) et du Japon ont toujours été marquées par une approche différente du contentieux historique qui oppose les deux pays, du fait de la brutale colonisation japonaise de la péninsule (1910-1945) - et qu'exprime le drame des "femmes de réconfort", anciennes esclaves sexuelles de l'armée japonaise sur le sort desquelles le très conservateur Shinzo Abe refuse de présenter des excuses au nom du gouvernement japonais, le révisionnisme servant plus que jamais de boussole diplomatique à Tokyo. Mais la question nord-coréenne constitue aussi un important point de divergence entre les deux pays qui multiplient les efforts pour rallier d'autres pays à leur cause. Quand le Président Moon Jae-in, en visite en Europe, a reçu des soutiens plus ou moins affirmés à sa politique de dialogue avec le Nord qui suppose de considérer la levée d'une partie des sanctions contre la République populaire démocratique de Corée (en contrepartie des efforts déjà accomplis par la Corée du Nord sur la voie de sa dénucléarisation, avec de nouveaux engagements au point 5.1 de la déclaration conjointe Nord-Sud du 19 septembre 2018, tandis que Moscou et Pékin plaident quant à eux ouvertement pour une levée partielle des sanctions), le Premier ministre Shinzo Abe se pose en leader du front de refus - à savoir le refus de lever la moindre sanction envers Pyongyang avant la fin définitive du processus de dénucléarisation, ce qui aurait pour effet de ruiner le dialogue qui se met en place entre Washington et Pyongyang. En effet, la renonciation unilatérale et sans contreparties de la Corée du Nord à sa force de dissuasion nucléaire est perçue par cette dernière comme un diktat inacceptable et un marché de dupes (d'autres pays ont, par le passé, désarmé unilatéralement, avant de connaître un changement de régime à l'initiative des Etats-Unis et de leurs alliés : l'Irak en 2003 et la Libye en 2011).
Le Vatican, l'Italie et la Thaïlande soutiennent ouvertement et sans réserves les efforts de Séoul pour la paix dans une péninsule coréenne sans armes nucléaires
Après la déconvenue de sa rencontre avec le très fermé Emmanuel Macron, insensible à son appel à la paix et au dialogue, le Président Moon Jae-in a trouvé dans le Premier ministre italien Giuseppe Conte un homme plus ouvert que le président français, car plus en phase avec la conception progressiste de la société internationale défendue par le Président Moon. Selon la présidence sud-coréenne citée par l'agence Yonhap,
Le Premier ministre Conte a grandement apprécié le pouvoir d'influence de notre gouvernement, qui a apporté des changements positifs sur la péninsule coréenne, et a exprimé son soutien indéfectible à la politique nord-coréenne de notre gouvernement.
Les deux dirigeants ont signé un communiqué conjoint défendant l'approche du Président Moon Jae-in pour la paix et la dénucléarisation de la Corée, et saluant ouvertement les trois rencontres au sommet Nord-Sud de l'année 2018 :
Le Premier ministre Conte a salué et exprimé son soutien total aux initiatives diplomatiques entreprises par le président Moon dans le cadre des trois sommets intercoréens afin de faire progresser les relations intercoréennes et de parvenir à la dénucléarisation complète et à une paix permanente dans la péninsule coréenne.
Le président Moon a grandement apprécié la contribution et le soutien constants de l'Italie au processus de résolution pacifique du problème nucléaire nord-coréen et d'établissement de la paix dans la péninsule coréenne. Les deux dirigeants ont estimé que la dénucléarisation doit être réalisée de manière complète, vérifiable et irréversible.
Les deux dirigeants ont signé des accords de coopération dans les domaines de la défense, des services aériens et du commerce.
L'entretien qu'a ensuite eu le Président Moon Jae-in avec le Pape François a été exceptionnel à plus d'un titre - par sa durée et son horaire, et par le fait que certains éléments des échanges ont été rendus publics, contrairement à l'usage. Selon l'agence Yonhap, le Pape François a déclaré au Président Moon Jae-in, qui s'est par ailleurs présenté à lui comme catholique :
Je soutiens fermement les efforts du gouvernement sud-coréen qui cherchent un processus de paix sur la péninsule coréenne.
De fait, le Vatican a toujours soutenu une solution à la question coréenne dans le cadre de la paix et du dialogue - y compris au plus fort des tensions à l'été et à l'automne 2017.
Concernant la possibilité d'une visite du Pape François en Corée du Nord, le souverain pontife a déclaré attendre une invitation formelle, écrite, des autorités nord-coréenne, après avoir reçu l'invitation orale du Président Moon Jae-in, que le Président Kim Jong-un lui avait donnée lors du sommet entre les deux hommes en RPDC (du 18 au 20 septembre 2018). Le pape a fait état de sa disponibilité à honorer cette invitation - selon son agenda - ce qui serait une première en Corée du Nord (il était prévu que le pape Jean-Paul II se rende à Pyongyang, mais cette visite n'avait finalement pas eu lieu).
