Les membres du bureau du comité Espéranto de l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC) – Marianne Dunlop, présidente du comité, professeure de russe et de chinois, Nathalie Kesler, professeure de lettres classiques et d’histoire-géographie, et François Lo Jacomo, membre de l’Académie internationale d’Espéranto, professeur de mathématiques et linguiste,) – ont visité pendant 9 jours la République populaire démocratique de Corée, du 4 au 12 avril 2017, avant d’achever leur périple par la visite du club d’Espéranto de Dandong (situé à la frontière sino-coréenne, lieu chargé d’histoire avec le fleuve Yalu où nombre de Chinois sont morts pour repousser les assaillants américains de leurs frontières pendant la guerre de Corée), où Zhang Wei rêve de marcher sur les pas de son prédécesseur chinois qui organisait des voyages en RPDC autrefois. Leur voyage fut beaucoup plus fructueux qu’ils ne le pensaient initialement, et ponctué de rebondissements très intéressants pour le développement de l’Espéranto. Un premier compte rendu du voyage a eu lieu au château de Grésillon, maison culturelle de l’Espéranto, le 16 avril 2017.
Les membres du comité Espéranto de l’AAFC avaient été fort surpris de savoir que des traces de militantisme pour faire connaître cette langue avaient pu être décelés en évoquant une initiative intéressante à initier en Corée dans le cadre du prochain congrès d’Espéranto en Juillet prochain qui aura lieu à Séoul, au Sud de la péninsule.
L’action a donc été amorcée grâce au dictionnaire Espéranto-coréen retrouvé entre les mains d’un linguiste nord-coréen reconnu comme très célèbre (en Corée du sud !) du nom de Jong Sun Gi, et à présent d’un âge respectable. Il a confié aux membres de la délégation de l’AAFC avoir été invité lors d’un congrès de linguistes sur l’analyse de la langue coréenne qui a évolué de manière très différente entre le Nord et le Sud (le lexique au Sud étant empli d’anglicismes quasi-inexistants au Nord). Avec étonnement les participants ont également appris qu’il avait pu effectuer des rencontres dans le Sud grâce à cette association de linguistes.
Voici la réponse d’un correspondant sud-coréen aux participants au voyage en RPDC à leur proposition d’invitation d’une délégation nord-coréenne au congrès universel d’Espéranto à Séoul en juillet 2017 :
1. inviti delegacion de lingivistoj. d-ro Jong Sun Gi estas la membro de ‘Kun-eldona Asocio de Granda Vortaro de Koreio Sud- kaj Nord-, financata de ambaŭ registaro. ĝi fondiĝis en 2006, kaj havas apartan oficejon kun 30 labarantoj en Seulo(en Nordo la Insutucio). notindas, ke la asocio publike dungis novan oficiston en 2016, kio signifas, ke la asocio ankoraŭ bonege funkcias, kvankam momente la libera iroreveno haltis pro la politika kialo. jen, ni vidas, ke ni ne povas havi apartan pli valoran eventon, per kiu esperantistoj povas kontribui ion por la lingva problemo de ambaŭ koreioj, ili nun uzas gigantan budĝeton de la ambaŭ ŝtatoj. sola ebleco estas inviti delegacion de esperantistoj. unue mi volas diri du eventojn de ambaŭ Koreioj. en la 6a de aprilo, antaŭ 11 tagoj okazis la matĉo de glacihokeo en Suda Koreio, en kiu Norda teamo partoprenis, kaj en la 7a de aprilo, antaŭ 10 tagoj okazis la matĉo de virina piedpilko en Norda Koreio, en kiu Suda teamo partoprenis.
(Le docteur Jong Sun Gi est membre de l’association du Grand Dictionnaire des deux Corée Sud et Nord, financée par les deux parties, fondée en 2006 et qui possède son propre bureau qui fonctionne à l’aide de 30 salariés à Séoul, et une institution au Nord). À noter que l’association a employé une nouvelle recrue en 2016, ce qui signifie que l’association fonctionne encore très bien, bien que les aller-retour ont cessé pour l’instant à cause de la situation politique. Voilà, nous constatons donc qu’il serait difficile de concurrencer un tel événement et que les espérantistes ne pourraient guère contribuer mieux à faire avancer la cause linguistique de la langue entre les deux Corée. De plus ils disposent d’un budget très conséquent déjà.
Une meilleure idée serait donc d’inviter une délégation d’espérantistes nord-coréens. En premier lieu il faut préciser que deux événements récents réunissant les deux Corée ont pu avoir lieu récemment, le 6 avril [2017], le match de hockey sur glace au sud, où une équipe nord-coréenne a pu participer et le 7 avril [2017], le match de football féminin a eu lieu à Pyongyang, avec la participation d’une équipe du Sud.)
