Le 16 août 2011, les Etats-Unis et la Corée du Sud ont entamé leur manœuvres militaires conjointes Ulji Freedom Guardian, prévues pour durer dix jours et mobilisant pas moins de 530.000 civils et militaires. Le Commandement des forces combinées américano-sud-coréennes a beau présenter ces manœuvres comme « de routine » et « défensives », elles alimentent à nouveau la tension dans la péninsule coréenne alors que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) avait renoué le dialogue avec les Etats-Unis et la Corée du Sud. Le ministère nord-coréen des Affaires étrangère a dénoncé les manœuvres américano-sud-coréennes, avertissant que, face aux menaces, la RPDC n'aura pas d'autre choix que de développer sa propre force de dissuasion.
Le 7 août 2011, l'Armée populaire de Corée (du Nord) a adressé une lettre ouverte aux autorités américaines et sud-coréennes, les exhortant à annuler leurs manœuvres Ulji Freedom Guardian s'ils souhaitent une amélioration de leurs relations avec la RPDC et des progrès dans la dénucléarisation de la péninsule coréenne.
Les Etats-Unis et la Corée du Sud ont ignoré cet appel et lancé le 16 août les manœuvres Ulji Freedom Guardian. A l'instar des manœuvres Key Resolve/Foal Eagle organisées au mois de mars, les manœuvres Ulji Freedom Guardian du mois d'août ont lieu chaque année sur tout le territoire sud-coréen et sont présentées par le Commandement des forces combinées américano-sud-coréennes comme un exercice militaire « de routine », « défensif » et « destiné à améliorer la capacité de l'alliance [Etats-Unis-Corée du Sud] à défendre la République de Corée [du Sud] ». Cette année, Ulji Freedom Guardian s'étale du 16 au 26 août, mobilisant 530.000 personnes, civils et militaires, dont 56.000 soldats sud-coréens et 30.000 soldats américains. Sept pays membres du Commandement des Nations Unies en Corée – dirigé par les Etats-Unis - participent à ces manœuvres en tant qu'observateurs : l'Australie, le Canada, le Danemark, la France, la Grande-Bretagne, la Norvège et la Thailande. La France et l'Australie avaient déjà envoyé des observateurs lors des manœuvres des marines américaine et sud-coréenne du 28 novembre au 1er décembre 2010. Interrogé à l'Assemblée nationale sur la mission précise de ces observateurs, le gouvernement français avait paru gêné, faisant une réponse très générale – et tardive - qui reprenait, sans toutefois le citer, un communiqué de l'armée américaine...
Suite au lancement de l'édition 2011 des manœuvres Ulji Freedom Guardian, le porte-parole du ministère nord-coréen des Affaires étrangères a fait la déclaration suivante :
« Les autorités américaines et sud-coréenne ont donné le coup d'envoi des exercices militaires conjoints Ulji Freedom Guardian extrêmement provocants et agressifs dirigés contre la République populaire démocratique de Corée, malgré les mises en garde répétées de la RPDC.
Cette démonstration de force des Etats-Unis en collusion avec les autorités sud-coréennes consiste en des manœuvres en vue d'une guerre nucléaire contre la RPDC, lesquelles mettent en évidence leur objectif hostile inchangé de l'étouffer par la force des armes.
Cela entraîne des conséquences néfastes telles que gâcher l'atmosphère de dialogue créée suite à tant d'efforts reflétant le désir et les vœux unanimes des gens dans le pays et à l'étranger pour la paix et la stabilité de la péninsule coréenne et tend la situation.
Les Etats-Unis organisent des exercices en vue d'une guerre d'agression contre leur partenaire de négociation tout en affichant leur volonté de dialogue. Ce comportement incohérent de la part des Etats-Unis ne fait qu'ajouter au scepticisme quant à savoir s'ils sont sincères pour un dialogue ou non.
