"Les jeux de guerre déclenchent une tension nucléaire" ("War games trigger nuclear tension") : c'est sous ce titre que le Belfast Telegraph, dans son édition du 11 mars 2013, rend compte du lancement des exercices militaires conjoints américano-sud-coréens Key Resolve et Foal Eagle, après un regroupement des forces militaires participant à ces opérations dans les jours et les semaines qui ont précédé leur déclenchement. Ceux-ci interviennent dans un contexte particulièrement tendu qui fait craindre un risque de guerre entre deux puissances nucléaires : les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). La RPD de Corée a suspendu le "téléphone rouge" avec la Corée du Sud, mis en place en 1971 comme ligne de communication d'urgence pour éviter, notamment, qu'un incident ne dégénère en conflit armé.
Autour de la péninsule coréenne, aucune des parties n'entend céder de terrain dans l'escalade actuelle des tensions. Malgré les manifestations pacifistes en Corée du Sud, notamment devant l'ambassade américaine, les exercices militaires conjoints américano-sud-coréens Key Resolve ont démarré le 11 mars 2013, prévus pour durer jusqu'au 21 mars. Présentés par Washington et Séoul comme purement défensifs, ces jeux de guerre - en grande partie simulés sur ordinateur - utilisent des moyens ultra-modernes et engagent d'importants effectifs : 10.000 soldats sud-coréens et 3.500 soldats américains y participent. Ils viennent s'ajouter aux exercices Foal Eagle lancés le 1er mars 2013 et mobilisant 200.000 soldats sud-coréens et 10.000 soldats américains jusqu'au 30 avril. Outre ces troupes, les exercices Foal Eagle engagent, côté américain, le porte-avions à propulsion nucléaire américain USS George Washington (97.000 tonnes) et 18 autres bâtiments de guerre, des bombardiers stratégiques B-52 et des avions de chasse furtifs F-22 Raptor.
Du propre aveu des autorités militaires sud-coréennes, le déploiement des bombardiers américains B-52, venus de l'île de Guam, est inhabituel. Développé dans les années 1950, le B-52 a un rayon d’action de 16.000 kilomètres et peut emporter quatre bombes thermonucléaires.
Troupes sud-coréennes en manoeuvre (photo : AP/Le Monde)
Ayant vigoureusement protesté contre ces exercices qu'elle a dénoncés comme les préparatifs d'une guerre d'invasion, la RPD de Corée avait annoncé suspendre le "téléphone rouge" qui relie Pyongyang et Séoul depuis 1971. De fait, les deux appels des Sud-Coréens sur cette ligne après le début des exercices n'ont reçu aucune réponse. Cette ligne est habituellement utilisée deux fois par jour. Elle a été suspendue à cinq reprises - la dernière fois en mai 2010.
Manifestation le 7 mars 2013 sur place Kim Il-sung de Pyongyang.
La pancarte indique : "si vous osez nous envahir, seule la mort vous attend !" (Photo : AP/Hankyoreh)
La Corée du Nord a également considérés comme nuls et non avenus l'ensemble des accords de non-agression intercoréens. Après une visite de Kim Jong-un, Premier secrétaire du Parti du travail de Corée, sur la ligne de front près de la frontière maritime contestée par Pyongyang, les casernes situées dans cette partie de la péninsule ont été placées en état d'alerte par la Corée du Nord, qui a annoncé qu'elle réagirait fermement à toute violation de son territoire.
Le cycle actuel de tensions est alimenté par les sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies, après l'essai nucléaire nord-coréen du 12 février 2013, lui-même effectué en réaction à de précédentes sanctions onusiennes suite au lancement d'un satellite artificiel par la Corée du Nord le 12 décembre 2012.
Le ministre sud-coréen de la Défense choisi par la nouvelle présidente Mme Park Geun-hye a jeté de l'huile sur le feu en déclarant, vendredi 8 mars, que la RPD de Corée "disparaîtrait de la surface de la terre", en cas de frappe nucléaire "préventive" que la Corée du Nord lancerait contre tout risque de "guerre atomique" que déclencheraient les Etats-Unis. Auparavant, la Corée du Sud avait elle-même évoqué la possibilité qu'elle procède à une frappe préventive contre la Corée du Nord.
Les démonstrations de force sont habituelles autour de la péninsule coréenne, des exercices militaires nord-coréens de grande ampleur étant à présent attendus par la plupart des observateurs. Il existe cependant aujourd'hui des risques d'escalade qui conduiraient à des affrontements armés. Pour les prévenir, l'Association d'amitié franco-coréenne plaide pour le dialogue entre toutes les parties et pour qu'un véritable traité de paix, en lieu et place de l'accord d'armistice de 1953 ayant mis fin aux combats de la guerre de Corée, prévienne tout nouveau conflit meurtrier pour les Coréens. Il y a soixante ans, la guerre de Corée avait causé des millions de morts, et les Coréens avaient payé le plus lourd tribut à cet affrontement indirect entre les grandes puissances de la Guerre froide.
Sources : AAFC, Belfast Telegraph, Le Monde, Yonhap
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