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14 juillet 2018 6 14 /07 /juillet /2018 11:28

Le défilé sur les Champs-Elysées du 14 juillet 2018 est toujours l'occasion pour la France de célébrer ses amitiés anciennes et nouvelles. Cette année, les observateurs attentifs auront ainsi pu apercevoir un drapeau de guerre japonais. Une provocation pour toutes les victimes de l'impérialisme japonais qui ne doit rien au hasard. Démonstration de l'influence du lobby militariste et révisionniste japonais dans les cercles des décideurs politiques français, avec des conséquences néfastes pour l'influence de la France dans le monde - résultant notamment de l'absence de relations diplomatiques complètes, à ce jour, avec la République populaire démocratique de Corée.

Vu le 14 juillet 2018 à Paris : le drapeau de guerre japonais (un disque solaire rouge rayonnant sur fond blanc), un symbole des atrocités de guerre japonaises.

L'armée impériale japonaise pendant le massacre de Nankin (décembre 1937-février 1938)

Imaginez un drapeau nazi vu lors d'une parade militaire : immédiatement, les protestations seraient - légitimement - unanimes. Mais lorsque le Japon impérial parade en France le jour de la fête nationale, les protestations des "femmes de réconfort" (euphémisme désignant les anciennes esclaves sexuelles de l'armée impériale nippone avant et pendant la Seconde guerre mondiale) n'ont que peu de poids face aux amitiés douteuses entretenues de longue date, au coeur du pouvoir français, par le lobby militariste japonais.

Il est en effet curieux de constater combien les positions les plus extrémistes au Japon reçoivent un accueil bienveillant dans notre pays. Un monument pour honorer les "femmes de réconfort", comme cela existe déjà dans d'autres pays ? Non, pas en France. Une évolution des positions de la France pour reconnaître que la nouvelle donne diplomatique autour de la Corée nécessite de revoir notre refus d'établir des relations diplomatiques avec Pyongyang ? Non, pas la France. Cette liste d'exemples significatifs n'est pas limitative : la France tend à s'aligner sur les desiderata de l'extrême-droite japonaise pour les questions touchant, hier, aux crimes de guerre nippons, et aujourd'hui à l'intransigeance vis-à-vis de la Corée du Nord au nom soi-disant des droits de l'homme... étonnamment oubliés dès lors qu'il s'agit des crimes de guerre japonais. Indignation sélective...

Certains beaux esprits diront naturellement que l'étendard aperçu sur les Champs Elysées est celui des actuelles forces terrestres de défense japonaises, hissées avec le drapeau national japonais. Fort bien, mais outre que la coïncidence avec le symbole de l'armée impériale nippone est tout sauf fortuite (et que la France n'est pas obligée de prêter la main, sur son territoire et le jour de sa fête nationale, à une opération de propagande révisionnistes japonaise), il existe d'autres symboles de l'armée japonaise : la cocarde des forces d'autodéfense, le drapeau des forces aériennes... qui, eux, n'ont rien de commun avec l'étendard symbole des crimes de guerre nippons. 

L'influence de l'armée japonaise, travaillée au corps par le révisionnisme, et singulièrement de ses services de renseignement, sur les militaires et le gouvernement français est discrète mais ancienne. Elle était déjà signalée dans l'ouvrage La guerre de Corée et ses enjeux stratégiques, de 1950 à nos jours, coordonné par Pierre Journoud, pour les activités des services : alors que les services sud-coréens sont très proches de leurs homologues américains, la France s'est appuyée sur les services japonais pour tout ce qui touche à la Corée du Nord, mais aussi à la Corée du Sud, comme l'AAFC l'avait déjà observé dans un article de 2013 faisant une analyse de la très documentée Histoire politique des services secrets français de la Seconde Guerre mondiale à nos jours, publié aux éditions La Découvert en 2012 :

En général, les espions français comptent sur l'aide de leurs collègues nippons pour comprendre ce qui se passe dans leur ancienne colonie, la Corée. D'ailleurs, au même moment [au printemps 2007] un trio du desk Asie de la Direction du renseignement militaire a débarqué à Tôkyô : une locutrice de chinois et un officier parlant coréen menés par le colonel Charles-Philippe Godard, ex-attaché de défense en Corée du Sud six ans plus tôt où - en même temps que le chef de poste de la DGSE - il assurait la liaison avec les Sud-Coréens du National Intelligence Service (NIS), autre source privilégiée sur les "frères ennemis" du Nord.

Roger Faligot, Jean Guisnel, Rémi Kauffer, "Histoire politique des services de renseignement français de la Seconde Guerre mondiale à nos jours", La Découverte, 2012, pp. 611-613.

Au moment où le dégel diplomatique autour de la péninsule coréenne s'opère notamment par les canaux des services de renseignement des différents pays intéressés, il serait utile que la France ne rate pas une nouvelle fois le coche. A cet égard, deux députés français - le communiste Jean-Paul Lecoq et le centriste Michel Fanget (Modem) - ont plaidé dans un rapport parlementaire sur l'arme nucléaire, présenté devant la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, pour que la France établisse des relations diplomatiques complètes avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) afin de pouvoir peser sur les débats relatifs aux questions de sécurité régionale et de désarmement nucléaire. Les deux parlementaires ont été cités par l'AFP et Europe 1 : 

La "situation singulière" de la France. "La France doit s'efforcer de faciliter le dialogue entre les puissances nucléaires" notamment "sur les problématiques de sécurité sur la péninsule coréenne", a déclaré le communiste Jean-Paul Lecoq en présentant le rapport, cosigné par le centriste Michel Fanget (Modem). "Mais il n'est pas de discussion possible sans relations (avec la Corée du Nord), selon nous. Notre pays est (de ce point de vue) dans une situation singulière en Europe", a-t-il ajouté devant la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Davantage de relations sans approbation du régime ? Outre la France, seuls les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud et l'Estonie ne reconnaissent pas la Corée du Nord, souligne le rapport sur "L'arme nucléaire dans le monde, 50 ans après l'adoption du Traité sur la non-prolifération nucléaire". Pour l'heure, la France n'a qu'un bureau de représentation au sein de l'ambassade allemande à Pyongyang, rappelle-t-il. Pour "jouer un rôle plus important et bénéfique" dans la région, elle doit développer "une expertise plus grande" de la Corée du Nord - y compris des "linguistes en nord-coréen" - et rétablir "un certain niveau de relations", ce qui "ne vaudrait pas (pour autant) approbation du régime nord-coréen", poursuit le rapport.

L'AAFC reviendra sur ce rapport, après sa publication, qui témoigne que les lignes commencent à évoluer en France, malgré les combats d'arrière-garde de certains lobbies influents - celui pro-militarisme japonais n'en étant qu'un parmi d'autres. 

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