Alors que les discussions entre Washington et Pyongyang doivent reprendre dans quelques jours, comme à chaque phase d'amélioration des relations bilatérales les médias néo-conservateurs lancent une campagne pour bloquer tout dialogue avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Le dernier argument en date consiste à minimiser, voire à nier, le défi alimentaire auquel sont confrontées les populations coréennes de RPDC. Cette position, indécente, est non seulement incohérente avec les conséquences d'un hiver exceptionnellement rigoureux et d'inondations catastrophiques ayant touché toute la Corée, mais elle est aussi contredite par le consensus des experts ayant visité le pays. Parmi eux, Valerie Amos, chef des opérations humanitaires des Nations Unies, souligne les responsabilités des pays occidentaux n'honorant pas leurs engagements à verser l'aide alimentaire promise.
Même avec les "meilleures conditions climatiques", la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) ne peut pas atteindre l'autosuffisance alimentaire. Tel est le constat dressé à Pékin, le 21 octobre 2011, par Valerie Amos, chef des opérations humanitaires de l'ONU, au retour d'une mission de quatre jours en RPD de Corée.
Valerie Amos lance ce cri d'alarme : "Il y a là-bas des besoins très réels, vous ne pouvez pas laisser la population souffrir". Soulignant les responsabilités des pays riches dont certains - mais pas la France - continuent de conditionner l'aide d'urgence à des critères politiques, elle observe que seulement 34 % de l'aide demandée au mois d'avril dernier a été versée, sur un montant attendu de 73 millions de dollars.
La chef des opérations humanitaires des Nations Unies observe que les enfants sont les premières victimes de l'indifférence des pays occidentaux : "De plus en plus d'enfants se rendent à l'hôpital avec des maladies de la peau ou souffrent de malnutrition, et alors que l'hiver approche, les maladies respiratoires vont devenir plus fréquentes".
La vie d'un enfant nord-coréen aurait-elle moins de valeur, pour les gouvernements occidentaux, que celle d'un enfant haïtien, éthiopien ou bangladais ?
Les critiques sur le prétendu détournement de l'aide alimentaire sont sans fondement : les organisations internationales reconnaissent avoir accès à la quasi-totalité des districts du pays (hors zones militaires), ce qui n'est pas le cas d'autres Etats, comme la Birmanie, pour lesquels cette objection n'est pas soulevée. Par ailleurs, si les militaires nord-coréens reçoivent effectivement une part de l'aide, comment pourrait-il en être autrement dans un pays où, selon les statistiques de la CIA, eux et leurs familles représenteraient un sixième de la population ? Enfin, alors que bon nombre des militaires sont des conscrits, est-il acceptable d'affirmer que ces derniers seraient les privilégiés de la RPD de Corée ? Au contraire, les témoignages montrent que la lutte pour l'autosuffisance alimentaire est conduite dans les rangs mêmes de l'Armée populaire de Corée.
L'autre objection majeure à une aide aux populations coréennes tient au rôle supposé du gouvernement de la RPD de Corée. Cet argument doit aussi se lire comme un prétexte, faisant fi non seulement des principes élémentaires du devoir d'aide humanitaire, mais aussi des données de base de l'agriculture en RPDC : les cinq sixièmes du territoire ne sont pas cultivables et les inondations depuis les années 1990 ont raviné les sols, réduisant d'autant la surface agricole utile. Loin de se désintéresser de la question alimentaire, les autorités nord-coréennes ont au contraire fait de l'autosuffisance alimentaire une des priorités de leur action, multipliant les expériences novatrices dans le domaine de l'agriculture et de la pisciculture.
Enfin, si le gouvernement nord-coréen cherchait, comme certains le prétendent, à constituer des réserves en vue de la célébration en avril 2012 du centième anniversaire de son fondateur, le Président Kim Il-sung, pourquoi achèterait-il aujourd'hui aux prix les plus élevés les rares céréales restant disponibles sur le marché ? Pour le moins, il procèderait à des achats différés sur les marchés à terme, pour économiser ses devises. L'accusation d'une exagération de la pénurie alimentaire pour constituer des réserves est, là encore, un mensonge utilisé pour justifier l'inaction dans l'aide aux populations de la RPD de Corée.
Face à l'urgence alimentaire en RPD de Corée, aggravée cet été par des inondations dévastatrices (photo ci-dessus KCNA) dont les médias ont aussi montré les ravages au Sud, pourtant mieux protégé des caprices de la nature, l'Association d'amitié franco-coréenne appelle :
- les gouvernements occidentaux, à honorer leurs obligations vis-à-vis du Programme alimentaire mondial et des organisations internationales intervenant en RPD de Corée auprès des populations les plus fragiles ;
- le gouvernement français, à être exemplaire dans le respect de ses propres engagements, suite à l'ouverture récente d'un bureau de coopération à Pyongyang ;
- toutes et tous, à verser à l'AAFC des dons permettant de venir au secours des populations coréennes, dans la continuité de l'action déjà engagée ce printemps, les 3.250 euros alors recueillis et remis à la fondation Eugene Bell ayant permis l'achat, le transport et la distribution, en octobre, de 9 tonnes de céréales.
Plus que jamais, soyons solidaires du peuple coréen, en dénonçant les faux arguments qui veulent justifier une inaction coupable.
Sources : AAFC, Le Figaro.