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16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 23:00

A l'occasion de la visite de l'envoyé spécial américain Stephen Bosworth à Pyongyang, les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) ont convenu du principe d'une reprise des pourparlers entre les deux Corée, les Etats-Unis et la Chine visant à remplacer par un véritable traité de paix l’accord d'armistice de 1953. De telles négociations, suspendues depuis 1999, seraient dans l'intérêt de toutes les parties à commencer par la RPDC et les Etats-Unis.

 

Le remplacement du cessez-le-feu de 1953 par un traité de paix est une question en suspens depuis la fin de la Guerre de Corée. 

 

Des pourparlers à quatre pays (Corée du Nord, Corée du Sud, Etats-Unis et Chine) visant à remplacer l'accord d'armistice du 27 juillet 1953 débutèrent en 1997 mais furent interrompus deux ans plus tard, faute de consensus quant à la participation de la Corée du Sud qui n'est pas partie à l'accord de 1953, lequel fut seulement signé par le général Nam Il, au nom de la RPDC et de la République populaire de Chine, et par le lieutenant-général Harrison, au nom des Etats-Unis et des forces engagées sous le drapeau des Nations-Unies.

 

JoMyongrok-Clinton_11102000.jpgMalgré l'interruption des pourparlers à quatre, le président américain Bill Clinton reçut en octobre 2000 à la Maison Blanche le vice-maréchal Cho Myong-rok, premier vice-président de la Commission de la Défense nationale de la RPDC. Quelques jours plus tard, la secrétaire d'Etat Madeleine Albright rencontrait le dirigeant Kim Jong-il à Pyongyang. Dans le sillage du rapprochement inter-coréen marqué par l'historique sommet Nord-Sud de juin 2000, la signature d'un traité de paix entre les Etats-Unis et la RPDC paraissait alors à portée de main. Un déplacement du président Clinton en RPDC avait même été envisagé avant d'être annulé compte tenu de la proximité des élections présidentielles américaines. Puis arriva l'administration Bush qui classa la Corée du Nord dans l' « axe du mal » et attaqua l'Irak, un événement qui incita un peu plus la RPDC à se doter d'une force de dissuasion nucléaire.

 

Au cours de sa visite à Pyongyang du 8 au 10 décembre 2009, l’envoyé spécial américain Stephen Bosworth et ses interlocuteurs nord-coréens auraient convenu de discuter d'un traité de paix en Corée, dans le cadre d’un dialogue réunissant la Corée du Nord, la Corée du Sud, les Etats-Unis et la Chine.

 

Les Etats-Unis et la RPDC « ont convenu de reprendre les pourparlers à quatre pour aboutir à un régime de paix permanent une fois que les pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne seront relancés », a reconnu un fonctionnaire du ministère sud-coréen des Affaires étrangères auquel Stephen Bosworth a rendu compte de ses entretiens. « C'est la Corée du Nord qui a demandé en premier que la question soit examinée dans le cadre des négociations à quatre », a ajouté ce responsable.
 

Les États-Unis ont réaffirmé qu'ils ne participeraient pas à des négociations de paix sans la présence de la Corée du Sud, répondant ainsi aux inquiétudes exprimées par le ministre sud-coréen des Affaires étrangères Yu Myung-hwan juste avant la visite de Bosworth en RPDC.

 

Le 2 décembre, au cours d'un forum organisé à Séoul sur l'avenir du Nord-Est asiatique, Yu a déclaré que la question d'un traité de paix pour la péninsule coréenne, régulièrement soulevée par la RPDC, était seulement destinée à détourner l'attention du monde de la question du nucléaire en gagnant un temps utile au développement d'un arsenal nucléaire. En conséquence, un traité de paix ne devrait être adopté qu'après une dénucléarisation « complète, irréversible et vérifiable » de la RPDC. En outre, toujours selon le chef de la diplomatie sud-coréenne, la RPDC pourrait s'appuyer sur un éventuel traité de paix pour demander le retrait des troupes américaines de la péninsule coréenne.

 

Cette réaction du gouvernement sud-coréen intervenait après un nouvel appel de la RPDC à « l'établissement d'un mécanisme de maintien de la paix » dans la péninsule coréenne, lancé dans le Rodong Sinmun, organe du Parti du travail de Corée.

 

Le 23 novembre, on pouvait ainsi lire dans le Rodong Sinmun :

 

« La question de la suppression de tout danger de guerre dans la péninsule coréenne et de la prévention d'un conflit armé entre le nord et le sud ne pourra être fondamentalement résolue que lorsque les Etats-Unis abandonneront leur politique hostile à l'égard de la RPDC et remplaceront l'accord d'armistice par un accord de paix. Seul l'établissement d'un mécanisme de maintien de la paix pourra transformer la relation entre la RPDC et les Etats-Unis, lesquels restent techniquement en état de guerre, en une relation pacifique. »

 

ManifSeoul 15122009La signature d'un traité de paix avec les Etats-Unis est une demande récurrente de la RPDC. Les Etats-Unis refusent toujours la conclusion d'un tel traité, prétextant l'existence du programme nucléaire militaire nord-coréen. Cette analyse ne fait pas l'unanimité en Corée du Sud (ici un manifestant à Séoul le 15 décembre 2009, photo : Reuters) et aux Etats-Unis où plusieurs organisations réunies au sein de la Campagne nationale pour mettre fin à la Guerre de Corée (National Campaign to End the Korean War) avancent au moins dix raisons pour transformer au plus vite l'accord d'armistice de 1953 en un véritable traité de paix :

 

1- Les Etats-Unis et la RPDC restent techniquement et légalement en guerre. L'accord d'armistice de 1953 n'a fait que mettre fin aux combats de la Guerre de Corée. Après plus d'un demi-siècle, aucun traité de paix n'est venu remplacer cet accord.

