Le dramatique naufrage du Cheonan, qui a causé la mort de 46 marins sud-coréens en mars 2010, avait été attribué à une torpille nord-coréenne par l'équipe d'enquête officielle composée d'Américains, de Sud-Coréens et d'autres représentants des pays occidentaux. Si les lacunes de l'enquête officielle avaient été aussitôt dénoncées par la presse sud-coréenne indépendante, montrant l'inconsistance de la thèse de la torpille nord-coréenne, les vraies causes du naufrage ont donné lieu à diverses interprétations. Une étude scientifique internationale, publiée par deux experts de sismologie, le Sud-Coréen Kim So-gu et l'Israélien Yefim Gitterman, a levé un coin du voile en montrant que les données de l'explosion étaient conformes à l'hypothèse que la naufrage du Cheonan est dû à une mine abandonnée par la marine sud-coréenne, comme l'avaient déjà conclu les experts de la Marine russe ayant examiné les causes de l'accident. En d'autres termes, l'armée sud-coréenne serait elle-même responsable de la catastrophe du Cheonan : alors que les mines sud-coréennes devaient torpiller des navires nord-coréens qui se seraient aventurés dans les eaux contestées de l'Ouest de la Corée, l'armée sud-coréenne aurait ainsi été prise à son propre piège. Kim So-gu et Yefim Gitterman infirment également les résultats d'une autre étude scientifique qui avait cherché à valider l'hypothèse officielle de la torpille nord-coréenne : quels que soient les scénarios retenus, les données scientifiques disponibles rendent impossible d'attribuer le naufrage à une torpille nord-coréenne. Enfin, l'équipe officielle d'experts du gouvernement sud-coréen a écarté de manière arbitraire l'hypothèse de la mine sud-coréenne. Nous publions ci-après une traduction de l'anglais d'un article d'Oh Cheol-woo, publié dans le quotidien sud-coréen Hankyoreh le 27 août 2012 sous le titre "Selon une nouvelle étude, le Cheonan a été coulé par une mine, pas par une torpille nord-coréenne" - et faisant le compte rendu de l'étude de Kim So-gu et Yefim Gitterman, publiée dans la revue internationale Pure and Applied Geophysics.
Un article publié dans une revue académique internationale explique que l'explosion qui a coulé le navire de guerre sud-coréen Cheonan en mars 2010 aurait été causée non par une torpille nord-coréenne, mais par une mine abandonnée par la marine sud-coréenne.
C'est la seconde étude scientifique sur le naufrage du Cheonan publiée dans une revue académique, la première étant une analyse sismique publiée l'an dernier par le professeur Hong Tae-kyung du département des sciences de la Terre. Cette étude soutenait les conclusions de l'équipe d'enquête conjointe du gouvernement.
Dans l'étude publiée par la revue académique internationale Géophysique pure et appliquée (Pure and Applied Geophysics), Kim So-gu, directeur de l'Institut coréen de sismologie, et Yefim Gitterman, de l'Institut de géophysique d'Israël, écrivent que l'analyse des vagues sismiques, des vagues acoustiques et de la fréquence de la formation des bulles montrent clairement qu'une explosition sous-marine s'est produite.
Ils disent que la magnitude sismique de l'explosion est de 2,04, soit 136 kg de TNT et l'équivalent de la charge individuelle d'un grand nombre des mines terrestres abandonnées par la marine [sud-]coréenne après leur installation dans les années 1970.
Les conclusions sont remarquables en ce qu'elles diffèrent grandement de celles du groupe conjoint d'enquête civilo-militaire (GCECM, note du traducteur : l'équipe officielle mandatée par le gouvernement sud-coréenne), qui a donné comme cause du naufrage une torpille nord-coréenne CHT-02D avec une charge de 250 kg de TNT, qui a explosé à une profondeur de six à neuf mètres, et ayant produit un séisme de magnitude 1,5.
A l'appui de sa thèse, l'équipe de recherche a analysé les causes de l'explosion sous-marine par des équations, des modèles et des simulations examinant la fréquence des bulles de gaz qui se forment rapidement après une explosion, et la quantité de charge explosive nécessaire pour les produire.
La dilatation et la contraction répétées des bulles, qui se développent rapidement avec l'explosion puis diminuent en raison de la pression de l'eau, endommagent les navires.
Le délai nécessaire à la dilatation et à la contraction est appelé rythme des bulles. D'après les données observées, Kim et Gitterman ont calculé que le rythme des bulles - une valeur nécessaire pour déterminer la charge explosive et la profondeur de l'explosion - était de 0.990 seconde.
Kim et Gitterman ont alors fait des calculs selon diverses hypothèses de charges explosives et de profondeur et déterminé qu'une explosion de 136 kg de TNT à une profondeur de 8 m avait produit le rythme de bulles selon les données observées.
Kim et Gitterman ont déclaré que des tentatives de confirmation, suivant plusieurs méthodes, de l'hypothèse d'une explosion de 250 kg de TNT avait produit des résultats trop discordants avec le rythme de bulles observé.
Le groupe conjoint d'enquête civilo-militaire (GCECM) avait aussi examiné l'hypothèse d'une explosion par une mine terrestre.
D'après le rapport de conclusions du GCECM publié en 2010, la marine [sud-]coréenne, suivant une décision de 1985, avait abandonné sur le plancher océanique ses mines terrestres, considérées comme n'étant plus nécessaires, après un processus de désactivation impliquant de les désamorcer. Les mines avaient été placées autour des îles de la mer de Corée occidentale, le long de la Ligne de limite nord (Northern Limit Line), en 1977.
Le GCECM a exclu les mines comme une cause possible de l'explosion, en affirmant qu'une mine terrestre avec une charge de 136 kg de TNT aurait été incapable de couper en deux la coque d'un navire de 47 mètres, compte tenu de la profondeur des eaux à l'endroit où l'incident a eu lieu.
Kim a déclaré : "Les résultats de l'enquête du GCECM ne respectent pas suffisamment les données de base des explosions sous-marines et de la dynamique des bulles. D'autres hypothèses pouvant être soulevées, une nouvelle enquête devrait être menée pour étudier scientifiquement les causes de l'explosion".
L'étude en anglais Underwater Explosion (UWE) Analysis of the ROKS Cheonan Incident (So Gu Kim and Yefim Gitterman) est disponible à l'adresse suivante :
http://www.springerlink.com/content/c861379488372070/
Pure and Applied Geophysics
2012, DOI: 10.1007/s00024-012-0554-9
Source : Hankyoreh, traduit de l'anglais par l'AAFC (dont photo).
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