Enfin, le Président Moon Jae-in a poursuivi sa recherche de soutiens à sa politique de dialogue avec le Nord lors de rencontres bilatérales en marge du sommet du dialogue Europe-Asie (ASEM), qui se tenait pendant son séjour à Bruxelles.
Dans ce cadre, lors d'un entretien avec le Premier ministre thaïlandais Prayut Chan-o-cha, le Président Moon Jae-in a obtenu une promesse de soutien à sa politique de dialogue et de la paix en Corée dans le cadre de l'ASEAN, lorsque la Thaïlande en assurera la présidence en 2019 :
Le Premier ministre thaïlandais a affiché son soutien à l'initiative de paix de Séoul et a promis que son pays qui assumera la présidence de l'Asean l'année prochaine prendra les mesures nécessaires pour soutenir cette initiative.
Egalement en marge du sommet de l'ASEM, le Président Moon Jae-in a obtenu un soutien de la chancelière allemande Angela Merkel. Selon l'agence Yonhap, elle aurait alors déclaré :
J'apprécie le courage et la détermination dont le président Moon a fait preuve et salue les progrès accomplis dans le processus de dénucléarisation rendu possible grâce à la détermination du président et du président (Donald) Trump.
Front du refus : Emmanuel Macron en zélé défenseur de l'ultra-nationaliste Shinzo Abe
Le front du refus rassemble des éléments disparates : des chrétiens évangélistes, notamment américains, des partisans de la guerre (hier en Irak, demain en Iran... ou en Corée du Nord ?) et et de sa version soft (les sanctions qui tuent femmes et enfants en mettant à genoux des populations entières), très en cour dans certains milieux américains qui ont obtenu de Donald Trump qu'il s'engage - même s'il rencontre et parle avec les Nord-Coréens - à ne pas lever les sanctions avant la dénucléarisation complète de Pyongyang (que, dans leur jargon, ces va-t-en-guerre qualifient de "dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible" ou CVID, suivant son acronyme anglais, la pertinence du distinguo étant pour le moins douteuse). Le front du refus rallie aussi des gouvernements, au premier rang desquels les ultra-nationalistes au pouvoir au Japon, engagés dans une politique de discrimination raciale tous azimuts. Shinzo Abe et ses acolytes ont applaudi aux bruits de bottes dans la péninsule coréenne en 2017, y voyant aussi une bonne occasion de provoquer des législatives anticipées, largement remportées en dépit des scandales de corruption. Tous ont besoin que le dialogue échoue,nécessairement, pour continuer à engranger les dividendes politiques des tensions et des crises.
Les motivations de cet attelage de nationalistes, de fondamentalistes religieux, d'atlantistes en mal de nouvelle guerre sainte pour répandre les valeurs occidentales dites universelles, en font aussi les porteurs de valises du lobby militaro-industriel (pour lesquels les crises d'aujourd'hui sont les guerres de demain et les profits d'après-demain).
Une des figures moins médiatisée du front de refus, malgré ses positions sans ambiguïté, est le Président Emmanuel Macron, qui s'était déjà distingué en répondant sèchement "non", de manière très peu diplomatique, au Président Moon Jae-in venu plaider un soutien français à sa politique de paix et de dialogue. Quelques jours plus tard, le jeune président a enfoncé le clou, en applaudissant des deux mains le plaidoyer du très droitier Shinzo Abe, rencontré en marge du dialogue Europe Asie à Bruxelles : dans un article de Brice Pedroletti, le quotidien Le Monde titre sans ambiguïté que "Shinzo Abe trouve en Macron un allié sur les sanctions contre la Corée du Nord". En soutenant sans réserves Shinzo Abe dans sa douteuse politique inspirée par le racisme anti-coréen, Emmanuel Macron, qui prétend lutter contre les nationalismes en Europe, approuve ouvertement un chef d'Etat sur lequel planent de forts relents de révisionnisme et de racisme, partisan bon teint du réarmement et du militarisme japonais.
En haut : Emmanuel Macron étreignant l'ultra-nationaliste japonais Shinzo Abe. En bas : simple poignée de mains et sourire forcé d'Emmanuel Macron avec le progressiste sud-coréen Moon Jae-in (le 9 juillet 2017).
Si Emmanuel Macron soutient la politique "en même temps" de droite et d'extrême-droite de Shinzo Abe, cette complicité vient de loin : elle est le fruit d'une pénétration lente et ancienne de l'appareil d'Etat français par les réseaux japonais sur la question coréenne, ayant déjà permis au drapeau japonais, symbole des crimes de guerre de l'empire nippon, de flotter sur les Champs Elysées le 14 juillet 2018.
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