A l'initiative de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), et près de deux ans après un précédent séminaire s'étant tenu à Helsinki, une conférence internationale consacrée à la paix et la réunification en Corée a réuni à Paris, pendant deux jours, les 23 et 24 juin 2017, les représentants d'associations d'amitié avec la Corée de douze pays, aux côtés d'une délégation du Comité coréen de solidarité avec les peuples du monde qui était invitée en Europe : la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, la Finlande, la France, Haïti, l'Irlande, le Luxembourg, la Pologne, le Royaume-Uni la Suisse et le Tchad. Cet événement exceptionnel, qui se tenait 40 ans après la création du Comité international de liaison pour la paix et la réunification en Corée (CILRECO) à la suite de la conférence de Bruxelles de février 1977, visait à relancer la coordination de la solidarité internationale avec la Corée - dans une période lourde de menaces pour la paix dans cette partie du monde. L'AAFC remercie les membres de l'association Espéranto France, présents tout au long des deux journées, ses adhérents bénévoles et les membres de la communauté coréenne de RPD de Corée en France qui ont permis la bonne organisation de cette journée, notamment pour l'accueil café et le buffet du 24 juin, et tout particulièrement Dominique de Miscault pour les photos et vidéos de ces deux jours de débats et d'échanges, qui donneront lieu ultérieurement à la publication et la mise en ligne de documents complets. Le tour opérateur Phoenix Voyages, basé au Vietnam et proposant notamment des déplacements touristiques en RPD de Corée, avait en outre parrainé cet événement.
La première journée de la conférence était consacrée à des travaux universitaires (qu'encourage l'AAFC en préparant et en facilitant le déplacement de chercheurs en RPD de Corée, ainsi qu'en participant à des échanges académiques), dans une salle de la Sorbonne prêtée grâce au concours du professeur Jean Salem. Ce dernier, par ailleurs président du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, a souligné en ouverture de la journée les implications de la méconnaissance profonde de la Corée, et singulièrement de sa moitié Nord, ce qui rend extrêmement difficile toute approche culturelle et scientifique qui sorte des lieux communs rebattus par les médias, focalisés sur les questions sécuritaires avec un prisme tendant à faire porter à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) toute la responsabilité dans les tensions actuelles, aux imbrications infiniment plus complexes. C'est ce que devait démontrer l'après-midi le professeur Robert Charvin, ancien doyen des facultés de droit de Nice : dans un exposé magistral, il a rappelé les causes et les conséquences de la division de la péninsule coréenne sous l'influence des grandes puissances. Sa présentation a été suivie d'une séance de dédicace de la nouvelle édition de son ouvrage Comment peut-on être Coréen (du Nord), publié par Delga.
Les présentations de la matinée du 23 juin ont été consacrées à l'exposé par leurs auteurs de plusieurs travaux universitaires, en cours ou achevés, sur la RPD de Corée. Dans son intervention liminaire, Patrick Maurus, ancien professeur de coréen à l'INALCO, ancien conseiller culturel de l'ambassade de France à Séoul, et fondateur de la revue Tangun, a souligné la nécessité et la possibilité d'engager des échanges universitaires avec les chercheurs nord-coréens en sortant des stéréotypes ; il est à l'origine de la publication du premier roman nord-coréen en France, Des amis de Baek Nam-ryong (ayant donné lieu à l'organisation d'une conférence par l'AAFC en 2012), et des premiers échanges universitaires avec les professeurs chinois d'ethnie coréenne de la province autonome de Yanbian, en Chine. Une conférence a abordé la question de la conservation du patrimoine en Corée du Nord. Puis Benoît Berthelier, co-traducteur d'une anthologie de nouvelles nord-coréennes, ayant consacré ses travaux de doctorat à la littérature nord-coréenne à ses débuts après 1945, a souligné la richesse de la production littéraire au Nord de la péninsule - dans des conditions, à ses débuts, bien plus libérales qu'au Sud. La littérature rend compte des évolutions de la société nord-coréenne, ainsi que de la place qu'y occupent les intellectuels : être auteur vous garantit un statut et des revenus.