Jong Sun Gi nous a donné une version différente de celle des participants issue d’un blog espérantiste « libera folio », qui annonçait que c’est un ancien ministre qui avait fondé le groupe Espéranto en RPDC, avant de subir une répression politique. Au contraire, le linguiste leur a affirmé que le groupe avait été fondé par de très grandes figures intellectuelles de l’époque, en 1951, tous étudiants en langues européennes (allemand, espagnol, anglais, russe…), avec un président en études de médecine qui avait dû quitter l’université à la suite d’une promotion l’ayant conduit à déménager dans une autre ville, et le second principal protagoniste qui était décédé d’une maladie par la suite. C’est donc selon lui le départ de ces deux éminentes figures, qui portaient le mouvement, qui est à l’origine de la fin de la dynamique Espérantiste en RPDC.
En outre, il a ajouté six noms d’autres personnes profondément impliquées dans le mouvement, Yang Hyong Man, Kim Hui Chol, Ri Yong Nam, Hwang Kyong Ae, Kim Su Gyong, et a évoqué ses souvenirs concernant les premières affiches qu’il avait pu lire au sein de l’université, vantant les mérites de la langue universelle.
En tant que linguiste il trouvait que la structure même de présentation du dictionnaire Espéranto-coréen n’était pas dénuée d’intérêt.
Par ailleurs, les participants ont été très heureux de constater l’ouverture d’esprit affichée par leurs interlocuteurs lors de leurs diverses rencontres, avec des représentants des départements des sciences sociales de trois grandes universités (Université Kim il Sung, Université des langues étrangères de Pyongyang et Pyongyang University of Science and Technology, PUST). Un autre professeur a confirmé que l’Espéranto était une langue connue chez les Nord-Coréens. Redynamiser cette langue est donc un objectif qui a semblé séduire au vu de l’accueil très chaleureux et privilégié reçu par les membres de la délégation de l’AAFC.
Par-contre, ceux-ci n’ont pu visiter (à cause du match de foot auquel ils ont assisté mais qui a désorganisé le programme) qu’à la fin seulement de leur séjour les studios de cinéma de Pyongyang, alors que cette visite était prévue à l’origine au début du séjour, et le mystère du nom de l’association des cinéastes et autres artistes coréens « korea artista proleta federacio » n’est ainsi toujours pas levé à ce jour.
Ils ont pu revoir en revanche une seconde fois le linguiste qui était en possession du dictionnaire d’Espéranto, toujours accompagné du nouveau directeur des sciences sociales d’une des universités,(docteur Pang Jong Ho) preuve de la volonté de tenter de renouer avec cette langue. Ils ont alors longuement discuté du rôle de l’association universelle d’Espéranto dont le fonctionnement a intéressé les Nord-Coréens, puis des documents remis lors de leur première entrevue (le « fundamento » : livre écrit par le fondateur de la langue (Zamenhof), avec les règles qu’il a lui-même édictées sur l’Espéranto). Entretemps le linguiste Jong Sung Gi a pu effectuer quelques recherches en bibliothèque et leur a confié avoir retrouvé un exemplaire du « fundamento » dans une bibliothèque de Pyongyang. Il était intrigué par l’aspect deux fois plus volumineux de l’exemplaire que les membres de la délégation venaient de lui offrir. En effet ce dernier a été augmenté par cinq traductions en différentes langues, tout simplement. De manière logique, c’est le dictionnaire de référence qui fut sollicité par les linguistes et nous avons regretté de ne pas avoir emmené de PIV, le grand dictionnaire unilingue de l’Espéranto.
En conclusion, les participants remercient leur guide féminine, jeune et l’esprit vif, qui a réussi à absorber en huit jours les règles essentielles de l’Espéranto, et le second guide, moins motivé en début de séjour par la langue universelle mais qui était conquis à leur départ, très motivé pour apprendre la langue en comprenant ses enjeux (langue propédeutique, facile à assimiler, aux réseaux déjà creusés dans le monde entier.) Les participants sont donc très confiants pour la dynamique de création peut-être extrêmement rapide d’un nouveau club d’Espéranto en RPDC.
Enfin, des professeurs de toutes origines sont sollicités, pour lesquels seul le billet d’avion devrait être la plus grosse dépense car les professeurs qui seraient volontaires pour donner des cours dans les universités pourraient bénéficier des mêmes avantages que les Coréens. (logement, nourriture, énergie et transports quasi gratuits…).
Les participants espèrent que les tensions politiques n’entravent pas des relations si bien amorcées pour l’avenir de l’Espéranto en RPDC.
commenter cet article …