Engagé dans une surenchère nationaliste, le gouvernement conservateur japonais s'est engouffré dans une vision révisionniste de l'histoire de l'archipel : après la visite en décembre du Premier ministre Shinzo Abe au sanctuaire de Yasukuni où sont honorés des criminels de guerre nippons, la première d'un chef d'Etat japonais en sept ans, le gouvernement vient de décider d'enseigner que les îles Dokdo font partie du territoire japonais. Face à ces démarches tendant à déformer l'histoire de l'Asie de l'Est, la Chine et les deux Corée font front commun pour dénoncer Tokyo comme le principal fauteur de troubles dans cette partie du monde en niant les crimes commis par l'impérialisme japonais.
Imagine-t-on la chancelière allemande rendre hommage aux dirigeants nazis ou affirmer que les Sudètes, jadis annexés par le Troisième Reich, sont partie intégrante du territoire allemand ? Evidemment non. Pourtant telle est, toutes choses égales par ailleurs, la position adoptée par le gouvernement conservateur japonais de Shinzo Abe, à l'origine de provocations révisionnistes qui ont soulevé un tollé de protestations dans toute l'Asie de l'Est, de Pékin à Séoul en passant par Pyongyang.
Après la visite en décembre 2013 du chef du gouvernement nippon au sanctuaire de Yasukuni, qui honore la mémoire de 2,5 millions de Japonais morts pendant la Seconde guerre mondiale, parmi lesquels 14 criminels de guerre de classe A, la droite nippone a récidivé : le 28 janvier 2014, le ministère de l'Education a annoncé que les îles Dokdo seraient décrites comme des territoires japonais dans les manuels scolaires. Rajoutant une couche dans la provocation, Hakubun Shimomura (photo à gauche), ministre de l’Education japonais, a déclaré lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 31 janvier 2014 : « il est complètement normal pour une nation d’enseigner correctement [quels sont] ses propres territoires », gommant ainsi tout débat même sur l'appartenance des îles Dokdo (appelées Takeshima au Japon). Publiées de manière étonnament anticipée (en moyenne une fois par décennie, alors que les dernières modifications des manuels de premier et de deuxième cycles datent seulement de 2008 et 2009), les instructions ont pour but d'éduquer les plus jeunes générations dans un esprit propice à la renaissance du militarisme et à préparer une revanche sur des territoires aujourd'hui contrôlés par les garde-côte sud-coréens, après avoir été les premiers à être occupés lors de la colonisation japonaise de la Corée. Les revendications japonaises sur Dokdo avaient déjà été réaffirmées par Fumio Kishida, ministre japonais des Affaires étrangères, lors d'un débat au Parlement, et un site Internet gouvernemental a été spécialement créé pour appuyer ces prétentions territoriales japonaises.
Le révisionnisme japonais a de multiples facettes : il comporte plus largement une réécriture des manuels d'histoire dans un sens tendant à la réhabilitation des crimes de guerre commis par l'empire japonais pendant la Seconde guerre mondiale. Il nie notamment l'esclavage sexuel des "femmes de réconfort".
Le 29 janvier 2013, Pyongyang et Séoul ont affiché leur unité face au révisionnisme japonais à l'Organisation des Nations Unies. Lors d'un débat sur la guerre et la paix organisé au Conseil de sécurité, S.E. Oh Joon, représentant permanent de la République de Corée (du Sud) à l'ONU, a accusé le gouvernement japonais d'avoir "une vision faussée de ce qui s'est passé durant l'impérialisme" japonais, en ajoutant que "le Japon n'a pas été capable (...) de se détacher de son passé militariste". Selon l'ambassadeur Oh, "c'est la raison sous-jacente" aux conflits récurrents sur les questions historiques dans cette partie du monde. Pour sa part, S.E. Ri Tong-il, représentant permanent de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), a déclaré que le souvenir des crimes japonais était indélébile et il a exhorté les autorités japonaises à s'abstenir de toute visite au sanctuaire de Yasukuni.
Dans un commentaire publié le 28 janvier 2013, l'agence nord-coréenne KCNA a déploré que "les réactionnaires japonais instillent dans l'esprit des nouvelles générations la domination du Japon sur les îles Dokdo dans le but de les inciter au militarisme".
Face aux tentatives japonaises de réviser l'histoire, la Chine a également vivement protesté, témoignant ainsi que le révisionnisme japonais dépasse largement le conflit historique entre Japonais et Coréens. L'agence de presse chinoise Xinhua a observé que "cette [révision des manuels] est tenue responsable des relations tendues entre le Japon et ses pays voisins, du fait qu'elle réflète l'attitude du Japon face à son passé militariste".
Convaincue que seule la vérité historique peut permettre de dépasser les différends historiques et favoriser l'avènement d'un monde plus juste et plus fraternel, l'Association d'amitié franco-coréenne plaide pour que le Japon regarde son passé en face et permette ainsi de jeter les bases d'une réconciliation dans cette partie du monde. Dans les conflits territoriaux en Asie de l'Est, le Japon porte aujourd'hui une lourde part de responsabilités en multipliant les actions provocatrices sur son passé militariste. Il est à cet égard symptomatique que le Japon soit au coeur de multiples conflits territoriaux en Asie de l'Est, tant avec la Corée qu'avec la Chine et la Russie.
Sources : KCNA (dépêche du 28 janvier 2014), Xinhua (dépêche du 28 janvier 2014), Yonhap (dépêches des 24, 29 et 31 janvier 2014, dont photo).
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