Les débats de la matinée ont aussi été consacrés aux échanges universitaires dans les sciences exactes, à partir du témoignage de Damien Jamet, maître de conférences en informatique à l'Université de Lorraine : le bon niveau des Nord-Coréens demande à être conforté par des échanges universitaires, auquel Damien Jamet contribue, dans sa discipline, avec plusieurs de ses collègues qui étaient aussi présents à la conférence de la Sorbonne.
Après la présentation des enjeux diplomatiques autour de la péninsule coréenne par Robert Charvin, l'après-midi a tout d'abord donné lieu à une conférence sur la comparaison entre les idées du Juche (idéologie directrice de la RPD de Corée) et le gaullisme : si les principes définis par le Général de Gaulle n'ont pas donné lieu à la constitution d'un corpus idéologique analogue aux idées du Juche, l'importance consacrée à l'homme rapproche les deux doctrines, au-delà de leur attachement similaire à la défense de la souveraineté nationale.
La première journée s'est achevée par un exposé très complet de la situation et des perspectives de développement de l'Espéranto dans les deux moitiés divisées de la Corée : à partir du voyage qu'ils ont effectué en Corée du Nord en avril 2017, au sein du comité Espéranto de l'AAFC, François Lo Jacomo et Nathalie Kesler ont observé que les valeurs de solidarité humanistes et pacifistes que porte la langue internationale en font un vecteur possible pour la réunification de la Corée - qui sera l'un des thèmes du Congrès mondial d'Espéranto qui se tiendra à Séoul, en Corée du Sud, cet été, et auquel ils assisteront.
Organisée dans les salles Pierre Nicolle, la journée du 24 juin 2017 a été dédiée à des échanges d'expériences, des débats et des discussions entre associations d'amitié avec la Corée de différents pays du monde sur les moyens d'organiser la solidarité à l'échelle internationale. Outre S.E. M. Kim Yong-il, délégué général de la RPD de Corée en France, ambassadeur auprès de l'UNESCO, ses collaborateurs et leurs familles, une délégation du Comité coréen de solidarité avec les peuples du monde était présente, conduite par M. Ryu Kyong-il, directeur du département Europe du Comité, et également composée de Mmes Jong Un-a et Yun So-hyon. Arrivée en France le 22 juin, la délégation nord-coréenne invitée par l'AAFC a quitté la capitale française pour la Belgique le 26 juin, après avoir visité la Pologne et la Suisse, également à l'invitation des associations d'amitié de ces pays. L'AAFC a pris en charge le déplacement entre l'Europe et l'Asie, ainsi que le séjour en France.
Secrétaire général du CILRECO, et par ailleurs président d'honneur de l'AAFC, Guy Dupré a rappelé et souligné les enjeux du mouvement de solidarité internationale, marqué par les figures de plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement, comme le maréchal Francisco da Costa Gomes (Portugal), Dom Mintoff (de Malte), Didier Ratsiraka (de Madagascar) ou encore Léopold Sedar Senghor (de Côte d'Ivoire). Si les conditions objectives d'action ont changé, les objectifs demeurent : remplacer l'accord d'armistice de 1953 par un traité de paix garantissant la sécurité et la prospérité dans cette partie du monde, favoriser le dialogue et les échanges avec toute la Corée, soutenir le mouvement pour la réunification de la Corée, au Nord, au Sud et dans la diaspora, sur la base des déclarations du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007.