 

2- La persistance du conflit est coûteuse pour les Etats-Unis. La signature d'un traité de paix épargnerait aux Etats-Unis les milliards de dollars dépensés chaque année pour maintenir 28 500 soldats dans une centaine de bases en Corée du Sud.

 

3- L'état de guerre gaspille des ressources. Actuellement, la Corée du Nord et la Corée du Sud consacrent respectivement 3 milliards et 26 milliards de dollars au budget de leurs armées. Ces dépenses militaires déraisonnables détournent des ressources critiques et en diminution, pourtant nécessaires à la satisfaction de besoins humains.

 

4- L'état de guerre mène à la militarisation. L'état de guerre est la principale source de tension en Corée. Cela sert d'excuse aux efforts militaires massifs de la Corée du Nord et de la Corée du Sud, mais aussi du Japon et de la Chine. La menace d'une guerre justifie en Corée du Nord la priorité donnée à l'armée, le développerment de l'arme nucléaire et l'empêchement de toute contestation. La Corée du Sud utilise aussi la menace d'une guerre pour justifier la Loi de sécurité nationale qui réduit au silence des opposants politiques. Cette menace permet également aux Etats-Unis et à la Corée du Sud d'un côté, à la Corée du Nord de l'autre, de se livrer à de terrifiants exercices militaires.

 

5- L'état de guerre aboutit à une diplomatie inefficace. Sans relations diplomatiques, sans la désignation d'un ambassadeur et l'installation d'une ambassade en Corée du Nord, il n'y a aucun moyen de discuter de questions épineuses telles que la dénucléarisation, les réfugiés et les droits de l'homme.

 

6- La confrontation n'a pas fonctionné. L'administration Bush a suivi la ligne dure d'une politique de changement de régime en Corée du Nord, en incluant cette dernière dans l' « axe du mal » et en la menaçant d'une attaque nucléaire préventive conformément à la révision de la doctrine nucléaire américaine de 2002. Cette politique de confrontation a produit l'effet inverse de celui recherché puisque la Corée du Nord a développé et testé des armes nucléaires et des missiles à longue portée.

 

7- La paix mènera au désarmement. Maintenant que la Corée du Nord a été retirée de la liste des Etats soutenant le terrorisme, il temps de faire la paix. La Corée du Nord a clairement fait connaître son intention de renoncer à ses armes nucléaires en échange d'un traité de paix, d'une aide économique et de garanties de sécurité de la part des Etats-Unis.

 

8- La paix encouragera la vérité et la réconciliation. La paix offrira à tous les pays l'espace et la liberté nécessaires pour examiner les horreurs de la Guerre de Corée et tirer les leçon du passé. Elle permettra de cicatriser les vieilles blessures, alors que toutes ces souffrances persisteront en l'absence de paix.

 

9- La paix favorisera une réunification pacifique. Les deux Corée ont des ministres en charge de la Réunification et des projets pour une réunification par création d'une fédération ou plus graduelle. Un traité de paix contribuera à apaiser les relations inter-coréennes et à permettre au peuple coréen de parvenir à réunifier pacifiquement son pays divisé.

 

10 – La paix bâtira la confiance et des relations amicales. La paix conduira à une normalisation des relations entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. Et des relations normalisées sont essentielles pour bâtir la paix, l'amitié et la coopération dans la péninsule coréenne et en Asie du Nord-Est. Plus de 155 pays ont des relations normalisées et pacifiques avec la Corée du Nord, y compris presque tous les pays qui ont participé à la Guerre de Corée. Une fois les relations normalisées, il sera possible pour les familles coréennes séparées résidant aux Etats-Unis de se réunir avec leurs proches de Corée du Nord.

 

Même d'un point de vue américain, la conclusion d'un véritable traité de paix en Corée serait donc une bonne chose. Pour ceux qui admettent que le programme nucléaire nord-coréen est le résultat des tensions qui prévalent dans la péninsule coréenne depuis 1953, vouloir que la RPDC renonce à sa force de dissuasion nucléaire avant toute discussion sérieuse sur l'instauration d'un système de sécurité collective et de prévention des conflits en Corée, revient à tenter de convaincre un mouton que le loup pourrait devenir végétarien.

 

Sources :

Campagne nationale pour mettre fin à la Guerre de Corée

KCNA

Xinhua

Yonhap


 

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