Il est absurde que les Etats-Unis exhortent la République populaire démocratique de Corée à s'abstenir de renforcer sa dissuasion nucléaire, tout en aiguisant en coulisses leurs épées pour une guerre d'agression.
Il est de très mauvais augure que les Etats-Unis laissent une 'unité d'action spéciale' participer aux exercices militaires conjoints en cours, celle-ci étant chargée de détecter et de détruire les armes nucléaires de la RPDC.
La situation qui prévaut actuellement tend à prouver que les Etats-Unis ne sont pas prêts à réaliser la dénucléarisation de la péninsule coréenne par la voie du dialogue et des négociations, mais cherchent à saisir l'opportunité de lui ôter sa force de dissuasion nucléaire par une méthode de brigand.
Il est évident que la République populaire démocratique de Corée doit encore renforcer sa dissuasion nucléaire pour sa propre défense, à la fois en qualité et en quantité, afin de faire face à cette situation.
Invariable est la position de la RPDC d'assurer la paix et la dénucléarisation de la péninsule au moyen du dialogue et des négociations.
Aucune tentative des Etats-Unis visant à faire du mal à la République populaire démocratique de Corée par la force des armes n'est compatible avec le dialogue. Cela ne fera que se heurter au mode de neutralisation sans pitié dont les Coréens sont capables. »
Pour sa part, l'Association d'amitié franco-coréenne déplore l'organisation des manœuvres militaires Ulji Freedom Guardian, auxquelles, malheureusement, la France apporte sa contribution. Pour l'AAFC, ces manœuvres portent un grave coup à la détente amorcée en juillet 2011 entre les deux Corée et entre la RPDC et les Etats-Unis, suite à la rencontre à Bali, lors du Forum régional de l'ASEAN, des négociateurs du Nord et du Sud aux pourparlers à six pays sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, et après la visite à New York du vice-ministre des Affaire étrangères de RPDC Kim Kye-gwan pour des discussions qualifiées de « constructives » avec Stephen Bosworth, négociateur américain aux pourparlers à six.
La RPDC s'est déclarée prête à reprendre le dialogue multilatéral, sans conditions préalables, et à mettre en œuvre la déclaration du 19 septembre 2005 en vue de la dénucléarisation de la péninsule coréenne. La proposition nord-coréenne a notamment reçu le soutien de la République populaire de Chine. Les Etats-Unis et la Corée du Sud ont, eux, préféré se lancer dans une nouvelle série de manœuvres militaires qui ne contribuent ni à instaurer la confiance et la paix en Asie du Nord-Est, ni à faire avancer la dénucléarisation de la Corée, laquelle concerne le monde entier.
Enfin, le risque d'un incident, d'une provocation, ou même d'un simple malentendu aux conséquences incalculables reste élevé quand se répètent des manœuvres militaires d'une telle ampleur dans la péninsule coréenne, laquelle reste « techniquement » en état de guerre depuis 1953 faute de traité de paix. Ainsi, le 11 août 2011, dans la zone contestée de la mer de l'Ouest (mer Jaune), la Corée du Sud a ouvert le feu en direction du Nord après avoir entendu des bruits de détonations provenant d'un chantier de construction. Le 26 mars 2010, toujours en mer de l'Ouest, la corvette sud-coréenne Cheonan avait coulé dans des circonstances encore mystérieuses au cours des manœuvres américano-sud-coréennes Key Resolve/Foal Eagle. L'enquête conduite par les Etats-Unis et la Corée du Sud a imputé ce naufrage à une torpille nord-coréenne. Ces allégations ont été rejetées par la RPDC et par des spécialistes du monde entier, mais ont servi de prétexte à une multiplication de démonstrations de force par les Etats-Unis et leurs alliés sud-coréens tout au long de l'année 2010.
"Spokesman for DPRK Foreign Ministry Slams Ulji Freedom Guardian", KCNA, 17 août 2011
« La RPDC condamne les exercices militaires Washington-Séoul », Xinhua, 17 août 2011 (photos)
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