S'exprimant ensuite au nom du Comité coréen de solidarité avec les peuples du monde de la RPD de Corée, et après avoir remercié de leur soutien les organisateurs de l'AAFC et du CILRECO ainsi que l'ensemble des associations d'amitié pour leur appui invariable, Ryu Kyong-il a souligné que la RPDC poursuivrait ses programmes d'autodéfense tant que les Etats-Unis ne mettront pas fin à leur politique hostile, aujourd'hui perpétuée par l'administration de Donald Trump. Par ailleurs, alors que cette année marque le 45e anniversaire de la Déclaration conjointe du 4 juillet 1972 et le 10e anniversaire de la Déclaration du 4 octobre 2007, des progrès nouveaux doivent être accomplis par les Coréens eux-mêmes sur la voie de la réunification de leur patrie.
Les interventions des représentants des différents pays ont ensuite commencé par celle de Benoît Quennedey, président de l'AAFC. Rappelant que l'association française, qui était une association d'amitié avec toute la Corée depuis 1989, avait fait des solidarités concrètes (dans les domaines universitaires, économiques, culturels ou encore humanitaires) la pierre angulaire de ses interventions pour la paix et la réunification en Corée, il a souligné l'importance prise, en 2015-2016, par le soutien au mouvement démocratique en Corée du Sud, et l'utilité des contacts noués avec les milieux politiques français, gouvernementaux et parlementaires. Quelles que soient par ailleurs les difficultés réelles que connaît la Corée du Nord, qui ne prétend en aucun cas constituer un modèle politique pour le reste du monde, la présentation presque systématiquement négative de la RPD de Corée dans les médias occidentaux (illustrée encore dernièrement par l'opération de piratage WannaCry), sur la base souvent d'une désinformation entretenue par les services secrets de certains pays, montre la nécessité d'élargir l'audience du mouvement de solidarité, y compris en organisant la solidarité à l'échelle internationale, comme dans le cadre de la présente conférence.
Dans certains pays qui étaient anciennement des démocraties populaires (Bulgarie, Pologne), les relations de solidarité ont pu se fonder sur des relations personnelles, ainsi que sur le soutien des autorités gouvernementales. Les conditions nouvelles après 1989 et la fin des démocraties populaires ont rendu particulièrement difficile la poursuite des échanges antérieurs, les représentants des associations d'amitié étant par ailleurs parfois victimes de pressions, sinon d'une répression. A contrario, dans les pays en développement, comme Haïti ou le Tchad, la RPD de Corée jouit d'une image positive pour son combat anti-impérialiste et au sein du mouvement de décolonisation et des pays non-alignés. La réduction du périmètre des représentations diplomatiques de la RPDC, consécutive aux difficultés économiques des années 1990, a cependant rendu plus difficile les échanges directs entre les associations d'amitié et les Coréens.
Le Royaume-Uni apparaît en première ligne, par le soutien de son gouvernement à la politique internationale étatsusienne. Dans ce contexte, les actions de solidarité - qui ont pris des formes originales, comme l'accueil de troupes de jeunes artistes nord-coréens handicapés en 2015 et en 2017 - requièrent une importance particulière, qui permet de témoigner de la possibilité d'actions pour la paix et la réunification même dans les contextes a priori les moins favorables.
Les contacts et les échanges avec les démocrates sud-coréens ont été soulignés par les représentants luxembourgeois et belges, alors qu'il s'agissait d'un des axes d'action principaux du CILRECO.
Pour tenir compte des différents degrés d'implication dans le soutien au peuple coréen, l'association finlandaise distingue entre des activités de solidarité à large spectre, et des actions plus politiques - comme l'étude des idées du Juche - menées par des militants plus engagés au sein de structures distinctes de l'association d'amitié.
En Finlande, en Suisse et au Danemark, des rassemblements populaires dépassant le seul cadre de la Corée, permettent de sensibiliser à la question coréenne un plus large public.
Plusieurs associations d'amitié ont mis en place des coopérations entre elles : c'est le cas entre les associations belge, irlandaise, française et haïtienne, pour la traduction et l'échange de documents ou encore la mise en place de circuits d'échanges (comme l'envoi de livres en RPDC). L'association belge, qui a présenté un film, a noué des relations de partenariat précises, dans le cadre d'un jumelage avec une ferme coopérative ou de l'envoi de médicaments.
A l'issue de ces échanges, les participants ont adopté une déclaration et une lettre au Président Kim Jong-un de la Commission des affaires d'Etat de la RPD de Corée. Ils ont notamment souligné la nécessité de renforcer la lutte contre la désinformation à propos de la RPD de Corée, d'agir pour l'établissement d'un traité de paix en Corée et la fin des manœuvres militaires américano-sud-coréenne, ainsi que la levée des sanctions et des embargos frappant depuis plus de 70 ans les populations coréennes au Nord de la péninsule. Enfin, la conférence s'est poursuivie par une manifestation pour la paix et la réunification en Corée place de la Sorbonne.
CONFERENCE INTERNATIONALE POUR LA PAIX ET LA REUNIFICATION EN COREE PARIS, FRANCE, 23-24 JUIN 2017 Déclaration finale Nous, associations d'amitié avec la Corée venues de douze pays, réunies à Paris (France) le 24 juin 2017, veille du 67ème anniversaire du déclenchement de ce qui est appelé dans nos pays la « guerre de Corée », attachées au respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, tel qu'énoncé dans la Charte de l'Organisation des Nations unies, solidaires du peuple coréen face à l'injustice historique de la division arbitraire de son pays par les grandes puissances au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, conscientes que, compte tenu des forces en présence sur et à proximité de la péninsule coréenne, la paix en Corée représente un enjeu vital pour la paix mondiale, exigeant que les États-Unis et les pays à leur remorque mettent fin à leurs politiques hostiles sous couvert des Nations unies, aux embargos et aux sanctions à l'égard de la République populaire démocratique de Corée, opposées à toute vision biaisée de la situation qui fait porter l'entière responsabilité des tensions en Corée sur une seule des parties, la République populaire démocratique de Corée, fières de notre tradition d'amitié et de notre diversité, qui font de nos associations un irremplaçable réseau dédié à la paix en Corée et dans le monde, qu'il convient de faire vivre et d'étendre, décidées à renforcer la coopération entre nos organisations dans l'esprit de la conférence de Bruxelles qui, il y a 40 ans, jeta les bases du mouvement international de solidarité avec le peuple coréen pour la réunification et la paix en Corée, nous nous engageons : 1) À travailler au retrait inconditionnel de toutes les troupes étrangères de Corée ; 2) À travailler à la levée des sanctions et embargos qui frappent la République populaire démocratique de Corée ; 3) À intervenir auprès des autorités de nos pays respectifs pour qu'elles soutiennent franchement l'application complète des déclarations inter-coréennes du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007 et le dialogue entre les deux parties de la Corée ; 4) À œuvrer à l'établissement de relations équilibrées entre tous les pays du monde et les deux parties de la Corée, ce qui passe par l'établissement de relations diplomatiques complètes avec la République populaire démocratique de Corée par les pays qui n'en ont pas ; 5) À alerter les opinions publiques de nos pays respectifs sur la situation injuste et dangereuse qui prévaut en Corée, notamment du fait des grandes puissances, par tous les moyens à notre disposition et dans le respect de la souveraineté de chaque peuple ; 6) À lutter contre la présentation erronée de la situation de la péninsule coréenne par les grands médias de nos pays respectifs, y compris contre la propagation de « fausses nouvelles » ; 7) À renforcer la coopération entre nos associations, notamment en organisant des actions conjointes, toujours dans le respect des particularités de chacun et avec l'objectif commun de promouvoir le dialogue inter-coréen et la paix en Corée ; 8) À chercher les meilleurs moyens pour mutualiser les bonnes pratiques de nos associations, impliquant la nécessité d'une information rapide et complète sur les succès et les difficultés rencontrées dans la poursuite de nos objectifs. Paris, le 24 juin 2017 |
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